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Rapport intérimaire - Rapport No. 284, Novembre 1992

Cas no 1656 (Paraguay) - Date de la plainte: 15-JUIN -92 - Clos

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  1. 1051. La plainte figure dans une communication de l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA) en date du 15 juin 1992. Cette organisation a transmis de nouvelles allégations dans une communication du 20 juillet 1992. Le gouvernement a répondu dans une communication en date du 24 juillet 1992.
  2. 1052. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 1053. Dans sa communication du 15 juin 1992, l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA) indique qu'après avoir passé près d'un an à négocier sans succès une nouvelle convention collective dans l'entreprise Frigorífico Sant Jordi, les travailleurs ont annoncé une grève officielle. L'entreprise a demandé au Conseil de conciliation et d'arbitrage de surseoir à la grève pendant la reprise des négociations. Le lendemain, au lieu de négocier, l'entreprise a commencé à recruter des remplaçants (ce qui est interdit pendant la grève). Naturellement, les travailleurs ont réagi en se mettant en grève; le ministre du Travail a immédiatement déclaré cette grève illégale, et tous les grévistes ont été licenciés. Un recours a été intenté auprès du Tribunal du travail contre la décision du Conseil de conciliation et d'arbitrage déclarant que l'employeur est libre de licencier les grévistes. La grève se poursuit.
  2. 1054. L'UITA allègue par ailleurs que quatre dirigeants syndicaux ont été licenciés alors que le ministre de la Justice et du Travail et l'employeur avaient été immédiatement informés de la création du Syndicat des travailleurs de l'Hotel Casino Itá Enramada. C'est pourquoi les travailleurs sont actuellement en grève pour protester contre le licenciement des dirigeants syndicaux, le retard de paiement des salaires et le refus patronal de négocier une convention collective.
  3. 1055. L'UITA allègue en outre que deux dirigeants du Syndicat de l'entreprise Industrial Areguá - le secrétaire général, Walter Villasboa, et le secrétaire des finances, Ramón Ortega - ont été accusés à tort de sabotage. En réalité, ils ont débranché un câble électrique qui chauffait, comme cela arrive quotidiennement dans l'usine. Après plusieurs semaines de détention, les deux hommes ont été libérés, faute de preuves, mais ils ont toutefois été licenciés. Tous les dirigeants du syndicat ont également été licenciés, de même que dix de ses membres. Les travailleurs se sont mis en grève; quant à l'employeur, contrevenant au Code du travail, il n'a pas versé les salaires correspondant à la période précédant la grève.
  4. 1056. Enfin, dans sa communication du 20 juillet 1992, l'UITA allègue que, malgré les requêtes présentées par les trois syndicats susmentionnés, le ministère de la Justice et du Travail et le Conseil de conciliation et d'arbitrage n'ont pas effectué les enquêtes nécessaires, n'ont pas sanctionné les employeurs fautifs et ne sont pas intervenus dans les conflits collectifs, alors que la grève se poursuit depuis plus de trois mois.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1057. Dans sa communication du 24 juillet 1992, le gouvernement indique que, durant les premiers mois de 1991, un fonctionnaire du ministère de la Justice et du Travail a joué le rôle de médiateur entre l'entreprise Frigorífico Sant Jordi et le syndicat dans la négociation d'une convention collective et qu'un accord a été conclu sur tous les points en discussion, à l'exception de l'augmentation des salaires (le syndicat exigeait une augmentation de 30 pour cent, tandis que l'entreprise offrait une prime d'ancienneté progressive d'un minimum de 8 pour cent). Le gouvernement ajoute que la grève a été approuvée et suivie, à partir du 1er mai 1992, par 38 seulement des 300 travailleurs de l'entreprise et que le dirigeant syndical Pedro Saledo a porté la négociation devant le Parlement, alors qu'elle relève normalement du ministère de la Justice et du Travail. Le Conseil permanent de conciliation et d'arbitrage a été saisi du conflit.
  2. 1058. En ce qui concerne le conflit collectif au sein de l'entreprise Hotel Casino Itá Enramada, le gouvernement indique qu'en mai 1992 le ministère de la Justice et du Travail a procédé à une inspection dans l'entreprise afin de régler les problèmes de salaires et de sécurité sociale qui s'y posaient et d'éclaircir la situation juridique de MM. Jorge Ovidio Sánchez, Eladio Pereira, Andrés Fernández et Salustiano Díaz, dont les cas sont en suspens devant le Tribunal du travail et qui attendent la décision judiciaire relative au conflit dans lequel ils sont impliqués. Malgré cela, des réunions tripartites ont été organisées pour trouver une solution négociée au conflit. Une fois épuisés les recours administratifs, les employeurs et les travailleurs ont informé le ministère d'un commun accord que les négociations seraient portées devant le Congrès afin de régler pacifiquement les points susceptibles de provoquer des conflits entre les deux parties.
  3. 1059. S'agissant de l'entreprise Industrial Areguá, son directeur a présenté le 24 janvier 1992 une plainte officielle auprès du ministère de la Justice et du Travail alléguant qu'un grand nombre d'ouvriers travaillaient depuis le 20 janvier en dessous du seuil normal de production de l'usine, produisant à peine la quantité minimale fixée par la convention collective en vigueur. Or ce minimum ne donne droit en aucun cas à une rémunération supplémentaire. Il a ajouté que le travail des ouvriers était gêné et ralenti par le secrétaire général du syndicat, Walter Villasboa, ainsi que par le secrétaire administratif et le responsable du contentieux, Pedro Cristaldo et Ignacio Torres.
  4. 1060. Le gouvernement ajoute que, le 30 janvier 1992, le syndicat des travailleurs d'Industrial Areguá a présenté une plainte pour protester notamment contre le licenciement de travailleurs qu'il jugeait contraire aux dispositions de la convention collective. Le ministère a alors convoqué des réunions tripartites pour régler le différend, mais en vain.
  5. 1061. Le gouvernement indique par ailleurs que, lors d'une assemblée extraordinaire tenue le 7 février 1992, le syndicat a décidé d'organiser une grève pour protester contre une prétendue violation de la convention collective, décision qui a entraîné l'intervention rapide du Conseil permanent de conciliation et d'arbitrage (le 27 février 1992), auquel le syndicat avait demandé d'arbitrer le différend. Le 15 juin 1992, le conseil permanent a enjoint aux grévistes de reprendre le travail dans un délai de vingt-quatre heures, mais le syndicat a fait appel de cette décision devant le conseil. Par ailleurs, l'entreprise Industrial Areguá a demandé au Tribunal du travail de première instance de déclarer justifié le licenciement des travailleurs protégés par un statut spécial. Cette question, qui ne relève plus du ministère de la Justice et du Travail, a été soumise au pouvoir judiciaire.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1062. Le comité constate que le présent cas porte sur le licenciement de plusieurs syndicalistes de trois entreprises et sur certaines restrictions imposées à l'exercice du droit de grève.
  2. 1063. S'agissant du licenciement des travailleurs de l'entreprise Frigorífico Sant Jordi opéré à la suite de la grève organisée par le syndicat pour obtenir la signature d'une nouvelle convention collective, le comité prend note des déclarations du gouvernement, et en particulier du fait que, grâce à la médiation du ministère de la Justice et du Travail, les parties sont parvenues à un accord sur tous les points, à l'exception de l'augmentation des salaires. Le comité constate que, comme il ressort de la documentation transmise par le gouvernement, le différend a été soumis, conformément au Code de procédure du travail, au Conseil de conciliation et d'arbitrage qui a enjoint aux grévistes de reprendre le travail en leur signalant qu'en cas de refus ils s'exposeraient au licenciement. A cet égard, le comité rappelle que le recours à l'arbitrage à la place du droit de grève pour résoudre les conflits du travail ne peut se justifier que dans les services essentiels au sens strict du terme - à savoir les services dont l'interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 387 et 420.) Or il apparaît clairement que les services rendus par une entreprise frigorifique ne sont pas des services essentiels "au sens strict du terme". De même, le comité souhaite rappeler que, depuis plusieurs années, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations formule des observations critiques dans le même esprit sur les articles 284 (soumission des conflits collectifs à l'arbitrage obligatoire) et 291 (licenciement des travailleurs qui ne reprennent pas le travail à la demande du Conseil de conciliation et d'arbitrage) du Code de procédure du travail.
  3. 1064. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de s'efforcer d'assurer que les travailleurs de l'entreprise Frigorífico Sant Jordi qui ont été licenciés pendant la grève soient réintégrés dans leur emploi et espère que le futur Code du travail, actuellement à l'étude par le Sénat, tiendra compte des principes mentionnés en matière d'arbitrage et d'arbitrage obligatoire et qu'il limitera la possibilité d'imposer le recours à l'arbitrage obligatoire aux cas de conflits collectifs dans les services essentiels au sens strict du terme (c'est-à-dire "ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans toute ou dans partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne").
  4. 1065. S'agissant de l'allégation selon laquelle quatre dirigeants syndicaux ont été licenciés par l'entreprise Hotel Casino Itá Enramada pour y avoir créé un syndicat, le comité prend note du fait que, selon le gouvernement, cette question a été soumise au Tribunal du travail et que les différents points de ce conflit vont être examinés par le Congrès (Parlement). Le comité souligne que nul ne devrait faire l'objet d'un licenciement ou de mesures de représailles pour avoir mené des activités syndicales légitimes, comme l'est la création d'un syndicat et que, conformément à l'article 1 de la convention no 98, les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la suite donnée aux questions soumises au Tribunal du travail. De même, le comité prie le gouvernement de lui envoyer ses observations sur l'allégation relative aux fausses accusations de sabotage portées contre les dirigeants syndicaux, Walter Villasboa et Ramón Ortega, qui ont été détenus plusieurs semaines avant d'être libérés, faute de preuves.
  5. 1066. Enfin, s'agissant du licenciement de syndicalistes par l'entreprise Industrial Areguá, le comité prend note que cette affaire a été présentée au Tribunal du travail de première instance et demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution et de l'issue du procès.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1067. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de s'efforcer d'assurer que soient réintégrés - dans leur emploi - les travailleurs de l'entreprise Frigorífico Sant Jordi qui ont été licenciés pour avoir poursuivi la grève alors que le conflit collectif qui régnait dans cette entreprise avait été soumis à l'arbitrage obligatoire. Le comité espère que le futur Code du travail (dont le projet est actuellement examiné par le Sénat) limitera l'imposition de recourir à l'arbitrage obligatoire aux cas de conflits collectifs dans les services essentiels au sens strict du terme (c'est-à-dire "les services dont l'interruption pourrait mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population").
    • b) Le comité demande par ailleurs au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de l'issue du procès relatif au licenciement de quatre dirigeants du Syndicat des travailleurs de l'Hotel Casino Itá Enramada qui se déroule devant le Tribunal du travail. Le comité demande également au gouvernement de lui communiquer ses observations sur l'allégation relative à la détention abusive des dirigeants syndicaux Walter Villasboa et Ramón Ortega, accusés à tort de sabotage et détenus pendant plusieurs semaines avant d'être libérés, faute de preuves.
    • c) Enfin, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution et de l'issue du procès relatif au licenciement de syndicalistes par l'entreprise Industrial Areguá qui se déroule devant le Tribunal du travail de première instance.
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