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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 291, Novembre 1993

Cas no 1705 (Paraguay) - Date de la plainte: 23-MARS -93 - Clos

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  1. 312. Les plaintes figurent dans des communications adressées par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) en date du 23 mars et du 15 avril 1993. Dans une communication du 3 juin 1993, l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA) a présenté une plainte comportant des allégations similaires. Le gouvernement a présenté ses observations dans une communication datée du 15 juin 1993.
  2. 313. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 314. Selon la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), le décret-loi no 16.769 du 18 mars 1993, qui établit des normes d'élection pour les dirigeants des organisations de travailleurs, viole les dispositions de la convention no 87. La CLAT joint le texte du décret en question qui contient plus de 50 articles. L'organisation plaignante indique en particulier que le décret prévoit:
    • - que la désignation des dirigeants des organisations syndicales doit être avalisée par 5 pour cent au moins des suffrages valablement exprimés lors de la dernière élection;
    • - que la liste finale des candidats est établie selon la procédure d'Hondt (en répartissant les postes à la majorité simple);
    • - qu'en relation avec l'élection des dirigeants des organisations de second ou troisième degré les mêmes règles s'appliqueraient;
    • - l'obligation de prévoir dans les statuts des organisations syndicales de constituer un organe électoral (commission ou tribunal électoral), qui sera l'autorité interne, libre et indépendante, chargée d'assurer le bon déroulement des procédures électorales;
    • - que les candidats proposés pour une élection devront être membres du syndicat, et ne faire partie d'aucun des syndicats affiliés à l'organisation de l'échelon supérieur, et ne devront pas avoir été frappés d'une sanction qui n'ait pas été purgée, ni avoir été condamnés pour malversation dans tout autre syndicat ou pour fraude électorale;
    • - que tout appui financier que les entreprises, associations patronales ou autres groupes pourraient fournir en faveur de certaines candidatures données sera interdit au même titre que toute assistance extérieure ou toute ingérence des partis politiques, entités religieuses, agents de l'Etat et autres groupes étrangers aux activités des travailleurs.
  2. 315. La CLAT fait valoir que le décret dispose que les mêmes règles s'appliqueront pour les organisations de travailleurs de premier, deuxième et troisième niveau et accorde auxdites organisations un délai de 120 jours pour aligner leurs statuts et élire leurs dirigeants conformément aux normes prévues, en précisant qu'une fois le délai échu seules les organisations dont les représentants auront été élus selon les normes prescrites jouiront de la personnalité juridique. L'organisation plaignante signale enfin que la Cour suprême de justice a décidé par mesure de prudence de suspendre provisoirement l'application du décret. De même, l'organisation plaignante indique que les dispositions envisagées du décret en question ont été adoptées de manière arbitraire par les autorités paraguayennes et qu'elles visent de manière subtile à dévier l'attention des citoyens et à paralyser les organismes destinés à représenter et à défendre les intérêts des travailleurs.
  3. 316. Par ailleurs, la CLAT fait observer que le gouvernement a suspendu la procédure engagée en vue de la ratification du projet de Code du travail qui avait été approuvé de façon démocratique et concertée par toutes les parties et qui avait été élaboré avec l'assistance technique de l'OIT.
  4. 317. Dans sa communication du 3 juin 1993, l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA) déclare que le décret no 16.769 portant les normes d'élection des dirigeants des organisations syndicales viole la Constitution nationale et les conventions internationales du travail ratifiées par le Paraguay, dont la convention no 87. L'UITA allègue en particulier que le décret en question viole l'article 96 de la Constitution nationale qui garantit le droit de libre association et l'article 283 du Code du travail aux termes duquel les organisations syndicales ont le droit d'élaborer leurs propres statuts et règlements administratifs; le droit d'élire librement leurs dirigeants et leurs représentants; le droit d'établir leur organisation interne et d'exercer toute activité licite.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 318. Dans sa communication datée du 8 juin 1993, le gouvernement déclare que la plainte émane d'une organisation transnationale qui n'est pas enregistrée auprès des autorités administratives du travail. Une des conquêtes les plus précieuses du droit international réside dans le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, aussi toute ingérence dans les affaires internes ne saurait-elle se justifier lorsque toutes les institutions qui oeuvrent pour la défense des droits de l'homme fonctionnent dans le pays. Outre qu'elle est injustifiée, cette intervention soulève une question préjudiciable, aussi l'Organisation internationale du Travail devrait-elle s'abstenir d'envisager aucune action dans le cas particulier.
  2. 319. Le gouvernement précise que le décret no 16.769 a fait l'objet d'un recours devant la Cour suprême de justice et, pour autant que celle-ci confirme sa légalité et la nécessité pour les organisations syndicales de légitimer leurs dirigeants par le suffrage universel, secret et direct de leurs membres, l'OIT serait amenée à s'immiscer dans une question sans rapport même lointain avec la liberté syndicale. Il explique que le Code du travail en vigueur habilite l'autorité administrative du travail à surveiller l'application des lois qui régissent la constitution des syndicats ainsi que la légitimité de ceux qui les représentent, ce qu'affirment catégoriquement les considérants du décret. En même temps, aux termes de la Constitution, la première norme à laquelle il convient de se référer pour juger de la régularité des actes juridiques est la Constitution nationale, qui exige de toutes les organisations au nombre desquelles figurent les syndicats qu'elles élisent leurs dirigeants au suffrage direct, secret et universel de leurs membres.
  3. 320. Compte tenu de ce qui précède, l'autorité administrative du travail a demandé que toutes les associations professionnelles organisent des élections, dans un délai plus que raisonnable qui n'est pas encore écoulé, de manière à se conformer aux règles établies par la Constitution et, comme toute norme exige, pour être parfaite, que l'on prévoie des sanctions en cas d'infractions, il a été décidé que, si les organisations ne procédaient pas à ces élections, l'autorité administrative du travail leur retirerait la personnalité juridique. Une telle décision est facile à comprendre étant donné que, en se donnant pour opposants, beaucoup ont fait de cette qualité ou de prétendus exils une véritable industrie qui n'a pas contribué seulement à tromper les peuples mais aussi à couvrir une véritable escroquerie, sous prétexte de promouvoir le syndicalisme. Pour une simple raison de probité morale, l'autorité administrative du travail ne saurait accepter de couvrir de pareilles anomalies; c'est pourquoi le décret établit expressément que les dirigeants actuels des syndicats peuvent, dans le cadre de la restructuration de leurs organisations, se livrer à des actes d'administration et de conservation du patrimoine mais en aucune manière à des actes de dispositions qui placeraient les dirigeants élus selon une procédure légitime devant une situation de véritable escroquerie.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 321. Répondant d'abord aux observations présentées par le gouvernement au sujet de la recevabilité des plaintes, le comité fait observer que les organisations plaignantes comptent des syndicats affiliés au Paraguay, ce qui rend leurs plaintes parfaitement recevables selon les règles de procédure approuvées par le Conseil d'administration.
  2. 322. En ce qui concerne les allégations relatives au décret no 16.769 portant établissement des normes applicables à l'élection des dirigeants syndicaux, le comité prend note de la réponse fournie par le gouvernement dans laquelle il explique que le décret en question a fait l'objet d'un recours devant la Cour suprême de justice et que la promulgation du décret avait pour objet de permettre aux organisations syndicales d'élire leurs dirigeants au suffrage direct, secret et universel de leurs membres, ces mesures visant notamment à mettre fin aux nombreuses escroqueries qui se sont produites sous couvert de promotion du syndicalisme. Le comité constate néanmoins que la réglementation contenue dans le décret dépasse de loin ces objectifs.
  3. 323. Quant à permettre aux organisations syndicales d'élire leurs dirigeants au suffrage direct, secret et universel de leurs membres, le comité estime que l'imposition par voie législative de ce type de suffrage ne soulève aucun problème de conformité avec les principes de la liberté syndicale. Il déplore néanmoins que le décret no 16.769 ait été adopté arbitrairement et que son texte, en violation des dispositions de l'article 3 de la convention no 87 (qui proclame le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs propres statuts et règlements administratifs et d'élire librement leurs représentants), réglemente d'une façon extrêmement précise et circonstanciée dans une cinquantaine d'articles au moins tous les détails de la procédure d'élection des dirigeants syndicaux. En outre, le décret en question implique que soit mis fin à la personnalité juridique des organisations syndicales qui ne se conforment pas au décret, ce qui constitue une grave violation de la convention no 87.
  4. 324. Dans ces conditions, le comité fait observer au gouvernement qu'une réglementation trop minutieuse et détaillée de la procédure électorale des organisations syndicales porte atteinte à leur droit d'élire librement leurs représentants, tel qu'il est énoncé à l'article 3 de la convention no 87. En conséquence, le comité invite le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour réviser le texte du décret en question, en consultation avec les organisations de travailleurs, de manière à garantir l'indépendance des syndicats et de supprimer toutes les dispositions qui impliquent une ingérence dans le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs dirigeants, et en particulier les dispositions mentionnées par les organisations plaignantes. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue du recours introduit devant la Cour suprême de justice au sujet dudit décret.
  5. 325. Quant à l'allégation des organisations plaignantes selon lesquelles le gouvernement aurait suspendu la procédure engagée en vue de la ratification du projet de Code du travail, le comité note que, durant les débats de la Commission de l'application des normes lors de la 80e session de la Conférence internationale du Travail, le gouvernement a déclaré que le projet de révision complète du Code du travail en était à sa phase finale, c'est-à-dire à l'examen par la Chambre des députés, après avoir été approuvé par le Sénat, la discussion du projet n'ayant pas été suspendue mais simplement ajournée. En conséquence, le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 326. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de réviser le décret no 16.769 en consultation avec les organisations de travailleurs de manière à garantir l'indépendance des syndicats et de supprimer toutes les dispositions qui impliquent une ingérence dans le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs dirigeants, et en particulier les dispositions mentionnées par les organisations plaignantes.
    • b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue du recours introduit devant la Cour suprême de justice au sujet dudit décret.
    • c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des progrès réalisés dans l'adoption du projet de Code du travail.
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