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512. Les plaintes figurent dans des communications de la Fédération des syndicats de l'aéronautique du Venezuela (FGAV) datées du 4 et du 6 avril 1995. La FGAV a communiqué des informations complémentaires dans des communications datées du 6 juin et du 19 juillet 1995. La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) s'est associée à la plainte de la FGAV dans une communication datée du 16 juin 1995.

  1. 512. Les plaintes figurent dans des communications de la Fédération des syndicats de l'aéronautique du Venezuela (FGAV) datées du 4 et du 6 avril 1995. La FGAV a communiqué des informations complémentaires dans des communications datées du 6 juin et du 19 juillet 1995. La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) s'est associée à la plainte de la FGAV dans une communication datée du 16 juin 1995.
  2. 513. En l'absence d'informations communiquées par le gouvernement au sujet de ces allégations, le comité a dû ajourner l'examen de ce cas à trois reprises. A sa réunion de mars 1996, le comité a attiré l'attention du gouvernement sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session (novembre 1971), il présenterait un rapport sur le fond de cette affaire à sa prochaine session, même si les informations et observations demandées au gouvernement n'étaient pas reçues à temps. (Voir 302e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996), paragr. 9.) Le comité n'a toujours pas reçu les observations du gouvernement.
  3. 514. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la fédération plaignante

A. Allégations de la fédération plaignante
  1. 515. Dans ses communications des 4 et 6 avril, puis des 6 juin et 19 juillet 1995, la Fédération des syndicats de l'aéronautique du Venezuela (FGAV) a expliqué que, depuis le mois de février 1995, les syndicats de fonctionnaires relevant du ministère des Transports et des Communications, à savoir en particulier les syndicats des contrôleurs de la navigation aérienne, des opérateurs en télécommunications aéronautiques, des techniciens radio, des sapeurs-pompiers d'aviation, des aiguilleurs du ciel, des équipes de sauvetage, les inspecteurs mécaniciens d'aviation, les techniciens de l'information aéronautique et les directeurs de l'aéroport (toutes ces activités relevant des services de contrôle de la navigation aérienne) ont entamé des actions revendicatives. Ce conflit a été provoqué par le non-respect par le gouvernement des normes et accords portant sur les conditions de travail et la sécurité aérienne, ainsi que des conditions techniques permettant aux contrôleurs de la circulation aérienne de s'acquitter convenablement de leurs fonctions, le non-versement de la prime forfaitaire aux fonctionnaires de l'administration centrale et le refus de tenir compte des barèmes de rémunération et de prestations sociales (établis par les décrets nos 3268 et 3269 en date du 14 décembre 1993) pour fixer le montant des indemnités dues lors de la cessation de la relation de travail (prestations sociales), ainsi que des pensions de retraite et de survivants.
  2. 516. La fédération plaignante ajoute que, le 19 février 1995, le gouvernement a pris des mesures de représailles dont on trouvera plus loin un exposé détaillé. Le 5 avril 1995, la FGAV et les syndicats visés ont présenté au ministère du Travail un cahier de revendications qui est resté en instance pendant neuf mois. Le ministère s'est borné à proposer aux parties de se soumettre à l'arbitrage volontaire, et il a ainsi failli à son obligation d'engager la procédure de négociation.
  3. 517. La fédération plaignante indique que les manquements aux accords et à la parole donnée, qui découlent du refus d'entretenir et de moderniser les systèmes et équipements, a compromis les conditions et les mesures de sécurité au point que les organisations syndicales se sont trouvées contraintes, pour remédier à certaines anomalies purement techniques et afin de préserver la vie et la sécurité des passagers, d'appliquer les dispositions du manuel de procédures générales no 1 (PG-1), qui n'est que la copie fidèle du document no 4444 de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), applicable au Venezuela. Les autorités et le grand public ont été informés par les médias de la mise en oeuvre dudit manuel plusieurs jours avant qu'elle devienne effective. A cette occasion, les conséquences éventuelles de l'application de ces dispositions ont été exposées de même que les retards inévitables qui en résulteraient. Il a toutefois été précisé que cette mesure était imposée par la situation car, en cas d'accident, les contrôleurs du ciel et le personnel de l'aéronautique seraient en fin de compte tenus pour responsables. En d'autres termes, bien que la situation antérieure à l'application du manuel de procédures générales no 1 était considérée comme "normale", il est clair que cette pratique comportait et continue de comporter des éléments d'irrégularités engageant la responsabilité des contrôleurs de la circulation aérienne. Il est donc inexact de prétendre que les différentes catégories de personnel, et en particulier les contrôleurs du ciel, ont entamé une grève perlée (comme le gouvernement l'affirme) en désorganisant délibérément les horaires de vol. Si des retards se sont produits lors des décollages et des atterrissages, cela est dû en fait à l'application d'un manuel de procédures reconnu à l'échelle internationale, dont les dispositions ont été mises en oeuvre pour réduire au maximum les dangers qui menacent la vie des membres de l'équipage et des passagers ainsi que les risques de défaillances techniques. Cette mesure n'a donc jamais eu pour objet de désorganiser le trafic aérien qui n'a d'ailleurs pas été paralysé.
  4. 518. La fédération plaignante ajoute que ce conflit collectif a suscité une répression antisyndicale systématique qui a notamment pris les formes suivantes:
    • - occupation des lieux de travail par l'armée et la police qui ont usé de la force pour expulser les travailleurs le 19 février 1995, militarisation de 20 aéroports nationaux, suivie de l'ordre intimé au personnel de reprendre le travail;
    • - suspension des salaires dus au personnel de l'aéronautique, à titre de sanction le 15 mars 1995 visant à obliger les travailleurs à se soumettre aux ordres et à l'autorité des militaires et des forces aériennes;
    • - détention provisoire de 13 travailleurs (nommément désignés) ayant participé au conflit;
    • - transformation des services de contrôle de la navigation aérienne en services de sécurité de l'Etat relevant du ministère de la Défense; au nombre des services touchés figuraient les contrôleurs de la circulation aérienne, les techniciens radio, les opérateurs en télécommunications aéronautiques, les sapeurs-pompiers d'aviation, les techniciens de l'information aéronautique, les inspecteurs de l'aéronautique, les équipes de sauvetage, les techniciens responsables des opérations aéronautiques et les pilotes des appareils de sauvetage qui relèvent du ministère des Transports et des Télécommunications (décret no 572 du 2 mars 1995). Ce décret porte atteinte au droit de négociation collective et au droit de présenter des revendications et de rechercher une solution pacifique aux conflits collectifs.
  5. 519. La fédération plaignante précise que le conflit a éclaté alors que les garanties constitutionnelles avaient été suspendues et que l'état d'exception avait été décrété le 27 juin 1994. Dans le cadre de cette mesure de suspension des garanties constitutionnelles visant à juguler la crise économique et financière provoquée par les fraudes bancaires et leurs conséquences sociales, le monde du travail a lui aussi été soumis à un régime de contrôle qui, bien que dépourvu de fondement juridique, était motivé par la volonté de limiter l'exercice du droit de grève dans le secteur privé comme dans l'administration publique. La fédération plaignante fait état d'une pratique administrative permettant aux inspecteurs du travail de refuser le droit de grève, en violation de la Constitution et de la loi.
  6. 520. La fédération plaignante fait état de plusieurs actions judiciaires se rapportant aux points évoqués dans le présent cas, et notamment à la suspension des salaires et traitements des fonctionnaires, et à la demande d'annulation du décret no 572. A propos de ce décret, la fédération plaignante se réfère aux conclusions du Bureau d'enquêtes et de conseils juridiques du Congrès de la République, selon lesquelles:
  7. 1. Le décret no 572 ne repose sur aucun fondement juridique valable. Il ne se rattache juridiquement à rien puisqu'il a été promulgué dans une situation d'incompétence absolue et, dans la mesure où il traite de questions qui ne relèvent que de la loi, il enquête sur la compétence d'un autre pouvoir de l'Etat: le pouvoir législatif.
  8. 2. Le décret no 572 est vicié en ce qu'il consacre un détournement de pouvoir étant donné que l'administration tente par là d'user de son pouvoir à des fins distinctes de ses attributions et obéit à des considérations qui n'ont rien à voir avec les intérêts du service.
  9. 3. Le décret no 572 est illégal dans la mesure où il viole les dispositions des articles 1, 24 et 25 de la loi sur l'aviation civile qui confèrent aux services de l'aéronautique un caractère civil.
  10. 5. Le décret est en outre contraire à la Constitution dans la mesure où il viole le principe de la réserve légale; le statut de service de sécurité de l'Etat doit être conféré par la législation compte tenu de la nature de cet organe. Un tel statut ne peut être imposé ou accordé par décret du pouvoir exécutif national et encore moins par un article ouvert qui laisse le choix des critères à adopter à la discrétion des ministres.
  11. 7. Le décret viole également les dispositions de l'article 190.11 de la Constitution en ce qu'il modifie un service public sur la base d'un décret sans y avoir été autorisé par la commission compétente ou une loi expresse.
  12. 8. De l'avis du Bureau, cet instrument est gravement entaché de nullité et, partant, susceptible d'abrogation par les tribunaux.
  13. 521. La fédération plaignante fait état également de menaces de licenciement proférées à l'encontre des fonctionnaires ayant participé au conflit. A cet égard, le ministère des Transports et des Communications a précisé que 10 pour cent des contrôleurs ne seront pas rétablis dans leurs fonctions et il propose actuellement de réintégrer progressivement les travailleurs, à l'exclusion des dirigeants syndicaux. Ceci démontre clairement l'existence de "listes noires" établies par le pouvoir exécutif national comme mesure de représailles. Le ministère a également annoncé publiquement que des cours de formation seraient organisés à l'intention des nouveaux candidats aux postes de contrôleurs de la circulation aérienne, d'opérateurs en télécommunications aéronautiques, de techniciens radio, prouvant l'intention du gouvernement de remplacer les travailleurs ayant participé au conflit.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 522. En premier lieu, le comité regrette vivement que le gouvernement n'ait pas communiqué les observations et les informations demandées au sujet des allégations restées en instance, en dépit du temps qui s'est écoulé depuis la présentation de la plainte et du fait qu'il ait été invité à plusieurs reprises à formuler ses commentaires et observations, y compris par un appel pressant.
  2. 523. Dans ces conditions et conformément à la règle de procédure applicable (voir paragr. 17 de son 127e rapport approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session (novembre 1971)), le comité se doit de présenter un rapport sur le fond de l'affaire même si les informations attendues du gouvernement n'ont pas été reçues.
  3. 524. Le comité rappelle au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales, en droit comme en fait, et il est convaincu que, si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées et portant sur des faits précis aux accusations bien détaillées qui pourraient être dirigées contre eux. (Voir premier rapport, paragr. 31, approuvé par le Conseil d'administration en mars 1952.)
  4. 525. Le comité observe que, dans le présent cas, la fédération plaignante allègue que les représailles antisyndicales des autorités gouvernementales sont à l'origine du conflit collectif qui a éclaté en février 1995 et des actions entreprises par les syndicats dans le secteur du contrôle de la navigation aérienne. La fédération plaignante s'élève, entre autres, contre la militarisation des aéroports nationaux, la suspension des salaires dus au personnel, la détention provisoire de 13 travailleurs (nommément désignés), les menaces de licenciements proférées à l'encontre de certains fonctionnaires ayant participé au conflit, la volonté de remplacer des travailleurs contestataires (y compris des dirigeants syndicaux) et la transformation des services de navigation aérienne en services de sécurité de l'Etat relevant du ministère de la Défense, en vertu du décret ministériel no 572 adopté en mars 1995.
  5. 526. Le comité note que les mesures de représailles alléguées ont été prises à la suite de la mise en oeuvre par le personnel des services de contrôle de la navigation aérienne du manuel de procédures générales no 1 qui, dans la pratique, a eu pour effet de provoquer des retards dans le décollage et l'atterrissage des avions. Le comité observe que la fédération plaignante nie avoir entamé une grève perlée et indique que les dispositions dudit manuel ont été appliquées pour des raisons de sécurité.
  6. 527. Compte tenu de tous les éléments qui précèdent et en particulier du fait que la mise en oeuvre du manuel s'est produite dans le cadre d'un conflit du travail, le comité estime que les syndicats en cause ont eu recours dans la présente affaire à une forme atypique de grève qui, selon le point de vue adopté, peut être qualifiée de grève du zèle ou de grève perlée. Le comité note également que la loi organique du travail du Venezuela ne refuse pas le droit de grève au personnel chargé du contrôle de la navigation aérienne; il relève toutefois que la fédération plaignante se réfère à une pratique administrative imputable aux inspecteurs du travail leur déniant le droit de grève, contrairement à la Constitution et à la législation, et elle fait remarquer que les garanties constitutionnelles ont été suspendues depuis le mois de juin 1994.
  7. 528. Dans ces conditions, le comité estime que les mesures adoptées par les autorités lorsque les syndicats ont appliqué le manuel de procédures générales no 1 (militarisation des aéroports, suspension des salaires et traitements, détention provisoire, menaces de licenciement, transformation des services de la navigation aérienne en services de sécurité de l'Etat, etc.) sont excessives. Le comité rappelle qu'en tout état de cause les sanctions infligées pour des activités liées à la grève doivent être proportionnelles à la faute commise, et que les autorités devraient éviter de mettre en détention des personnes qui ont organisé une grève pacifique ou y ont participé.
  8. 529. Le comité lance un appel au gouvernement pour qu'il reprenne la négociation collective en vue de trouver une solution négociée au conflit qui a surgi dans le secteur du contrôle de la navigation aérienne afin de garantir le respect des droits syndicaux du personnel de ce secteur - y compris leur droit de participer à des négociations collectives de leurs conditions d'emploi - et de faire en sorte que le décret no 572 qui transforme le personnel en question en personnel au service de la sécurité de l'Etat cesse d'être en vigueur le plus rapidement possible.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 530. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité lance un appel au gouvernement pour qu'il reprenne la négociation collective en vue de trouver une solution négociée au conflit du secteur du contrôle de la navigation aérienne qui garantisse le respect des droits syndicaux du personnel de ce secteur - y compris le droit de participer à des négociations collectives sur ses conditions d'emploi - et à faire en sorte que le décret no 572 qui transforme le personnel en question en personnel au service de la sécurité de l'Etat cesse d'être en vigueur le plus rapidement possible.
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