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Rapport intérimaire - Rapport No. 270, Mars 1990

Cas no 1488 (Guatemala) - Date de la plainte: 13-JANV.-89 - Clos

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  1. 268. Dans une communication du 13 janvier 1989, le Syndicat des employés particuliers de la République du Guatemala (SEP) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux dans ce pays. Le gouvernement a adressé des commentaires et observations au sujet de cette plainte dans une communication du 13 novembre 1989.
  2. 269. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du syndicat plaignant

A. Allégations du syndicat plaignant
  1. 270. Le syndicat plaignant déclare qu'il est appuyé dans sa plainte par la Fédération syndicale des employés des banques et des assurances (FSEBS) et par l'Union syndicale des travailleurs du Guatemala (UNISITRAGUA), organisations auxquelles il est affilié. Il allègue, dans le présent cas, des mesures de représailles antisyndicales adoptées par un employeur à son encontre, expliquant que ce dernier a utilisé trois mécanismes différents pour le détruire: la répression, l'atomisation et le remplacement des travailleurs par une population apathique et hostile au syndicat.
  2. 271. Selon le syndicat plaignant, le Guatemala a par là même violé les articles 1, 2 et 10 de la convention no 87, ainsi que les articles 1, 2 et 3 de la convention no 98, et les articles 1, 2 et 3 de la convention no 111.
  3. 272. Dressant un tableau historique de la situation, le syndicat plaignant explique qu'il avait pour origine, en 1944, une association à caractère mutualiste, l'Association générale des employés particuliers, qui s'était transformée en syndicat enregistré à la Direction générale du travail le 20 novembre 1947.
  4. 273. Lors de cette transformation, le syndicat plaignant déclare avoir incorporé dans ses statuts sa compétence pour affilier tous les travailleurs du secteur privé. Cette particularité avait eu pour résultat de permettre la négociation collective des conditions de travail avec des entreprises dans lesquelles ledit syndicat avait pu affilier un pourcentage minimum de travailleurs ou davantage, ainsi que la loi nationale l'exige. Cette activité avait permis au syndicat plaignant d'entretenir des liens permanents avec les entreprises bancaires Lloyd's Bank International et la Banque d'Occident dès les années 1951-52 respectivement. Malheureusement, l'Etat s'étant avéré incapable de garantir le droit à la vie et le droit syndical dans le pays depuis l'intervention étrangère qui, en 1954, avait mis fin à l'unique processus de démocratisation reconnu par la classe ouvrière du Guatemala, à partir de cette date, le mouvement syndical avait été sévèrement réprimé.
  5. 274. Le syndicat plaignant n'avait pas échappé à ce sort et avait subi un affaiblissement progressif tel qu'en 1986 les employés de la Lloyd's Bank International avaient opté pour un syndicat maison pour éviter que la répression qui s'était abattue sur les employés de la Banque d'Occident ne les frappe également.
  6. 275. Selon le syndicat plaignant en effet, les travailleurs du secteur bancaire avaient été l'objet d'une répression inqualifiable dans les années 1978-1984. Ainsi, la Banque d'Occident s'était efforcée d'éliminer tout germe d'organisation syndicale dans son entreprise par la répression ouverte, par la répression cachée, et par l'atomisation. Pour ce qui concerne la répression ouverte, il s'était agi: a) de menaces à l'encontre de dirigeants; b) d'engagements de travailleurs à la condition qu'ils ne s'affilient pas au syndicat; c) de dénigrements des dirigeants et du syndicat; d) de promotions accordées aux travailleurs à la condition qu'ils se désaffilient du syndicat; e) de favoritisme en matière d'examen pour ceux qui n'étaient pas affiliés au syndicat; f) de pressions exercées sur les anciens travailleurs, spécialement les affiliés, les incitant soit à se désaffilier, soit à quitter la banque; et g) face à l'échec de cette politique dans les trois dernières années, de licenciements avec indemnisation, pour temps passé dans l'entreprise, supérieure à ce que prévoyait la convention collective pour s'assurer du départ des travailleurs affiliés au syndicat.
  7. 276. La répression cachée comportait dès 1980 un processus raffiné de sélection du personnel consistant à exclure du droit au travail les étudiants de l'Université San Carlos de Guatemala, l'unique université autonome du pays de prestige et de renommée mondiale, et les diplômés d'un niveau moyen des établissements scolaires de l'Etat, spécialement dans les villes de Guatemala et de Quetzaltenango, où les employés de la Banque d'Occident avaient démontré, au cours des années, leur capacité à participer aux activités syndicales. Les travailleurs engagés dans les dernières années présentaient en conséquence les caractéristiques suivantes: a) certains avaient manifesté une attitude ouvertement hostile au syndicat; b) d'autres provenaient de centres d'éducation privés ou des universités privées du pays; c) d'autres étaient apparentés aux dirigeants des entreprises privées; et d) le petit nombre d'étudiants de l'Université San Carlos qui parvenaient à entrer dans la banque devaient répondre aux critères a) et c).
  8. 277. Enfin, l'atomisation consistait à faire assurer plusieurs des services de la banque par des micro-entreprises légalement autorisées qui travaillaient dans les installations et sous la direction des gestionnaires de la banque, mais dont le personnel était contracté par des personnes étrangères à la banque.
  9. 278. Pour conclure, le syndicat plaignant explique que la politique discriminatoire de l'employeur a eu pour effet de faire tomber le nombre des travailleurs affiliés au syndicat dans cette entreprise de 300 à 55. Selon lui, le plan de l'employeur au cours des deux années 1986-87 a permis de réduire de 50 pour cent le pourcentage des affiliés au syndicat, l'affaiblissant dans une proportion telle qu'il éprouve les plus grandes difficultés à cause du faible nombre de ses affiliés à négocier un nouveau pacte collectif.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 279. Pour ce qui concerne la partie historique de la plainte, le gouvernement répond qu'elle ne lui est pas imputable. Il ajoute que le raisonnement selon lequel, à cause de la répression syndicale, le syndicat plaignant ne couvrirait plus que les travailleurs de la Banque d'Occident est inexact. Ce fait, selon le gouvernement, est dû à la naissance de la Fédération syndicale des employés des banques et des assurances (FSEBS) qui regroupe les syndicats de presque toutes les banques du pays.
  2. 280. Au sujet des allégations selon lesquelles, par trois mécanismes différents, l'employeur a tenté de détruire le syndicat, à savoir la répression, l'atomisation et le remplacement des travailleurs par une population apathique et hostile au syndicat, le gouvernement observe que la plainte n'est pas adressée à l'encontre du gouvernement de la République du Guatemala, mais à l'encontre d'une entreprise (la Banque d'Occident SA). En conséquence, la plainte devrait être examinée par les autorités nationales compétentes et non par l'OIT. Il ajoute que le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale n'a reçu, au cours de l'année, aucune plainte présentée par le Syndicat des employés particuliers de la République du Guatemala contre la Banque d'Occident SA pour violation de la Constitution, du Code du travail ou de la convention collective des conditions de travail souscrite entre les parties.
  3. 281. Sur le fond, le gouvernement reconnaît qu'effectivement, conformément à l'article 19 de la Constitution de l'OIT, l'Etat Membre doit adopter les mesures nécessaires pour rendre effectives les dispositions d'une convention ratifiée. Cependant, dans l'espèce, l'Inspection générale du travail n'a pas eu connaissance de quelque violation des conventions nos 87, 98 ou 111 de la part des employeurs de la Banque d'Occident SA ni non plus, durant la période de négociation, du Pacte collectif des conditions de travail discuté entre les parties auquel se réfère le syndicat. Toutefois, devant un fait de nature sui generis comme celui-ci, c'est-à-dire recevoir une plainte par la voie internationale et non pas par la voie interne, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a donné instruction à l'Inspection générale du travail pour qu'elle constate sur place la situation au regard de la plainte présentée par le Syndicat des employés particuliers.
  4. 282. En conclusion, le gouvernement de la République du Guatemala ne se considère pas partie à la plainte déposée par le Syndicat des employés particuliers étant donné qu'elle a été déposée à l'encontre d'une entreprise privée. Le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, bien que le Syndicat des employés particuliers n'ait pas engagé d'action en utilisant les normes du travail en vigueur dans le pays, a donné instruction à l'Inspection générale du travail pour qu'elle constate la véracité des faits dénoncés et qu'elle prenne les mesures légales pertinentes.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 283. Le comité note qu'en réponse à des allégations de pratiques antisyndicales de la part d'un employeur privé le gouvernement déclare que le syndicat plaignant n'a pas porté plainte devant les instances nationales. Le comité rappelle à cet égard que si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu'en soit le résultat, constitue un élément qui doit être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas nécessairement subordonnée à l'utilisation des voies de recours internes. (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 31 et 33.)
  2. 284. Le présent cas porte sur des allégations d'activités antisyndicales de la part d'un employeur privé, et le gouvernement en déduit que la plainte à son encontre n'est pas recevable. La pratique constante du comité à cet égard a été de ne pas faire de distinction entre les allégations dirigées contre des gouvernements et celles dirigées contre des personnes physiques ou morales accusées de violations de la liberté syndicale, mais de déterminer, dans chaque cas d'espèce, si le gouvernement a pris toutes les mesures adéquates pour que les droits syndicaux puissent librement s'exercer sur son territoire (Recueil, op. cit., paragr. 25).
  3. 285. Le comité note que le gouvernement a ordonné une enquête à l'inspection du travail mais qu'il n'a pas répondu de façon détaillée aux allégations du syndicat plaignant selon lesquelles l'employeur aurait tenté d'obliger les salariés appartenant à la Banque d'Occident à démissionner du syndicat par divers moyens de pression ouverts ou cachés: licenciements, transferts, refus d'embauche ou ce que le syndicat plaignant appelle atomisation. Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations sur ces allégations et de communiquer le résultat de l'enquête de l'inspection du travail.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 286. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité rappelle l'importance qu'il attache au droit des travailleurs de bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, qu'il s'agisse de subordonner l'emploi d'un travailleur à la condition qu'il ne s'affilie pas à un syndicat ou qu'il cesse de faire partie d'un syndicat, ou de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales.
    • b) Le comité demande au gouvernement de fournir des observations détaillées au sujet des allégations du syndicat plaignant selon lesquelles l'employeur aurait tenté d'obliger des salariés à se retirer d'un syndicat par divers moyens de pression ou de refuser l'entrée dans son entreprise à des travailleurs syndiqués. Il demande aussi au gouvernement de fournir le résultat de l'enquête de l'inspection du travail.
    • c) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution des relations professionnelles au sein de la Banque d'Occident SA, et en particulier de lui faire savoir si un pacte collectif a pu être négocié.
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