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Rapport définitif - Rapport No. 287, Juin 1993

Cas no 1617 (Equateur) - Date de la plainte: 01-OCT. -91 - Clos

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  1. 51. Le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 1992, où il a présenté un rapport intérimaire. (Voir 284e rapport, paragr. 989 à 1010, approuvé par le Conseil d'administration à sa 254e session (novembre 1992).) Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 19 février 1993.
  2. 52. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 53. Lors de l'examen antérieur du cas par le comité, diverses allégations sont restées en suspens par lesquelles les organisations plaignantes contestaient certains articles de la loi no 133 portant réforme du Code du travail, promulguée le 21 novembre 1991, et du décret no 2260 du 13 mars 1991, qu'elles jugeaient contraires aux conventions nos 87 et 98. Il s'agissait des dispositions ci-après:
  2. - l'article 39, paragraphe 1, alinéa 2, de la loi no 133, ainsi libellé:
  3. "Dans les organismes, entités et entreprises du secteur public ou dans ceux du secteur privé poursuivant un but à caractère social ou public qui ne disposent pas de comité d'entreprise, les travailleurs assujettis au Code du travail doivent constituer un comité central unique aux niveaux national, régional, provincial ou sectoriel selon le cas, avec l'approbation de plus de 50 pour cent d'entre eux. Leurs représentants ne pourront en aucun cas dépasser le nombre de 15 titulaires avec leurs suppléants respectifs, qui justifieront le fait qu'ils représentent la volonté de la majorité susmentionnée en présentant un document donnant les noms et prénoms complets des travailleurs, avec leur signature ou leurs empreintes digitales, et indiquant le numéro de leur carte d'identité ou de citoyenneté et leur lieu de travail."
  4. - l'article 68 de la loi no 133 modifiant l'article 503 du Code du travail (qui prévoyait un préavis de grève de dix jours) comme suit:
  5. "Déclaration de grève dans les organismes et entreprises qui fournissent des services d'intérêt social ou public. Dans les entreprises et organismes du secteur public définis à l'article 383 de la loi organique sur l'administration financière et le contrôle de la Banque centrale de l'Equateur et de la Banque nationale de développement, le travail ne peut être suspendu qu'après un délai de vingt jours après la déclaration de grève.
  6. Le même délai doit être observé entre la déclaration de grève et la suspension du travail dans les entreprises de fourniture d'énergie électrique, d'eau potable, de gaz et autres combustibles, dans l'hôtellerie, dans les banques privées, dans les coopératives d'épargne et de crédit pour le logement et dans les établissements financiers, dans les transports, dans l'alimentation, dans les hôpitaux, dans les cliniques, dans les asiles et, de manière générale, dans les services d'hygiène et d'assistance sociale, dans les entreprises d'élevage et les exploitations agricoles et exerçant dans les activités qui, de par leur nature, exigent une présence permanente.
  7. Le délai de vingt jours commence à courir à compter de la date de notification à l'employeur de la déclaration de grève."
  8. - l'article 1er du décret no 2260, qui dispose ce qui suit:
  9. "Avis préalable. Il incombe au Secrétariat national au développement administratif d'émettre un avis sur les projets de conventions collectives qu'envisagent de conclure ou de réviser les organismes et entreprises du secteur public visés à l'article 3.3 de la loi organique sur l'administration financière et le contrôle, à l'exception des conseils provinciaux et des municipalités, avis qui doit être donné préalablement aux rapports que sont légalement tenus d'établir le parquet général de l'Etat et le ministère des Finances.
  10. L'avis du Secrétariat national au développement administratif porte sur les questions relatives au développement de l'administration publique et de ses ressources humaines, ainsi que sur l'analyse des coûts, conformément aux normes et paramètres fixés par le présent décret.
  11. Aucune convention collective ne peut être conclue dans le secteur public sans que les avis mentionnés au paragraphe précédent aient été donnés."
  12. 54. Le comité a formulé les conclusions ci-après au sujet de ces allégations (voir 284e rapport, paragr. 1009):
  13. "En ce qui concerne les articles 68 (durée du préavis de grève dans les organismes et entreprises qui fournissent des "services d'intérêt social ou public" excédant la notion de services essentiels, au sens strict du terme) et 39, alinéa 2, du paragraphe 1 (qui dispose que la négociation collective doit avoir lieu à un certain échelon géographique et bénéficier d'une représentativité de 50 pour cent, et qui impose la création d'un comité de négociation spécial appelé comité central unique) de la loi no 133, le comité observe que la réponse du gouvernement ne contient pas d'observations complètes. Il note également que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations relatives au décret no 2260. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de lui envoyer des observations complètes sur ces allégations."
  14. B. Réponse du gouvernement
  15. 55. Dans sa communication du 19 février 1993, le gouvernement déclare que l'article 39, paragraphe 1, alinéa 2, de la loi no 133 étend au secteur public les principes appliqués par le Code du travail à la négociation collective dans le secteur privé: lorsqu'il n'existe aucune organisation syndicale regroupant 50 pour cent des travailleurs (dans la terminologie juridique, on parle de "comité d'entreprise"), il faut constituer un comité non permanent (appelé "comité central unique") chargé de s'occuper des revendications de l'ensemble des organisations syndicales et branches d'activité de façon à éviter la négociation dans un même organisme ou une même entreprise publique (dont les effectifs sont plusieurs fois supérieurs à ceux de l'entreprise privée) de conventions collectives prévoyant des conditions économiques ou des conditions de travail discriminatoires ou contradictoires.
  16. 56. Le gouvernement ajoute que l'allongement de la durée du préavis de grève, qui est passée de dix à vingt jours pour les services d'intérêt social ou public, a pour objectif de donner aux parties en conflit davantage de temps pour négocier et obtenir des résultats, particulièrement dans des secteurs qui jouent un rôle fondamental dans le développement du pays et dont l'interruption porte un préjudice extrêmement grave à la population. Le gouvernement déclare qu'il s'agit d'un préavis de vingt jours et non d'une interdiction de la grève.
  17. 57. En ce qui concerne l'avis préalable du Secrétariat national au développement administratif sur les projets de conventions collectives dans le secteur public (article 1 du décret no 2260), le gouvernement déclare que, en vertu de la Constitution et de la législation en vigueur, les placements et les dépenses des organismes du secteur public sont soumis à des règles très strictes car il s'agit de fonds qui appartiennent à l'Etat et à la collectivité dans son ensemble, et non à ceux qui administrent, gèrent ou représentent tel ou tel organisme public. Toute sortie de fonds d'un organisme public doit donc être conforme aux conditions fixées par la législation. Comme les conventions collectives comportent l'engagement formel de prélever sur le budget de l'institution des sommes déterminées à des dates ou à des périodes fixées à l'avance par elles, elles sont soumises aux contrôles et vérifications de disponibilité et d'affectation des ressources prévues par la législation, notamment la loi relative au budget de l'Etat et le décret no 2260.
  18. 58. Le gouvernement indique que, bien que le secteur privé ne soit pas assujetti à ces lois, il est évident que, au sein de toute entreprise négociant avec ses salariés, l'acceptation d'engagements financiers au titre de conventions collectives est précédée d'une vérification des ressources disponibles. Le simple bon sens suffit pour comprendre que, en matière de dépenses, d'investissements, de gestion des ressources humaines et autres questions similaires, toute entreprise publique ou privée doit observer des règles ou des procédures tendant à rationaliser les dépenses, dont les limites sont toujours fixées par le budget annuel approuvé, et à leur définir un cadre général à respecter. L'analyse des dispositions du décret no 2260 permet de déterminer la portée des règles relatives aux dépenses publiques. C'est ainsi que le dernier paragraphe de l'article 1 de ce décret dispose que: "... l'avis du Secrétariat national au développement administratif porte sur les questions relatives au développement de l'administration publique et de ses ressources humaines, ainsi que sur l'analyse des coûts, conformément aux normes et paramètres fixés par le présent décret".
  19. 59. Le gouvernement souligne l'importance que revêtent pour la révision des conventions collectives les études de coûts, bilans et projections de l'organisme intéressé et considère que le décret no 2260 ne contrevient pas aux dispositions de la convention no 98. Au contraire, affirme-t-il, l'application des normes de droit public aux règles de fonctionnement interne des organismes publics qui concluent des conventions collectives avec leur personnel garantit en toutes circonstances le respect intégral des engagements pris par l'organisme dans le cadre de ces conventions dans tous les domaines: finances, administration, gestion, etc. Elles favorisent en conséquence la négociation collective en tant que mécanisme approprié pour la détermination des conditions de travail.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 60. En ce qui concerne l'article 39, paragraphe 1, alinéa 2, de la loi no 133, le comité prend note des déclarations du gouvernement, et en particulier de ce que cette disposition, qui a trait à la négociation collective dans le secteur public, se borne à disposer que, quand il existe dans un organisme ou une entreprise publique plusieurs organisations syndicales dont aucune ne représente 50 pour cent des travailleurs, il faut constituer un comité non permanent (appelé "comité central unique") composé de représentants des différentes organisations syndicales en vue d'obtenir une représentation d'au moins 50 pour cent des effectifs. Le comité constate cependant que la législation ne contient aucune disposition sur la possibilité de négocier collectivement quand les organisations syndicales ont une représentativité inférieure à 50 pour cent. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la législation reconnaisse dans cette hypothèse le droit à la négociation collective des organisations syndicales au moins au nom de leurs propres membres.
  2. 61. En ce qui concerne l'article 68 de la loi no 133, qui modifie l'article 503 du Code du travail en portant la durée du préavis de grève de dix à vingt jours, le comité prend note que, selon le gouvernement, cette mesure s'applique uniquement aux services d'intérêt social ou public et a pour effet de donner aux parties en conflit davantage de temps pour négocier et aboutir à un règlement. A cet égard, le comité souhaite rappeler que, conformément à ses principes, "l'obligation de donner préavis à l'employeur ou à son organisation avant de déclencher une grève peut être considérée comme admissible", à condition que le délai de préavis soit raisonnable. (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 377 et 381.) Le comité estime donc, en ce qui concerne la disposition contestée par l'organisation plaignante relative aux services d'intérêt social ou public, que l'imposition d'un préavis de vingt jours n'est pas contraire aux principes de la liberté syndicale.
  3. 62. Enfin, en ce qui concerne l'avis préalable obligatoire du Secrétariat national au développement administratif sur les projets de convention collective dans le secteur public (article 1 du décret no 2260), le comité note que le gouvernement justifie cette mesure par la nécessité de vérifier les ressources disponibles (puisque les dépenses ne doivent pas dépasser le budget annuel approuvé) et celle de tenir compte dans la négociation collective non seulement des coûts et bilans de l'institution dont il s'agit, mais aussi de ses prévisions; selon le gouvernement, l'application de ces principes garantit en outre le respect intégral des conventions collectives dans le secteur.
  4. 63. Le comité est conscient de ce que la négociation collective dans le secteur public exige la vérification des ressources disponibles au sein des différents organismes ou entreprises publics, que ces ressources dépendent du budget de l'Etat et que la période de validité des conventions collectives du secteur public ne coïncide pas toujours avec celle de la loi relative à ce budget, ce qui peut poser des difficultés. Le comité observe que, dans le présent cas, l'organisation plaignante conteste le fait que le contrôle des dépenses qu'implique un projet de convention collective au cas où il serait accepté par les parties n'est pas confié à l'entreprise ou à l'organisme public qui le négocie, mais au Secrétariat national au développement administratif chargé de donner un avis préalable. De l'avis du comité, on ne peut exclure que cet organe formule aussi des recommandations en fonction de la politique économique du gouvernement ou veille à ce qu'il n'y ait pas de discrimination dans les conditions de travail des salariés des différents organismes ou entreprises publics à l'occasion de la négociation collective.
  5. 64. N'ayant pas eu l'occasion d'examiner antérieurement des allégations de cette nature, le comité doit se référer au principe ci-après, formulé par la commission d'experts lors de l'examen d'une situation similaire (voir rapport III (partie 4A), 1989 et 1991, pp. 497 et 492, respectivement):
    • "Dans ces conditions, la commission considère que, dans la mesure où les revenus des entreprises et organismes publics dépendent des budgets de l'Etat, il n'y aurait pas d'objection à ce que - après discussions et consultations approfondies entre les employeurs et les organisations syndicales concernées, dans le cadre d'un système qui recueille la confiance des parties - soient fixés des plafonds de salaires dans les lois visant le budget de l'Etat ni à ce que le ministère de l'Economie et des Finances prépare un rapport préalable à la négociation collective afin que soient respectés ces plafonds."
    • De l'avis du comité, indépendamment de toute opinion exprimée par le Secrétariat national au développement administratif, les parties à la négociation collective devraient avoir la possibilité de conclure librement un accord; si tel n'est pas le cas, le comité signale à l'attention du gouvernement le principe selon lequel l'exercice des prérogatives de puissance publique en matière financière d'une manière qui a pour effet d'empêcher le respect de conventions collectives préalablement négociées par des organismes publics n'est pas compatible avec le principe de la liberté de négociation collective. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 640.)
  6. 65. A cet égard, le comité demande au gouvernement de prévoir un mécanisme afin que les organisations syndicales et les employeurs et leurs organisations soient consultés lors des négociations collectives dans le secteur public et puissent faire connaître leur point de vue au Secrétariat national au développement administratif, autorité chargée du contrôle des incidences financières des projets de conventions collectives.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 66. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la législation reconnaisse dans les organismes et entreprises publics le droit de négociation collective aux organisations syndicales jouissant d'une représentativité inférieure à 50 pour cent au moins au nom de leurs propres membres.
    • b) Le comité demande au gouvernement de prévoir un mécanisme afin que les organisations syndicales et les employeurs et leurs organisations soient consultés lors des négociations collectives dans le secteur public et puissent faire connaître leur point de vue au Secrétariat national au développement administratif, autorité chargée du contrôle des incidences financières des projets de conventions collectives.
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