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Rapport définitif - Rapport No. 320, Mars 2000

Cas no 2025 (Canada) - Date de la plainte: 14-MAI -99 - Clos

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  1. 374. Dans une communication datée du 14 mai 1999, l'Internationale de l'éducation, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCEE), la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'Ontario et l'Association des enseignantes et des enseignants catholiques anglo-ontariens (OECTA) ont présenté une plainte contre le gouvernement du Canada (Ontario) pour violation de la liberté syndicale.
  2. 375. En réponse à ces allégations, le gouvernement fédéral a transmis la réponse du gouvernement de la province de l'Ontario dans une communication datée du 1er septembre 1999. Le gouvernement y joignait une copie de la loi sur le retour à l'école de 1998.
  3. 376. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 377. La plainte concerne l'adoption, en septembre 1998, de la loi sur le retour à l'école, qui mettait un terme aux grèves et lock-out dans les écoles secondaires relevant de huit conseils scolaires de l'Ontario, dont sept catholiques, subventionnés par des fonds publics. Dans leur communication du 14 mai 1999, les organisations plaignantes allèguent que la loi sur le retour à l'école de 1998 (ci-après "la loi") constitue une violation de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978; et de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981. Les organisations plaignantes font notamment valoir que cette loi a été promulguée sans justification et sans consultation préalable, qu'elle a mis un terme aux processus légaux de négociation collective volontaire engagées, et a imposé un régime de médiation-arbitrage ne satisfaisant pas aux critères d'indépendance et d'impartialité requis et restreignant indûment l'étendue des compétences de l'arbitre. Elles soulignent leur préoccupation croissante devant ce qu'elles considèrent comme des attaques contre le droit de négociation collective au Canada, notamment par le gouvernement de la province de l'Ontario. Elles déclarent que la loi sur le retour à l'école est la dernière en date d'une série de lois promulguées par le gouvernement de l'Ontario depuis son élection en 1995 qui tendent à entraver considérablement l'exercice des droits syndicaux des travailleurs de l'Ontario.
  2. 378. Les organisations plaignantes rappellent que l'OECTA a été créée en 1944 en tant qu'association provinciale chargée de représenter l'ensemble des enseignantes et des enseignants employés dans le système d'enseignement confessionnel catholique de l'Ontario. Le système d'enseignement confessionnel de l'Ontario est un système subventionné par des fonds publics dont les droits confessionnels sont garantis par la Constitution canadienne. L'OECTA compte environ 35 000 adhérents dans le système d'enseignement confessionnel et détient les droits de négociation collective pour ces enseignants.
  3. 379. Rappelant l'évolution récente des négociations collectives menées par les enseignants de l'Ontario, les organisations plaignantes précisent que, depuis 1975 et jusqu'à l'adoption de la loi de 1997 sur l'amélioration de la qualité de l'éducation (projet de loi 160) en décembre 1997, l'exercice par les enseignants de leur droit de négociation collective était régi par la loi de 1975 sur la négociation collective entre conseils scolaires et enseignants. Conformément à cette loi, toutes les questions relatives aux termes et conditions d'emploi des enseignants, y compris les effectifs des classes et les temps de préparation, devaient faire l'objet de négociations entre conseils scolaires locaux et associations d'enseignants. Les enseignants avaient également le droit de faire grève sous deux réserves: 1) les directeurs et directeurs adjoints étaient tenus de rester en fonction pendant les grèves et les lock-out; 2) l'organe chargé de l'application de la législation, la Commission des relations du travail dans l'éducation, avait compétence pour conseiller le gouvernement lorsque, à son avis, la poursuite d'une grève ou d'un lock-out pouvait compromettre la scolarité des étudiants concernés. En vertu de la législation de 1975, une telle constatation n'était jamais faite avant qu'au moins 27 jours de classe n'aient été perdus en raison d'une grève ou d'un lock-out. En vertu du projet de loi 160, les enseignants sont assujettis aux dispositions de la législation générale sur le travail, sauf lorsqu'elle est modifiée par ledit projet de loi, et les directeurs et directeurs adjoints ne sont plus membres des mêmes unités de négociation que les enseignants et ne sont plus couverts par la législation générale du travail. Bien que le projet de loi 160 assure encore aux enseignantes et enseignants un droit de grève, une constatation selon laquelle la scolarité des élèves risque d'être compromise peut être faite par une personne ou entité, non précisée, nommée, d'après les organisations plaignantes, par le gouvernement, à titre ponctuel.
  4. 380. Les organisations plaignantes expliquent que les enseignants des niveaux élémentaires et secondaires du système scolaire de l'Ontario sont en règle générale regroupés dans des unités de négociation distinctes et couverts par des conventions collectives distinctes. Les conventions collectives négociées par l'OECTA pour les enseignants du secondaire en vertu de la législation de 1975 contenaient ordinairement des dispositions sur les effectifs des classes, le nombre de professeurs et les temps de préparation. La plupart des conventions collectives en vigueur avant l'adoption du projet de loi 160 prévoyaient que les enseignants étaient tenus d'assurer six des huit périodes de classe que compte une journée scolaire, et le temps de préparation moyen prévu était de l'ordre de 40 minutes par journée de classe. Toutefois, dans le cadre du projet de loi 160, le gouvernement de la province se voit conférer un pouvoir de décision sur un certain nombre de questions fondamentales qui, auparavant, étaient soumises à la libre négociation collective, les questions essentielles étant la taille des classes et le temps de préparation, ce dernier étant réduit d'environ 25 pour cent par rapport au temps généralement prévu dans les conventions collectives des écoles secondaires.
  5. 381. De l'avis des organisations plaignantes, le projet de loi 160 confère par ailleurs au gouvernement de la province de nouveaux pouvoirs sans précédent en matière de financement et de gestion du système éducatif de l'Ontario. Elles font valoir qu'avant l'adoption du projet de loi 160 le contrôle du financement des écoles relevait entièrement des conseils scolaires locaux. Ils avaient le pouvoir de prendre des décisions en matière de budget et de dépenses, et pouvaient également fixer les taux de prélèvement des impôts locaux destinés au financement de l'enseignement. Le projet de loi confère en dernier ressort le contrôle du financement de l'enseignement au gouvernement de la province, privant ainsi les conseils scolaires de la possibilité de déterminer et de prélever les impôts locaux et donnant au gouvernement de la province des pouvoirs très étendus pour décider du budget alloué au financement du système d'enseignement et de l'affectation des fonds.
  6. 382. Les changements proposés dans le projet de loi 160, et finalement adoptés, ont soulevé de très vives controverses parmi les enseignants et ont incité les enseignants de l'Ontario à revendiquer pendant deux semaines contre ce projet lorsqu'il a été soumis à l'approbation des Chambres. Les enseignants avaient la ferme conviction que toutes les modifications proposées auraient des conséquences préjudiciables non seulement sur leurs conditions d'emploi, mais également sur la qualité du système d'enseignement subventionné par la province de l'Ontario.
  7. 383. Peu après l'adoption du projet de loi 160, l'OECTA a contesté la constitutionnalité des dispositions privant les conseils scolaires confessionnels de leur pouvoir et de leur autonomie en matière financière. Le 22 juillet 1998, la Cour de justice de l'Ontario a décidé que la suppression des pouvoirs des conseils scolaires confessionnels en matière de prélèvement des impôts locaux violait les droits confessionnels garantis par la Constitution canadienne, mais elle a rejeté le moyen de l'association fondé sur le fait que le nouveau contrôle exercé par le gouvernement sur le budget et les dépenses violait les droits des défenseurs des écoles confessionnelles garantis par la Constitution. Les appels interjetés par le gouvernement contre la décision relative au droit de lever des impôts et par l'OECTA contre la décision concernant le contrôle des budgets et des dépenses sont en instance devant la cour d'appel de l'Ontario.
  8. 384. Les organisations plaignantes notent par ailleurs que, alors même que le recours pour inconstitutionnalité était en instance, l'OECTA et ses sections locales participaient au premier cycle de négociation collective régi par le nouveau système de renouvellement des conventions collectives. A la fin de l'été 1998, les négociations engagées par les enseignants du secondaire étaient dans l'impasse dans sept conseils scolaires catholiques. Les différends portaient principalement sur les effectifs du corps enseignant, la taille des classes et le temps de préparation sur lesquels les nouvelles dispositions du projet de loi 160 avaient une incidence. Dans chacun de ces conseils scolaires, les enseignants du secondaire étaient soit en grève, soit lock-outés à la rentrée scolaire de septembre 1998. Avant le début du conflit, l'OECTA avait proposé aux membres du Conseil scolaire catholique de l'Ontario qu'une série de questions litigieuses en suspens soient portées devant un arbitre mutuellement convenu. Ces questions portaient sur les nouvelles dispositions du projet de loi 160 concernant la taille des classes et les durées d'enseignement. Les syndics ont rejeté cette proposition.
    • La loi sur le retour à l'école et ses conséquences
  9. 385. La loi sur le retour à l'école a été adoptée le 28 septembre 1998. Aucune constatation de préjudice à la scolarité des enfants n'a été demandée ni prononcée avant la promulgation par le gouvernement de la législation portant retour au travail. Les organisations plaignantes signalent un certain nombre de conséquences découlant de l'adoption de cette loi:
    • -- il était effectivement mis un terme aux grèves et lock-out dans les écoles secondaires de huit conseils scolaires, dont sept catholiques;
    • -- des sanctions pour non-respect de ces dispositions étaient prévues;
    • -- les conditions d'emploi des enseignants, y compris toute modification en vigueur au 25 septembre 1998 apportée unilatéralement par les conseils scolaires après expiration de la période de gel légale (à l'exception des salaires et avantages sociaux qui ne devaient pas être inférieurs à ceux prévus dans les dernières conventions collectives), ont été reconduites;
    • -- les litiges en suspens devaient être soumis à arbitrage;
    • -- les parties au conflit devaient élaborer des plans de rattrapage des jours de classe perdus - en l'absence d'un plan élaboré par les parties elles-mêmes et approuvé par le ministre de l'Education et de la Formation; le ministre avait pouvoir d'élaborer un tel plan que le conseil scolaire était tenu de mettre en oeuvre.
  10. 386. Les organisations plaignantes considèrent que les modalités d'arbitrage des différends prévues dans la loi sont sans précédent dans la législation et de nature très restrictive. Elles allèguent que cette loi impose un régime qui entrave totalement l'exercice des pouvoirs du médiateur-arbitre quant au règlement au fond des points en litige, l'obligeant, dans les faits, à mettre en oeuvre les décisions du gouvernement en matière de financement, et lui interdisant concrètement d'examiner le bien-fondé des points litigieux. Les organisations plaignantes relèvent que suivant les prescriptions de la loi:
    • -- les parties peuvent conjointement nommer un médiateur-arbitre, ou l'une ou l'autre partie peut demander au ministre du Travail de le nommer, les deux parties partageant les coûts;
    • -- le médiateur-arbitre doit rendre une sentence compatible avec la loi sur l'éducation et ses règlements d'application ainsi que toute modification qui pourrait y être apportée, notamment par le projet de loi définissant les heures d'enseignement dans le cadre des normes régissant les heures d'enseignement minimales prévues dans le projet de loi 160 (la loi de 1998 sur les heures d'enseignement: normes minimales, a été présentée en première lecture le jour de la promulgation de la loi sur le retour à l'école et elle a été adoptée le 7 octobre 1998);
    • -- l'établissement du calendrier d'enseignement, la durée des programmes d'enseignement dispensés pendant les classes et celle des périodes d'enseignement sont des "questions relevant de l'éducation dont les conseils doivent décider aux termes de la loi sur l'éducation" et le médiateur-arbitre ne doit pas rendre de sentence portant atteinte à ces décisions;
    • -- le médiateur-arbitre est tenu de rendre une sentence qui, selon lui, "eu égard aux règlements régissant le financement de l'éducation et aux politiques du ministère de l'Education et de la Formation qui sont pertinents, peut être appliquée d'une manière raisonnable sans que le conseil mentionné en annexe accuse un déficit";
    • -- lorsque l'application de la sentence entraînerait une augmentation des coûts, le médiateur-arbitre est tenu d'inclure dans sa sentence une déclaration écrite où il explique comment, selon lui, les coûts peuvent être assumés sans entraîner de déficit et compte tenu des règlements régissant le financement de l'éducation et des politiques du ministère de l'Education et de la Formation;
    • -- le médiateur-arbitre peut prévoir la modification rétroactive d'une ou de plusieurs conditions d'emploi;
    • -- l'une ou l'autre partie peut présenter une requête en révision judiciaire si elle juge que la sentence arbitrale n'est pas conforme à la loi sur l'éducation ou à ses règlements d'application.
  11. 387. Les organisations plaignantes déclarent que le gouvernement n'a ouvert aucune consultation avec l'OECTA avant de promulguer la législation et qu'il n'a fait aucun effort pour vérifier s'il n'existait pas d'autre solution possible pour mettre un terme au litige et instituer des mécanismes de règlement des différends. Selon les organisations plaignantes, l'OECTA était restée disposée, pendant la durée des grèves et des lock-out, à porter toute question concernant l'interprétation et l'application des dispositions relatives aux nouveaux effectifs des classes et à la durée d'enseignement devant un arbitre mutuellement acceptable. Les organisations plaignantes notent que la plupart des conventions collectives renouvelées par accord entre l'OECTA et les conseils scolaires maintenaient la tâche de travail des enseignants aux niveaux prévus dans les accords collectifs précédents, y compris l'obligation d'enseigner pendant six des huit périodes que compte une journée de classe.
  12. 388. Six des sept conflits du travail avec les conseils scolaires catholiques ont été soumis à arbitrage conformément à la loi; le litige concernant le septième conseil scolaire a, en définitive, débouché sur un accord. Dans deux des cas soumis à arbitrage, les parties se sont mises d'accord sur la désignation d'un médiateur-arbitre expérimenté en matière de relations professionnelles. Dans les quatre autres cas, le ministre du Travail a nommé un juge en retraite comme médiateur-arbitre, de préférence à un arbitre expérimenté dans l'arbitrage de différends. Dans tous les différends soumis à arbitrage, la dernière convention collective prévoyait que les enseignants devaient enseigner pendant six des huit périodes de la journée scolaire. Les conseils scolaires avaient déjà augmenté la tâche des enseignants et proposaient que celle-ci soit maintenue. La proposition de l'OECTA était d'assigner aux enseignants la tâche de travail prévue dans les accords collectifs précédents. Tous les arbitres ont conclu que l'augmentation des tâches des enseignants s'imposait pour faire face aux restrictions budgétaires nécessaires au vu des informations financières disponibles.
  13. 389. Les organisations plaignantes notent que, dans leur sentence, les deux arbitres-médiateurs ayant une expérience en matière de relations professionnelles ont exprimé dans leur sentence leurs préoccupations devant la procédure imposée par la loi. L'un des arbitres a déclaré:
    • En raison des limites imposées par la législation, cette procédure ne permet pas à l'évidence, ni aux parties, ni aux médiateurs-arbitres, de parvenir à la solution qui se serait dégagée dans des conditions de négociation collective normales, voire dans le cadre d'un processus d'arbitrage plus traditionnel ... Les restrictions légales imposées par le gouvernement de la province, toutefois, ont indéniablement créé une situation dans laquelle les deux parties ont été contraintes d'adopter des positions qui sont loin d'être idéales du point de vue de leur objectif mutuel qui est d'offrir un enseignement de haute qualité à leurs étudiants. Ces contraintes s'appliquent à moi-même en tant que médiateur-arbitre et, partant, ma sentence est loin d'offrir une solution idéale aux problèmes difficiles auxquels sont confrontés le conseil et les enseignants...
    • Dans ce cas précis, le médiateur-arbitre a conclu qu'étant donné que la position finale des syndicats sur la charge de travail des enseignants entraînerait un déficit pour le conseil scolaire, il était contraint de faire prévaloir la position de ce dernier.
  14. 390. Les organisations plaignantes considèrent que la législation sur le retour au travail ne se justifiait pas puisque les enseignants n'étaient pas des fonctionnaires chargés de l'administration de l'Etat et que les conflits du travail concernés ne menaçaient pas la vie, la sécurité ou la santé personnelles de toute ou partie de la population. En règle générale, les enseignants de l'Ontario ne se voient pas privés de leur droit de grève, et cela ne s'est jamais produit depuis qu'ils sont officiellement couverts par la législation relative à la négociation collective. Les organisations plaignantes ajoutent qu'en outre le gouvernement a recouru à cette solution extrême sans vérifier si la poursuite des grèves ou des lock-out risquait d'empêcher les étudiants concernés d'achever avec succès leurs études, et il ne semble pas que le gouvernement ait consulté sur ce point les personnes ou organes compétents. Les organisations plaignantes déclarent que le pouvoir de mettre un terme à des grèves et lock-out licites par la promulgation d'une loi est une mesure extraordinaire qui amène à conclure que le système de négociation collective volontaire a échoué, une conclusion de nature à saper la confiance que peut inspirer ce système.
  15. 391. Concernant le fait que l'OECTA n'a pas été consultée avant la promulgation de la loi, les organisations plaignantes déclarent qu'en raison de son intervention massive dans le financement et la gestion du système d'éducation le gouvernement joue en fait désormais le rôle d'employeur indirect des enseignants et que, à ce titre, il est aussi tenu de garantir des consultations adéquates sur les modifications apportées à la structure de négociation dont peuvent se prévaloir les enseignants. Les organisations plaignantes allèguent qu'il incombait au gouvernement d'ouvrir des négociations sérieuses sur les solutions possibles aux conflits avec l'OECTA avant d'opter pour la solution radicale que constitue l'imposition d'une législation sur le retour au travail.
  16. 392. Les organisations plaignantes estiment qu'en outre les pouvoirs conférés par la loi à l'arbitre sont trop restrictifs. D'après elles, cette loi, lue conjointement avec la loi sur les heures d'enseignement: normes minimales, aurait manifestement pour objet de restreindre considérablement le champ de compétence des arbitres dans la solution des questions en litige. Les restrictions expresses entravant ses pouvoirs dans l'examen des questions relatives aux heures d'enseignement ajoutées à la stipulation selon laquelle sa sentence ne doit pas augmenter les coûts ni entraîner un déficit pour le conseil scolaire lui ôtent, dans les faits, toute latitude pour trancher les principales questions en litige. La teneur et l'étendue des limites imposées par la loi aux compétences de l'arbitre excluent du champ de la négociation collective certaines questions fondamentales relatives aux conditions de travail.
  17. 393. D'après les organisations plaignantes, l'intérêt du processus d'arbitrage tel qu'il est prévu aux termes de la loi est encore amoindri du point de vue de la liberté syndicale car il n'est ni impartial ni indépendant. Elles déclarent que, lorsqu'un arbitre est directement nommé par le gouvernement qui définit par ailleurs les critères légaux auxquels il doit obéir, l'indépendance de la procédure est menacée. Le caractère indépendant du système d'arbitrage est par ailleurs gravement mis en péril, que les arbitres soient conjointement choisis par les parties ou nommés par le gouvernement, du fait que les restrictions imposées par la loi au processus d'arbitrage et à son aboutissement ne laissent aux arbitres pour seule solution que de mettre en oeuvre les objectifs du gouvernement de l'Ontario, pour ce qui est des éléments les plus importants des conditions de travail des enseignants. Les organisations plaignantes déclarent que de telles restrictions légales sont foncièrement incompatibles avec un système d'arbitrage dont la vocation est d'aboutir aux mêmes résultats que si le processus de libre négociation collective avait fait l'objet d'aucune ingérence.
  18. 394. Enfin, les organisations plaignantes considèrent que le processus d'arbitrage a été détourné à des fins politiques. Bien que le gouvernement de l'Ontario ne soit pas l'employeur des enseignantes et des enseignants, il a, par le biais du projet de loi 160, effectivement usurpé le rôle des conseils scolaires locaux en tant qu'employeur. Il s'est de même immiscé directement dans le système de négociation collective institué de longue date au bénéfice des enseignants. De l'avis des organisations plaignantes, la loi sur le retour à l'école accroît l'ingérence du gouvernement en imposant des conditions sur le processus d'arbitrage qui font obligation aux arbitres de mettre en oeuvre la politique gouvernementale en matière de financement de l'enseignement et sur des questions portant directement sur les conditions de travail des enseignants. En s'ingérant ainsi, le gouvernement a effectivement transformé le système d'arbitrage en un moyen de parvenir à ses propres fins politiques controversées, ce que les organisations plaignantes considèrent comme un abus d'autorité législative. L'action du gouvernement menace de saper le système de négociation collective dans son ensemble, en donnant aux travailleurs une impression négative de la capacité des syndicats à représenter leurs intérêts dans le cadre d'un tel système, et constitue de sa part une tentative de détournement de ce qui devrait être un processus juridictionnel indépendant afin de poursuivre ses propres buts politiques pour ce qui concerne le financement du système d'enseignement et les questions directement liées aux conditions de travail des enseignantes et des enseignants.
  19. 395. Les organisations plaignantes demandent au comité: i) de déclarer la loi contestée incompatible avec les conventions et les principes de l'OIT; ii) de demander au gouvernement de l'Ontario d'abroger cette loi, de restaurer la liberté de négociation collective des enseignantes et des enseignants de la province et de s'abstenir de toute autre ingérence dans le processus de négociation collective des enseignantes et des enseignants de l'Ontario; iii) d'envisager de proposer une mission de contacts directs.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 396. Dans sa communication du 1er septembre 1999, le gouvernement expose les conditions qui, à son avis, ont justifié l'adoption de la loi sur le retour à l'école. Il rappelle tout d'abord que le gouvernement de l'Ontario a pour principe de considérer que la négociation entre les parties est le moyen le plus souhaitable de résoudre les conflits du travail. D'ordinaire, le gouvernement n'agit que pour soutenir le processus de négociation collective ou pour en faciliter de façon neutre la conduite par le biais de services de conciliation et de médiation, respectueux de l'autonomie des parties. Ce n'est qu'en dernier ressort, lorsque les intérêts vitaux du public sont en jeu, que le gouvernement décide d'intervenir directement par voie législative.
  2. 397. Le gouvernement déclare qu'à l'automne 1998 l'absence des enseignantes et des enseignants dans les classes de huit conseils scolaires de l'Ontario avait interrompu la scolarité de 130 000 élèves. L'intérêt des élèves, des parents et des communautés dans leur ensemble exigeait que le gouvernement agisse fermement. Le gouvernement estime que les conditions justifiant l'adoption de la législation sur le retour à l'école étaient manifestement réunies et que, s'il n'avait pas agi pour protéger l'intérêt du public dans ces circonstances, il aurait failli à ses obligations. Les décisions relatives à la suppression par voie législative du droit de grève doivent être prises au cas par cas dans un cadre souple permettant au gouvernement d'agir de manière responsable dans l'intérêt du public.
  3. 398. Le gouvernement déclare qu'il a pour politique de laisser la négociation suivre son cours normal et que les parties doivent avoir toute latitude de négocier par elles-mêmes un règlement. Il soutient que dans ce cas particulier les parties ont eu cette possibilité et que les services de conciliation et de médiation du ministère du Travail leur ont été proposés, comme c'est le cas d'ordinaire. Le gouvernement n'a pas promulgué de législation immédiatement; au contraire, il a fait preuve de circonspection pour laisser la grève influer sur les positions des négociateurs. Toutefois, après trois semaines de grève sans aucune avancée, le gouvernement a décidé que l'intérêt des élèves de l'Ontario dans la reprise de leurs études devait prévaloir.
  4. 399. Concernant l'allégation selon laquelle il n'y aurait eu aucune consultation préalablement à l'adoption de la loi, le gouvernement déclare qu'avant l'introduction des réformes sur l'enseignement dans l'Ontario les parties prenantes à l'enseignement et le public en général ont pu exprimer leur opinion sur les réformes tant par communication directe que par le biais du processus législatif. A ce propos, le gouvernement renvoie à la réponse donnée dans le contexte du cas no 1951. (Voir 311e rapport, paragr. 208-210.)
  5. 400. Concernant les questions relatives aux compétences conférées à l'arbitre par la loi, le gouvernement déclare que l'étendue des pouvoirs du médiateur-arbitre en ce qui concerne la question des effectifs des classes et de la durée d'enseignement est conforme à la politique gouvernementale en matière d'enseignement, telle qu'elle est exposée dans la loi sur l'éducation. De l'avis du gouvernement, ces deux questions relèvent en premier lieu de la politique d'enseignement et non pas des conditions d'emploi pouvant faire l'objet de négociation. Tant les effectifs des classes que la durée d'enseignement sont des questions fondamentalement liées à la qualité de l'enseignement offert aux élèves de l'Ontario. Il est donc juste que ces questions soient du ressort du législateur et n'entrent pas dans le champ de compétences d'un arbitre. En ce qui concerne les considérations d'ordre fiscal, qui doivent guider l'arbitre, le gouvernement précise que ces dispositions font partie intégrante des objectifs du gouvernement de la province en matière de politique d'enseignement, qui visent à équilibrer les objectifs en matière fiscale et à maintenir la qualité des services offerts.
  6. 401. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le processus d'arbitrage, tel qu'il est prévu dans la loi, ne serait ni impartial ni indépendant, le gouvernement déclare que les conseils scolaires de l'Ontario fournissent un service public essentiel; ils ont le devoir de gérer les écoles pour environ 2 millions d'élèves dans la province, qui ont un droit statutaire à l'éducation. Le fonctionnement des écoles en tant que lieux de travail doit par conséquent être compatible avec les objectifs de politique générale, dont la qualité de l'enseignement dispensé est l'un des éléments principaux. Il est donc, pour le gouvernement, raisonnable d'exiger des arbitres qu'ils prennent en compte les obligations particulières des conseils scolaires et les impératifs d'une gestion fiscale rationnelle. Le gouvernement considère que le système de médiation-arbitrage était un système équitable et ouvert, dont les parties pouvaient se prévaloir volontairement, faute de parvenir par elles-mêmes à un accord.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 402. Le comité note que les allégations de violation de la liberté syndicale découlent de l'adoption de la loi sur le retour à l'école (ci-après "la loi") en septembre 1998. Cette loi demande aux professeurs de reprendre le travail après que trois semaines de grève et de lock-out licites dans huit conseils scolaires n'aient pas permis d'aboutir à la conclusion de nouvelles conventions collectives. Cette loi prévoyait par ailleurs la nomination conjointe d'un médiateur-arbitre chargé de trancher les questions encore en litige et autorisait à l'une ou l'autre partie à demander à tout moment au ministre du Travail de nommer un médiateur-arbitre. Ces allégations soulèvent trois principales questions concernant la loi: i) la violation du droit de grève; ii) la violation du droit de négociation collective en raison de l'imposition d'un système d'arbitrage ne remplissant pas les conditions d'indépendance et d'impartialité requises et restreignant indûment la portée des compétences de l'arbitre; iii) l'absence de consultations avant l'adoption de la loi. Les organisations plaignantes protestent également, sur un plan plus général, contre le fait que cette loi fasse suite à une série de lois promulguées par le gouvernement de l'Ontario depuis 1995 qui, selon elles, constituent une attaque sur le droit de négociation collective.
  2. 403. Le comité note que les organisations plaignantes et le gouvernement semblent être globalement d'accord sur le déroulement des événements ayant abouti à l'adoption de la législation sur le retour au travail. Dans huit conseils scolaires, les conseils et les syndicats d'enseignants étaient parvenus à une impasse dans la négociation de conventions collectives. Il s'agissait du premier cycle de négociations régi par la loi sur l'éducation, modifiée par la loi de 1997 sur l'amélioration de la qualité de l'éducation (projet de loi 160). Le préambule de cette loi présente un résumé des principales raisons ayant conduit à cette impasse: "Une cause majeure de l'incapacité des parties de conclure de nouvelles conventions collectives réside dans les interprétations divergentes données aux normes fixées dans la loi sur l'éducation et, en particulier, au terme "enseignement"." Les organisations plaignantes déclarent que les litiges en suspens portaient sur les dispositions du projet de loi 160 concernant les nouveaux effectifs de classe et la durée d'enseignement réglementaire. Les dispositions du projet de loi 160, qui avaient été tout particulièrement controversées, ont été examinées de manière assez approfondie par le comité dans le cadre du cas no 1951. (Voir 311e rapport, paragr. 170-234; 316e rapport, paragr. 214-228.) En raison de ces conflits, dans chacun des huit conseils scolaires, les enseignants du secondaire soit s'étaient mis en grève, soit avaient été lock-outés à la rentrée scolaire de septembre 1998. Trois semaines après le début du conflit, la loi sur le retour à l'école a mis un terme aux grèves et lock-out.
  3. 404. Le gouvernement déclare qu'il n'a pas promulgué immédiatement de législation mais qu'il a fait preuve de retenue pour permettre au mouvement de grève d'influencer la position des négociateurs. Le gouvernement soutient que la législation était justifiée pour protéger l'intérêt du public, en particulier l'intérêt des élèves de l'Ontario qui devaient reprendre leur scolarité. Les organisations plaignantes contestent que le retour obligatoire au travail ait été justifié et notent que les enseignants de l'Ontario n'ont pas l'habitude de se voir priver de l'exercice de leur droit de grève, ce qui ne s'est jamais produit depuis qu'ils sont officiellement couverts par la législation relative à la négociation collective. Elles signalent également que les dispositions de la loi sur l'éducation, modifiée par le projet de loi 160, autorisent en cas de grève la constatation de l'existence d'un risque, à savoir que la poursuite de la grève ou du lock-out pourrait compromettre la possibilité pour les étudiants concernés d'achever leurs études avec succès. Les organisations plaignantes notent qu'aucune constatation de ce type n'a été faite ni tentée avant la promulgation de la législation et que, par le passé, jamais ce type de constatation n'a été faite tant qu'une grève ou un lock-out n'avait pas duré pendant au moins 27 jours de classe (il semble que dans le cas présent les grèves aient duré une quinzaine de jours scolaires).
  4. 405. Le comité note qu'il a récemment examiné la question de l'adoption d'une législation d'exception pour mettre un terme à une grève légale dans le contexte des services postaux canadiens. (Voir cas no 1985, 316e rapport, paragr. 275-326.) Comme dans ce cas-là, le comité est dans l'obligation de rappeler que le droit de grève est un des moyens légitimes et essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 474-475.) Le comité attire de nouveau l'attention du gouvernement sur le principe de la liberté syndicale selon lequel le droit de grève peut être restreint, voire interdit, dans la fonction publique pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d'autorité au nom de l'Etat et dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé des personnes. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 526.) Le secteur de l'enseignement n'entre dans aucune de ces catégories. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 545; voir également cas no 1928 (Canada/Manitoba), 310e rapport, paragr. 176.) Le comité a noté par le passé que les enseignants doivent jouir du droit de négocier librement leurs conditions de travail et peuvent avoir recours à la grève comme moyen d'action légitime pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. (Voir cas no 1430 (Canada/Colombie britannique), 256e rapport, paragr. 185; voir également cas no 1943 (Canada/Ontario), 310e rapport, paragr. 226.)
  5. 406. Bien que le comité reconnaisse que des conséquences regrettables puissent découler d'une grève dans le secteur de l'enseignement, elles ne justifient pas d'imposer une sérieuse restriction au droit de grève, sauf si elles deviennent si graves qui la vie, la sécurité ou la santé personnelles d'une partie ou de l'ensemble de la population risquent d'être mises en danger (voir Recueil, op. cit., paragr. 541), ce qui n'a pas été confirmé par le gouvernement; en fait, il semble qu'aucune constatation n'ait été faite ni même tentée pour attester l'existence du risque le plus élémentaire, à savoir que la poursuite des grèves compromettrait pour les étudiants concernés le bon achèvement de leurs études. Par conséquent, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures raisonnables de nature à garantir que les enseignants de l'Ontario soient autorisés à exercer leur droit de grève et de s'efforcer d'éviter à l'avenir le recours à l'adoption de législations sur le retour au travail.
  6. 407. Concernant le processus d'arbitrage prévu dans la loi, le comité note que les organisations plaignantes en contestent le caractère indépendant et impartial et se déclarent préoccupées devant les limites imposées à l'étendue des compétences de l'arbitre. Le gouvernement soutient toutefois que le système de médiation-arbitrage était un processus équitable et ouvert auquel les parties pouvaient volontairement recourir si elles n'étaient pas en mesure de parvenir à un accord par elles-mêmes.
  7. 408. Le comité note que la loi, après avoir mis un terme au mouvement de grève et l'avoir interdit, autorise l'une et l'autre partie à entamer une procédure de médiation-arbitrage, les autorise à demander à tout moment au ministre du Travail de nommer un médiateur-arbitre et confère au médiateur-arbitre le pouvoir exclusif de trancher toutes les questions qu'il juge nécessaires à la conclusion d'une nouvelle convention collective. Etant donné que l'une et l'autre partie peuvent unilatéralement engager la procédure d'arbitrage, le comité ne peut accepter l'affirmation du gouvernement selon laquelle ce processus serait "volontaire", car il le considère obligatoire. Le comité rappelle que le recours à un arbitrage obligatoire lorsque les parties ne parviennent pas à un accord par la voie d'une négociation collective n'est pas conforme au principe de négociation volontaire et n'est autorisé que dans le contexte des services essentiels entendus au sens strict du terme. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 860-864.) Si les parties acceptent de recourir à un système d'arbitrage pour résoudre leurs différends (ce qui n'est pas le cas des organisations plaignantes en l'espèce), le comité rappelle que les organismes appelés à résoudre des différends entre parties à une négociation collective doivent être indépendants, et que le recours à ces organismes doit se faire sur une base volontaire. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 858.) Le comité demande donc au gouvernement de veiller à l'avenir à ce que le recours à l'arbitrage pour le règlement de conflits concernant les enseignantes et les enseignants de l'Ontario soit volontaire et que l'organisme appelé à résoudre le différend soit indépendant.
  8. 409. Les organisations plaignantes affirment qu'avant de promulguer la législation le gouvernement n'a pas tenu de consultations avec l'OECTA, qui représente les enseignants de sept des huit conseils scolaires auxquels s'adressait la loi, et qu'il n'a fait aucun effort pour s'assurer qu'il n'existait pas d'autres moyens de mettre un terme aux conflits. Bien que le gouvernement déclare que des consultations ont eu lieu avec des parties prenantes de l'enseignement avant l'introduction des réformes importantes du système d'enseignement de l'Ontario qui ont précédé l'adoption de la loi, il ne conteste pas qu'il n'y ait eu aucune consultation portant spécifiquement sur la législation relative au retour au travail. Le gouvernement déclare toutefois que les parties ont eu toute latitude de négocier un accord elles-mêmes et que les services de conciliation et de médiation leur avaient été proposés.
  9. 410. Le comité rappelle qu'il est essentiel que l'introduction d'un projet de législation concernant la négociation collective ou les conditions d'emploi soit précédée par des consultations étendues et approfondies avec les organisations de travailleurs et d'employeurs appropriées. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 931.) Ces consultations doivent être menées de bonne foi et les deux parties doivent disposer de toutes les informations nécessaires pour prendre une décision éclairée. (Voir cas no 1928 (Canada/Manitoba), 310e rapport, paragr. 183; cas no 1946 (Canada/Ontario), 310e rapport, paragr. 230.)
  10. 411. Le comité note que, bien que des consultations aient eu lieu antérieurement sur les reformes générales de l'enseignement (Voir cas no 1951, 311e rapport, paragr. 208-210), aucune consultation n'a eu lieu sur le texte de loi contesté qui soulève des questions précises et importantes pour les travailleurs concernés et leurs organisations. Le comité demande au gouvernement de veiller à l'avenir à ce que des consultations soient engagées de bonne foi avant l'adoption d'une législation affectant la possibilité pour les enseignantes et les enseignants de faire grève ou de conduire des négociations collectives.
  11. 412. Le comité note avec une profonde préoccupation que ce cas fait suite à une série de réformes législatives mises en oeuvre dans l'Ontario et que, dans chaque cas, le comité a signalé des incompatibilités avec les normes et principes relatifs à la liberté syndicale. Le comité rappelle ses conclusions dans le cas no 1943 (Canada/Ontario):
    • Le comité se voit contraint de faire remarquer que, trois ans après la restriction des salaires imposés dans le secteur public en vertu de la loi sur le contrat social, des modifications ont été apportées au système d'arbitrage obligatoire sans que les parties intéressées aient été pleinement consultées. En outre, comme cela a été récemment signalé dans le cas no 1900 (voir 308e rapport, paragr. 139-194), les travailleurs agricoles, les travailleurs domestiques et ceux de certaines professions libérales se sont vu refuser, en vertu d'une législation, l'accès à la négociation collective et au droit de grève, et la législation relative aux obligations des employeurs successeurs a été abrogée. Qui plus est, on a cherché à abroger des dispositions essentielles en matière d'égalité de salaires. Etant donné l'ensemble de facteurs qui compromettent les relations de travail en Ontario, le comité estime nécessaire de souligner que ces mesures et restrictions peuvent, à long terme, porter préjudice aux relations de travail et les déstabiliser. (Voir 310e rapport, paragr. 241.)
  12. 413. Le comité note que, depuis le cas no 1943, il a été prié d'examiner d'autres initiatives législatives du gouvernement de l'Ontario et a de nouveau constaté des incompatibilités avec les normes et principes de la liberté syndicale. (Voir cas no 1951, 311e rapport, paragr. 170-234; 316e rapport, paragr. 214-228; voir également cas no 1975, 316e rapport, paragr. 229-274.) Le comité prie le gouvernement de consulter pleinement les organisations syndicales et d'employeurs afin d'aboutir à un accord sur l'amélioration du système des relations professionnelles de l'Ontario. Le comité suggère de nouveau au gouvernement d'envisager de faire appel à l'assistance technique du BIT et lui demande de le tenir informé à cet égard. Il soumet les aspects législatifs de ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 414. Au vu des conclusions qui précèdent et notant que certaines dispositions du projet de loi 160 ne sont pas conformes aux principes de la liberté syndicale, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre des mesures raisonnables propres à garantir aux enseignants de l'Ontario l'exercice de leur droit de grève et de s'efforcer d'éviter, à l'avenir, de recourir à l'adoption de législations sur le retour au travail.
    • b) Le comité prie le gouvernement de veiller à l'avenir à ce que le recours à l'arbitrage pour le règlement des différends concernant les enseignantes et les enseignants de l'Ontario soit volontaire, et à garantir l'indépendance de l'organisme appelé à régler le différend.
    • c) Le comité prie le gouvernement de veiller à l'avenir à ce que des consultations de bonne foi soient engagées avant l'adoption d'une législation affectant la possibilité pour les enseignants de faire grève ou de conduire des négociations collectives.
    • d) Le comité prie le gouvernement de consulter pleinement les syndicats et les organisations d'employeurs afin de conclure un accord sur l'amélioration du système de relations professionnelles de l'Ontario.
    • e) Le comité suggère de nouveau au gouvernement d'envisager de faire appel à l'assistance technique du BIT, et de le tenir informé à cet égard.
    • f) Le comité soumet les aspects législatifs de ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
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