Afficher en : Anglais - Espagnol
- 101. Par une communication datée du 1er avril 1993, la Confédération démocratique du travail (CDT) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Maroc. Elle a fait parvenir de nouvelles allégations en date du 9 avril 1993 et des informations complémentaires en date du 21 avril 1993. Par des lettres datées respectivement des 26 avril et 20 mai 1993, la Fédération syndicale mondiale (FSM) et l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) ont déclaré s'associer à la plainte présentée par la CDT. Celle-ci a envoyé de nouvelles allégations dans une communication du 12 mai 1993.
- 102. En l'absence de réponse du gouvernement, le comité a dû ajourner l'examen de ce cas à trois reprises et, à sa session de mars 1994, il a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la procédure prévue au paragraphe 17 de son 127e rapport approuvé par le Conseil d'administration, il présenterait à sa prochaine session un rapport sur le fond de l'affaire, même s'il n'avait pas reçu à cette date les observations et informations attendues du gouvernement. Depuis lors, le gouvernement n'a pas transmis d'observations.
- 103. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Il n'a pas non plus ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 104. Dans sa communication du 1er avril 1993, la Confédération démocratique du travail (CDT) explique qu'elle avait été invitée par le Bureau international du Travail à participer aux travaux d'un séminaire tenu à Tunis du 15 au 25 décembre 1992 sur le thème "Les normes internationales et les travailleurs migrants", et qu'elle avait délégué à cette rencontre M. Kafouni El Houssaine en sa qualité de membre du bureau exécutif et responsable des relations internationales de la centrale. Dans ce but, elle avait engagé en temps opportun la procédure en vigueur pour demander le détachement provisoire de M. Kafouni qui avait repris ses fonctions au sein de l'Office chérifien des phosphates (OCP) après l'expiration de son mandat de député qui avait pris fin le 9 octobre 1992. Toutefois, selon la CDT, la direction de l'OCP a réagi négativement à cette demande en refusant toute absence de M. Kafouni.
- 105. La CDT indique qu'après plusieurs interventions auprès du BIT et des ministères intéressés (ministère de l'Energie et des Mines, ministère de l'Emploi) la direction de l'OCP, organisme d'Etat, a finalement autorisé M. Kafouni à s'absenter, mais en le privant de son salaire durant les douze jours passés au séminaire à Tunis. Malgré les différents écrits et correspondances aux responsables pour attirer leur attention sur le respect des droits des travailleurs et la protection de leurs représentants dans l'entreprise, et les facilités à leur accorder telles qu'elles sont stipulées dans la législation nationale, et en particulier dans le dahir no 1-58-008 du 24 février 1958 portant statut général de la fonction publique (dont la CDT fournit des extraits), ainsi que dans les conventions et recommandations de l'OIT, et en particulier dans la recommandation no 143 de 1971, la direction générale de l'OCP est restée intransigeante et a refusé catégoriquement la régularisation de la situation matérielle de M. Kafouni qui, de l'avis de la CDT, a fait l'objet d'une mesure arbitraire et antisyndicale. La CDT transmet copie de l'autorisation de congé exceptionnel sans solde de douze jours accordée par l'OCP à M. Kafouni.
- 106. Dans sa lettre du 9 avril 1993, la CDT allègue que la direction de l'OCP a adopté la même attitude et n'a accordé à M. Kafouni qu'un congé exceptionnel sans solde de cinq jours en vue de sa participation à la 20e session de l'Organisation arabe du travail (OAT) qui s'est déroulée en Jordanie du 5 au 12 avril 1993. Elle signale qu'elle est intervenue à plusieurs reprises auprès des ministères concernés pour régulariser la situation de M. Kafouni mais qu'elle a échoué devant l'intransigeance de la direction générale de l'OCP et l'impuissance du gouvernement marocain à imposer le respect des lois et recommandations en la matière.
- 107. Dans sa communication datée du 21 avril 1993, la CDT informe que la direction de l'OCP a effectivement prélevé le salaire de douze jours sur le traitement de M. Kafouni pour avoir assisté au 20e Congrès de l'OAT à Amman en Jordanie. Elle précise que M. Kafouni faisait partie de la délégation officielle tripartite marocaine à ce congrès et qu'il avait donc tous les droits et pouvoirs au même titre que les autres membres de la délégation, dont les droits garantis par les conventions et recommandations de l'OIT et de l'OAT, et qu'il a été le seul parmi les congressistes des 21 pays arabes à être privé du droit de garder son salaire.
- 108. Enfin, la CDT fait état, dans sa communication du 12 mai 1993, du refus de la direction de l'OCP d'accorder une autorisation d'absence avec solde à M. Kafouni, membre du bureau exécutif de la CDT et secrétaire général du Syndicat national des travailleurs des phosphates (SNTP), et à M. Mechhor Mohamed, membre du bureau national du SNTP, en vue de leur participation au Congrès de l'Organisation internationale des mineurs (OIM) tenu à Alger du 8 au 12 mai 1993. La direction aurait maintenu le même comportement qu'auparavant en autorisant l'absence de ces deux syndicalistes mais tout en les privant de leur salaire. La CDT joint copie de cette autorisation.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité
- 109. Le comité regrette que le gouvernement, malgré le temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, et bien qu'il ait été invité à plusieurs reprises à formuler ses commentaires et observations sur cette affaire, y compris par un appel pressant, n'en ait formulé aucun à propos des allégations de la confédération plaignante.
- 110. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable (voir paragr. 17 du 127e rapport du comité approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session), le comité se voit contraint de présenter un rapport sur le fond de cette affaire en l'absence des informations qu'il espérait recevoir du gouvernement.
- 111. Le comité rappelle tout d'abord au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée à l'OIT pour l'examen des allégations faisant état d'atteintes à la liberté syndicale est d'assurer le respect de celle-ci, en droit comme en fait. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître de leur côté qu'il importe, pour leur propre réputation, qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. (Voir premier rapport du comité, paragr. 31.)
- 112. Le comité note que les allégations faisant l'objet du cas présent portent sur le refus de la direction de l'Office chérifien des phosphates (OCP), organisme d'Etat, d'accorder à des fonctionnaires employés au sein de cet office des permissions d'absence sans perte de salaire en vue de leur participation à des séminaires et congrès syndicaux internationaux. Il observe que l'organisation plaignante allègue concrètement qu'un tel congé a été refusé à trois reprises à M. Kafouni El Houssaine, membre du bureau exécutif de la CDT et secrétaire général du Syndicat national des travailleurs des phosphates (SNTP), en vue de sa participation à un séminaire organisé par le BIT à Tunis du 15 au 25 décembre 1992, au 20e Congrès de l'Organisation arabe du Travail (OAT) qui s'est déroulé à Amman en Jordanie du 5 au 12 avril 1993 et au Congrès de l'Organisation internationale des mineurs (OIM) tenu à Alger du 8 au 12 mai 1993, ainsi qu'à M. Mechhor Mohamed, membre du bureau national du SNTP, en vue de sa participation au Congrès de l'OIM à Alger. Le comité observe également que ces deux personnes ont été autorisées par l'OCP à s'absenter pour assister aux réunions syndicales susmentionnées, mais qu'elles ont été privées de leurs salaires lors de leur absence et que la CDT est en vain intervenue auprès du ministère de l'Emploi et du ministère de l'Energie et des Mines pour obtenir des congés sans perte de solde en faveur de ces deux dirigeants syndicaux.
- 113. Le comité doit tout d'abord souligner qu'il a toujours été d'avis que le droit des organisations nationales d'envoyer des représentants aux congrès syndicaux internationaux découle normalement de leur droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs. En outre, la participation aux travaux des organisations internationales doit se faire dans le cadre du principe d'indépendance du mouvement syndical. Dans le cadre de ce principe, toute latitude doit être donnée aux représentants des organisations syndicales afin de participer aux travaux des organisations internationales de travailleurs auxquelles sont affiliées les organisations qu'ils présentent. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 530 et 535.)
- 114. Le comité observe en outre que la législation marocaine offre à l'administration publique la possibilité d'autoriser ses employés à participer à des réunions syndicales internationales sans que cette participation ne puisse leur porter préjudice en matière d'emploi, puisque l'article 41(2) du dahir no 1-58-008 du 24 février 1958 portant statut général de la fonction publique dispose que "des congés exceptionnels ou permissions d'absence peuvent être accordés à plein traitement, sans entrer en ligne de compte dans le calcul des congés réguliers, aux représentants dûment mandatés des syndicats de fonctionnaires ou membres élus des organismes directeurs à l'occasion de la convocation des congrès professionnels syndicaux fédéraux, confédéraux et internationaux".
- 115. Compte tenu de tous ces éléments, le comité suggère au gouvernement, en ce qui concerne la participation des dirigeants syndicaux employés par les entreprises publiques à des réunions internationales, d'entreprendre des discussions avec les organisations syndicales en vue de déterminer les modalités d'application aux entreprises du secteur public du dahir portant statut général de la fonction publique, notamment en ce qui concerne les compensations financières qui pourraient être accordées pour les pertes de salaires subies par les dirigeants en question.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 116. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité suggère au gouvernement d'entreprendre des consultations avec les organisations syndicales en vue de déterminer les modalités d'application aux entreprises du secteur public du dahir portant statut général de la fonction publique en ce qui concerne la participation des dirigeants syndicaux employés par les entreprises publiques aux réunions internationales, et notamment les compensations financières qui pourraient être accordées pour les pertes de salaires subies par les dirigeants en question.