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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 294, Juin 1994

Cas no 1568 (Honduras) - Date de la plainte: 19-DÉC. -90 - Clos

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  1. 204. Le comité a examiné le présent cas à deux occasions (voir 281e et 283e rapport du comité, paragr. 365 à 383 et 257 à 268, approuvés par le Conseil d'administration à ses 252e et 253e sessions (mars et mai-juin 1992)), lors desquelles il a formulé des conclusions intérimaires. Par la suite, le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 2 février 1994.
  2. 205. Le Honduras a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 206. Les allégations restées en instance portent sur le licenciement de travailleurs et de syndicalistes de la mine "El Mochito" et la répression par l'armée d'une grève déclenchée peu après dans cette mine, ainsi que sur divers actes de discrimination antisyndicale dans plusieurs entreprises et sur la nécessité d'adopter des mesures législatives visant à empêcher les associations solidaristes d'exercer des fonctions syndicales. A cet égard, le comité a formulé les conclusions suivantes (voir 283e rapport, paragr. 268):
    • Le comité déplore profondément la mort violente de M. Daniel Carrasco et les atteintes à l'intégrité physique des personnes survenues au cours du conflit collectif déclenché à la suite du licenciement de travailleurs et de représentants syndicaux à la mine "El Mochito". Tenant compte du fait que les explications du gouvernement sont peu claires, le comité prie le gouvernement de tout mettre en oeuvre - s'il ne l'a pas encore fait - pour ouvrir une enquête judiciaire visant à élucider les faits, à établir les responsabilités et à sanctionner les coupables, et de l'informer du résultat de ladite enquête. Le comité prie également le gouvernement de lui fournir davantage de précisions sur les raisons pour lesquelles l'armée est intervenue dans le conflit collectif susmentionné.
    • Le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations sur la procédure de réintégration des travailleurs qui avaient été licenciés au cours du conflit du travail dans la mine "El Mochito" et d'indiquer si ceux-ci ont été effectivement réintégrés.
    • Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu aux autres allégations et réitère les recommandations qu'il a formulées à sa session de mars 1992 et qui sont reproduites ci-après:
      • - le comité demande au gouvernement de lui adresser ses observations sur les allégations concernant les actes de discrimination qui auraient été commis par certains employeurs à l'encontre de travailleurs syndiqués, et en particulier sur l'affectation de MM. Perdomo, Rivera et Mateo à d'autres tâches (entreprise Polymer Industrial), la suspension de certains travailleurs à l'entreprise Polymer, le licenciement de Mme Girón (entreprise Cerveceria Hondureña) et de MM. Moreira et Rodríguez (entreprise Polymer Industrial), et l'obligation de n'être affilié à aucun syndicat pour pouvoir adhérer à une association solidariste (voir statuts des associations solidaristes des entreprises Cerveceria Hondureña et Polymer);
      • - le comité demande également au gouvernement de lui indiquer quelles sont les garanties dont disposent les travailleurs aux termes de la législation nationale en vigueur contre des actes de discrimination antisyndicale et les mesures qu'il envisage d'adopter pour remédier aux licenciements antisyndicaux qui ont eu lieu dans une dizaine d'entreprises, comme le reconnaît le gouvernement (Kativo de Honduras, Pinturas Surekota S.A., Textiles San Pedro, Polytubo, Hondufibras, Polyproductos S.A., Termoplast, Banco del Ahorro Hondureño, Banco Futuro et Groupe d'entreprises crevettières du sud du pays;
      • - le comité demande au gouvernement de prendre de manière urgente des mesures législatives et autres propres à interdire que les associations solidaristes exercent des activités syndicales, en particulier en matière de négociation collective, et de le tenir informé à cet égard.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 207. Pour répondre au comité qui lui demande d'expliquer les causes de l'intervention de l'armée dans le conflit collectif de la mine "El Mochito" (24 octobre 1991), le gouvernement dans sa communication du 2 février 1994 déclare que le 24 octobre 1991, alors qu'il se dirigeait vers la localité "Las Vegas", un détachement militaire a été attaqué par surprise par des individus, alors que se déroulait ce conflit, et qu'il a riposté à l'attaque. Le tribunal d'instruction criminelle de "Las Vegas" a ouvert une enquête pour déterminer les motifs et les responsables des incidents au cours desquels 9 travailleurs et 11 militaires ont été blessés et une personne qui n'avait pas de relation d'emploi avec l'entreprise est décédée.
  2. 208. En ce qui concerne les licenciements de travailleurs de la mine "El Mochito", le gouvernement rend compte en détail des circonstances dans lesquelles ils sont intervenus et de la procédure dont certains ont fait l'objet, en joignant de nombreuses annexes y afférentes. Il en ressort que, le 4 octobre 1991, l'entreprise a licencié 43 travailleurs (parmi lesquels 4 bénéficiaient de l'immunité syndicale - en vertu de la loi, l'entreprise leur devait donc un mois de salaire - et 4 autres ont accepté le paiement intégral de leurs prestations). A la suite de ces licenciements, un groupe de 48 travailleurs a occupé l'entrée de la mine du 7 au 12 octobre 1991. A l'issue de plusieurs tentatives de conciliation menées par le ministère du Travail, les parties sont convenues le 26 octobre que les 43 travailleurs licenciés seraient réintégrés dans un premier temps et qu'un juge surnuméraire examinerait le cas des 27 travailleurs licenciés qui n'avaient pas sollicité les prestations légales et réclamaient leur réintégration. Durant la procédure, tous les travailleurs sont parvenus à des accords avec l'entreprise, à l'exception de quatre d'entre eux qui, après que diverses instances judiciaires se furent opposées à leur réintégration, ont interjeté appel devant la Cour suprême de justice, appel qui n'a pas été jugé recevable en raison d'une erreur de procédure commise par le défenseur de ces travailleurs (qui a omis d'évaluer le montant du préjudice).
  3. 209. Quant aux allégations relatives à l'entreprise Cervecería Hondureña, le gouvernement nie que Mme Yelbania del Carmen Girón, employée dans cette entreprise, ait été licenciée; et ajoute qu'elle a même récemment bénéficié d'une promotion (pièce jointe à l'appui). En ce qui concerne l'entreprise Polymer Industrial, le gouvernement déclare que MM. Santiago Mateo, Leonel Perdomo et Miguel Angel Rivera (que l'on aurait affectés à des tâches différentes selon les allégations) n'ont jamais été membres du syndicat; que M. Roney Moreira a été licencié pour avoir refusé de respecter les consignes de sécurité qui lui avaient été données et que M. Vitalicio Rodríguez (contrôleur des produits) a été suspendu pendant huit jours pour ne s'être pas plié à un ordre fondé sur la convention collective et le règlement de l'entreprise. Le gouvernement nie aussi que l'entreprise Polymer Industrial ait licencié 63 travailleurs et joint à l'appui de cette affirmation des certificats de l'inspection du travail.
  4. 210. Le gouvernement déclare également que, le 6 novembre 1991, il a signé avec les centrales ouvrières un accord spécial aux termes duquel il s'engageait à soumettre au Congrès national un avant-projet de loi afin que le solidarisme ne soit pas reconnu. Le ministre du Travail et les syndicats ont présenté cet avant-projet le 3 décembre 1991. Toutefois, le Congrès national n'a pas examiné cette réforme parce qu'elle n'était pas le fruit d'une concertation avec les employeurs et que l'on pourrait donc l'accuser de violer le principe du tripartisme.
  5. 211. Le gouvernement joint les statuts de l'association solidariste de Cervecería Hondureña (à laquelle, en vertu de l'article 6, ne peuvent adhérer des membres du syndicat) mais souligne que la convention collective signée en février 1993 comporte une clause dans laquelle l'entreprise s'engage à ne pas conclure de pacte ni de convention avec les organisations de travailleurs non syndicales.
  6. 212. Le gouvernement reconnaît toutefois que l'association solidariste de Polymer négocie des pactes collectifs avec l'entreprise, conformément à l'article 72 du Code du travail qui s'applique aux travailleurs non syndiqués. Quant au syndicat, il négocie des contrats collectifs. Le gouvernement n'a reçu de plainte d'aucune des parties.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 213. En ce qui concerne les actes de violence commis pendant le conflit du travail à la mine "El Mochito", le comité prend note des explications du gouvernement selon lesquelles l'armée aurait été attaquée par les grévistes alors qu'elle se déplaçait à proximité de la zone et observe que les actes de violence dont ont souffert les travailleurs et les militaires font l'objet d'une procédure judiciaire. Le comité déplore une fois de plus ces actes et demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la procédure engagée.
  2. 214. Le comité note aussi que la question des licenciements dans la mine "El Mochito" a fait l'objet d'un accord entre les parties qui prévoyait la réintégration de 43 travailleurs, le paiement des prestations à ceux qui en avaient fait la demande (14 travailleurs) ou le recours aux autorités judiciaires pour qu'elles se prononcent sur les licenciements (27 travailleurs). (Sur ces 27 travailleurs, 23 ont accepté le paiement des prestations pendant la procédure; les quatre autres n'ont pas obtenu leur réintégration en raison de certaines irrégularités dans la présentation de leur recours.) A cet égard, le comité estime qu'il n'a pas à se prononcer sur le contenu de l'accord conclu, puisqu'il est le fruit de libres négociations entre les parties, et il observe que ses dispositions ont été respectées. Le comité demande cependant au gouvernement de s'efforcer de réintégrer également les quatre travailleurs qui n'ont pas pu être réintégrés dans leurs postes de travail pour des raisons de procédure, et de le tenir informé à cet égard.
  3. 215. Pour ce qui est des actes de discrimination dans les entreprises Cervecería Hondureña et Polymer Industrial, le comité note que les certificats de l'inspection du travail confirment qu'il y a eu faute professionnelle, ou que les personnes concernées n'étaient pas affiliées au syndicat ou que les licenciements et suspensions allégués n'ont pas eu lieu. En ce qui concerne les autres allégations de licenciements antisyndicaux, le comité observe que les noms des travailleurs licenciés ne lui ont été fournis ni par les plaignants ni par le gouvernement, même si ce dernier a reconnu, sur un plan général, l'existence de licenciements. (Voir 281e rapport, paragr. 369 et 376.) Vu que cette affaire concerne surtout des entreprises où se sont constituées des associations solidaristes, le comité renvoie aux conclusions qu'il formule au paragraphe suivant.
  4. 216. Le comité note que le gouvernement, en accord avec les centrales syndicales, le 3 décembre 1991, a présenté un avant-projet au Congrès national visant à interdire la reconnaissance du solidarisme. Le comité observe que, pour ne pas violer le principe du tripartisme, le Congrès national n'a pas examiné cet avant-projet, parce qu'il n'avait pas été établi de concert avec les employeurs. Il remarque en outre que le gouvernement reconnaît qu'il est légalement possible de conclure des pactes collectifs avec des travailleurs non syndiqués et que les associations solidaristes le font. A cet égard, le comité réitère les conclusions qu'il a formulées lors de son premier examen du cas (voir 281e rapport, paragr. 380 et 381):
    • l'immixtion des associations solidaristes dans les activités syndicales, y compris la négociation collective, par le truchement d'"accords directs" conclus entre un employeur et un groupe de travailleurs non syndiqués, alors qu'il existe un syndicat dans l'entreprise, ne promeut pas la négociation collective au sens de l'article 4 de la convention no 98, qui se réfère à la promotion de la négociation collective entre les employeurs et leurs organisations et les organisations de travailleurs. Le comité considère également que le fait que les associations solidaristes soient partiellement financées par les employeurs, alors qu'elles comportent des travailleurs, mais également des cadres supérieurs et du personnel de confiance de l'employeur et qu'elles sont souvent suscitées par les employeurs, ne leur permet pas de jouer un rôle d'organisations indépendantes dans le processus de la négociation collective, processus qui devrait s'effectuer entre un employeur (ou une organisation d'employeurs) et une ou plusieurs organisations de travailleurs totalement indépendantes les unes à l'égard des autres. Cette situation soulève donc des problèmes d'application de l'article 2 de la convention no 98 qui consacre le principe de l'indépendance totale des organisations de travailleurs dans l'exercice de leurs activités. Le comité exprime l'espoir que le gouvernement prendra de manière urgente les mesures législatives et autres propres à interdire que les associations solidaristes exercent des activités syndicales, en particulier en matière de négociation collective.
    • Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de consulter sans délai les organisations d'employeurs et de travailleurs les plus représentatives afin de soumettre au Congrès national et de faire adopter un projet de loi qui garantisse que les associations solidaristes ne puissent exercer des fonctions syndicales, et de garantir une protection appropriée contre les actes de discrimination antisyndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 217. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Déplorant une fois de plus les actes de violence qui se sont produits dans la mine "El Mochito", le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la procédure en cours.
    • b) Le comité demande au gouvernement de consulter sans délai les organisations d'employeurs et de travailleurs les plus représentatives afin de soumettre au Congrès national et de faire adopter un projet de loi qui garantisse que les associations solidaristes ne puissent exercer des fonctions syndicales, et de garantir une protection appropriée contre les actes de discrimination antisyndicale.
    • c) Le comité demande au gouvernement de s'efforcer de réintégrer également les quatre travailleurs de la mine "El Mochito" qui n'ont pas pu être réintégrés dans leurs postes de travail pour des raisons de procédure, et de le tenir informé à cet égard.
    • d) Le comité signale à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations les aspects législatifs de ce cas, qui concernent l'application des articles 1 et 2 de la convention no 98 relatifs à la protection contre la discrimination antisyndicale et contre l'ingérence dans les activités syndicales.
    • e) Observant que le gouvernement souhaite réviser la législation du travail, le comité lui rappelle que les services techniques du BIT sont à sa disposition pour l'aider dans cette tâche.
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