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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 281, Mars 1992

Cas no 1500 (Chine) - Date de la plainte: 19-JUIN -89 - Clos

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  1. 68. Le comité a déjà examiné ce cas à quatre reprises, à ses sessions de novembre 1989, février et novembre 1990, ainsi que de novembre 1991. (Voir 268e rapport, paragr. 668 à 701, 270e rapport, paragr. 287 à 334, 275e rapport, paragr. 323 à 363, 279e rapport, paragr. 586 à 641, approuvés par le Conseil d'administration à ses 244e, 245e, 248e et 251e sessions, respectivement.)
  2. 69. Depuis lors, le gouvernement a fourni ses observations dans une communication du 29 janvier 1992.
  3. 70. La Chine n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examens antérieurs du cas

A. Examens antérieurs du cas
  1. 71. Les allégations présentées par la CISL en juin 1989 trouvaient leur origine dans les mesures prises par les autorités à l'encontre des Fédérations autonomes des travailleurs (FAT), organisations créées dans plusieurs provinces de Chine, de leurs dirigeants et de travailleurs: interdiction du fonctionnement des organisations, mort de certains dirigeants lors d'une attaque par l'armée; condamnation à mort et exécution de travailleurs; arrestations. A l'appui de ces allégations, la CISL avait fourni une longue liste de travailleurs qui auraient été arrêtés ou exécutés, que le comité avait annexée à ses rapports de mai et novembre 1990.
  2. 72. Dans ses réponses, le gouvernement avait insisté sur le caractère illégal des FAT qui, selon lui, ne s'étaient pas soumises à la procédure d'enregistrement prévue par la législation. Le gouvernement avait formulé ses observations sur les allégations de fait présentées dans le cas et avait notamment fourni des informations sur la totalité des personnes qui avaient été mentionnées dans les communications initiales comme arrêtées ou condamnées.
  3. 73. A sa session de novembre 1991, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations suivantes du comité:
    • a) Le comité déplore profondément une nouvelle fois les condamnations à mort prononcées contre des travailleurs et exprime sa consternation devant l'exécution des sentences.
    • b) Le comité déplore le nombre élevé de victimes survenues au cours des événements de juin 1989 et regrette profondément que toutes les mesures nécessaires ne semblent pas avoir été prises pour éviter ces tragiques événements.
    • c) Tout en se félicitant de la mesure positive que constitue la libération de certaines personnes, dont MM. Hang Dong Fang et Liu Qiang, dirigeants de la FAT de Beijing, le comité exprime sa vive préoccupation devant le nombre et la sévérité des condamnations prononcées par les tribunaux et, compte tenu des doutes subsistant sur le respect des garanties judiciaires normales, insiste auprès du gouvernement pour que, plus de deux ans après les événements, des mesures soient prises d'urgence pour mettre un terme aux détentions de travailleurs. Il demande au gouvernement de l'informer de tout développement à cet égard.
    • d) Le comité demande au gouvernement de fournir d'urgence des informations sur les personnes mentionnées en annexe (motifs des arrestations, procédures éventuelles engagées et situation actuelle des personnes concernées).
    • e) En ce qui concerne les travailleurs soumis à un régime d'éducation par le travail, le comité demande au gouvernement d'accorder une attention prioritaire à cette question afin que les personnes ainsi détenues sans jugement soient libérées. Il lui demande de fournir des informations sur les mesures qu'il compte prendre à cet égard.
    • f) Le comité demande à nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et les droits de libre fonctionnement de ces organisations soient reconnus dans la législation et assurés dans la pratique.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 74. Dans sa réponse, le gouvernement rappelle qu'il a exprimé sa position sur ce cas à plusieurs reprises et qu'il a toujours soutenu que cette affaire n'est, en aucune manière, une question de liberté syndicale. C'est un droit souverain que la Chine a exercé lorsque les autorités judiciaires ont jugé et condamné un petit nombre des membres des FAT qui avaient enfreint la Constitution et les lois pénales du pays au cours du chaos et des émeutes de Beijing de juin 1989. Le gouvernement demande une nouvelle fois que sa position de principe soit sérieusement prise en considération par le comité en vue d'aboutir à de justes conclusions. En dépit du caractère non fondé des plaintes et du préjudice que constituent les soi-disant informations complémentaires de la CISL, le gouvernement se déclare prêt, dans un esprit de coopération avec l'OIT, à soumettre ses commentaires et informations en vue de clarifier les faits.
  2. 75. Le gouvernement indique que les organes judiciaires ont maintenant achevé les procès des personnes qui avaient violé les lois pénales. Au cours de ces procès a été mise en oeuvre une combinaison de punitions et de mesures de clémence, à la lumière des faits incriminés et sur la base du droit. Des enquêtes sérieuses et responsables ont été menées, et une vérification des violations de la loi et des activités criminelles exercées, opérée, afin de racheter ceux qui pouvaient l'être. Education et clémence ont donc été accordées à ceux qui avaient commis moins de crimes, et seul un nombre extrêmement réduit de personnes ayant commis de graves violations de la loi ont été jugées par les tribunaux.
  3. 76. Le gouvernement fournit les informations supplémentaires suivantes sur la liste des personnes qui figuraient en annexe du dernier rapport du comité: Yang Jian, Li Yi, Wang Baomei ont été relâchés; Dai Jenping et Yan Tinggui ont été condamnés à huit et cinq ans d'emprisonnement respectivement pour crimes graves de perturbation de la circulation et de l'ordre social en participant aux émeutes; Zhang Renfu, Ma Zhigiang, Chen Jinliang ont été condamnés à cinq ans d'emprisonnement pour violation des lois pénales (incitation et participation aux émeutes et au complot tendant à renverser le gouvernement); Sun Xisheng a été condamné à sept ans d'emprisonnement pour graves crimes de perturbation de la circulation et hooliganisme; Song Tianli, Xiaolin ont été condamnés à quinze et dix ans de prison respectivement pour incitation et participation aux émeutes et complot pour renverser le gouvernement; Zhang Jinsheng, Wang Changhuai ont été condamnés à treize ans et trois ans d'emprisonnement respectivement pour incitation et participation aux émeutes et complot pour renverser le gouvernement; Zhao Demin, Ren Xiying, Xu Ying, Bao Hongjian, Chang Ximin, Zhou Yong, Lu Zhaixing, Li Zhifu ont tous été libérés; Zheng Liang et Zhang sur lesquels le gouvernement a déjà fourni des informations sont encore détenus; He Qunyin, You Diangi, Wang Wang, Zhang Hongfu ont été libérés immédiatement après avoir été interrogés par les autorités chargées de la sécurité publique.
  4. 77. Le gouvernement ajoute qu'à Changchun les sept personnes qui avaient été soumises à l'éducation par le travail ont été libérées il y a un an. L'éducation par le travail est régie par des règlements édictés par le Comité permanent du Congrès national du peuple en 1957. Les personnes qui y sont soumises sont celles qui, âgées de 16 ans ou plus, troublent l'ordre social dans les villes grandes ou moyennes et refusent de s'amender en dépit d'avertissements réitérés et dont les délits ne sont pas assez graves pour justifier une condamnation pénale. Conformément au règlement sur l'éducation par le travail, les personnes concernées jouissent des droits civils accordés par la Constitution, y compris le droit de vote, de la liberté de correspondance, du droit aux congés et du droit de se réunir avec leur famille. Les institutions compétentes suivent une politique d'éducation et de persuasion en vue d'un rachat des personnes en question. Chaque année, 50 pour cent environ des personnes voient la durée de l'éducation réduite et sont libérées avant terme. Cette pratique a empêché un grand nombre de personnes de continuer des activités illégales et de devenir des criminels. Rendue nécessaire par l'ordre social et en vue de maintenir la stabilité sociale, l'éducation par le travail est, selon le gouvernement, une mesure efficace qui répond aux conditions spécifiques de la Chine. Le gouvernement estime donc que cette politique n'a rien à voir avec des violations des droits de l'homme.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 78. Le comité a pris note des informations fournies par le gouvernement en réponse aux demandes qu'il avait formulées dans son rapport précédent. Ces demandes d'informations portaient sur le sort des personnes qui, selon le plaignant, étaient détenues (une liste de noms avait été annexée au rapport du comité) ainsi que sur l'évolution de la situation des personnes soumises à un régime d'éducation par le travail.
  2. 79. Le comité note avec intérêt que le gouvernement a fourni des informations sur l'ensemble des personnes dont les noms avaient été communiqués dans les allégations complémentaires de la CISL. Le gouvernement a ainsi transmis, depuis l'ouverture du cas, des renseignements sur la totalité des personnes figurant dans les diverses communications envoyées par l'organisation plaignante.
  3. 80. Le comité prend note avec intérêt de ce que plusieurs dirigeants et militants des FAT ont maintenant été libérés. Le comité doit cependant constater avec vive préoccupation que, pour 66 personnes, le gouvernement a indiqué depuis le début du cas qu'elles avaient fait l'objet de sentences des tribunaux dont neuf condamnations à mort et six condamnations à perpétuité. Il apparaît en outre que les personnes condamnées à de lourdes peines de prison sont pour la plupart toujours détenues. Le comité rappelle une nouvelle fois qu'il avait demandé au gouvernement de réexaminer les affaires en question. N'ayant cette fois encore reçu aucune indication du gouvernement sur ses intentions quant à des mesures d'amnistie ou de clémence, le comité lui demande instamment de prendre d'urgence des mesures pour mettre un terme à ces détentions et de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
  4. 81. En ce qui concerne les sept travailleurs de Changchun soumis à un "régime d'éducation par le travail", le comité note que les personnes en question ont maintenant été libérées. Tout en prenant note de cette information, le comité doit à nouveau souligner que ce "régime d'éducation par le travail" constitue, à son avis, une mesure de détention administrative et de travail forcé à l'égard de personnes non condamnées par les tribunaux et même, dans certains cas, non susceptibles d'être sanctionnées par les organes judiciaires. Cette forme de détention et de travail forcé constitue sans aucun doute une atteinte aux normes fondamentales de l'OIT qui garantissent le respect des droits de l'homme et, dans le cas où elle s'applique à des personnes s'étant livrées à des activités de nature syndicale, à une violation manifeste des principes de la liberté syndicale. Le comité demande donc instamment au gouvernement de s'abstenir de prendre des mesures de ce type à l'encontre des travailleurs s'étant livrés à des activités de nature syndicale.
  5. 82. Le comité ne peut omettre de souligner, après avoir examiné les réponses du gouvernement aux allégations en instance, que l'ensemble des mesures punitives et coercitives qui ont été prises à l'encontre d'un grand nombre de travailleurs ont trouvé leur origine dans la volonté qu'ils ont manifestée de constituer des organisations indépendantes en vue de défendre et promouvoir leurs intérêts. Comme le comité l'a observé dans ses précédents rapports, les statuts de ces organisations et la nature de leurs revendications relevaient des activités normales des organisations de travailleurs, et de ce fait auraient dû être reconnus. Le comité estime que la solution à des problèmes économiques et sociaux ne peut être trouvée par la mise à l'écart d'organisations dont les travailleurs veulent se doter. Les mesures prises dans le cadre de la présente affaire par le gouvernement ont, de l'avis du comité, largement dépassé la punition d'excès individuels qui auraient pu être commis, puisque la conséquence des arrestations des dirigeants et militants a été le démantèlement des organisations qu'ils avaient créées. Il importe donc, pour éviter que de tels événements ne se reproduisent, que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et les droits de libre fonctionnement de ces organisations soient reconnus dans la législation et assurés dans la pratique.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 83. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Tout en notant avec intérêt les mesures de libération prises par les autorités, le comité demande instamment au gouvernement de prendre d'urgence des mesures pour mettre un terme aux détentions de travailleurs encore emprisonnés. Il demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • b) Le comité demande instamment au gouvernement de s'abstenir de prendre des mesures de détention administrative et de travail forcé comme celles dites de l'éducation par le travail, à l'encontre des travailleurs s'étant livrés à des activités de nature syndicale.
    • c) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et les droits de libre fonctionnement de ces organisations soient reconnus dans la législation et assurés dans la pratique.
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