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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 291, Novembre 1993

Cas no 1675 (Sénégal) - Date de la plainte: 06-OCT. -92 - Clos

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  1. 286. La Confédération générale des travailleurs démocrates du Sénégal (CGTDS) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Sénégal dans des communications des 6 octobre et 2 novembre 1992. En l'absence de réponse du gouvernement, le comité a dû ajourner l'examen de ce cas à trois reprises et, à sa session de mai 1993, il a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la procédure prévue au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration, il présenterait à sa prochaine session un rapport sur le fond de l'affaire, même si il n'avait pas reçu à cette date les observations et informations attendues du gouvernement. Depuis lors, le gouvernement n'a pas transmis d'observations.
  2. 287. Le Sénégal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la confédération plaignante

A. Allégations de la confédération plaignante
  1. 288. La CGTDS a présenté une plainte formelle en violation de la liberté syndicale et entrave à l'exercice du droit syndical dont elle est victime depuis sa création le 19 décembre 1976.
  2. 289. La CGTDS explique en effet que depuis sa création en décembre 1976, elle se heurte au refus du ministère de l'Intérieur de lui délivrer le récépissé de dépôt de ses statuts pour elle-même et pour les syndicats et fédérations qui la composent. Le secrétaire général du syndicat unique des travailleurs du bâtiment, des travaux publics et des transports du Sénégal (SUTEBTPTS), M. Diakhate, signataire de la plainte, déclare avroi été élu secrétaire général confédéral de la CGTDS et avoir saisi le ministre de l'Intérieur pour obtenir la délivrance dudit récépissé avec des décisions de justice à l'appui de ses demandes, sans aucun résultat.
  3. 290. Ce secrétaire général joint à sa plainte un dossier complet de documents et de preuves à l'appui de ses allégations à savoir: une copie des statuts de la confédération plaignante du 19 décembre 1976, l'extrait du procès verbal de la réunion de son assemblée générale constitutive également du 19 décembre 1976 ainsi que plusieurs lettres adressées par la confédération plaignante tant au ministre de l'Intérieur qu'au ministre de la Fonction publique, de l'Emploi et du Travail entre 1987 et 1992, pour leur demander également la délivrance du récépissé de dépôt desdits statuts. Il joint également des lettres d'appui du dernier au premier datant de 1989 et de 1992, où le ministre de la Fonction publique, de l'Emploi et du Travail insiste auprès de son collègue de l'Intérieur pour que la confédération plaignante obtienne la délivrance de son récépissé. Il joint enfin une lettre du président de la Cour d'appel de Dakar adressée aux présidents des chambres de la Cour d'appel et du Tribunal du travail de Dakar en date du 16 juin 1990 invitant les instances judiciaires à se conformer aux décisions de justice dans cette affaire. La lettre fait état de deux arrêts de 1987 et de 1988, le premier de la Cour suprême de Dakar annulant la décision de refus implicite de délivrance de récépissés des statuts de la CGTDS et des syndicats et fédérations qui la composent, le second de la Cour d'appel de Dakar déclarant que le secrétaire général de la CGTDS est habilité à représenter un membre de sa confédération devant le Tribunal de Dakar dans un différend opposant ledit membre à la compagnie Air France.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 291. Le comité observe que la présente plainte concerne le refus du ministre de l'Intérieur depuis 1976 de délivrer le récépissé des statuts de la confédération plaignante et des syndicats et fédérations qui la composent. Le comité regrette que le gouvernement, malgré le temps écoulé depuis le dépôt de la plainte et bien qu'il ait été invité à plusieurs reprises, y compris par l'appel pressant, à formuler ses commentaires et observations sur cette affaire, n'en ait formulé aucun à propos des allégations de la confédération plaignante.
  2. 292. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable (voir paragr. 17 du 127e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session), le comité est tenu de présenter un rapport sur le fond de l'affaire même en l'absence des informations qu'il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 293. Le comité rappelle tout d'abord au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée à l'OIT pour l'examen des allégations faisant état d'atteintes à la liberté syndicale est d'assurer le respect de celle-ci en droit comme en fait. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour qu'il importe, pour leur propre réputation, qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. (Voir premier rapport du comité, paragr. 31.)
  4. 294. Sur le fond de l'affaire, le comité rappelle l'importance qu'il attache au droit de constituer des organisations de travailleurs sans autorisation préalable. Il souligne qu'il a toujours considéré qu'une disposition légale prévoyant que le droit d'association est soumis à une autorisation donnée d'une manière purement discrétionnaire par un département ministériel est incompatible avec le principe de la liberté syndicale. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration, troisième édition, 1985, paragr. 264.)
  5. 295. Dans le cas d'espèce, il apparaît de la documentation disponible et en particulier de l'arrêt de la Cour suprême no 74 du 1er avril 1987 s'appuyant sur la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical ratifiée par le Sénégal que la Cour suprême a annulé la décision implicite intervenue le 6 décembre 1985 par laquelle le ministre de l'Intérieur a refusé de délivrer à la confédération plaignante son récépissé de déclaration et que le premier président de la Cour d'appel de Dakar a, par la suite, demandé dans une lettre du 16 juin 1990 aux présidents des chambres de la Cour d'appel et du Tribunal du travail de Dakar, de respecter cette décision de justice. Ce magistrat a également demandé aux cours et tribunaux susmentionnés de respecter également l'arrêt de la Cour d'appel de 1988 habilitant le secrétaire général de la confédération plaignante à représenter devant le Tribunal du travail de Dakar un travailleur de sa confédération dans un différend qui opposait celui-ci à la compagnie Air France.
  6. 296. En conséquence, le comité déplore le fait qu'après dix-sept ans la confédération en question n'ait pas encore été enregistrée et il lance un appel pressant au gouvernement pour que, conformément aux engagements pris en ratifiant la convention no 87, il se conforme aux obligations découlant de l'article 2 de ladite convention et aux décisions de justice de sa propre Cour suprême et de la Cour d'appel de Dakar et ne mette aucun obstacle à l'acquisition de la personnalité juridique de la confédération plaignante. Le comité invite le gouvernement à le tenir informé des mesures prises à cet égard et en particulier à préciser le plus rapidement possible si le récépissé de dépôt des statuts de la confédération plaignante a été remis à ladite confédération de sorte qu'elle puisse exercer sans entrave la plénitude de ses droits syndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 297. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette profondément qu'en dépit du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte et malgré l'appel pressant qui lui avait été adressé, le gouvernement n'ait pas fourni de commentaires et d'observations sur ce cas.
    • b) S'agissant de la non-délivrance du récépissé de dépôt des statuts de la Confédération générale des travailleurs démocrates du Sénégal (CGTDS) plaignante dans cette affaire et des fédérations qui lui sont affiliées, constituée depuis 1976, le comité déplore le fait qu'après dix-sept ans la confédération plaignante n'ait toujours pas été enregistrée et il demande instamment au gouvernement d'assurer le respect du droit de constituer des organisations de travailleurs sans autorisation préalable.
    • c) Le comité invite le gouvernement à le tenir informé, le plus rapidement possible, de toutes mesures prises pour que le récépissé de dépôt des statuts de la confédération plaignante et des fédérations qui lui sont affiliées soit remis à ladite confédération de sorte qu'elle puisse exercer sans entrave la plénitude de ces droits syndicaux.
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