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de syndicalistes, ingérence dans l’administration
- de syndicalistes, ingérence dans l’administration
- interne d’un syndicat
- 368 Le comité a déjà examiné ce cas quant au fond à ses sessions de novembre 1997, juin 1998, juin 1999, mai-juin 2000 et novembre 2000, où il a présenté chaque fois un rapport au Conseil d’administration. [Voir 308e rapport, paragr. 327-347; 310e rapport, paragr. 368-392; 316e rapport, paragr. 465-504; 321e rapport, paragr. 220-236; 323e rapport, paragr. 176-200.]
- 369 Le gouvernement a fourni des informations complémentaires dans une communication du 31 janvier 2001. L’Internationale de l’éducation a fourni de nouvelles informations dans une communication du 21 mars 2001.
- 370 L’Ethiopie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 371. Lors des examens antérieurs de ce cas, le comité s’est penché sur de très graves allégations de violations de la liberté syndicale, notamment le refus du gouvernement de continuer à reconnaître l’Association des enseignants éthiopiens (ETA), le gel des avoirs de cette organisation ainsi que le meurtre, l’arrestation, la détention, le harcèlement, le licenciement et la mutation de membres et responsables de l’ETA. Le comité a exprimé à plusieurs occasions sa profonde préoccupation quant à l’extrême gravité de ce cas et a instamment prié le gouvernement de coopérer en fournissant une réponse détaillée à toutes les questions qu’il avait posées.
- 372. Lors de sa session de novembre 2000, au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d’administration a approuvé les recommandations suivantes:
- a) Considérant que des doutes sérieux persistent quant à la question de savoir si des garanties de procédure ont été accordées au Dr Woldesmiate et à ses cinq coinculpés, le comité, une fois de plus, demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation, notamment de toutes mesures prises pour les libérer.
- b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation concernant le transfert des biens et avoirs de l’ETA et de lui communiquer le texte du jugement définitif de la Haute Cour fédérale dès qu’il aura été prononcé.
- c) Le comité invite instamment le gouvernement à faire en sorte que l’introduction du système d’évaluation pour les enseignants ne serve pas de prétexte à la discrimination antisyndicale, et à l’informer des progrès réalisés en la matière.
- d) Le comité demande à nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que tous les dirigeants et membres de l’ETA qui sont détenus ou inculpés seront libérés et que tous les chefs d’inculpation seront abandonnés, et de garantir qu’à l’avenir les travailleurs ne seront pas victimes de harcèlement ou ne seront pas arrêtés à cause de leur appartenance à un syndicat ou de leurs activités syndicales. Le comité invite les organisations plaignantes à fournir des informations à jour sur les travailleurs qu’il considère encore comme lésés par les mesures gouvernementales.
- e) Le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les responsables et adhérents de l’ETA qui ont été licenciés seront réintégrés dans leur emploi s’ils le désirent, et que leur seront versées des compensations pour perte de salaire et d’indemnités, et de le tenir informé des progrès réalisés en la matière. Le comité invite les organisations plaignantes à lui fournir des informations à jour sur les travailleurs toujours concernés par ces mesures.
- f) Déplorant qu’en dépit de la nature extrêmement grave de l’allégation le gouvernement a clairement indiqué qu’il n’a aucune intention de diligenter une enquête judiciaire indépendante sur le meurtre de M. Assefa Maru, le comité une fois de plus prie instamment le gouvernement d’ouvrir une telle enquête immédiatement afin d’établir les faits, de déterminer les responsabilités et de sanctionner les coupables, le cas échéant. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’ouverture et de l’issue de l’enquête.
- g) Compte tenu du temps écoulé depuis l’introduction de la plainte, de l’extrême gravité de la situation, comme l’attestent les interventions répétées des divers organes de contrôle, ainsi que de la volonté déclarée du gouvernement de faire avancer les choses, le comité prie instamment celui-ci de réexaminer globalement la situation, afin d’œuvrer à un règlement rapide de toutes les questions en instance, et lui rappelle qu’il peut se prévaloir à cette fin de l’assistance technique du BIT.
B. Nouvelles observations du gouvernement
B. Nouvelles observations du gouvernement
- 373. Dans sa communication du 31 janvier 2001, le gouvernement déclare qu’il a répondu à maintes reprises aux allégations des plaignants, mais que le comité semble réticent à tenir compte de certaines de ses observations, particulièrement celles qui portent sur les dirigeants du Front national éthiopien ainsi que sur l’arrestation et la détention de membres de l’ETA. Le gouvernement déclare également à ce sujet que l’ETA a élu un nouvel exécutif dont il n’a reçu aucune indication sur la manière de traiter la plainte, ce qui a considérablement retardé la solution du cas. Tout en étant disposé à reconsidérer l’ensemble de la situation et en ayant pris contact avec le BIT en vue d’une éventuelle assistance technique, le gouvernement estime que les conclusions et recommandations du comité au sujet du Dr Taye Woldesmiate et de son successeur, M. Assefa Maru, font preuve d’antagonisme à son égard, et non de la volonté de favoriser un dialogue positif, et qu’elles ne sont pas conformes aux conclusions générales et aux recommandations du comité. [Voir 323e rapport, paragr. 199 et 200 g).]
- 374. En ce qui concerne les allégations d’ingérence dans le fonctionnement de l’ETA, le gouvernement déclare qu’il n’est pas intervenu dans la controverse qui a opposé les deux comités exécutifs au sujet de la direction de l’association, controverse qui a été résolue par voie judiciaire. Le gouvernement conclut que le nouveau comité exécutif de l’ETA a été dûment élu, sans aucune ingérence de sa part, et rejette la conclusion du comité à cet égard. [Voir 323e rapport, paragr. 192.]
- 375. En ce qui concerne le Dr Taye Woldesmiate et M. Assefa Maru, le gouvernement déclare que le comité, ne disposant d’aucun élément factuel pour prouver ses dires, ne semble pas accepter le fait que la Haute Cour fédérale, se fondant sur des témoignages, des documents et des pièces à conviction, a jugé ces personnes et leurs coinculpés coupables de conspirer pour renverser l’Etat. Ces cas sont liés aux activités d’un groupe terroriste opposé à la paix, et non au fait que les intéressés sont membres de l’ETA. La Constitution et le Code de procédure pénale garantissent le respect de la légalité et des droits de l’accusé. La décision a été rendue par un tribunal indépendant, sans aucune intervention du gouvernement, lequel regrette profondément cette interprétation de la décision et estime que les conclusions du comité à cet égard [voir 323e rapport, paragr. 193 et 200 a)] témoignent d’un manque de respect pour les décisions et l’intégrité des tribunaux éthiopiens, et reviennent à lui demander de s’ingérer dans le fonctionnement et l’indépendance du pouvoir judiciaire. A ce sujet, le gouvernement rejette les conclusions du comité concernant M. Assefa Maru et demande la révision de la recommandation correspondante [voir 323e rapport, paragr. 200 f)], de façon à permettre de porter un regard nouveau sur les questions en suspens, avec l’assistance technique du BIT. En outre, le gouvernement tient à ce que soient établies des relations avec le nouvel exécutif de l’ETA, afin de pouvoir résoudre le cas et il demande à cet effet au comité de prendre contact avec ce nouvel exécutif pour connaître ses vues sur les questions en suspens.
- 376. En ce qui concerne la détention alléguée de membres de l’ETA, le gouvernement réaffirme que nul n’a été arrêté ou n’est détenu dans le pays en raison de son appartenance au syndicat d’enseignants. La Constitution garantit la liberté syndicale. Le gouvernement rappelle ses observations précédentes sur ces questions, déclare qu’il n’aurait pas dû être tenu compte de ces allégations non fondées et rejette les conclusions du comité à ce sujet. [Voir 323e rapport, paragr. 200 d) et e).]
- 377. Au sujet du transfert des biens et avoirs de l’ETA, le gouvernement joint à sa communication un arrêt du 19 juillet 2000 de la Cour suprême fédérale confirmant la décision de la juridiction de première instance selon qui les biens de l’ETA devaient être transférés au nouveau comité exécutif.
- 378. En ce qui concerne le système d’évaluation des enseignants, le gouvernement rappelle ses observations précédentes, à savoir que ce système n’a jamais servi de prétexte à la discrimination antisyndicale, mais a été adopté pour améliorer l’efficacité du système éducatif. L’appartenance syndicale est indépendante du fonctionnement de ce système.
C. Nouvelles allégations des plaignants
C. Nouvelles allégations des plaignants
- 379. Dans sa communication du 21 mars 2001, l’Internationale de l’éducation (IE) présente une mise à jour de la situation de l’ETA au sujet de la liberté syndicale et du droit d’organisation et résume les faits nouveaux survenus dans le secteur de l’éducation qui ont influé sur ces droits, en se fondant sur les informations rassemblées au cours d’une mission menée par elle dans le pays du 10 au 16 mars 2001. L’IE souligne qu’elle n’a pas été à même de fournir une réponse et des observations complètes au sujet des communications du gouvernement, comme signalé dans le 323e rapport du comité.
- 380. Les représentants de l’IE ont pu rencontrer le Dr Taye Woldesmiate dans sa prison, où il est maintenant détenu depuis plus de cinq ans. Ses conditions de détention restent très strictes, proches de l’isolement; il est détenu dans un local restreint, en compagnie de six ou sept autres prisonniers, qui ont accès à un espace extérieur ne mesurant que dix mètres sur quatre et entouré de murs. Il n’est pas autorisé à travailler dans l’école de la prison, n’a pas accès à la bibliothèque et n’a le droit de communiquer qu’avec ses compagnons de détention. On lui refuse les soins dentaires, alors même qu’il est disposé à payer les traitements nécessaires. Cependant, il a le droit de recevoir du courrier et certains ouvrages de lecture. La délégation de l’IE a demandé avec insistance aux autorités que le Dr Taye Woldesmiate soit immédiatement libéré, en raison de diverses irrégularités dans l’instruction de son dossier. Ses avocats ont fait appel après sa condamnation de juin 1999, mais la Cour suprême a différé 12 fois l’examen des cas et ne s’est pas encore prononcée sur la recevabilité de cet appel, situation qualifiée d’inacceptable, même selon les normes du pays. Tant les avocats du Dr Taye Woldesmiate que des représentants des autorités ont clairement indiqué que le gouvernement ne répondrait à aucun appel en faveur de sa libération tant que toutes les procédures judiciaires n’auraient pas été épuisées. Le Dr Taye Woldesmiate a été reconnu prisonnier de conscience par Amnesty International, après que son cas eut été examiné par les experts juridiques de cette organisation.
- 381. Aucune mesure n’a été prise pour mener une enquête indépendante sur le meurtre, survenu en mai 1997, de M. Assefa Maru, alors secrétaire général adjoint de l’ETA. Alors que les plaignants appuient fermement la recommandation du comité à ce sujet, des responsables du ministère de la Justice leur ont déclaré qu’un délai trop long s’était écoulé pour permettre la tenue d’une enquête, et que le rapport de police relatif à cette question suffisait; ces responsables ont toutefois accepté de poursuivre les consultations avec le Premier ministre.
- 382. En ce qui concerne plus généralement la liberté d’association et le droit d’organisation, les plaignants déclarent que cette liberté n’existe pas en Ethiopie. La législation en vigueur autorise un seul syndicat par secteur. Par ailleurs, les fonctionnaires, et notamment les enseignants, n’ont pas le droit de se syndiquer, mais peuvent seulement créer des associations professionnelles ayant le statut d’organisation non gouvernementale. Le ministre du Travail a exposé à la délégation de l’IE les changements législatifs proposés, qui devraient prévoir la pluralité de représentation sur le lieu de travail et permettre aux fonctionnaires de créer des syndicats et de se syndiquer. Ces changements seront accueillis favorablement par l’IE et par l’ETA. Toutes les autorités ont souligné que la Constitution actuelle prévoyait la liberté d’association et que le gouvernement était favorable à la constitution d’organisations non gouvernementales; elles ont déclaré qu’il n’existe aucun obstacle à la constitution de ces organisations, y compris celles qui sont formées par des enseignants, à condition qu’elles respectent certaines règles. Pour l’IE, cependant, ces règles constituent en pratique des obstacles de taille à une véritable liberté syndicale.
- 383. La situation du secteur de l’éducation reste en contradiction totale avec la convention no 87. En fait, deux organisations sont en place. La première est l’Association des enseignants éthiopiens, dirigée par le Dr Taye Woldesmiate; la seconde, qui bénéficie maintenant de la reconnaissance gouvernementale, est dirigée par M. Ato Ahmed Ababulgu. Par l’intermédiaire des tribunaux et avec l’aide de la police et autres forces de sécurité de l’Etat, l’organisation dirigée par le Dr Taye Woldesmiate a été privée de tous ses bureaux régionaux. Les comptes bancaires de l’organisation ont d’abord été gelés, puis transférés à l’autre organisation. A présent, des scellés ont été posés, par décision de justice, sur la seule propriété qui lui restait à Addis-Abeba. L’ETA n’a pas accès à son matériel et à ses dossiers. Les loyers des autres bureaux situés dans ce bâtiment, qui étaient essentiels à l’ETA pour lui permettre de continuer à fonctionner alors même que ses comptes bancaires étaient gelés, doivent maintenant être remis entre les mains de la justice.
- 384. Deux des cas soumis à la justice, dont le cas en suspens (qui visait à priver le syndicat affilié à l’IE de son dernier bien immobilier restant), l’ont été par le groupe de M. Ababulgu contre l’exécutif dirigé par le Dr Taye Woldesmiate. Une plainte a été déposée à titre défensif par l’organisation du Dr Taye Woldesmiate à l’encontre de la «nouvelle» ETA. Après une décision initiale favorable à l’exécutif du Dr Taye Woldesmiate, la Cour d’appel a jugé qu’il y avait une seule association des enseignants éthiopiens et que l’assemblée générale de cette association devait choisir sa direction, comme le prévoient ses statuts. Les deux groupes ont tenu une assemblée générale et ont confirmé leur direction. Cependant, le gouvernement continue à reconnaître seulement le groupe dirigé par M. Ato Ahmed Ababulgu.
- 385. Les plaignants déclarent que le gouvernement éthiopien a pour responsabilité de favoriser la liberté syndicale dans le cadre de la convention no 87. Il devrait à tout le moins proposer que la nouvelle organisation renonce à son action en justice et inciter les deux organisations à résoudre leurs différends par la discussion. En cas d’échec, il devrait affirmer clairement le droit des deux organisations à coexister moyennant une répartition équitable des actifs entre eux.
- 386. Les responsables gouvernementaux qu’a rencontrés la délégation de l’IE ont fait un certain nombre de déclarations, résumées ci-dessous et accompagnées d’un commentaire de l’ETA ou de l’IE:
- – Les autorités ont mis en doute l’existence de l’ETA affiliée à l’IE et se sont demandé si elle avait des membres. En fait, la mission de l’IE a rencontré plus de 80 membres de la section d’Addis-Abeba le 11 mars 2001, et ils auraient été plus nombreux si les membres de la mission avaient pu les rencontrer l’après-midi précédent, comme prévu. En 1997, l’IE a pu tenir deux réunions avec les membres de la section d’Addis-Abeba de l’ETA; les deux fois, près de 300 de ces membres étaient présents.
- – Les autorités ont laissé entendre que, si l’ETA affiliée à l’IE avait effectivement des membres, ceux-ci étaient circonscrits à Addis-Abeba. En fait, l’ETA a tenu depuis 1997 des réunions et ateliers annuels, auxquels ont participé des représentants de toutes les régions, sauf deux. En outre, elle a commencé à restructurer son organisation dans les régions, mais s’est heurtée aux obstacles posés par les autorités régionales et locales, lesquelles se fondaient sur le fait que le ministère fédéral de l’Education n’avait pas approuvé l’organisation; de fait, l’ETA affirme que le ministre de l’Education a donné instruction aux autorités régionales de ne pas traiter avec ses membres et de refuser à ceux-ci l’accès aux écoles. Par le biais du vice-ministre de l’Education, l’IE a demandé que le ministre écrive aux régions pour les inciter à autoriser l’IE et l’ETA à s’organiser. Cette opération ne nécessiterait pas de changement législatif et pourrait se faire par voie de circulaire administrative.
- – Les autorités ont déclaré que tous les enseignants n’étaient pas tenus de verser une cotisation à la nouvelle ETA, qu’il s’agissait là d’un geste totalement volontaire et que 95 pour cent d’entre eux choisissaient d’adhérer à cette nouvelle ETA. La délégation de l’IE a rencontré un certain nombre d’enseignants qui ont cherché à empêcher que la cotisation prélevée sur leurs traitements ne soit pas versée à l’autre organisation. Aucun d’eux n’y a réussi, malgré des demandes écrites aux autorités. Un enseignant a déclaré avoir été muté dans une école plus éloignée peu de temps après avoir fait une telle demande. L’IE a entendu d’autres récits similaires. Un certain nombre d’enseignants et autres personnes ont évoqué un climat de peur, d’intimidation et de politisation dans les écoles dû au fait que des cadres du parti au pouvoir sont nommés aux postes clés, indépendamment de leurs qualifications, de leur ancienneté ou de leur expérience.
- – Les autorités ont déclaré que l’ancienne ETA était libre de s’organiser à condition de le faire sur la base de la structure déterminée par le gouvernement, à savoir que des organisations indépendantes devraient être créées dans chaque région, puis affiliées à un organe fédéral. L’ETA affiliée à l’IE a commencé à se restructurer et à remodeler son organisation au niveau régional. Cependant, les autorités régionales et locales y font obstacle. Par ailleurs, l’IE et l’ETA nient au gouvernement le droit de leur dicter la structure de l’association. C’est aux membres qu’il appartient de le faire. En outre, l’ETA s’oppose fermement à l’imposition de structures à base ethnique, dont il apparaît qu’il s’agit d’un élément de la politique actuelle du gouvernement.
- 387. Malgré les multiples demandes adressées au ministre de l’Education, les autorités ont refusé de rencontrer les responsables de l’ETA, ne serait-ce que pour des discussions générales. La nouvelle politique de l’éducation ainsi que le statut et la rémunération actuels des enseignants suscitent de nombreuses préoccupations chez l’ETA et ses membres, auxquels on refuse l’accès à toute instance où ils pourraient faire part de ces préoccupations. Le secteur de l’éducation se heurte à de très graves difficultés à tous les niveaux. L’IE joint à sa communication un résumé des difficultés auxquelles font face les membres de l’ETA. Le refus de reconnaître celle-ci et de la faire participer aux discussions menées sur l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de l’éducation ne constitue pas seulement une violation des obligations souscrites par l’Ethiopie au titre des conventions nos 87 et 98, mais aussi un obstacle de taille à la mise en place d’une éducation de qualité pour tous dans le pays.
- 388. La mise en œuvre de la politique linguistique a créé de nombreuses difficultés et constitue peut-être actuellement le problème le plus épineux. Le mécontentement qui règne non seulement chez les enseignants, mais aussi chez les parents et les élèves dans certaines zones, a entraîné en 1999 et 2000 de graves perturbations, à la suite desquelles les enseignants ont été de nouveau victimes de licenciements, de mutations et d’incarcérations arbitraires. Pour donner une idée de l’ampleur des problèmes qui se posent lorsqu’il n’y a ni dialogue social ni participation des enseignants, ou plus largement des parents et des élèves, au sujet de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique de l’éducation, l’IE joint un rapport du Conseil éthiopien des droits de l’homme (EHRCO) qui porte sur la manière dont a été imposée une langue particulière dans les écoles de la partie nord de l’Omo.
- 389. L’IE conclut en se félicitant des projets de changements législatifs et souligne l’importance d’une adoption immédiate de ces changements. Le gouvernement doit reconnaître de toute urgence le droit syndical de l’ETA dirigée par le Dr Taye Woldesmiate. L’IE et l’ETA considèrent que le gouvernement, avant même d’adopter les changements législatifs précités, pourrait prendre différentes mesures administratives initiales par voie de circulaire pour rappeler aux autorités scolaires le droit des membres du personnel de choisir le syndicat auquel ils décident d’adhérer et l’organisme auquel les cotisations des membres doivent être remises. Le gouvernement pourrait aussi suggérer que la «nouvelle» ETA retire la plainte en suspens, et qu’on fasse appel à une médiation indépendante pour aplanir les difficultés qui opposent les deux organismes. Si la médiation échoue, ces deux organismes doivent alors rester libres de jouer leur rôle syndical moyennant une répartition équitable de leurs biens.
- 390. Il faudrait également entreprendre les actions suivantes: mettre fin au harcèlement et à l’intimidation dont sont toujours victimes les membres et les militants de l’ETA; mettre fin à la politisation des décisions relatives à la carrière des enseignants, notamment aux promotions et aux mutations; réintégrer et indemniser les enseignants qui ont été licenciés ou mutés arbitrairement en raison de leur appartenance à l’ETA. Le Dr Taye Woldesmiate doit être libéré, et il faut ouvrir une enquête indépendante sur le meurtre d’Assefa Maru.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
- 391. Le comité rappelle que la présente plainte porte sur des allégations extrêmement graves de violations de la liberté syndicale et qu’il a déjà examiné ce cas quant au fond non moins de cinq fois depuis novembre 1997, sans être en mesure de noter des progrès concrets. Etant donné qu’il a reçu récemment des informations préoccupantes de la part des plaignants mais que le gouvernement n’a pas encore eu la possibilité de faire ses observations, le comité se bornera à ce stade à rappeler brièvement l’ensemble de ses conclusions et recommandations précédentes, en appelant l’attention sur les éléments nouveaux ou complémentaires qui ont un lien avec elles et en invitant le gouvernement à faire des observations lorsque nécessaire.
- Le Dr Taye Woldesmiate et ses coinculpés
- 392. Le comité note que le gouvernement rappelle sa position antérieure, à savoir que le Dr Taye Woldesmiate et ses coinculpés ont été jugés coupables de mener des activités terroristes et de se livrer à une conspiration visant à renverser l’Etat. Notant avec une vive préoccupation que la procédure d’appel a été différée 12 fois sans même qu’une décision ne soit prise sur la recevabilité de cet appel, le comité rappelle que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 56] et exhorte le gouvernement à veiller à ce que le Dr Taye Woldesmiate et ses coinculpés bénéficient aussitôt que possible du droit de faire appel, assorti de toutes les garanties relatives au respect de la légalité. Rappelant ses conclusions et recommandations précédentes [voir 323e rapport, paragr. 200 a)] à ce sujet et tenant compte des dernières informations sur les conditions de la détention du Dr Taye Woldesmiate, le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation, en particulier en ce qui concerne les mesures prises pour libérer le Dr Taye Woldesmiate et ses coinculpés.
- Enquête au sujet du meurtre d’Assefa Maru
- 393. Tout en notant avec regret le rejet global par le gouvernement de ses conclusions et recommandations concernant Assefa Maru, le comité note que, selon les dernières indications données par les plaignants, de nouvelles consultations pourraient avoir lieu à ce sujet entre les responsables du ministère de la Justice et le Premier ministre. Le comité rappelle que l’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exige l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquels se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 51.] Le comité demande une fois de plus au gouvernement de veiller à ce qu’une enquête indépendante soit ouverte immédiatement et de le tenir informé de l’évolution à cet égard.
- Arrestations, détentions et harcèlement
- de membres de l’ETA
- 394. En ce qui concerne les allégations relatives aux membres et aux dirigeants de l’ETA qui ont été inculpés et incarcérés, ainsi qu’au harcèlement de travailleurs dû à leur appartenance et à leurs activités syndicales, le comité note que le gouvernement affirme que personne n’est détenu dans le pays en raison de son appartenance au syndicat des enseignants. Le comité rappelle sa recommandation précédente à ce sujet [voir 323e rapport, paragr. 200 d)] et demande aux plaignants de fournir des informations à jour sur les travailleurs qui, selon eux, restent touchés par ces mesures du gouvernement.
- Mutation ou licenciement de membres de l’ETA
- 395. Le comité note que le gouvernement n’a pas soumis d’informations au sujet des membres de l’ETA qui auraient été mutés ou licenciés et note avec préoccupation les informations les plus récentes fournies par l’IE à cet égard. Le comité rappelle sa recommandation précédente sur ces allégations [voir 323e rapport, paragr. 200 e)], demande au gouvernement de fournir ses observations, y compris en ce qui concerne les dernières allégations, et demande aux plaignants de fournir les informations à jour sur les travailleurs toujours touchés par ces mesures.
- 396. Le comité note que le gouvernement rappelle essentiellement ses commentaires précédents au sujet du système d’évaluation, mais note avec préoccupation les dernières allégations relatives au climat de peur, d’intimidation et de politisation qui règne dans les écoles dû au fait que des cadres du parti au pouvoir sont nommés à des postes de direction, indépendamment de leurs qualifications éducatives, de leur ancienneté ou de leur expérience. Rappelant que l’introduction du système d’évaluation ne devrait pas servir de prétexte à la discrimination antisyndicale, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation et de fournir ses observations sur les dernières allégations des plaignants à ce sujet.
- Ingérence dans le fonctionnement de l’ETA;
- liberté syndicale
- 397. En ce qui concerne les allégations d’ingérence dans le fonctionnement de l’ETA et dans l’élection de son comité exécutif, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle il ne s’est jamais ingéré dans ces questions, qui ont été résolues par voie judiciaire. Le comité note également que le gouvernement reconnaît une seule association d’enseignants, celle qui est dirigée par le nouveau comité exécutif, avec à sa tête M. Ato Ahmed Ababulgu. Etant donné qu’en vertu de la législation en vigueur une seule organisation est autorisée par secteur, il est impossible d’en créer une autre, qu’elle soit dirigée par l’ancien exécutif de l’ETA ou par tout autre groupe de personnes. En outre, selon les dernières informations fournies au comité, les enseignants qui ont cherché à empêcher que leur cotisation syndicale ne soit versée à la nouvelle ETA ont échoué, et l’ancienne ETA n’est libre de s’organiser que si elle le fait sur la base de la structure déterminée par le gouvernement (organisations indépendantes créées dans chaque région puis affiliées à un organe fédéral). Le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations sur les dernières informations concernant ces aspects du cas qui soulèvent un certain nombre de questions liées aux principes de la liberté syndicale, principes qu’il souhaite rappeler ici:
- – les travailleurs doivent pouvoir effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix, ce qui implique notamment la possibilité de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes de celles qui existent déjà et de tout parti politique [voir Recueil, op. cit., paragr. 273 et 274];
- – il n’appartient pas au comité de se prononcer sur des conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d’une manière qui pourrait affecter l’exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d’une organisation [voir Recueil, op. cit., paragr. 963];
- – en favorisant ou en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres, un gouvernement pourra influencer le choix des travailleurs en ce qui concerne l’organisation à laquelle ils entendent appartenir; en agissant de la sorte, un gouvernement porte atteinte au principe établi dans la convention no 87, selon lequel les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter les droits consentis par cet instrument ou à en entraver l’exercice légal. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 304.]
- 398. Le comité note en outre au sujet de ces questions, qui ont été également examinées par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations dans son dernier rapport [CIT, 2001, pp. 286-288], que les autorités ont examiné avec la mission de l’IE certains projets de changements législatifs prévoyant une pluralité de représentation au niveau du lieu de travail et autorisant les fonctionnaires et les enseignants à créer des syndicats et à y adhérer. Rappelant au gouvernement qu’il peut faire appel à l’assistance technique du BIT à ce sujet, le comité lui demande de le tenir informé de l’évolution de la situation.
- 399. Le comité prend note de l’arrêt rendu le 19 juillet 2000 par la Cour suprême fédérale, qui a renvoyé la question de la propriété des avoirs de l’ETA à l’assemblée générale. Tout en rappelant les principes généraux applicables en ce domaine (avoirs répartis entre les membres de l’organisation dissoute ou transférés à l’organisation qui lui succède; voir Recueil, op. cit., paragr. 684-686), le comité note qu’en l’espèce une solution équitable de cette question a un lien étroit – jusqu’à en dépendre – avec la question qui la précède immédiatement, à savoir la possibilité véritable pour tous les travailleurs intéressés, dans la législation et la pratique, de créer une organisation de leur choix et d’y adhérer librement. Si ces conditions sont remplies concrètement, il sera alors possible – mais alors seulement – d’opérer une répartition équitable des avoirs. Le comité demande au gouvernement de prendre ces aspects du cas en considération lors de la répartition ultime des biens de l’ETA.
- 400. Notant avec intérêt que les autorités sont disposées à reconsidérer l’ensemble de la situation, le comité rappelle une nouvelle fois que le gouvernement peut faire appel à l’assistance technique du BIT sur toutes les questions précitées.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 401. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Rappelant que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice, le comité invite instamment le gouvernement à veiller à ce que le Dr Taye Woldesmiate et ses coinculpés bénéficient aussitôt que possible du droit de faire appel, assorti de toutes les garanties légales, et lui demande à nouveau de le tenir informé de l’évolution de la situation, en particulier en ce qui concerne les mesures prises pour libérer le Dr Taye Woldesmiate et ses coinculpés.
- b) Le comité demande une fois de plus au gouvernement d’ouvrir une enquête indépendante sur le meurtre de M. Assefa Maru et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- c) Le comité demande aux plaignants de lui fournir des informations à jour sur les travailleurs dont ils considèrent qu’ils sont toujours lésés par les mesures du gouvernement, à savoir les membres et dirigeants de l’ETA inculpés, incarcérés ou harcelés en raison de leur appartenance et de leurs activités syndicales.
- d) Le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations sur les allégations – et notamment les plus récentes – relatives aux membres de l’ETA qui auraient été mutés ou licenciés et demande aux plaignants de fournir des informations à jour sur les travailleurs qui restent touchés par ces mesures.
- e) Rappelant que l’adoption du système d’évaluation ne devrait pas servir de prétexte à la discrimination antisyndicale, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation et de lui communiquer ses observations sur les dernières allégations des plaignants à ce sujet.
- f) Le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations sur les dernières allégations d’ingérence dans les activités de l’ETA.
- g) Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les principes de la liberté syndicale, et en particulier ceux qui portent sur le droit des travailleurs de créer des organisations de leur choix et d’y adhérer, soient pleinement pris en considération dans la répartition définitive des avoirs de l’ETA.
- h) Rappelant que les enseignants, comme les autres travailleurs, doivent avoir le droit de constituer, et d’adhérer à, des organisations de leur choix, ainsi que celui de négocier collectivement, le comité demande au gouvernement de modifier la législation, et de le tenir informé des mesures prises en ce sens.
- i) Notant avec intérêt que les autorités sont disposées à reconsidérer l’ensemble de la situation, le comité rappelle une nouvelle fois que le gouvernement peut faire appel à l’assistance technique du BIT sur toutes les questions précitées.