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Rapport intérimaire - Rapport No. 305, Novembre 1996

Cas no 1876 (Guatemala) - Date de la plainte: 03-AVR. -96 - Clos

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315. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datée du 3 avril 1996. Par la suite, l'organisation plaignante a envoyé des informations complémentaires dans une communication datée du 29 mai 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée des 9 mai et 13 septembre 1996.

  1. 315. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datée du 3 avril 1996. Par la suite, l'organisation plaignante a envoyé des informations complémentaires dans une communication datée du 29 mai 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée des 9 mai et 13 septembre 1996.
  2. 316. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 317. Dans ses communications des 13 avril et 29 mai 1996, la Confédération internationale des syndicats libres allègue que les violations des droits de l'homme suivantes ont été commises à l'encontre de syndicalistes ou de membres de leurs familles:
    • - enlèvement de M. Salvador Archila Miranda, travailleur de l'exploitation agricole "Los Cerros", le 31 mars 1996, on ne sait toujours pas où il se trouve;
    • - enlèvement de Mme Vilma Cristina González en février 1996 par quatre hommes armés pendant quatre heures, au cours desquelles elle a été outragée, torturée et soumise à sédation. Elle a été avertie qu'elle devait quitter le pays, tout comme son frère (secrétaire général de la Fédération syndicale des employés de banque), sinon ils seraient assassinés;
    • - menaces de mort proférées contre des syndicalistes de la Fédération syndicale des employés de banque; Mme Verónica Vázquez, secrétaire générale, a été avertie que si elle ne fournissait pas les informations qu'on lui demandait sur les membres de cette fédération elle pourrait être victime d'une agression;
    • - nouvelles menaces de mort proférées contre Débora Guzmán Chupén en février 1996 (l'organisation plaignante joint le texte d'une menace adressée par écrit); la personne susmentionnée ainsi que sa famille ont dû se cacher;
    • - enlèvement, en février 1996, du fils de M. Rolando Yoc, dirigeant de l'Assemblée nationale des travailleurs de la santé publique;
    • - persécutions à l'encontre de M. Víctor Hugo Durán, secrétaire général du Syndicat de l'entreprise des télécommunications du Guatemala;
    • - menaces et intimidations à l'encontre de MM. Féliz Hernández, Jorge Galindo et Danilo Aguilar, dirigeants de la Fédération nationale des fonctionnaires publics;
    • - menaces de mort proférées contre M. Juan Francisco Alfaro Mijangos, secrétaire général de la Confédération de l'unité syndicale du Guatemala (CUSG).
  2. Le 17 avril 1996, le journal guatémaltèque Notisiete a publié dans son édition du soir des informations affirmant que M. Alfaro serait l'instigateur et l'auteur intellectuel de certains incidents survenus dans l'exploitation agricole "El Tablero", au cours desquels quelques personnes ont malheureusement trouvé la mort tandis que d'autres ont été blessées. Immédiatement après la diffusion de ces fausses informations, M. Alfaro a commencé à recevoir des menaces de mort par téléphone, qui ont mis sa vie et son intégrité physique et psychologique en péril, étant donné le climat d'insécurité et d'absence de moyens de défense qui prévaut au Guatemala. Au cours d'une conférence de presse, M. Alfaro, en sa qualité de secrétaire général de la CUSG, a dénoncé publiquement ces faits et a sollicité l'appui de la communauté nationale et internationale en faveur de ces agriculteurs qui ne revendiquent que leur droit inaliénable au travail. La CUSG a démenti publiquement toute implication dans le conflit de l'exploitation agricole "El Tablero", non pas qu'elle n'y apporte pas son appui car ce cas implique aussi des atteintes aux droits de l'homme et aux droits du travail des personnes en conflit, mais parce que les informations ont été déformées pour freiner la véritable action de lutte entreprise par la CUSG.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 318. Dans ses communications des 9 mai et 13 septembre 1996, le gouvernement déclare que Mme Débora Guzmán Chupén a déposé plainte le 19 février 1996 au sujet de nouvelles menaces, ladite plainte ayant été reçue par le juge de paix et transmise au ministère public. Des fonctionnaires de la Commission présidentielle de coordination de la politique de l'exécutif en matière des droits de l'homme (COPREDEH) se sont rendus au poste de la police nationale d'Amatitlán pour vérifier si les mesures de sécurité avaient été prises en faveur de la victime. Le responsable du bureau de l'ordre public a expliqué qu'ils avaient continué à faire des rondes dans le secteur autour de la maison de Mme Guzmán. Ils s'étaient également rendus dans la fabrique "L y L Modas" de la ville de Amatitlán afin de discuter avec la victime; cette dernière, ont-ils appris sur place, bénéficie d'un permis de travail qui lui a été accordé à partir du 20 février 1996 et qui arrive à échéance le 20 du même mois de la même année. Les fonctionnaires de la COPREDEH se sont rendus au domicile de Mme Guzmán Chupén, mais on leur a signalé que pour des raisons de sécurité cette personne ne se trouvait par dans la ville de Amatitlán, et qu'on ne savait où elle était. La COPREDEH a envoyé le 20 mars 1996 des communications au directeur général de la police nationale et au Procureur général de la République, afin qu'ils donnent des instructions à leurs organismes spécifiques respectifs pour accélérer l'enquête et déterminer la provenance des menaces; par ailleurs, une réunion est prévue avec la partie lésée et les institutions de l'Etat pertinentes en vue d'établir des stratégies de sécurité pour Mme Guzmán Chupén et les autres personnes qui ont été menacées. Le gouvernement signale que, depuis mars 1995, les autorités ont offert des mesures de sécurité à Mme Guzmán Chupén.
  2. 319. Quant à l'enlèvement de Edwin Rolando Yoc Acajabón, fils de M. Rolando Yoc, membre de l'Assemblée syndicale des travailleurs de la santé, le gouvernement déclare que des fonctionnaires de la COPREDEH ont rencontré des dirigeants syndicaux de la Grande alliance syndicale (GAS), qui ont signalé qu'ils étaient au courant du fait dénoncé officiellement à Sacatepéquez; ils ont indiqué que, le 21 février 1996, à 22 heures, alors qu'ils revenaient d'une réunion familiale et se dirigeaient vers leur résidence, son fils aîné qui les suivait a été enlevé par deux hommes inconnus à une distance de dix mètres de la résidence, se trouvant au 1-42 de la douzième rue, colonia los Llanos, à Jocotenango; ces personnes l'ont fait monter dans un véhicule de marque Sentra, de couleur noire, l'ont contraint à rester couché sur le sol du véhicule et l'ont apparemment emmené vers les installations de l'entreprise Cindal en tenant un pistolet braqué sur son front; ils lui ont demandé de dire à son père, M. Rolando Yoc, de cesser de se mêler de certaines choses sinon il le regretterait. Après l'avoir retenu pendant trois heures, ils l'ont libéré; son fils n'a pas pu reconnaître les personnes qui l'ont enlevé car il est resté dans le véhicule. Il n'a pas porté plainte auprès des autorités chargées d'enquêter sur ces faits en raison de l'état de désarroi de son fils et a, par conséquent, préféré porter les faits à la connaissance de la Grande alliance syndicale (GAS). Les fonctionnaires du service du Procureur des droits de l'homme ont invité la GAS à dénoncer les faits auprès des autorités compétentes, ce qui permettrait de faire progresser cette affaire. M. Yoc a également déclaré qu'il avait reçu périodiquement des menaces de mort par téléphone et qu'on lui avait demandé de cesser de dénoncer des faits survenus dans les services de la santé publique; il a toutefois précisé que, depuis la date de l'enlèvement de son fils jusqu'à ce jour, ni lui ni sa famille n'avaient été l'objet de persécutions. Au sujet de l'enlèvement de son fils, il examinerait avec sa famille la possibilité de porter plainte formellement auprès des autorités pertinentes en tenant compte de la santé psychique de son fils. M. Yoc a aussi signalé que l'incident pourrait être dû au fait que le 19 février 1996 il avait eu une réunion avec le ministre de la Santé publique, au cours de laquelle il avait informé le ministre que les travailleurs s'opposaient à la politique de santé mise en oeuvre; cette réunion avait été tendue et avait duré quatre heures, mais que cela ne voulait pas dire qu'il accusait quiconque en particulier, bien qu'il se pourrait que des tiers intéressés cherchent à nuire et à créer un climat d'instabilité dans le pays.
  3. 320. En ce qui concerne l'enlèvement durant trois heures et 45 minutes et les tortures physiques et psychologiques dont a été victime Mme Vilma Cristina González, le 28 février 1996, le gouvernement indique que, durant son enlèvement, à laquelle ont participé quatre individus, elle a été interrogée sur les activités de son frère Reynaldo Federico González et sur ses liens avec l'Union révolutionnaire nationale du Guatemala, et qu'on lui a fait comprendre que son frère Reynaldo Federico González devait renoncer à ses activités en tant que dirigeant de la Fédération syndicale des employés de banque et d'assurances; en outre, toute sa famille devait quitter le pays sinon elle serait supprimée physiquement. Le gouvernement ajoute que le ministère de l'Intérieur a pris les mesures nécessaires pour protéger la vie et l'intégrité physique des personnes visées. Les mesures de sécurité personnelle offertes par les autorités pertinentes ont été refusées par la victime, qui souhaitait que sa sécurité ne soit assurée qu'autour de sa résidence. Dans le cas de l'enlèvement de Vilma Cristina González, c'est le Juge de paix et le Procureur du ministère public qui ont eu connaissance de l'affaire. Le ministère public a convoqué la victime pour qu'elle vienne faire une déposition au sujet des faits qu'elle a dénoncés. Finalement, M. Reynaldo Federico González et sa soeur, Vilma Cristina González, ont quitté le pays pour des raisons de sécurité. M. Reynaldo Federico González est revenu au pays pour s'entretenir avec les autorités pertinentes et s'informer des progrès de l'enquête. Le Procureur général de la République et chef du ministère public a indiqué qu'il avait eu un entretien avec M. González le 25 juin 1996. Ce cas continue à faire l'objet d'une enquête du ministère public.
  4. 321. Pour ce qui est des persécutions dont le dirigeant syndical, M. Víctor Hugo Durán, affirme avoir été victime, le gouvernement déclare que la Grande alliance syndicale (GAS) a dénoncé aux médias les persécutions dont M. Víctor Hugo Durán était victime parce qu'il s'était plaint de l'espionnage téléphonique qui existait dans l'entreprise guatémaltèque de télécommunications (GUATEL). Des fonctionnaires de la COPREDEH ont eu des discussions avec le secrétaire chargé des conflits de la Fédération des syndicats des fonctionnaires publics au sujet des menaces dont M. Víctor Hugo Durán a été l'objet. Le secrétaire chargé des conflits a relevé que M. Durán a effectivement reçu des menaces de mort par téléphone parce qu'il avait dénoncé des actes de corruption au sein de l'entreprise de télécommunications GUATEL; pour des raisons de sécurité personnelle et familiale, il n'a toutefois pas porté plainte auprès des autorités compétentes. La COPREDEH a demandé au ministère public et à la direction générale de la police nationale des informations sur ce cas.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 322. Le comité constate que les allégations dans le présent cas se réfèrent à l'enlèvement, à l'intimidation ou aux menaces de mort dont ont été victimes un nombre important de dirigeants syndicaux ou de membres de leurs familles. En premier lieu, le comité ne peut que déplorer profondément ces enlèvements et menaces de mort et rappeler que "la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne" et que "les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe." (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition (révisée), 1996, paragr. 46 et 47.)
  2. 323. Le comité prend note des enquêtes judiciaires entreprises et des mesures de sécurité offertes par les autorités à Mme Débora Guzmán et à Mme Vilma Cristina González à la suite des nouvelles menaces de mort dont elles ont été l'objet et de l'enlèvement pendant quatre heures de Mme Débora Guzmán Chupén, et constate que Mme Vilma Cristina González a quitté le pays pour des raisons de sécurité. Le comité prend également note du fait que le dirigeant syndical Víctor Hugo Durán n'a pas, pour des raisons de sécurité, porté plainte auprès des autorités au sujet des menaces de mort reçues et que, pour ce même motif, le dirigeant syndical Rolando Yoc ne l'a pas fait non plus pour l'enlèvement de son fils Edwin Rolando Yoc pendant trois heures, bien que les autorités l'aient invité à porter plainte.
  3. 324. Le comité souhaite souligner que, "lorsque se sont produites des atteintes à l'intégrité physique ou morale, le comité a considéré qu'une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans retard, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions"; de même, constatant que, dans les cas d'enlèvement ou de menaces de mort auxquelles se réfère le gouvernement, une plainte n'a pas été déposée, ou que, si elle a été déposée, les coupables n'ont pas pu être trouvés, le comité souligne que "l'absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales." (Voir Recueil, op. cit., paragr. 53 et 55.) Le comité demande, par conséquent, aux autorités d'entreprendre des enquêtes sur les menaces de mort proférées contre le dirigeant syndical Víctor Hugo Durán et sur l'enlèvement de Edwin Yoc, et qu'elles fournissent des informations sur l'évolution des enquêtes sur les menaces de mort proférées contre Mme Débora Guzmán Chupén et Mme Vilma Cristina González et sur l'enlèvement de cette dernière pendant quatre heures.
  4. 325. Enfin, bien qu'encouragé par une meilleure coopération de la part du gouvernement, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas envoyé des observations sur les autres allégations et le prie instamment de le faire sans retard, plus particulièrement au sujet:
    • - de l'enlèvement de M. Salvador Archila Miranda, travailleur de l'exploitation agricole "Los Cerros", le 31 mars 1996, alors qu'on ne sait toujours pas où il se trouve;
    • - des menaces de mort proférées contre des syndicalistes de la Fédération syndicale des employés de banque; Mme Verónica Vázquez, secrétaire générale, a notamment été avertie que, si elle ne fournissait pas les informations qu'on lui demandait sur les membres de cette fédération, elle pourrait être victime d'une agression;
    • - des menaces et des actes d'intimidation à l'encontre de MM. Féliz Hernández, Jorge Galindo et Danilo Aguilar, dirigeants de la Fédération nationale des fonctionnaires publics; et
    • - des menaces de mort proférées contre M. Juan Francisco Alfaro Mijangos, secrétaire général de la Confédération de l'unité syndicale du Guatemala (CUSG).

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 326. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Déplorant profondément l'enlèvement et les menaces de mort dont ont été victimes un nombre important de dirigeants syndicaux ou de membres de leurs familles, le comité souligne que "les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe".
    • b) Le comité demande aux autorités d'entreprendre des enquêtes sur les menaces de mort proférées contre le dirigeant syndical Víctor Hugo Durán et sur l'enlèvement de Edwin Rolando Yoc, et de lui fournir des informations au sujet de l'évolution des enquêtes sur les menaces de mort proférées contre Mme Débora Guzmán Chupén et Mme Vilma Cristina González, et de l'enlèvement de cette dernière pendant quatre heures. Le comité souligne que "l'absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales".
    • c) Enfin, bien qu'encouragé par une meilleure coopération de la part du gouvernement, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas envoyé d'observations sur les autres allégations et le prie instamment de le faire sans retard, plus particulièrement au sujet:
      • - de l'enlèvement de M. Salvador Archila Miranda, travailleur de l'exploitation agricole "Los Cerros", le 31 mars 1996, alors qu'on ne sait toujours pas où il se trouve;
      • - des menaces de mort proférées contre des syndicalistes de la Fédération syndicale des employés de banque; Mme Verónica Vázquez, secrétaire générale, a notamment été avertie que, si elle ne fournissait pas les informations qu'on lui demandait sur les membre de cette fédération, elle pourrait être victime d'une agression;
      • - des menaces et des actes d'intimidation à l'encontre de MM. Féliz Hernández, Jorge Galindo et Danilo Aguilar, dirigeants de la Fédération nationale des fonctionnaires publics; et
      • - des menaces de mort proférées contre M. Juan Francisco Alfaro Mijangos, secrétaire général de la Confédération de l'unité syndicale du Guatemala (CUSG).
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