ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 268, Novembre 1989

Cas no 1435 (Paraguay) - Date de la plainte: 16-FÉVR.-88 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 379. Le Comité de la liberté syndicale a examiné ce cas la dernière fois à sa réunion de mai 1988. (Voir à ce sujet le 256e rapport du comité, paragr. 401 à 418, approuvé par le Conseil d'administration à sa 240e session (mai-juin 1988).)
  2. 380. Depuis le dernier examen du cas, le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 5 septembre 1989. Le syndicat des travailleurs de la Compagnie cotonnière paraguayenne SA (CAPSA) a envoyé des informations complémentaires dans une communication en date du 15 septembre 1989, et l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA) a adressé une communication datée du 15 septembre 1989 à l'appui des allégations et des requêtes présentées par le syndicat de la CAPSA.
  3. 381. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 382. Les allégations présentées dans le présent cas ont essentiellement trait au refus de la Direction générale du travail d'enregistrer le comité directeur du syndicat de la CAPSA, considéré comme authentique par le plaignant et dirigé par M. Pedro Salcedo, tout en accordant l'enregistrement à un autre comité directeur dirigé par M. Juan Ramón Ramírez qui, selon l'organisation plaignante, servirait les intérêts patronaux. Les allégations se réfèrent en outre au licenciement de divers dirigeants syndicaux, parmi lesquels Pedro Salcedo, et à des actes d'ingérence de la police ayant empêché la tenue de cinq assemblées convoquées par M. Salcedo.
  2. 383. Le comité avait invité le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • "a) Le comité demande instamment au gouvernement qu'à l'avenir les autorités du travail s'abstiennent de tout acte d'ingérence dans le domaine de l'élection des dirigeants syndicaux.
    • b) Le comité déplore vivement les détentions et autres actes d'ingérence et de discrimination antisyndicale allégués dans le présent cas et demande au gouvernement de prendre des mesures afin que la législation garantisse une protection adéquate contre pareils actes au moyen de sanctions civiles et pénales suffisamment dissuasives.
    • c) Le comité demande au gouvernement de l'informer de l'évolution et du résultat des procès en instance engagés par le syndicat de la CAPSA en relation avec les questions soulevées dans le présent cas, en particulier le licenciement de syndicalistes et le refus d'enregistrer le comité directeur dirigé par M. Salcedo."

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 384. Dans une communication datée du 5 septembre 1989, le gouvernement indique qu'effectivement M. Pedro Salcedo, secrétaire général du syndicat des travailleurs de la CAPSA, a été licencié par l'entreprise. M. Salcedo s'est pourvu devant l'autorité judiciaire en demandant sa réintégration. Ce recours se trouve actuellement dans sa phase finale devant la juridiction d'appel pour les questions du travail. L'arrêt de la Cour sera communiqué au BIT dès qu'il sera prononcé.
  2. 385. En ce qui concerne le prétendu refus d'enregistrement du comité directeur du syndicat dirigé par M. Pedro Salcedo, le gouvernement indique que cette allégation est totalement dépourvue de fondement et il fait savoir qu'il existe en vérité deux comités directeurs du syndicat dans l'entreprise, l'un dirigé par M. Juan Ramón Ramírez et l'autre dirigé par M. Pedro Salcedo. Ces deux comités directeurs ont demandé leur enregistrement dans une note adressée à la Direction du travail en date des 21 et 27 mars 1989 respectivement. Le bureau du conseiller juridique de la Direction du travail, dans l'avis no 15/IV/89, a recommandé de ne pas donner suite à ces demandes tant que la Cour des comptes, qui est la première instance judiciaire à cet égard, ne se sera pas prononcée sur la légitimité de l'une ou de l'autre. La Direction du travail, partageant l'opinion du bureau du conseiller juridique, en a dûment informé les intéressés. Le gouvernement précise qu'il tiendra le BIT informé de la décision finale en la matière.

C. Informations complémentaires

C. Informations complémentaires
  1. 386. Dans une communication ultérieure datée du 15 septembre 1989, le syndicat des travailleurs de la Compagnie cotonnière paraguayenne SA explique qu'il a tenu son assemblée générale le 19 mars 1989 pour examiner le rapport financier et le rapport annuel et procéder à l'élection de ses dirigeants. La liste des dirigeants élus a été transmise (conformément au Code du travail) à la Direction du travail.
  2. 387. Le syndicat de la CAPSA indique que le pouvoir judiciaire n'a toujours pas pris de décision sur les cas relatifs à la reconnaissance du comité directeur dirigé par M. Pedro Salcedo, à la réintégration de cinq dirigeants licenciés, au remboursement par l'entreprise de l'argent retenu au titre des cotisations syndicales depuis février 1987 et au recours introduit contre la reconnaissance illégale de l'autre comité directeur par la Direction du travail. Néanmoins, le 2 mai 1989, le pouvoir judiciaire a décidé d'accorder au comité directeur dirigé par M. Salcedo le local occupé jusqu'alors par le comité parallèle.
  3. 388. Le syndicat de la CAPSA signale que, face à cette situation et devant le nombre de problèmes non résolus, les travailleurs, réunis en assemblée générale le 29 août 1989, ont décidé de se mettre en grève à partir du 30 août. Les revendications du syndicat dirigé par M. Pedro Salcedo visaient à demander à la direction de négocier sur les licenciements et les suspensions auxquels l'entreprise voulait procéder, à forcer l'entreprise à entamer un dialogue avec le syndicat, à faire pression pour la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés et la restitution des cotisations syndicales retenues par l'entreprise depuis le mois de février 1987. La grève (qui a été suivie par 95 pour cent des travailleurs de la CAPSA) a été suspendue à la suite d'un "recours d'amparo" présenté par l'entreprise et d'un télégramme émanant du ministre du Travail demandant la suspension de la grève pour organiser dans un délai de vingt-quatre heures une réunion ministère-syndicat-entreprise, qui a eu lieu le ler septembre 1989 devant le Conseil de conciliation et d'arbitrage du ministère du Travail. Au cours de cette réunion, les représentants de l'entreprise ont fait savoir que, bien que le problème de la reconnaissance de l'un ou de l'autre des comités directeurs du syndicat ait été porté devant les tribunaux, ils préconisaient comme solution la fusion des deux comités. Selon le plaignant, le véritable comité s'est contenté de présenter les revendications qui justifiaient la grève, tandis que le représentant du ministère accordait aux employeurs le délai légal pour y répondre. Le 4 septembre, lors d'une nouvelle réunion, l'entreprise a rejeté les prétentions syndicales. Le Conseil d'arbitrage et de conciliation a par la suite décidé de déclarer l'illégalité de la grève; il a en outre jugé qu'il fallait mettre un terme aux contrats de travail individuels et qu'il fallait négocier une nouvelle convention collective avec le comité parallèle, considéré par les travailleurs ayant participé massivement à la grève comme créé, influencé et manipulé par l'entreprise.
  4. 389. Le plaignant conclut en faisant remarquer que cette accumulation d'actes arbitraires, de contradictions et d'atermoiements porte atteinte aux intérêts légitimes des travailleurs et à leur droit d'organisation, et qu'elle viole en fin de compte les conventions internationales du travail ratifiées par le Paraguay. Il demande en conséquence d'envisager la possibilité que des représentants du BIT effectuent une enquête sur place au sujet des allégations présentées puisque, compte tenu du caractère saisonnier des activités déployées par l'entreprise, le temps est un facteur primordial.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 390. Le comité observe que dans le présent cas les allégations se réfèrent essentiellement: à l'existence de deux comités directeurs du syndicat des travailleurs de la CAPSA dont l'un, selon le plaignant, a été créé, influencé et manipulé par l'entreprise et reconnu par la Direction du travail; au licenciement de divers dirigeants syndicaux, dont M. Pedro Salcedo; à des actes d'ingérence policière commis lors de diverses assemblées convoquées par M. Salcedo; et à la déclaration d'illégalité d'une grève lancée par le comité directeur dirigé par M. Salcedo. Le comité prend note des observations formulées par le gouvernement selon lesquelles la Direction du travail attend la décision judicaire sur la légitimité de l'un ou l'autre des deux comités directeurs pour procéder à l'enregistrement. Cependant, le comité observe que le refus d'enregistrer le comité directeur dirigé par M. Salcedo date de 1987 et que, d'après le plaignant, la Direction du travail a reconnu la même année le comité directeur parallèle. En outre, le comité prend note du fait que le Conseil de conciliation et d'arbitrage du ministère du Travail a décidé qu'il fallait négocier une nouvelle convention collective et que le comité directeur parallèle représenterait les travailleurs dans cette négociation.
  2. 391. En ce qui concerne l'existence de deux comités directeurs au sein du syndicat, dont un serait manipulé par l'employeur, et le licenciement de cinq dirigeants syndicaux, parmi lesquels M. Pedro Salcedo, le comité rappelle qu'il est nécessaire que la législation établisse de manière explicite le recours et les sanctions contre les actes d'ingérence des employeurs à l'égard des travailleurs afin de garantir l'efficacité pratique de l'article 2 de la convention no 98, qui dispose que les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration. (Voir à ce sujet le 234e rapport du comité, cas no 1242 (Costa Rica), paragr. 139.)
  3. 392. En relation avec les mesures de coercition et de favoristime alléguées, le comité a indiqué à plusieurs reprises qu'en favorisant ou en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres un gouvernement pourra influencer le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir. En outre, un gouvernement qui, sciemment, agirait de la sorte porterait aussi atteinte au principe établi dans la convention no 87, selon lequel les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter les droits consentis par cet instrument ou à en entraver l'exercice légal. (Voir à ce sujet Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 254.)
  4. 393. Le comité prie le gouvernement de le tenir rapidement informé du résultat des procès en cours dès qu'il y aura un jugement définitif, notamment au sujet de la reconnaissance du comité directeur dirigé par M. Salcedo, de la réintégration des dirigeants licenciés, de la restitution des cotisations syndicales retenues par l'employeur depuis 1987 et de la reconnaissance du comité directeur parallèle par la Direction du travail en 1987. Il rappelle que l'absence de jugement pendant un long délai constitue un déni de justice.
  5. 394. En ce qui concerne la grève entamée pendant la récolte le 30 août 1989 et suivie par 95 pour cent des travailleurs du complexe industriel de la CAPSA, le comité note que, d'après le plaignant, elle a été suspendue par un recours d'amparo présenté par l'entreprise et que le 4 septembre le Conseil de conciliation et d'arbitrage l'a déclarée illégale.
  6. 395. Le comité considère que les plaintes se rapportant au droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où elles mettent en cause l'exercice des droits syndicaux, et estime que le droit de grève est un des droits fondamentaux des travailleurs et de leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques, sociaux et professionnels. (Voir Recueil de décisions, paragr. 360 et 363.) Le comité prie donc le gouvernement de transmettre ses informations et observations sur l'allégation relative à l'illégalité de cette grève.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 396. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité rappelle qu'il est nécessaire que la législation établisse de manière explicite les recours et les sanctions contre les actes d'ingérence des employeurs à l'égard des organisations de travailleurs, afin de garantir l'efficacité pratique de l'article 2 de la convention no 98.
    • b) Le comité demande au gouvernement de le tenir rapidement informé du résultat des procès en instance concernant la reconnaissance du comité directeur dirigé par M. Salcedo, la réintégration des dirigeants licenciés, la restitution des cotisations syndicales retenues par l'employeur depuis 1987 et la reconnaissance du comité directeur parallèle par la Direction du travail. Le comité rappelle que l'absence de jugement pendant un long délai constitue un déni de justice.
    • c) Le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait qu'il a indiqué à diverses reprises que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. Le comité prie donc le gouvernement de transmettre ses informations et observations sur l'allégation concernant l'illégalité de la grève des travailleurs de la CAPSA, ainsi que toute information sur l'évolution du conflit du travail dans cette entreprise.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer