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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 325, Juin 2001

Cas no 1951 (Canada) - Date de la plainte: 02-FÉVR.-98 - Clos

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du droit des directeurs d’école et des directeurs adjoints

  • du droit des directeurs d’école et des directeurs adjoints
  • de s’organiser, de négocier collectivement et de faire grève;
  • absence de protection contre la discrimination antisyndicale
  • et l’ingérence de l’employeur
    1. 197 Le comité a examiné ce cas à ses sessions de novembre 1998 et de juin 1999 et a soumis à deux reprises un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 311e rapport, paragr. 170-234 et 316e rapport, paragr. 214-228, approuvés par le Conseil d’administration à ses 273e et 275e sessions (novembre 1998 et juin 1999), respectivement.]
    2. 198 Le gouvernement a transmis des observations et informations complémentaires dans des communications des 12 octobre 1999, 7 janvier et 17 août 2000, et 7 mars 2001.
    3. 199 Le Canada a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, il n’a ratifié ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 200. La plainte a trait à la législation portant sur le secteur de l’éducation en Ontario, à savoir la loi de 1997 sur l’amélioration de la qualité de l’éducation (loi 160), qui modifie profondément la loi sur l’éducation. L’examen antérieur du cas par le comité portait sur le champ de la négociation collective dans le secteur de l’éducation en vertu de la loi 160, sur l’exclusion des directeurs d’école et des directeurs adjoints de la procédure de négociation collective prévue par ce texte ainsi que des dispositions de la loi sur les relations de travail et sur l’insuffisance des consultations prévues avec les parties intéressées avant l’adoption de la loi 160.
  2. 201. Lors de son dernier examen du cas, le comité avait formulé les recommandations suivantes [voir 316e rapport, paragr. 228]:
    • a) Insistant sur le fait que le gouvernement devrait assurer que les syndicats soient pleinement consultés lors de l’élaboration des politiques générales qui les concernent et que, dans tous les cas, les conséquences sur les conditions d’emploi des décisions prises au regard de ces politiques devraient pouvoir faire l’objet de libre négociation collective, le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la procédure toujours en instance devant la Cour d’appel de l’Ontario et qui concerne les directeurs d’école et directeurs adjoints, et de lui fournir une copie de la décision de justice lorsqu’elle sera rendue.
    • c) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les directeurs d’école et directeurs adjoints puissent constituer les organisations de leur choix ou s’y affilier et qu’ils jouissent effectivement d’une protection efficace contre la discrimination antisyndicale et l’ingérence de l’employeur. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 202. Dans sa communication du 7 janvier 2000, le gouvernement déclare que les trois associations provinciales de directeurs d’école et de directeurs adjoints continuent à représenter leurs membres dans les discussions menées avec le gouvernement. Ces associations se sont entretenues avec le vice-ministre de l’Education à quatre reprises en 1998, et leurs présidents et directeurs exécutifs se sont entretenus avec le ministre de l’Education à quatre reprises en 1999. Ce type d’entretien porte essentiellement sur le fonctionnement des établissements scolaires et les programmes. Par ailleurs, le ministère de l’Education a fourni une aide financière visant à soutenir toute une série d’activités de développement menées par ces associations. Le gouvernement cite entre autres un symposium sur le rôle des dirigeants organisé par ces associations en novembre 1999, qui a reçu l’appui financier du ministère. En outre, les associations disposent de représentants au sein d’un certain nombre de comités ministériels chargés des programmes et des activités. Le gouvernement déclare également que les commissions scolaires de la province de l’Ontario ont réglé les conditions d’emploi des enseignants, de manière mutuellement satisfaisante, avec ces associations.
  2. 203. En ce qui concerne la question de la protection contre la discrimination antisyndicale et l’ingérence de l’employeur, le gouvernement déclare dans sa communication du 12 octobre 1999 qu’il n’a pas eu connaissance de cas de discrimination ou d’ingérence de l’employeur dû à l’appartenance à une association provinciale.
  3. 204. Dans sa communication du 17 août 2000, le gouvernement relève que la Cour d’appel de l’Ontario a statué sur la question des directeurs d’école et directeurs adjoints le 7 juin 2000. La Cour a rejeté un appel, estimant que la loi 160 telle qu’amendée n’entrave pas la liberté syndicale, garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Le gouvernement a fourni un exemplaire de cet arrêt. Dans sa communication du 7 mars 2001, le gouvernement informe le comité que la Cour suprême du Canada a rejeté la requête pour permission d’appeler.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 205. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations de violations de la liberté syndicale résultant de l’adoption d’une loi régissant les relations de travail dans le secteur de l’éducation, à savoir la loi de 1997 sur l’amélioration de la qualité de l’éducation (loi 160) qui modifie la loi sur l’éducation. Les questions soulevées concernent en particulier le champ couvert par la négociation collective au regard de la loi 160 ainsi que l’exclusion des directeurs d’école et des directeurs adjoints des unités de négociation aux fins de la négociation collective ainsi que des droits et garanties apportés par la loi de 1995 sur les relations de travail de l’Ontario. Il est enfin allégué que l’adoption de cette loi 160 n’a pas été précédée de consultations satisfaisantes avec les parties intéressées.
  2. 206. En ce qui concerne le champ d’application de la négociation collective dans le secteur de l’éducation, le comité a déjà abordé cette question suffisamment en détail dans le présent cas. [Voir 311e rapport, paragr. 216-220, et 316e rapport, paragr. 222-223.] Le comité rappelle de nouveau l’importance qu’il y a à promouvoir la négociation collective dans le secteur de l’éducation. S’il est admissible d’exclure de cette négociation la fixation des grandes lignes de la politique éducative, d’autres sujets, qui portent au premier chef sur des questions liées aux conditions d’emploi, ne doivent pas être considérés comme extérieurs au champ de la négociation collective. Le comité a déjà reconnu que l’effectif des classes, bien qu’il soit susceptible d’influer sur les conditions d’emploi, peut être considéré comme un sujet davantage lié à la politique générale de l’enseignement et, dès lors, peut être exclu du champ d’application de la négociation collective. D’autres questions soulevées dans le cas sous examen présentent aussi un aspect de politique générale. Toutefois, le comité souligne de nouveau que, si le gouvernement considère que de telles questions doivent être réglées sans avoir recours aux mécanismes de la négociation collective, il doit veiller à ce que les syndicats intéressés soient pleinement consultés à ce sujet. De plus, dans tous les cas, les conséquences pour les conditions d’emploi des décisions relatives à la politique éducative devraient pouvoir faire l’objet de libres négociations collectives. Le comité demande de nouveau au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  3. 207. En ce qui concerne les directeurs d’école et les directeurs adjoints, le comité rappelle que, en vertu de la loi 160, ils sont exclus des unités de négociation des enseignants et de la procédure de négociation collective. Ils sont également exclus des mécanismes de la négociation collective fixés par la loi sur les relations de travail, de même que des garanties prévues par cette loi contre la discrimination antisyndicale (notamment en matière de licenciement) et contre l’ingérence de l’employeur dans les activités syndicales.
  4. 208. Le comité note que l’exclusion des directeurs d’école et des directeurs adjoints des unités de négociation des enseignants et des mécanismes réglementaires de la négociation collective a fait l’objet d’un recours qui a été récemment examiné par la Cour d’appel de l’Ontario (Fédération des enseignants de l’Ontario et autres c. le Procureur général de l’Ontario); la Cour suprême du Canada a rejeté la requête pour permission d’appeler. Comme le relève le gouvernement, la Cour d’appel avait rejeté le pourvoi, au motif que les dispositions de la loi 160 relatives aux directeurs d’école et aux directeurs adjoints ne portent pas atteinte aux garanties relatives à la liberté syndicale prévues par la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour a déclaré que la loi 160 a essentiellement pour effet d’exclure les directeurs d’école et directeurs adjoints des unités de négociation des enseignants, et de l’application des dispositions de la loi de 1995 sur les relations de travail (S.O. 1995, c.1. Sch. A), niant ainsi leur droit, prévu par la loi, de s’organiser au sein d’unités distinctes. Les modifications apportées à la loi ont également conféré au Cabinet le pouvoir de déterminer par voie réglementaire les conditions d’emploi des directeurs d’école et des directeurs adjoints. Dans le présent cas, la question soulevée devant la Cour était de savoir si les directeurs d’école et directeurs adjoints devaient être considérés comme des cadres dont les intérêts coïncident avec ceux de l’employeur ou comme des chefs d’équipe partageant les intérêts des enseignants quant à l’issue des négociations. La Cour d’appel s’est ralliée à l’opinion du juge de première instance, selon laquelle les dispositions applicables visaient à soustraire les directeurs d’école et les directeurs adjoints à une situation de conflit résultant de leur obligation de gérer les établissements scolaires et de leur loyauté envers les autres membres du syndicat.
  5. 209. Le comité note que le gouvernement déclare que trois associations provinciales de directeurs d’école et de directeurs adjoints ont été constituées pour représenter leurs membres dans les discussions menées avec le gouvernement et que la Cour d’appel de l’Ontario a considéré que la loi 160 ne portait pas atteinte au principe de la liberté syndicale, garanti par la Charte canadienne des droits et libertés. En ce qui concerne l’interprétation de la notion de liberté syndicale faite aux termes de cette charte, le comité a déjà fait remarquer que, si le droit de grève et le droit de négociation collective font partie intégrante des principes de la liberté syndicale, la garantie constitutionnelle de la liberté syndicale, conformément à la Charte canadienne des droits et libertés, n’inclut pas ces droits. [Voir 311e rapport, paragr. 231.] De son côté, l’arrêt de la Cour d’appel évoque le champ d’application limité de la notion constitutionnelle de liberté syndicale.
  6. 210. Le comité rappelle qu’il n’est pas nécessairement incompatible avec les principes de la liberté syndicale de dénier aux membres du personnel de direction ou d’encadrement le droit d’appartenir aux mêmes syndicats que les autres travailleurs, mais seulement à deux conditions: premièrement, qu’ils aient le droit de créer leurs propres organisations pour la défense de leurs intérêts et, deuxièmement, que ces catégories de personnel ne soient pas définies en termes si larges que les organisations des autres travailleurs de l’entreprise ou de la branche d’activité risquent de s’en trouver affaiblies, en les privant d’une proportion substantielle de leurs membres, réels ou potentiels. Les expressions «personnel de direction» et «personnel d’encadrement» devraient se limiter aux seules personnes qui représentent effectivement les intérêts des employeurs. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 231-232.] En s’appuyant sur les dispositions législatives en cause, les directeurs d’école et directeurs adjoints ont été exclus des unités de négociation des enseignants, et se sont vu refuser le droit de se regrouper en unités de négociation distinctes dans le cadre de la loi sur les relations de travail. Certes, ils sont autorisés à constituer leurs propres associations et à discuter volontairement leurs conditions d’emploi, en dehors du cadre réglementaire, mais la loi 160 a considérablement diminué leur pouvoir de négociation: ils ont été retirés des unités de négociation et, partant, des syndicats d’enseignants dont ils faisaient partie depuis de nombreuses années; ils ne disposent pas du droit statutaire de constituer leurs propres syndicats, et le Cabinet est habilité à déterminer leurs conditions d’emploi sans recourir à une forme quelconque de négociation. Par ailleurs, en raison de leur exclusion des dispositions de la loi sur les relations de travail, les directeurs d’école et directeurs adjoints ne bénéficient pas de la garanties contre la discrimination antisyndicale, notamment en matière de licenciement, non plus que contre l’ingérence de l’employeur dans les activités syndicales.
  7. 211. Le comité rappelle qu’il a déjà indiqué dans un cas similaire à propos de l’exclusion de certaines catégories de travailleurs des dispositions de la loi de l’Ontario sur les relations de travail: que, sans négliger l’importance qu’il attache au caractère volontaire de la négociation collective, «des mesures devraient être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 781.] Par ailleurs, les travaux préliminaires à l’adoption de la convention no 87 indiquent clairement que «l’un des buts principaux de la garantie de la liberté syndicale est de permettre aux employeurs et aux salariés de s’unir en organisations indépendantes des pouvoirs publics, capables de régler, par voie de conventions collectives librement conclues, les salaires et autres conditions d’emploi». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 799, et 308e rapport, cas no 1900 (Canada/Ontario), paragr. 186.]
  8. 212. Le comité note que le gouvernement déclare qu’il n’a pas eu connaissance de cas de discrimination ou d’ingérence de l’employeur dû à l’appartenance à une association provinciale. Cependant, le comité doit rappeler de nouveau l’importance qu’il attache à la nécessité d’adopter des dispositions précises interdisant les actes d’ingérence de l’employeur dans les activités des travailleurs et de leurs organisations ainsi que toute discrimination fondée sur l’appartenance ou les activités syndicales et prévoyant des procédures claires et des sanctions dissuasives. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 737 et suiv.] Le comité a estimé «que l’absence d’un mécanisme légal de promotion de la négociation collective et l’absence de mesures précises de protection contre la discrimination antisyndicale et l’ingérence de l’employeur dans les activités syndicales constituent un obstacle à l’un des principaux objectifs visés en garantissant la liberté syndicale, à savoir la constitution d’organisations indépendantes capables de conclure des conventions collectives». [Voir 308e rapport, cas no 1900 (Canada/Ontario), paragr. 187.] Le comité invite donc instamment le gouvernement à modifier la législation, pour faire en sorte que les directeurs d’école et les directeurs adjoints soient autorisés à créer des organisations de leur choix et à y adhérer, aient accès à la négociation collective, et jouissent d’une protection effective contre la discrimination antisyndicale et l’ingérence de l’employeur. Le comité demande également au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  9. 213. En ce qui concerne les consultations préalables, dont les plaignants affirment qu’elles n’ont pas eu lieu en ce qui concerne la loi 160, le comité exprime de nouveau l’espoir que, lorsqu’un gouvernement cherche à modifier la structure de négociation au sein de laquelle il agit directement ou indirectement en tant qu’employeur, les changements apportés soient précédés de consultations satisfaisantes permettant la discussion de l’ensemble des objectifs visés par les parties intéressées. Le comité invite donc instamment le gouvernement à veiller à ce que ces consultations aient lieu dans l’avenir.
  10. 214. Le comité porte les aspects législatifs de ce cas à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 215. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité souligne à nouveau l’importance qu’il attache à ce que le gouvernement veille à ce que les syndicats soient pleinement consultés lors de l’élaboration des mesures de politique générale qui les touchent et que, dans tous les cas, les intéressés soient autorisés à mener des négociations collectives libres sur les conséquences pour les conditions d’emploi des décisions relatives à la politique éducative. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité demande instamment au gouvernement de modifier la législation pour faire en sorte que les directeurs d’école et les directeurs adjoints soient autorisés à constituer des organisations de leur choix et à y adhérer, aient accès à la négociation collective, et jouissent d’une protection effective contre la discrimination antisyndicale et l’ingérence de l’employeur. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité demande instamment au gouvernement de veiller à ce que, dans l’avenir, lorsqu’il souhaite modifier la structure de négociation au sein de laquelle il agit, directement ou indirectement en tant qu’employeur, les changements apportés soient précédés de consultations satisfaisantes permettant la discussion de l’ensemble des objectifs visés par les parties intéressées.
    • d) Le comité porte les aspects législatifs de ce cas à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
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