451. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) du 4 juillet 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations dans les communications des 17 juillet et 5 septembre 1996.
- 451. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) du 4 juillet 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations dans les communications des 17 juillet et 5 septembre 1996.
- 452. Le Tchad a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de la confédération plaignante
A. Allégations de la confédération plaignante
- 453. Dans sa communication du 4 juillet 1996, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) allègue que, le 2 juillet 1996, les autorités gouvernementales ont déclaré la suspension, jusqu'à nouvel avis, des activités de l'Union des syndicats du Tchad (UST) sur tout le territoire national. L'organisation plaignante note que les autorités font une interprétation erronée des statuts de l'UST en arguant que certaines prises de position récentes de l'UST relatives au contexte politique actuel du pays seraient en contradiction avec le "caractère apolitique et neutre" de l'organisation syndicale. Elle ajoute que les autorités semblent ignorer l'article 2 des statuts de l'UST, aux termes duquel l'organisation "se réserve le droit de se prononcer sur les décisions politiques qui ont des répercussions sur la vie des travailleurs" et que, si l'UST, conformément à la volonté de ses membres, a décidé de prendre position dans le débat politique national en vue de favoriser la réalisation de ses objectifs économiques et sociaux, la décision du gouvernement visant à la priver de ses moyens d'action est incompatible avec les principes de la liberté syndicale.
- 454. Par ailleurs, la CISL allègue que le 29 juin 1996 les forces de sécurité, sans produire de mandat judiciaire, ont occupé le siège de l'UST en vue d'empêcher la tenue de l'assemblée générale des travailleurs prévue ce jour-là.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 455. Dans sa communication du 17 juillet 1996, le gouvernement indique qu'avec la chute de la dictature, le 1er décembre 1990, le Tchad s'est engagé dans la voie de la démocratie pluraliste et que ce type de régime suppose l'affirmation des libertés dont la promotion exige de tous les acteurs le sens de la responsabilité et de la mesure, surtout dans un pays qui a connu plusieurs décennies d'animosités et de conflits armés. Le gouvernement ajoute qu'il importe que les acteurs comprennent la nature et le rôle des différentes organisations qui animent la vie économique, sociale, culturelle et politique du pays, ce qui veut dire éviter de confondre le rôle des uns et des autres, éviter de se tromper de cadre, de type d'organisation. Une organisation syndicale n'a pas pour vocation de se mêler des luttes politiciennes, de prendre des positions partisanes dans des contentieux opposant des acteurs politiques. Or, indique le gouvernement dans un communiqué de presse du 24 juin 1996, l'UST a annoncé qu'elle avait décidé "d'oeuvrer et d'orienter désormais ses actions pour une lutte permanente de libération nationale" (le gouvernement a joint à sa réponse le communiqué de presse en question dans lequel l'UST appelle ses affiliés à s'abstenir de voter au deuxième tour des élections présidentielles). Le gouvernement indique que cette affirmation traduit une volonté certaine de mutation décidée par les dirigeants de cette centrale et fait apparaître deux notions fondamentales incompatibles avec sa nature de syndicat: a) la notion de révolution permanente bien connue dans les milieux politiques, idéologiquement ancrés à l'extrême gauche du mouvement communiste international; b) la notion de lutte de libération nationale qui sous-entend une rébellion armée. C'est dans ce contexte que le gouvernement a décidé de suspendre l'Union des syndicats du Tchad, dont les dirigeants ont, par ailleurs, fait montre d'un activisme débordant pendant le dernier scrutin présidentiel. Cette décision constitue une mesure conservatoire. Le gouvernement précise qu'elle a été adoptée pour assurer le développement normal du second tour des élections présidentielles et qu'elle a été rapportée le 30 juin 1996 (copie de cette décision est jointe).
- 456. Dans sa communication du 5 septembre 1996, le gouvernement déclare que l'occupation par les forces de sécurité du siège de l'UST, le 29 juin 1996, jour prévu pour la tenue d'une assemblée générale, était requise pour prévenir tout débordement, étant donné que l'UST projetait de boycotter le deuxième tour du scrutin présidentiel à l'issue de cette assemblée, ce qui aurait été préjudiciable à la sécurité de l'Etat. Il ajoute que les forces de sécurité ont évacué les lieux le lendemain de l'occupation, une fois l'ordre rétabli.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 457. Le comité observe que les allégations portent sur la suspension des activités de l'Union des syndicats du Tchad (UST) et sur l'occupation de son siège.
- 458. Le comité note que le gouvernement signale le caractère conservatoire de ces mesures, adoptées dans un contexte d'élections politiques, alors que l'UST, dans un communiqué, avait appelé ses affiliés à s'abstenir de voter. Dans ce communiqué, joint à la réponse du gouvernement, l'UST déclare qu'elle entend orienter ses actions vers une lutte de libération nationale. A ce sujet, le comité rappelle que "ce n'est que dans la mesure où elles prendront soin de ne pas conférer à leurs revendications professionnelles un caractère nettement politique que les organisations pourront légitimement prétendre à ce qu'il ne soit pas porté atteinte à leurs activités. D'autre part, la frontière entre ce qui est politique et ce qui est proprement syndical est difficile à tracer avec netteté. Les deux notions s'interpénètrent et il est inévitable, et parfois normal, que les publications syndicales comportent des prises de position sur des questions ayant des aspects politiques, comme sur des questions strictement économiques et sociales." (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 457.)
- 459. Dans le présent cas, les prises de position de l'UST partiellement de nature politique ont eu pour conséquence la suspension de ses activités par voie administrative. Cette mesure constitue, sans nul doute, une violation de l'article 4 de la convention no 87, ratifiée par le Tchad, lequel dispose que "les organisations d'employeurs et de travailleurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative". Par conséquent, le comité déplore profondément que le gouvernement ait eu recours à cette mesure. Cependant, il observe qu'elle a été rapportée.
- 460. En ce qui concerne l'occupation par les forces de sécurité du siège de l'UST, le comité signale à l'attention du gouvernement qu'il a, à de nombreuses occasions, souligné que "l'inviolabilité des locaux syndicaux a comme corollaire indispensable que les autorités publiques ne peuvent exiger de pénétrer dans ces locaux sans l'autorisation préalable des occupants ou sans être en possession d'un mandat judiciaire les y autorisant". (Voir Recueil, op. cit., paragr. 175.)
- 461. En outre, constatant que l'occupation du siège de l'UST a eu lieu le jour même où devait se tenir l'assemblée générale des travailleurs, le comité rappelle au gouvernement que "le droit des organisations professionnelles de tenir des réunions dans leurs propres locaux pour y examiner des questions professionnelles, sans autorisation préalable ni ingérence des autorités, constitue un élément essentiel de la liberté d'association, et les autorités devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice". (Voir Recueil, op. cit., paragr. 130.)
- 462. Dans ces conditions, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éviter qu'à l'avenir une organisation syndicale fasse l'objet d'une mesure de suspension par voie administrative de ses activités ou d'occupation de ses locaux sans mandat judiciaire.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 463. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
- Soulignant que la suspension des activités d'une organisation syndicale par voie administrative et l'occupation de locaux syndicaux sans mandat judiciaire en vue d'interrompre des réunions syndicales constituent de graves violations des principes de la liberté syndicale, le comité demande instamment au gouvernement d'assurer qu'à l'avenir de telles mesures ne soient pas adoptées.