Afficher en : Anglais - Espagnol
- 200. Le comité a déjà examiné la plainte de la Confédération de l'industrie australienne (CAI) à sa session de février 1992, au cours de laquelle il a présenté des conclusions intérimaires qui ont été approuvées par le Conseil d'administration (281e rapport, paragr. 326 à 364, mars 1992). La CAI a communiqué des informations complémentaires dans une lettre du 16 avril 1992.
- 201. Le gouvernement a envoyé des observations complémentaires sur ce cas dans une communication du 22 mai 1992.
- 202. L'Australie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 203. Dans sa première lettre, datée du 22 novembre 1990, par laquelle elle déposait plainte, la CAI a déclaré que les modifications qu'il est prévu d'apporter à la loi fédérale de 1988 sur les relations professionnelles en vertu du projet de loi de 1990 portant modification de la législation relative aux relations professionnelles restreignent de manière déraisonnable l'enregistrement des nouvelles organisations de travailleurs constituées au niveau des entreprises et de la petite industrie, et restreignent le libre choix des travailleurs. La CAI a indiqué ultérieurement que ce projet de loi avait été adopté par le Parlement moyennant de très légères modifications.
- 204. Notant que les dispositions de la loi de 1988 permettent l'enregistrement des associations de travailleurs sous réserve qu'elles répondent à un certain nombre de conditions, le plaignant s'est dit préoccupé par les nouvelles dispositions relatives à l'enregistrement (article 189 1) c) i)) qui exigent un effectif minimum de 10.000 membres. Il a également noté qu'un membre de la Commission des relations professionnelles ayant rang de président était habilité, durant une période constituant la première et la deuxième étape, à autoriser le maintien de l'enregistrement de certaines "petites organisations", à condition toutefois que l'examen des enregistrements ait fait apparaître que des "circonstances particulières" le justifiaient (articles 193 et 193A). La période d'examen des enregistrements devait commencer le 1er mars 1992 et se poursuivre en deux étapes jusqu'à la fin de février 1994.
- 205. Le plaignant a souligné que les modifications législatives adoptées auraient les conséquences suivantes pour les employeurs et les associations d'employeurs:
- a) les dispositions visées restreignent la nature des associations de travailleurs avec lesquelles les employeurs doivent traiter dans le cadre du système prévu par la législation, et font notamment obstacle à la création d'associations au niveau de l'entreprise et de la branche;
- b) elles requièrent l'annulation de l'enregistrement d'un grand nombre d'organisations de travailleurs avec lesquelles les associations d'employeurs ont des relations établies (par exemple l'application de la condition relative au nombre minimal de 10.000 membres entraînerait l'annulation de l'enregistrement de 92 organisations de travailleurs sur 149 au total);
- c) elles favorisent la création de très grandes organisations de travailleurs, ce qui est propre à modifier le rapport de forces entre les organisations de travailleurs, d'une part, et les employeurs et leurs organisations, de l'autre.
- 206. Dans sa réponse détaillée, le gouvernement a exposé le double objet de la loi de 1988 sur les relations professionnelles: a) créer un tribunal du travail indépendant, la Commission australienne des relations professionnelles (AIRC), dont la tâche est de prévenir ou de régler, en exerçant ses pouvoirs de conciliation et d'arbitrage, les conflits du travail; et b) prévoir l'enregistrement volontaire des organisations de travailleurs et d'employeurs, qui confère à ces organisations certains droits et leur impose certaines obligations dans le cadre du système fédéral de relations professionnelles. Le gouvernement a nié que les modifications législatives contestées en l'espèce contreviennent aux principes de la liberté syndicale.
- 207. Le gouvernement a exposé en détail la manière dont la loi sur les relations professionnelles permet aux associations d'employeurs et de travailleurs de demander à être enregistrées: certaines conditions légales doivent être remplies; une audition a lieu devant l'AIRC pour décider s'il convient d'accepter ou de rejeter la demande, audition au cours de laquelle les organisations enregistrées et les autres parties intéressées (par exemple les syndicats enregistrés au niveau des Etats ou les employeurs) peuvent élever des objections contre l'enregistrement d'une association; ces objections doivent être examinées et il doit être statué à leur sujet avant qu'une demande d'enregistrement ne soit acceptée. Le gouvernement a souligné que l'enregistrement en vertu de la loi sur les relations professionnelles fait suite au dépôt d'une demande en ce sens et n'est pas une condition préalable à la constitution et au fonctionnement d'un syndicat. L'enregistrement confère un certain nombre d'avantages à une organisation, mais entraîne aussi certaines obligations. Les avantages sont les suivants: a) l'octroi du statut de personne morale à l'organisation considérée; b) un champ d'action professionnelle défini conformément aux statuts de l'organisation, avec le droit qui en résulte de présenter, pour le compte de ses membres et des personnes remplissant les conditions voulues pour être membres, des plaintes entrant dans la compétence de l'AIRC vis-à-vis des employeurs; c) le droit de s'adresser à l'AIRC pour qu'elle rende des sentences arbitrales ayant force exécutoire, que ce soit sur consentement mutuel ou sur arbitrage; d) le droit de s'opposer, dans le cadre d'une instance auprès de l'AIRC, à ce que d'autres organisations obtiennent compétence; e) la capacité d'introduire une instance auprès d'un tribunal pour faire appliquer une sentence arbitrale fédérale à laquelle l'organisation est partie; f) le droit de demander le règlement, au besoin par arbitrage, de conflits avec d'autres organisations portant sur la délimitation des domaines professionnels couverts; g) la protection légale des membres de l'organisation contre la discrimination dans l'emploi à quelque titre que ce soit, notamment en raison de l'appartenance à l'organisation ou de la participation à ses activités. Les obligations sont les suivantes: a) le respect de certaines prescriptions légales visant à assurer la direction démocratique des organisations par leurs membres et la protection de leurs intérêts; b) l'obligation de porter à la connaissance de l'AIRC tout conflit auquel l'organisation est partie et de comparaître devant la commission lorsque cela est requis dans le cadre d'une instance relative à un conflit auquel l'organisation est partie; c) l'acceptation, sous réserve des droits de recours, des décisions de l'AIRC sur toutes questions touchant l'organisation intéressée et ses membres.
- 208. Le gouvernement a expliqué que toute organisation de travailleurs peut déposer une demande d'enregistrement en vertu de la loi sur les relations professionnelles en respectant certaines conditions: que l'organisation soit une véritable association du type visé à l'article 188 et tende à promouvoir les intérêts de ses membres; qu'elle compte au moins 10.000 membres travailleurs ou bien que l'AIRC considère qu'il existe des circonstances particulières justifiant l'enregistrement de l'association. En ce qui concerne l'examen visant à vérifier si le maintien de l'enregistrement des "petites organisations" est justifié, le gouvernement a reconnu que, en vertu des nouveaux articles 193 et 193A, lorsque le membre de la commission ayant rang de président ne considère pas que l'existence de circonstances particulières justifie le maintien de l'enregistrement, celui-ci doit être annulé. L'examen de l'enregistrement des "petites organisations" doit s'effectuer en deux étapes: dans une première étape, allant du 1er mars 1992 au 28 février 1993, on examine les organisations de travailleurs comptant moins de 1.000 membres; dans une seconde étape, allant du 1er mars 1994 au 28 février 1995, on examinera les organisations de travailleurs comptant moins de 10.000 membres.
- 209. Notant que l'allégation selon laquelle la prescription concernant un nombre minimal de 10.000 membres entraînerait l'annulation de l'enregistrement de 92 organisations de travailleurs sur 149 au total, le gouvernement a fait remarquer que, au 30 juin 1990, il n'y avait que 139 syndicats enregistrés, et qu'en outre le chiffre de 92 est trompeur, car un nombre considérable de syndicats enregistrés au niveau fédéral participent à un programme de fusions volontaires conformément à la politique du mouvement syndical.
- 210. Le gouvernement a énuméré une série de facteurs qui prouvent selon lui que les conditions relatives à l'enregistrement, et notamment celles relatives au nombre minimal de membres, ne portent pas atteinte à la liberté syndicale: l'enregistrement au niveau fédéral n'est pas une condition préalable à la constitution ni au fonctionnement d'un syndicat (la CAI, par exemple, n'est pas un organisme enregistré et, sur les trente-quatre organisations qui sont membres de la confédération ou lui sont affiliées, huit seulement sont enregistrées au titre de la loi sur les relations professionnelles); cet enregistrement n'est nullement obligatoire; l'enregistrement au titre de la loi sur les relations professionnelles ne présenterait normalement qu'un intérêt minime pour un petit syndicat d'entreprise; cette loi n'interdit pas l'enregistrement des syndicats comportant moins de 10.000 membres: elle leur impose seulement d'apporter la preuve de l'existence de "circonstances particulières" justifiant leur enregistrement; les membres d'un syndicat non enregistré peuvent, s'ils ont capacité pour être parties à un conflit inter-Etats, entrer dans le champ de compétence de l'AIRC; la loi sur les relations professionnelles autorise les quelque 150 syndicats non enregistrés au niveau fédéral et les autres parties intéressées (y compris les employeurs) à contester les décisions prises par l'AIRC en faveur des syndicats enregistrés au niveau fédéral au détriment des parties dont les relations professionnelles se déroulent en dehors du champ de compétence de l'AIRC; la législation fédérale et la législation des Etats contiennent diverses dispositions de nature à encourager et à faciliter l'établissement volontaire de relations constructives et coopératives entre les syndicats enregistrés au niveau fédéral et ceux enregistrés au niveau des Etats; les modifications apportées à la loi ont l'appui de l'écrasante majorité des syndicats fédéraux et des syndicats des Etats, ainsi qu'il ressort des congrès biennaux du Conseil australien des syndicats (ACTU) (lequel a été pleinement consulté sur les modifications apportées aux conditions relatives au nombre minimal de membres et les a approuvées).
- 211. Le gouvernement a souligné que la participation au système fédéral de relations professionnelles établi par la loi sur les relations professionnelles n'est pas nécessaire pour qu'un syndicat fonctionne de manière satisfaisante. Moins de la moitié des syndicats australiens sont enregistrés au titre de la loi sur les relations professionnelles. Un grand nombre de syndicats ont choisi de ne mener leurs activités que dans le cadre géographique d'un Etat. Tant la législation fédérale que celle des Etats contiennent des dispositions visant à faciliter les relations entre les syndicats fédéraux et les syndicats des Etats, notamment en autorisant les membres d'un syndicat enregistré au niveau d'un Etat à s'affilier à un syndicat homologue enregistré au niveau fédéral, même si les conditions d'admissibilité à la qualité de membre du syndicat enregistré au niveau fédéral ne sont pas indentiques à celles du syndicat enregistré au niveau de l'Etat. En outre, le gouvernement a cité une décision antérieure du Comité de la liberté syndicale concernant l'enregistrement au titre de la loi fédérale (277e rapport, cas no 1511, paragr. 229):
- "Le comité considère qu'il est parfaitement raisonnable que la législation et l'AIRC exigent l'adhésion aux normes du système de conciliation et d'arbitrage à titre de contrepartie pour ces avantages. Cela ne semble nullement incompatible avec les garanties prévues par les articles 2 et 3 de la convention no 87 et par l'article 4 de la convention no 98. Les travailleurs peuvent constituer le syndicat de leur choix et s'y affilier. Ce syndicat peut ensuite choisir, s'il le souhaite, de se faire enregistrer au titre de la loi fédérale. Il peut aussi se faire enregistrer au titre de la législation d'un ou de plusieurs Etats, ou ne pas se faire enregistrer. Qu'il soit enregistré ou non, il peut élaborer ses programmes en toute liberté. Il peut aussi participer à des négociations collectives libres."
- 212. Pour le gouvernement, on ne peut alléguer que l'élément de choix est illusoire en prétendant, par exemple, que les désavantages du non-enregistrement sont tels qu'un syndicat qui ne serait pas enregistré au niveau fédéral ne pourrait continuer à exister, parce qu'un syndicat peut être constitué et fonctionner en dehors du système fédéral, et parce qu'un syndicat non enregistré au niveau fédéral a le droit de contester l'utilisation du système fédéral par des syndicats enregistrés à ce niveau pour empiéter sur son secteur d'activité.
- 213. Le gouvernement insiste sur le fait que le système fédéral ne présente pas d'intérêt pour les syndicats d'entreprise. Pour des raisons constitutionnelles, la compétence de l'AIRC ne peut, dans la grande majorité des cas, s'exercer qu'en cas de conflit du travail inter-Etats effectif ou probable. Or la dimension et la dispersion géographique des entreprises australiennes sont telles que la plupart des syndicats d'entreprise recrutent normalement leurs membres dans un seul Etat.
- 214. En ce qui concerne le critère des circonstances particulières, le gouvernement a souligné que l'enregistrement au titre de la loi sur les relations professionnelles d'un syndicat comportant moins de 10.000 membres n'était pas interdit. Les syndicats en cause doivent seulement prouver à un tribunal indépendant (l'AIRC) que, bien qu'ils ne remplissent pas la condition relative au nombre minimal de membres, il existe des raisons positives qui justifient leur participation en tant qu'organisations enregistrées au système fédéral de relations professionnelles. L'AIRC dispose d'un large pouvoir d'appréciation, et l'intention du législateur était manifestement d'éviter que cette condition ne soit appliquée de façon déraisonnable ou trop stricte. Toute décision en la matière est susceptible de recours.
- 215. Le gouvernement a également soutenu que la participation officielle de membres d'un syndicat non enregistré - ou d'un employeur - au système fédéral infirmait les allégations du plaignant. En Australie, un groupe donné de travailleurs peut être partie à un conflit relevant de la compétence de l'AIRC, et ces travailleurs peuvent, pour leur propre compte, être collectivement parties à une sentence arbitrale fédérale. De tels exemples sont rares en pratique, ce qui montre que la représentation syndicale et les relations intersyndicales sont généralement stables en Australie. Cela montre également que le système fédéral n'existe pas exclusivement au profit des organisations enregistrées à ce niveau. L'objectif principal du système, ainsi qu'il a été indiqué, est d'assurer la prévention et le règlement des conflits du travail inter-Etats, que les parties soient ou non enregistrées dans le cadre de ce système.
- 216. Le gouvernement a fait observer que, depuis l'entrée en vigueur de la modification législative de 1991, les dispositions relatives aux fusions, dans leur version révisée, ont été invoquées un nombre considérable de fois. Dix-sept fusions, mettant en cause 41 syndicats enregistrés au niveau fédéral, ont été approuvées par les membres touchés. Un grand nombre d'autres syndicats enregistrés au niveau fédéral ont entamé des négociations à cette fin ou sont sur le point de le faire. Sur les 38 syndicats fédéraux comptant moins de 1.000 membres qui étaient enregistrés lors de l'entrée en vigueur, en 1989, de la loi sur les relations professionnelles, 12 ont déjà fusionné volontairement avec d'autres syndicats fédéraux et quatre sont à présent officiellement engagés dans un processus de fusion.
- 217. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'examen de l'enregistrement, dans la première et dans la deuxième étape, et son annulation dans les cas où il n'existe pas de circonstances particulières limitent de manière déraisonnable le maintien de l'enregistrement des organisations visées et portent atteinte aux principes de la liberté syndicale, le gouvernement a fait observer que: a) tous les syndicats ont été avertis très à l'avance des examens auxquels il allait être procédé, puisque les petites organisations comptant moins de 1.000 membres ont eu trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi sur les relations professionnelles en 1989 pour s'y préparer, et que celles qui comptent moins de 10.000 membres ont eu pour ce faire deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la modification législative de 1991; b) les petits syndicats comptant moins de 1.000 membres et ceux qui en comptent moins de 10.000 sont libres d'essayer d'accroître leurs effectifs en recrutant ou en fusionnant, ou bien de demeurer tels quels et de défendre leurs intérêts devant l'AIRC; c) l'examen sera dirigé par un membre ayant rang de président de l'AIRC - organisme indépendant -, et une audition aura lieu lors de laquelle le syndicat en cause pourra exposer son cas, chaque syndicat étant en droit de faire recours devant la commission plénière; d) le membre de la commission ayant rang de président dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour vérifier s'il existait des circonstances particulières et, si tel est le cas, l'enregistrement du syndicat ne sera pas affecté; e) le membre de la commission ayant rang de président a la faculté d'ajourner un examen s'il considère que la petite organisation en cause fait tout ce qui est en son pouvoir pour atteindre le nombre minimal de membres.
- 218. Enfin, le gouvernement a contesté que les employeurs fussent défavorablement affectés, parce que la structure du mouvement syndical n'est pas déterminée par les intérêts des employeurs ni par ce qui leur convient. Les exigences relatives au nombre de membres n'entraîneront pour les syndicats aucune difficulté supplémentaire pour ce qui est de créer ou de faire enregistrer de nouveaux syndicats de branche. Rares doivent être les branches d'activité, s'il en existe, qui n'occupent pas 10.000 travailleurs. Il a soutenu qu'il était peu probable qu'un grand nombre de syndicats d'entreprise voient un intérêt à participer au système fédéral puisque, à des fins pratiques, ils doivent mener leur action au niveau de l'Etat. Le gouvernement a noté que certains syndicats d'entreprise avaient été enregistrés en vertu de la loi sur les relations professionnelles, dans des cas où l'employeur intéressé était une grande entreprise nationale, mais que ces syndicats s'étaient raréfiés, les travailleurs préférant faire partie d'un grand syndicat de branche ou d'un syndicat interbranches. En tout état de cause, le gouvernement a réfuté l'argument de la CAI selon lequel les syndicats tendent à s'agrandir, à mieux s'organiser et à se renforcer. La grande majorité des employeurs et de leurs organisations représentatives qui participent au système fédéral ont l'habitude de traiter fréquemment avec les grands syndicats enregistrés à ce niveau. En pratique, les positions de négociation relatives des employeurs et des travailleurs dans le système fédéral sont depuis longtemps caractérisées par le rôle prédominant des associations d'employeurs et des grands syndicats enregistrés au niveau fédéral.
- 219. En conclusion, le gouvernement a souligné que les dispositions législatives en cause avaient pour objet de renforcer le système fédéral de relations professionnelles en introduisant un mécanisme visant à assurer la participation de syndicats suffisamment bien organisés et dotés de ressources suffisantes pour représenter efficacement leurs membres à ce niveau. Ce mécanisme ne vise pas à exclure automatiquement les petits syndicats de ce système, mais à leur demander de prouver l'existence de raisons positives justifiant leur participation au système national en tant qu'organismes enregistrés. La non-réalisation de cette condition n'entraîne pas leur dissolution ni leur incapacité de fonctionner en tant que syndicats, non plus que leur exclusion complète du système fédéral. Les dispositions législatives en cause ne restreignent nullement le droit des travailleurs de constituer ou de s'affilier au syndicat de leur choix, pas plus que la capacité de ces syndicats de fonctionner de manière efficace.
- 220. Au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration a approuvé les recommandations suivantes à sa session de février 1992:
- a) Le comité observe que les amendements de 1991 à la loi fédérale sur les relations professionnelles ont pour effet, sauf dérogations, d'empêcher les organisations syndicales de moins de 10.000 membres d'avoir accès au système fédéral de conciliation et d'arbitrage.
- b) Le comité demande à l'organisation plaignante et au gouvernement de fournir des précisions sur les conséquences qu'entraînent ces amendements sur les activités que peuvent mener ces organisations syndicales.
- c) Le comité demande également au gouvernement de préciser la nature et l'étendue des "circonstances particulières" qui pourraient justifier une dérogation au seuil minimal de 10.000 membres.
B. Nouveaux commentaires du plaignant
B. Nouveaux commentaires du plaignant
- 221. Dans sa lettre du 16 avril 1992, la CAI déclare que l'incapacité pour un syndicat de se faire enregistrer au niveau fédéral a pour effet d'entraver sérieusement l'enregistrement des petits syndicats, particulièrement ceux de la petite industrie et des entreprises. De fait, cette incapacité a des effets semblables à l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat enregistré au niveau fédéral, à savoir qu'elle menace gravement la survie de ces syndicats, et ce pour trois raisons: 1) les avantages considérables qu'entraîne l'enregistrement pour les syndicats; 2) la primauté du système fédéral; 3) les activités des syndicats concurrents.
- 222. Selon la CAI, les avantages considérables que les syndicats retirent de leur enregistrement sont les suivants: possibilité d'obtenir et de modifier des sentences arbitrales fédérales; avantages fiscaux; personnalité morale; et reconnaissance générale du syndicat aux fins de ses activités. En pratique, il est difficile, voire impossible, à un syndicat non enregistré d'obtenir et de faire exécuter des sentences, ce qui est la principale fonction des syndicats enregistrés.
- 223. Le plaignant ajoute que, du fait de la primauté du système fédéral, la possibilité pour un syndicat ne bénéficiant plus de l'enregistrement au niveau fédéral de se faire enregistrer au niveau d'un Etat n'est qu'un pis-aller. La plupart des syndicats d'une certaine importance enregistrés au niveau d'un Etat ont des liens organiques avec un syndicat enregistré au niveau fédéral, ce qui entrave sérieusement les tentatives d'autres syndicats enregistrés au niveau fédéral d'empiéter sur leur domaine de compétence. Il est rare que les syndicats importants ne soient pas liés à un syndicat enregistré au niveau fédéral et cela tient toujours à des circonstances particulières. C'est ainsi par exemple que, si la Fédération australienne des travailleurs du bâtiment (BLF) n'est pas enregistrée au niveau fédéral, c'est parce que son enregistrement a été annulé en 1984 pour fautes commises dans le domaine des relations professionnelles. Elle reste toutefois enregistrée dans quatre Etats. Les syndicats qui représentent certains domaines du secteur public des Etats ne sont généralement pas enregistrés au niveau fédéral en raison d'une jurisprudence dans le passé, traduisant des interprétations antérieures de l'étendue de la juridiction du système fédéral, et selon laquelle certains domaines du secteur public sont exclus de ce système. Selon la CAI, le fait pour un syndicat d'être enregistré au niveau d'un Etat mais de ne pas l'être au niveau fédéral constitue un très gros handicap, et ceci pour plusieurs raisons. En premier lieu, le système fédéral prévaut sur le système des Etats en vertu de l'article 109 de la Constitution australienne, aux termes duquel, lorsqu'une loi d'un Etat est contraire à une loi du Commonwealth, c'est cette dernière qui l'emporte, tandis que les dispositions contraires de la première sont déclarées invalides. Ces termes sont repris par l'article 152 de la loi sur les relations professionnelles:
- "Lorsque les dispositions d'une loi, d'un règlement, d'une sentence arbitrale, d'une décision ou d'une détermination d'une autorité d'un Etat en matière de relations professionnelles sont contraires à une sentence arbitrale ou portent sur une question traitée dans une sentence arbitrale, c'est celle-ci qui l'emporte, tandis que les dispositions qui lui sont contraires ou qui portent sur des questions réglées par elle sont déclarées invalides."
- En vertu de ces dispositions, l'AIRC a le pouvoir, qu'elle exerce fréquemment, de rendre des ordonnances ou des sentences arbitrales en matière d'emploi qui l'emportent sur les décisions des systèmes de relations professionnelles des Etats.
- 224. La question de savoir si une sentence arbitrale fédérale ou d'un Etat s'applique à un secteur d'emploi est généralement tranchée selon la procédure prévue à l'article 111 1) g) de la loi, lequel dispose que l'AIRC peut écarter une question en tout ou en partie ou renoncer à examiner plus avant ou à trancher un conflit du travail en tout ou en partie s'il apparaît: ... ii) que tout ou partie de ce conflit a été réglé, est en train d'être réglé ou va l'être par une autorité d'un Etat en matière de relations professionnelles; iii) qu'il n'est ni nécessaire ni souhaitable dans l'intérêt public de poursuivre les débats. En l'absence de statistiques détaillées, il apparaît que l'AIRC prend des décisions annulant celles des juridictions des Etats dans au moins la moitié des cas. Il arrive souvent que les deux parties à un conflit soient deux syndicats dont l'un cherche à faire appliquer le système fédéral, tandis que l'autre cherche à faire appliquer celui d'un Etat.
- 225. En deuxième lieu, la CAI déclare que l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat enregistré au niveau fédéral oblige ce syndicat à se faire enregistrer auprès de pas moins de six Etats. Si le syndicat ne bénéficie pas de cet enregistrement, il lui faut alors chercher à l'obtenir pour conserver son domaine de compétence antérieur. Au lieu de bénéficier de l'essentiel des avantages procurés par la sentence arbitrale auprès d'une juridiction, il lui faut s'adresser à un nombre de juridictions d'Etat pouvant aller jusqu'à six, ce qui constitue un énorme désavantage, notamment en termes de main-d'oeuvre et d'autres frais.
- 226. En troisième lieu, la CAI déclare que, lorsque l'enregistrement d'un syndicat est annulé, les autres syndicats sont alors à même d'étendre leur domaine de compétence, soit dans le cadre de l'article 204 (modification des règles), soit dans celui de l'article 118A (délimitation) de la loi. Le principal obstacle à l'élargissement du domaine de compétence d'un syndicat en vertu de l'article 204 de la loi est constitué par ce qu'on appelle la règle de la "facilité d'affiliation", qui s'énonce comme suit:
- "Un membre désigné comme ayant rang de président doit refuser de modifier les règles d'une organisation relatives aux conditions d'affiliation, s'il considère que les personnes à qui cette modification permettrait de s'affilier peuvent facilement le faire à une autre organisation."
- La CAI soutient donc que l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat pourrait créer dans de nombreux cas une "lacune" d'enregistrement, qui pourrait être comblée par d'autres syndicats, sans que la règle de la "facilité d'affiliation" puisse s'opposer à une extension de leur domaime de compétence. S'il est vrai que cette règle ne s'applique pas à l'article 118A, il n'en demeure pas moins que l'existence d'une lacune dans le domaine de compétence couvert permettrait à d'autres syndicats d'élargir leur propre domaine en vertu de cet article, avec pour conséquence que toute lacune dans le domaine de compétence fédéral causée par l'annulation d'un enregistrement serait rapidement comblée pour la plupart, voire la totalité, des syndicats comptant moins de 10.000 membres. Les seuls obstacles à ce processus seraient soit la concurrence que se feraient les syndicats restants pour ce domaine, soit la volonté affirmée des membres de demeurer au sein du syndicat malgré son incapacité de les représenter et de défendre leurs intérêts au niveau fédéral. En ce qui concerne le premier point, la question pourrait être résolue par l'AIRC, peut-être en recourant aux pouvoirs de délimitation que lui confère l'article 118A de la loi. Quant au second point, il ne constituerait un véritable obstacle que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles.
- 227. En bref, déclare la CAI, l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat comptant moins de 10.000 membres aurait pour résultat pratique de rendre sa survie extrêmement difficile. Dans la plupart des cas, la menace d'annulation inciterait fortement ce syndicat à chercher des partenaires avec qui fusionner.
- 228. L'une des plus graves menaces qui pourraient frapper un tel syndicat serait une réduction notable de son aptitude à empêcher d'autres syndicats enregistrés au niveau fédéral de le concurrencer dans son domaine de compétence, de chercher à recruter ses membres et à compromettre sa survie. Pour les raisons examinées plus haut, la capacité des syndicats enregistrés au niveau d'un Etat de se défendre contre les syndicats enregistrés au niveau fédéral qui cherchent à empiéter sur leur domaine de compétence est beaucoup plus restreinte que la capacité des syndicats enregistrés au niveau fédéral de se défendre eux-mêmes.
- 229. La CAI déclare que l'examen de l'enregistrement des syndicats comptant moins de 1.000 membres est déjà en cours. Elle joint à sa lettre la notification de début des opérations envoyée par l'AIRC aux syndicats visés, au gouvernement, à l'ACTU et à la CAI, laquelle fait remarquer que le résultat de ces examens risque de ne pas être connu avant le 28 février 1993, date d'achèvement de la première étape de l'opération. La CAI estime qu'il n'y a pas de raison valable de retarder la présente plainte pour attendre les décisions de l'AIRC, qui risquent de prendre du temps. Selon elle, l'incapacité juridique à laquelle sont confrontés les petits syndicats et l'inégalité législative qui menace leur existence constituent en elles-mêmes des violations des principes de la liberté syndicale, et les décisions prises par l'AIRC dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation ne peuvent modifier cette situation.
- 230. La CAI reconnaît que l'annulation de l'enregistrement en vertu des exigences relatives à l'effectif minimum n'est pas automatique et qu'elle n'est demandée que lorsque l'AIRC considère qu'il n'existe pas de circonstances particulières justifiant le maintien de l'enregistrement d'un petit syndicat. Cependant, les examens ont pour effet d'établir une inégalité législative au détriment des petits syndicats et de rendre difficile le maintien de leur enregistrement, puisque c'est à eux qu'il incombe de prouver l'existence de "circonstances particulières", faute de quoi ils risquent l'annulation de leur enregistrement au niveau fédéral. Pour les petits syndicats, le fait d'être constitués légalement et d'être en règle ne suffit pas: on leur demande de prouver quelque chose en plus; c'est là qu'il y a inégalité, de même qu'il y aurait inégalité au détriment des grands syndicats si les mêmes exigences s'appliquaient pour le maintien de leur enregistrement. La CAI estime qu'opérer une discrimination à l'encontre de certains syndicats selon le critère de la taille est contraire aux principes de la liberté syndicale. La question de savoir comment l'AIRC applique le critère des circonstances particulières ne change rien au fait que les petits syndicats sont victimes d'une grave inégalité législative qui risque d'avoir pour eux des conséquences pratiques désastreuses. Le fait que l'AIRC dispose d'un certain pouvoir d'appréciation et que l'annulation de l'enregistrement n'est pas automatique est indifférent à la question.
- 231. En conclusion, le plaignant déclare que, selon les dernières statistiques publiées par le Greffier des syndicats de l'Australie, le nombre des syndicats enregistrés au niveau fédéral était de 106 en avril 1992. D'après les estimations, 39 ou 40 d'entre eux comptent moins de 10.000 membres. Il s'agit là d'une diminution considérable par rapport aux chiffres précédents.
C. Nouvelle réponse du gouvernement
C. Nouvelle réponse du gouvernement
- 232. Dans sa lettre du 22 mai 1992, le gouvernement affirme que la première recommandation du comité (281e rapport, paragr. 364 a)) expose de manière inexacte les effets de la loi et les arguments qu'il a formulés à ce sujet dans sa première réponse à la plainte de la CAI. Il rappelle ces arguments, à savoir que, s'ils ont la faculté d'être parties à un conflit du travail inter-Etats, les membres d'un syndicat non enregistré peuvent participer au système fédéral et que les syndicats non enregistrés peuvent se présenter devant l'AIRC pour défendre leurs intérêts à l'occasion d'une procédure se déroulant devant celle-ci. Ainsi, les syndicats qui ont été privés de leur enregistrement du fait des amendements à la loi continueront, de même que leurs membres, à bénéficier d'un large accès, quoique moindre qu'auparavant, au système fédéral.
- 233. En ce qui concerne la deuxième recommandation du comité (281e rapport, paragr. 364 b)), le gouvernement admet avec la CAI que les conséquences des amendements pour les syndicats qui ne sont pas à même de se faire enregistrer au niveau fédéral sont similaires à ce qu'elles sont pour les syndicats dont l'enregistrement a été annulé. En revanche, il ne partage pas l'avis de la CAI quant à la nature de ces conséquences. Il insiste sur le fait que le critère des "circonstances particulières" s'applique aussi bien aux syndicats qui souhaitent se faire enregistrer au niveau fédéral qu'à ceux dont l'enregistrement doit faire l'objet d'un examen au titre des articles 193 et 193A de la loi sur les relations professionnelles. Ainsi, seuls les petits syndicats qui souhaitent se faire enregistrer au niveau fédéral mais qui ne satisfont pas au critère des "circonstances particulières" ne pourront obtenir cet enregistrement.
- 234. En ce qui concerne l'effet de l'annulation de l'enregistrement au niveau fédéral d'un syndicat, le gouvernement nie que cette annulation remette sérieusement en question la viabilité et le fonctionnement de ce syndicat. Il explique que, à part la possibilité d'obtenir et de modifier des sentences arbitrales fédérales, l'enregistrement dans la plupart des systèmes d'Etat confère des avantages similaires à ceux découlant de l'enregistrement au niveau fédéral. Pour ce qui est de l'importance des sentences arbitrales fédérales, le gouvernement a expliqué dans sa réponse initiale qu'en Australie les conditions d'emploi des salariés étaient plus fréquemment réglementées par les sentences arbitrales des tribunaux d'Etat du travail que par les sentences arbitrales fédérales (46,5 pour cent et 31,5 pour cent, respectivement). La possibilité d'obtenir, de modifier et de faire exécuter des sentences arbitrales fédérales est d'une importance limitée, voire nulle, pour la majorité des syndicats en Australie.
- 235. S'agissant des affirmations de la CAI concernant la primauté du système fédéral, le gouvernement déclare qu'il est essentiel de reconnaître, pour des raisons constitutionnelles, que la compétence du système fédéral de relations professionnelles est limitée aux conflits du travail dépassant les limites d'un seul Etat, autrement dit aux conflits inter-Etats par opposition aux conflits intra-Etats. C'est la raison pour laquelle, en plus du système fédéral de relations professionnelles, chaque Etat possède son propre système de relations professionnelles reposant sur une législation qui, d'une manière générale, est similaire à la législation fédérale. Chaque système d'Etat est chargé de traiter les conflits du travail limités à cet Etat et qui ne sont donc pas de la compétence du système fédéral. Dans la pratique, il existe des domaines où les deux juridictions se chevauchent et il y a des sentences arbitrales fédérales qui ne s'appliquent que dans un seul Etat. Le fondement juridique de ces sentences reste cependant l'existence d'un conflit du travail inter-Etats effectif, menaçant, en cours ou probable.
- 236. Le gouvernement souligne qu'en date du 30 juin 1990 moins de la moitié des syndicats d'Australie étaient enregistrés au niveau fédéral (139 sur un total de 295). Les chiffres les plus récents du Bureau de statistique montrent qu'en date du 30 juin 1991 il y avait 275 syndicats en Australie, tandis que les dernières statistiques du Greffe australien des syndicats citées par la CAI montrent qu'en avril 1992 il y avait 106 syndicats enregistrés au niveau fédéral. La majorité des syndicats non enregistrés dans le système fédéral sont enregistrés dans l'un des systèmes d'Etat. Ceci montre clairement que le système fédéral présente peu d'intérêt pour la majorité des syndicats d'Australie, en ce sens qu'ils n'ont pas jugé nécessaire d'être enregistrés au niveau fédéral. Ils estiment satisfaisant de participer aux systèmes d'Etat ou de fonctionner en dehors de tout système officiel. Ceci s'explique par le fait que les petits syndicats ont davantage de chances d'avoir leurs membres dans un seul Etat, et qu'il est donc peu probable qu'ils soient mêlés à un conflit du travail inter-Etats. Ces syndicats peuvent trouver plus pratique d'être enregistrés dans un système d'Etat que dans le système fédéral. Le gouvernement ajoute cependant que certains petits syndicats ne comprenant que des membres appartenant à un seul Etat ont choisi de demander l'enregistrement au titre de la loi fédérale. Ces syndicats ne pourraient être parties à un conflit du travail inter-Etats et ne pourraient obtenir une sentence arbitrale fédérale qui est le principal avantage de l'enregistrement au niveau fédéral. C'est pourquoi, bien qu'il soit enregistré au niveau fédéral, un tel syndicat doit protéger les intérêts professionnels de ses membres en opérant en dehors du système fédéral. Certains petits syndicats ont choisi de ne s'inscrire à aucun système et préfèrent engager des négociations directes avec les employeurs.
- 237. Il est donc manifeste que les amendements de 1991 n'ont aucune conséquence sur les activités que peuvent entreprendre de nombreux petits syndicats, car ceux-ci ne sont pas et n'ont jamais été enregistrés au niveau fédéral et n'utilisent pas et n'ont jamais utilisé ce système. D'autres petits syndicats sont enregistrés dans le système fédéral, mais opèrent en fait en dehors de ce système.
- 238. En ce qui concerne les conséquences pour les syndicats qui sont enregistrés et fonctionnent selon le système fédéral et dont l'enregistrement est annulé par suite des amendements, le gouvernement signale que:
- - l'annulation de l'enregistrement n'entraîne pas la disparition du syndicat;
- - l'annulation de l'enregistrement n'affecte pas les statuts du syndicat, sa composition, ses droits de propriété ou les droits et les obligations qui lui sont reconnus par la loi (autres qu'au titre de la loi fédérale); et,
- - l'annulation de l'enregistrement n'empêche pas le syndicat de négocier en dehors du système fédéral, que ce soit en participant au système de l'Etat en question ou autrement. En résumé, ce syndicat serait dans la même situation que la plupart des syndicats en Australie qui ne sont pas et n'ont jamais été enregistrés selon le système fédéral, mais qui sont en mesure de représenter efficacement les intérêts professionnels de leurs membres en fonctionnant dans un système d'Etat ou en traitant directement avec les employeurs en dehors de tout système officiel.
- 239. Se référant à l'argument de la CAI selon lequel la plupart des syndicats "d'une certaine importance" enregistrés au niveau d'un Etat sont "organiquement liés" à des syndicats enregistrés au niveau fédéral, le gouvernement déclare que ceci est généralement le cas parce que le syndicat enregistré au niveau de l'Etat est aussi une section d'un syndicat enregistré au niveau fédéral. Un tel syndicat enregistré au niveau de l'Etat jouit d'une double personnalité: en tant que syndicat enregistré au niveau de l'Etat, il peut fonctionner légalement dans le cadre du système de l'Etat et obtenir des sentences arbitrales au niveau de l'Etat pour ses membres lorsque cela est approprié pour leurs conditions d'emploi et, en tant que section d'un syndicat enregistré au niveau fédéral, ses membres peuvent être protégés par des sentences arbitrales fédérales lorsque cela est approprié pour leurs conditions d'emploi. Le gouvernement estime qu'il y a peu de chances que ces syndicats soient affectés d'une manière quelconque par la prescription de la législation fédérale concernant un nombre minimal de membres. Dans la plupart (et probablement dans la totalité) des cas, les membres du syndicat enregistré au niveau de l'Etat seraient aussi membres de l'organe du syndicat enregistré au niveau fédéral. Il est donc peu probable que l'organe enregistré au niveau fédéral soit touché par la prescription concernant un nombre minimal de membres.
- 240. Il est vrai, comme le fait remarquer la CAI, qu'en vertu des articles 109 de la Constitution australienne et 152 de la loi, les ordonnances et les sentences arbitrales fédérales prévalent sur les lois, ordonnances, sentences arbitrales, décisions ou résolutions au niveau de l'Etat, dans la mesure où il y a incompatibilité ou double emploi. La question de savoir si une sentence arbitrale rendue au niveau fédéral ou de l'Etat doit couvrir un secteur d'emploi est généralement réglée selon la procédure prévue par l'article 111 1) g) de la loi, et il arrive fréquemment que les parties à cette procédure soient des syndicats différents, l'un cherchant à résoudre le problème dans le cadre du système fédéral et l'autre dans celui de l'Etat. Il est important de noter cependant qu'en pareil cas le syndicat non enregistré au niveau fédéral a le droit de comparaître devant l'AIRC et de faire valoir son point de vue quant aux raisons pour lesquelles l'AIRC devrait exercer son pouvoir de ne pas rendre une sentence arbitrale fédérale. Selon la CAI, l'AIRC exerce fréquemment son pouvoir discrétionnaire en faveur du syndicat non enregistré au niveau fédéral. Ceci montre qu'un syndicat non enregistré au niveau fédéral peut comparaître devant l'AIRC pour protéger ses intérêts, et que ces comparutions sont souvent couronnées de succès.
- 241. Se référant à l'affirmation de la CAI selon laquelle l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat au niveau fédéral pourrait l'obliger à s'enregistrer dans six systèmes de relations professionnelles au niveau de l'Etat et à agir dans six juridictions d'Etat, d'où des coûts de main-d'oeuvre et autres frais considérables, le gouvernement déclare que cela dépend de la situation du syndicat intéressé. Un syndicat ayant des sections dans tous les Etats pourrait juger utile de mener une action dans tous ces systèmes mais, dans la majorité des cas, les sections d'Etat du syndicat seraient déjà enregistrées ou déjà reconnues au titre de la législation d'Etat pertinente et fonctionneraient dans le cadre des systèmes d'Etat. En tout état de cause, il est probable que la plupart des syndicats enregistrés au niveau fédéral et ayant des membres et/ou des sections dans tous les Etats ou dans plusieurs d'entre eux ont un nombre de membres supérieur au minimum prescrit. Un syndicat ayant des membres et/ou des sections dans seulement un ou deux Etats pourrait juger utile de mener son action uniquement dans ces Etats.
- 242. Le gouvernement répond aussi à la référence faite par la CAI aux articles 204 et 118A de la loi en ce qui concerne la création d'un "vide" dans l'enregistrement qui pourrait être comblé par d'autres syndicats au détriment du syndicat ayant perdu son enregistrement. Ceci pourrait arriver car le syndicat dont l'enregistrement est annulé ne jouirait plus de la protection de la disposition sur "la facilité d'affiliation" de l'article 204. Le gouvernement déclare tout d'abord qu'en application des articles 204 et 253 de la loi et des articles 51 et 73 du règlement des relations professionnelles un syndicat non enregistré au niveau fédéral peut s'adresser à l'AIRC pour protester contre l'élargissement du domaine de compétence d'un syndicat enregistré au niveau fédéral ou le changement de nom du syndicat. Un syndicat non enregistré au niveau fédéral peut donc agir dans le cadre du système fédéral pour protéger ses intérêts. Le gouvernement déclare ensuite que la CAI semble affirmer que les principes de la liberté syndicale exigent non seulement que la législation permette aux syndicats de se constituer et de fonctionner librement, mais aussi qu'elle protège les syndicats de la concurrence d'autres syndicats. Selon le gouvernement, cette notion n'a jamais fait partie des principes de la liberté syndicale. De fait, le Comité de la liberté syndicale a estimé que les rivalités intersyndicales n'entraient pas dans le champ de la convention no 98 et que l'article 2 de cette convention était destiné à protéger les organisations de travailleurs contre les organisations d'employeurs, et non pas contre d'autres organisations de travailleurs. (Voir 95e rapport, cas no 448, paragr. 123; 218e rapport, cas no 1122, paragr. 346; cas no 1129, paragr. 479.) Le gouvernement n'estime pas que la présente plainte justifie un changement dans la jurisprudence du comité au sujet de l'application des principes de la liberté syndicale aux rivalités intersyndicales.
- 243. Le gouvernement reconnaît l'importance du système fédéral de relations professionnelles; celle-ci découle non seulement de sa capacité de régler les conflits du travail nationaux, mais aussi de l'influence des décisions prises par l'AIRC dans d'autres domaines d'importance nationale concernant notamment les salaires et les relations professionnelles. Dans ces cas-là, les problèmes de relations économiques et professionnelles sont débattus par les gouvernements ainsi que par les organisations faîtières des employeurs et des travailleurs qui représentent non seulement les organisations enregistrées au niveau fédéral, mais aussi celles enregistrées ou reconnues au niveau des Etats ainsi que les associations non enregistrées, notamment dans le cas des groupes d'employeurs. Les décisions dans ces cas sont généralement suivies par les tribunaux du travail des Etats dont certains sont tenus par la législation de l'Etat de tenir compte des décisions de l'AIRC lors de l'examen de questions similaires portées à leur attention. Le gouvernement n'accepte donc pas l'affirmation de la CAI selon laquelle l'enregistrement au niveau de l'Etat n'est qu'un "pis-aller pour un syndicat dont l'enregistrement au niveau fédéral est annulé". Les systèmes des Etats, comme le système fédéral, prévoient un mécanisme pour le règlement des différends par des décisions exécutoires, y compris des sentences arbitrales. En fait, à certains égards, les systèmes des Etats présentent certains avantages, notamment la capacité de rendre des sentences arbitrales applicables d'une manière générale à une industrie et non pas seulement (comme dans le système fédéral) aux parties au conflit en cause. De la même façon, l'enregistrement dans le cadre du système d'un Etat entraîne, comme l'enregistrement au niveau fédéral, l'octroi de la personnalité morale à l'organe enregistré et un ensemble équivalent de droits et d'obligations dans le système d'Etat concerné.
- 244. En ce qui concerne la troisième recommandation du comité (voir 281e rapport, paragr. 364 c)), le gouvernement déclare que le critère des "circonstances particulières" est examiné dans la réponse initiale du gouvernement et qu'il n'y a pas de jurisprudence à ce sujet. Pour expliquer la portée et l'effet du critère visé, le gouvernement a cité une partie d'une déclaration faite par le ministre des Relations professionnelles lors d'un débat au Parlement sur la loi en question. Cette déclaration peut être évoquée par un tribunal pour clarifier l'objectif de cette loi. Le gouvernement souligne que, lors de l'examen de l'enregistrement d'un "petit" syndicat, le membre de l'AIRC désigné comme ayant rang de président peut se référer à la déclaration du ministre pour établir quelle est l'intention sous-jacente au critère des "circonstances particulières", notamment l'objectif du critère et le type de considérations pouvant être prises en compte pour décider si le syndicat satisfait ou non au critère. Il ajoute que la déclaration du ministre donne aussi aux syndicats dont l'enregistrement peut faire l'objet d'un réexamen une indication sur le type d'arguments qu'ils peuvent avancer à l'appui du maintien de leur enregistrement. Des exemples de critères pouvant être utilisés (isolément ou en combinaison) par l'AIRC pour décider si les "circonstances particulières" existent ou non sont les suivants:
- a) s'il existe une autre organisation pouvant représenter au titre de la loi en question les intérêts professionnels des membres de la petite organisation et, dans l'affirmative, si cette autre organisation est prête à le faire et le ferait de façon satisfaisante;
- b) si les intérêts professionnels des membres de l'organisation sont tels que ces intérêts seraient mieux représentés au titre de la loi en question si l'organisation restait enregistrée;
- c) les points de vue des membres sur la question de savoir quelles organisations devraient représenter leurs intérêts professionnels aux fins de ladite loi;
- d) la mesure dans laquelle, le cas échéant, l'organisation essaie par des moyens appropriés - par exemple en augmentant son effectif ou en fusionnant - d'obtenir un nombre de membres supérieur au minimum requis, et s'il serait raisonnable de lui donner une autre possibilité de le faire;
- e) si l'annulation de l'enregistrement d'une organisation risque de porter atteinte aux relations professionnelles dans les branches ou entreprises des employeurs de personnes remplissant les conditions requises pour devenir membres de l'organisation;
- f) si le maintien de l'enregistrement de l'organisation peut contribuer à de bonnes relations professionnelles dans ces branches ou entreprises;
- g) les antécédents de l'organisation en matière de participation active et constructive aux relations professionnelles;
- h) si l'organisation est le principal syndicat dans un secteur particulier d'activité économique d'employeurs exerçant des activités similaires ou connexes.
- 245. Ces critères ne s'opposent pas au maintien de l'enregistrement des petits syndicats et montrent assez clairement que, pour établir l'existence de "circonstances particulières", l'AIRC doit tenir compte notamment des points de vue et des intérêts des membres du petit syndicat intéressé et des conséquences sur les relations professionnelles de toute décision qu'elle pourrait prendre.
- 246. La nature du critère des "circonstances particulières" est indiquée dans la déclaration du ministre qui explique que le critère n'est pas destiné à être appliqué de façon rigide ou restrictive, et que c'est la raison pour laquelle l'expression n'a pas été définie. L'expression "circonstances particulières" est bien connue dans d'autres lois fédérales australiennes où elle n'est pas définie et a été interprétée au sens large par les tribunaux. On peut dire que le critère est souple et adaptable aux circonstances de cas particuliers.
- 247. En ce qui concerne la portée du critère des "circonstances particulières", la souplesse mentionnée dans le paragraphe précédent ne signifie pas que le critère a une portée illimitée. Selon les règles de droit établies, dans l'exercice de tout pouvoir légal d'appréciation, une personne ou un tribunal doivent tenir compte de considérations pertinentes et ne pas agir en fonction de considérations non pertinentes. Les principes énoncés dans la déclaration du ministre donnent une indication de la nature des considérations qui sont pertinentes pour appliquer le critère. La portée du critère peut donc être décrite comme englobant les questions qui sont pertinentes pour le maintien de bonnes relations professionnelles et les intérêts des membres des petites organisations.
- 248. Le gouvernement confirme que l'AIRC a commencé à examiner l'enregistrement des syndicats comptant moins de 1.000 membres. Il note que la CAI déclare qu'il n'existe aucun motif de retarder l'examen de cette plainte jusqu'à ce que l'AIRC rende sa décision, ce qui peut tarder jusqu'à février 1993, et qu'elle affirme que le fait que la loi est orientée contre l'existence des petits syndicats est en soi une violation des principes de la liberté syndicale. Le gouvernement n'admet pas que la simple existence de la loi en question constitue une violation des principes de la liberté syndicale. Selon lui, étant donné que la signification de l'expression "circonstances particulières" est l'un des problèmes soulevés par ce cas, le comité devrait envisager de retarder sa décision finale jusqu'à ce que l'AIRC ait tranché suffisamment de questions pour donner une indication claire de la manière dont l'expression est interprétée et appliquée. Le gouvernement s'engage à communiquer ces décisions au comité dès qu'elles seront disponibles.
- 249. Quant à l'argument selon lequel la simple existence des dispositions constitue une violation des principes de la liberté syndicale, le gouvernement déclare tout d'abord qu'il n'est pas correct de dire que la loi est orientée contre l'existence des petits syndicats. Comme l'a déjà expliqué le gouvernement, un syndicat qui ne satisfait pas au critère des "circonstances particulières" et dont l'enregistrement est donc annulé ne cesse pas d'exister et il peut continuer à fonctionner dans le cadre de l'un des systèmes d'Etat ou en dehors de tout système officiel. Ceci est tacitement reconnu dans la réponse de la CAI qui, au lieu de se référer à une orientation de la loi défavorable à l'existence des petits syndicats, se réfère à une orientation de la loi défavorable au maintien de leur enregistrement.
- 250. Deuxièmement, le gouvernement note que, comme dans le cas de ses arguments concernant la protection contre la concurrence des autres syndicats, la CAI semble plaider en faveur de l'introduction d'un nouveau concept dans les principes de la liberté syndicale, à savoir qu'un syndicat a le droit sans réserve de participer à tout système officiel de relations professionnelles. Cet argument aurait un certain poids si la capacité de constituer et de faire fonctionner un syndicat dépendait entièrement de son acceptation dans un système officiel particulier, car ce serait là une condition préalable au fonctionnement du syndicat et il n'y aurait pas d'autre solution. Comme le gouvernement l'a déjà démontré, en Australie, il n'existe pas de conditions légales préalables à la création et au fonctionnement d'un syndicat, et celui qui ne peut pas ou ne veut pas participer au système fédéral peut opter pour un autre système de relations professionnelles. Le fait de ne pas être enregistré au niveau fédéral n'a pas de conséquence fatale pour un syndicat. En fait, l'expérience montre que c'est le contraire: la concurrence des autres syndicats influe davantage sur la viabilité d'un syndicat.
- 251. En ce qui concerne le réexamen, bien que le gouvernement n'ait pas encore reçu le procès-verbal des débats qui se sont déroulés les 19 et 20 mai 1992, il apparaît que, sur les vingt-deux syndicats enregistrés au niveau fédéral comptant moins de 1.000 membres:
- - dix ont informé l'AIRC qu'ils étaient en train de fusionner volontairement avec un autre syndicat;
- - trois ont indiqué qu'ils avaient cessé d'exister;
- - huit ont indiqué qu'ils souhaitaient présenter des arguments prouvant l'existence de circonstances particulières qui justifient le maintien de leur enregistrement, et ils auront la possibilité de le faire plus tard dans l'année;
- - un ne s'est pas manifesté.
- 252. Le gouvernement note aussi que les fusions s'accélèrent parmi tous les types de syndicats enregistrés au niveau fédéral, non pas seulement entre les plus petits, dans le cadre de la politique de rationalisation des syndicats eux-mêmes. Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur les relations professionnelles en 1989, on a enregistré 33 fusions impliquant 73 syndicats. A l'heure actuelle, 20 syndicats ont demandé officiellement à fusionner. Beaucoup d'autres fusions éventuelles sont en cours de discussion entre des syndicats enregistrés au niveau fédéral. Près des trois quarts des syndicats ayant réussi leur fusion comptaient moins de 10.000 membres.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
- 253. Dans le présent cas, l'organisation d'employeurs plaignante allègue que les amendements apportés en 1991 à la loi fédérale sur les relations professionnelles empêchent certaines organisations syndicales d'avoir accès au système fédéral de conciliation et d'arbitrage. Le comité note l'argument de l'organisation plaignante selon lequel la condition relative à un effectif minimal de 10.000 membres pour l'enregistrement, figurant maintenant dans l'article 189 de la loi fédérale, est un seuil trop élevé et porte donc atteinte à la liberté syndicale des organisations de travailleurs au niveau de l'entreprise et de la branche; selon le plaignant, ce seuil aboutira à l'annulation de l'enregistrement de nombreuses organisations de travailleurs. Selon l'organisation plaignante, les dispositions de la loi qui permettent aux organisations n'atteignant pas le seuil de 10.000 membres de rester enregistrées lorsqu'il existe des "circonstances particulières" n'assurent pas une garantie suffisante de la liberté syndicale.
- 254. Le gouvernement, dans ses réponses détaillées, souligne que les amendements de 1991 - qui sont pleinement soutenus par les organisations de travailleurs du pays - ne violent pas les principes de la liberté syndicale, étant donné que l'enregistrement dans le cadre du système fédéral n'est nullement obligatoire et que les organisations de travailleurs peuvent - et le font - exister et fonctionner librement sans être enregistrées au niveau fédéral. Elles peuvent le faire soit dans le cadre des systèmes de relations professionnelles des Etats, soit sans être enregistrées du tout. De toute façon, les syndicats non enregistrés peuvent, dans certains cas (par exemple lorsqu'un conflit dépasse les limites d'un Etat ou lorsqu'un syndicat non enregistré souhaite défendre ses intérêts devant l'AIRC), avoir accès au système fédéral. Le gouvernement fait en effet remarquer que presque 70 pour cent des travailleurs ne sont pas couverts par le système fédéral et que plus de 60 pour cent des syndicats ne sont pas enregistrés au niveau fédéral. Ceci reflète le fait que le système a été créé dans le but de faciliter le règlement des conflits interétatiques et que tous les syndicats ne peuvent par conséquent pas rentrer dans le champ de la juridiction fédérale.
- 255. En réponse à la demande du comité de fournir des informations complémentaires, l'organisation plaignante souligne les aspects suivants: 1) les avantages découlant de l'enregistrement au niveau fédéral (avantages fiscaux, statut de personne morale, capacité d'obtenir des sentences arbitrales fédérales et une reconnaissance générale); 2) la primauté du système fédéral selon lequel l'utilisation des systèmes des Etats "n'est qu'un pis-aller" (la loi fédérale et les sentences arbitrales fédérales l'emportent sur les instruments correspondants au niveau des Etats, l'inconvénient d'avoir à demander l'enregistrement ou la reconnaissance dans plusieurs - jusqu'à six - systèmes d'Etat); 3) le risque d'empiètement sur un secteur d'activité lorsqu'un "vide" existe. L'organisation plaignante signale que la procédure d'examen des syndicats ayant un nombre de membres inférieur au minimum requis a commencé et allègue que les amendements de 1991 sont défavorables à ces syndicats car il leur incombe maintenant de prouver que des "circonstances particulières" justifient le maintien de leur enregistrement. Le comité prend note des chiffres fournis par l'organisation plaignante: en avril 1992, il y avait 106 syndicats enregistrés au niveau fédéral (dont une quarantaine comptant moins de 10.000 membres), bien moins que les 139 enregistrés en 1990 lorsque la plainte a été initialement déposée. Il note en outre qu'aucun de ces 139 syndicats n'a été radié du registre en raison du nombre de ses adhérents et que la réduction du nombre des membres est le résultat de fusions qui ont été effectuées conformément à la politique de rationalisation décidée par le mouvement syndical lui-même.
- 256. Les nouvelles informations fournies par le gouvernement sont en désaccord avec l'analyse faite par l'organisation plaignante des conséquences du non-enregistrement ou de l'annulation de l'enregistrement au niveau fédéral, et mettent particulièrement en relief l'explication du critère des "circonstances particulières" donnée par le ministre des Relations professionnelles lors du débat parlementaire sur les amendements. Il fait remarquer que la radiation de l'enregistrement d'un syndicat ne met pas un terme à l'existence de celui-ci, n'affecte en rien ses droits et responsabilités et ne l'empêche pas de négocier en dehors du système fédéral. Le gouvernement reconnaît l'importance du système fédéral, mais réfute la thèse selon laquelle les systèmes des Etats ne sont que des pis-aller. Il soutient que l'enregistrement dans la plupart des systèmes des Etats accorde des avantages similaires à ceux qu'offre l'enregistrement au niveau fédéral et que, dans la pratique, le système fédéral présente peu d'intérêt pour la majorité des syndicats australiens. Il précise qu'un inconvénient d'avoir à demander l'enregistrement dans plusieurs systèmes non fédéraux n'affecterait pas la majorité des syndicats. Il précise aussi que tout syndicat non enregistré craignant un empiètement sur son domaine d'activité professionnelle a le droit de protester devant l'AIRC, procédure à laquelle les syndicats recourent fréquemment avec succès.
- 257. Le gouvernement déclare également qu'il n'existe pas de jurisprudence concernant l'application du critère des "circonstances particulières", mais il énumère les critères possibles indiqués par le ministre et déclare que, dans d'autres domaines, cette expression a été interprétée au sens large par les tribunaux. Selon le gouvernement, la portée du critère englobe les questions pertinentes pour la préservation de bonnes relations professionnelles et pour les intérêts des membres des petites organisations. Il s'engage à adresser au comité des copies des décisions prises par l'AIRC maintenant que la première étape du processus d'examen a commencé. La première étape des examens concernant 22 syndicats enregistrés au niveau fédéral a abouti au résultat suivant: dix syndicats ont annoncé qu'ils auraient fusionné volontairement, trois qu'ils avaient cessé d'exister, l'un ne s'est pas manifesté et huit autres, faisant état de "circonstances particulières", seront entendus plus tard dans l'année. Le gouvernement propose que le comité envisage de retarder sa décision finale jusqu'à ce que l'AIRC ait examiné suffisamment d'enregistrements pour que le comité puisse voir comment cette notion est appliquée.
- 258. Le comité a soigneusement examiné l'ensemble des informations et des arguments portés à sa connaissance depuis le dépôt de la plainte en novembre 1990, et estime qu'il dispose de faits suffisants pour fonder son jugement sur ce cas, sans avoir à attendre le résultat de la première série d'examens en Australie.
- 259. Le comité a dû soigneusement évaluer les effets de la prescription relative à un effectif minimum de 10.000 membres pour l'enregistrement en se fondant à la fois sur des arguments théoriques et sur des données pratiques. Ce faisant, il a toujours gardé présent à l'esprit l'élément d'appréciation fondamental de la liberté syndicale qui est le suivant: eu égard à cette nouvelle prescription, les travailleurs sont-ils libres de constituer les organisations de leur choix et d'y adhérer et, une fois constituées, ces organisations sont-elles libres de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres?
- 260. Le comité a tout d'abord examiné l'argument du gouvernement concernant le caractère facultatif du système fédéral et le point de vue de l'organisation plaignante concernant la primauté du système fédéral sur les autres systèmes. Par le passé, ni le comité ni la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations n'avaient jugé le système fédéral incompatible avec les garanties prévues aux articles 2 et 3 de la convention no 87. Cependant, le nouvel élément - l'exigence d'un nombre minimum très élevé de membres - appelle un examen de la situation sous un nouveau jour. Les travailleurs restent libres de constituer des syndicats et de s'y affilier, mais sont-ils maintenant libres de leur choix? Le comité s'est toujours montré attentif à d'éventuelles pressions ou mesures de favoritisme de la part des pouvoirs publics, qu'elles soient directes ou indirectes, pouvant influencer l'affiliation syndicale des travailleurs. S'il est souvent difficile de prouver que la mesure prise par le gouvernement pèse sur le choix des travailleurs, il n'en demeure pas moins qu'en traitant un syndicat différemment des autres on met en cause cet important droit des travailleurs (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 252 à 254). La mesure gouvernementale dans le présent cas - le seuil de 10.000 membres - pourrait bien avoir pour effet, selon le comité, d'influencer indûment les travailleurs dans le choix du syndicat auquel ils souhaitent appartenir, même s'ils ont conscience que l'enregistrement fédéral n'est que l'un des moyens disponibles pour protéger leurs droits. Le comité est parvenu à cette conclusion en ayant à l'esprit que ce que recherche un travailleur en s'affiliant à un syndicat est un soutien maximal. Il a évalué l'importance du système fédéral de relations professionnelles instauré par la loi sur les relations professionnelles et, tout en prenant note des statistiques fournies sur le nombre d'enregistrements au niveau des Etats, estime qu'une organisation de travailleurs comptant moins de 10.000 membres, et qui pourrait invoquer la loi sur les relations professionnelles, devrait avoir les mêmes droits qu'un syndicat plus large de demander accès aux avantages découlant de l'enregistrement dans le cadre du système fédéral et accepter les mêmes responsabilités qu'entraîne cet enregistrement.
- 261. La question se pose alors de savoir si les exceptions contenues dans la loi fédérale répondent à cette demande d'accès. Le comité a tenu compte aussi des arguments du gouvernement selon lesquels, avant les amendements de 1991, les organisations non enregistrées au niveau fédéral pouvaient avoir accès dans certaines circonstances au système fédéral de conciliation et d'arbitrage, et que le refus d'enregistrer et l'annulation de l'enregistrement ne sont pas automatiques et peuvent être évités en prouvant qu'il existe des "circonstances particulières". Le comité note que le gouvernement souligne la portée et la flexibilité qui caractérisent le critère des "circonstances particulières", mais le comité n'estime pas que ces critères répondent à ses préoccupations à cet égard. Le comité estime que les nouvelles conditions prévues par les amendements font peser une charge trop lourde sur les syndicats qui jouissaient auparavant de la possibilité de demander l'enregistrement au niveau fédéral (mais sous d'autres conditions qui n'ont pas été jugées incompatibles avec la liberté syndicale par les organes de contrôle de l'OIT). Les travailleurs, sachant que les syndicats de moins de 10.000 membres seront appelés à fournir des justifications pour continuer de jouir des avantages de l'enregistrement au niveau fédéral, pourraient être influencés dans le choix de leur syndicat. Les organisations déposant une demande d'enregistrement ou déjà enregistrées et comptant moins de 10.000 membres ont pu être forcées de réagir par peur de se voir refuser ces avantages.
- 262. Le comité a conscience que l'organisation syndicale faîtière, le Conseil australien des syndicats, est en faveur des amendements. Si la philosophie actuelle de rationalisation est destinée à garantir aux syndicats une bonne organisation et un bon financement, le choix des travailleurs, soucieux d'assurer la force des syndicats et un soutien maximal, se portera naturellement sur un effectif élevé: il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la législation fédérale.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 263. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité note que l'obligation introduite par le gouvernement dans la loi sur les relations professionnelles de compter 10.000 membres pour l'enregistrement pourrait influencer indûment le libre choix par les travailleurs du syndicat auquel ils désirent appartenir, même lorsque l'enregistrement au niveau fédéral n'est que l'un des moyens qui leur sont offerts pour protéger leurs droits.
- b) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures afin qu'il ne soit plus exigé d'une organisation de travailleurs de compter au moins 10.000 membres ou de prouver des circonstances particulières pour avoir le droit de demander accès aux avantages découlant de l'enregistrement dans le cadre du système fédéral.