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- 161. Les plaintes des organisations professionnelles figurent dans les communications suivantes: celle de la Fédération internationale des travailleurs des transports dans une communication du 13 juin 1986; celle de l'Organisation européenne des associations de pilotes de lignes dans une communication du 8 septembre 1986; celle de l'Association hellénique des pilotes de lignes dans une communication du 24 octobre 1986, et celle de la Fédération internationale des pilotes de lignes aériennes dans une communication du 23 décembre 1986. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications des 16 octobre 1986 et 10 mars 1987.
- 162. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, l949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 163. Dans cette affaire, les plaignants allèguent une violation de la liberté syndicale en Grèce à la suite d'un conflit du travail dans la compagnie aérienne Olympic Airways qui a conduit à des arrestations et à des licenciements de travailleurs de l'aviation civile.
- 164. Selon les plaignants, les faits de la cause sont les suivants: au début de juin 1986, l'Association hellénique des pilotes de lignes (AHPL), après un premier accord préliminaire avec la direction d'Olympic Airways, s'efforçait de parvenir à un accord définitif. Les discussions portaient sur les salaires et les conséquences de la nouvelle loi fiscale. Après l'échec des négociations entre la direction et le refus du gouvernement d'honorer un précédent accord, l'AHPL a décidé d'envisager le recours à l'action directe. Le comité du syndicat a convoqué une assemblée générale des pilotes syndiqués les 5 et 6 juin 1986 au cours de laquelle 271 syndiqués ont voté à bulletin secret en faveur de diverses formes d'action directe, y compris de la grève, contre 39 sur un total de 360. L'assemblée générale a également autorisé le comité à déclarer la grève qui devait commencer le l4 juin. Le comité a annoncé officiellement la décision de l'assemblée générale à la direction d'Olympic Airways le 7 juin, conformément à la loi.
- 165. Parallèlement à cette communication, le syndicat a fourni à la direction la liste des pilotes et des mécaniciens qui devaient assurer le service minimum essentiel prévu par la loi no 1264/1982. Il a donné la liste de cinq équipages (un pour chaque type d'appareil), se conformant ainsi aux exigences relatives au maintien des services essentiels.
- 166. Or, le 9 juin l986, le ministre des Transports, M. Papademetriou, a annoncé au comité du syndicat que le gouvernement déclarerait l'état d'urgence national et la mobilisation civile des pilotes et des mécaniciens si le syndicat n'annulait pas les actions prévues et s'il ne l'annonçait pas officiellement dans les vingt-deux heures.
- 167. Le comité du syndicat a répondu au gouvernement qu'il n'avait pas compétence pour révoquer la décision de grève étant donné qu'aux termes des statuts du syndicat une telle décision de révocation ne pouvait être prise que par l'assemblée générale. Néanmoins, il était prêt à convoquer immédiatement une nouvelle assemblée générale et à lui faire part de l'ultimatum du gouvernement.
- 168. Le ministre a insisté sur la nécessité d'annuler immédiatement la grève, et le syndicat a à nouveau rétorqué que ce serait illégal, donc impossible.
- 169. En tout état de cause, le 9 juin, le comité du syndicat a convoqué une nouvelle assemblée générale pour le ll, ce qui laissait suffisamment de temps pour délibérer étant donné que le préavis de grève n'avait été déposé que pour le l4.
- 170. Néanmoins, le 10 juin 1986, le gouvernement a proclamé l'état d'urgence national par les décrets ministériels nos y164 et y165, que le gouvernement a antidatés à la date du 6 juin, au prétexte notamment que la grève des pilotes constituait une menace grave pour la santé publique.
- 171. Suite à la mobilisation civile, les pilotes et les mécaniciens reçurent le jour même des ordres de réquisitions individuelles de se présenter à la direction et, presque simultanément, plusieurs d'entre eux furent arrêtés pour refus de se soumettre à l'ordre de mobilisation. La Fédération internationale des syndicats des travailleurs des transports fait état de l'arrestation de 2O à 25 mécaniciens et de davantage de pilotes.
- 172. Parmi les personnes arrêtées auraient figuré des pilotes qui se trouvaient en congé de maladie, d'autres en simple congé annuel, et même certains qui se trouvaient avec leurs avions dans les aéroports à l'étranger et qui auraient été arrêtés dès leur retour. D'autres auraient reçu leur congédiement. Par ailleurs, des poursuites judiciaires et administratives et des actions civiles auraient été engagées. Des pilotes auraient été emprisonnés et des biens mis sous séquestre.
- 173. C'est alors, poursuivent les plaignants, que deux délégations de la Fédération internationale des associations de pilotes de lignes (FIAPLA) et de l'Organisation européenne des associations de pilotes de lignes (OEAPL), auxquelles le syndicat hellénique plaignant dans ce cas est affilié, se sont rendues à Athènes pour enquêter sur cette affaire et contribuer à résoudre le différend par leur médiation. Elles ont obtenu auprès de la direction d'Olympic Airways et du gouvernement des assurances selon lesquelles si les pilotes et les mécaniciens reprenaient leur travail les choses rentreraient dans l'ordre, et en particulier les poursuites seraient arrêtées et les employés licenciés seraient réintégrés. Une partie de ces assurances fut retirée peu après qu'elles eussent été données; cependant, une nouvelle assemblée générale avait déjà été convoquée pour le 24 juin. Entre-temps, le gouvernement avait donné d'autres assurances selon lesquelles il n'était pas dans ses intentions d'exercer de représailles et que des négociations devraient commencer pour trouver une solution aux problèmes.
- 174. L'assemblée générale du syndicat, en partie sous la menace de la persistance des poursuites et en partie croyant que les intentions du gouvernement étaient honnêtes, a décidé de renoncer à la grève, et les pilotes et mécaniciens ont donc repris leurs postes dès le 25 juin.
- 175. Or le gouvernement, de même que la direction d'Olympic Airways, n'ont fait montre d'aucune bonne volonté et n'ont pas tenu leurs promesses au sujet des représailles. Des poursuites judiciaires ont été maintenues et 45 pilotes et l5 mécaniciens ont été licenciés. En outre, Olympic Airways a fait appel aux services de pilotes étrangers payés en monnaie étrangère à des salaires deux fois supérieurs ou plus, à ceux des pilotes grecs.
- 176. La Fédération internationale des associations de pilotes de lignes, dans sa communication du 23 décembre 1986, confirme pour sa part qu'elle-même et l'Organisation européenne des associations de pilotes de lignes ont entrepris une enquête sur place et se sont efforcées de contribuer à résoudre le différend en insistant sur la nécessité de réintégrer les pilotes et les mécaniciens licenciés et de revenir au statu quo ante. Elle indique que la décision du syndicat d'annuler son préavis de grève au début du conflit et de ne pas maintenir les revendications contractuelles qui avaient conduit à l'origine à envisager l'action directe témoigne de la réponse positive face à l'attitude répressive et vindicative du gouvernement et de la bonne foi du Syndicat des pilotes helléniques. Cette bonne foi, précise la fédération internationale, est nécessaire de part et d'autre pour qu'un conflit soit résolu dans un système démocratique. Selon elle, le fait de se prévaloir de la capitulation du syndicat par une stratégie douteuse n'était pas le but ultime du gouvernement: les sanctions contre le syndicat visaient à être profondes et durables. Elle termine en indiquant être gravement préoccupée de l'ordre de mobilisation civile, non seulement au sujet du conflit, lorsqu'il a en fait précédé le déclenchement de la grève, mais également encore en décembre 1986, dans une situation non conflictuelle étant donné que cet ordre contribue à inhiber la liberté individuelle des pilotes, à les menacer dans leur sécurité de l'emploi et à leur imposer des craintes qui peuvent même avoir des conséquences sur la sécurité des vols.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 177. Dans une première réponse du 16 octobre 1986, le gouvernement admet l'arrestation sur mandat judiciaire des mécaniciens et des pilotes d'Olympic Airways ainsi que le licenciement d'un certain nombre de travailleurs, mais il explique que ces mesures ont été motivées par le refus des intéressés d'obtempérer à l'ordre légal de mobilisation civile.
- 178. Le gouvernement explique les faits de la manière suivante: après que l'ordre de mobilisation eut été proclamé, une partie du personnel de la compagnie aérienne a refusé, en l'absence de toute justificative, de déférer à l'ordre de mobilisation pour exécuter son travail. Or, en vertu de la législation pertinente, le refus d'un salarié de se présenter sur le lieu de travail pour exécuter ses obligations contractuelles est considéré comme un acte de dénonciation unilatérale du contrat de travail par le salarié, dès lors que cette abstention n'est pas due à un empêchement involontaire, et cela indépendamment de ce qu'ait été ou non proclamé l'état de mobilisation. En conséquence, la compagnie d'aviation Olympic Airways a rayé des cadres 48 pilotes et l5 mécaniciens.
- 179. Néanmoins, poursuit le gouvernement, après avoir réexaminé les cas de trois pilotes (MM. Dovanides, Kassavetis et Aslanoglu) et avoir constaté que leur refus d'assurer leurs services était basé sur un empêchement non intentionnel, elle a révoqué la décision de radiation prononcée contre ces trois personnes.
- 180. En revanche, pour ce qui concerne les autres employés rayés des cadres (45 pilotes et l5 mécaniciens), elle a estimé que les intéressés avaient dénoncé eux-mêmes leurs contrats de travail et que sa décision n'était donc pas susceptible d'être remise en cause.
- 181. En outre, le ministère public a engagé des poursuites judiciaires contre les intéressés pour infractions à la loi sur la mobilisation civile, et nul n'a le droit de s'ingérer dans l'oeuvre de la justice, déclare le gouvernement. Cependant, le ministère public a informé le gouvernement de ce que tous les pilotes arrêtés et détenus à titre préventif pour infraction au décret-loi no 17 de 1974 sur la "mobilisation civile en cas d'urgence" ont été remis en liberté sous caution après une période d'emprisonnement de trois à huit jours, et personne n'est actuellement détenu.
- 182. Ultérieurement, dans une communication télégraphique du 10 mars 1987, parvenue au BIT immédiatement après la session de mars du Comité de la liberté syndicale, le gouvernement a déclaré que, conformément aux renseignements fournis par la direction d'Olympic Airways, à la suite d'un accord récent conclu entre Olympic Airways et les pilotes et mécaniciens qui avaient été rayés des cadres pour refus de déférer à l'ordre de mobilisation civile, les intéressés ont été réintégrés à leur poste. Selon le gouvernement, l'affaire en question s'est donc terminée de manière satisfaisante, et tous les recours ont été suspendus de part et d'autre.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 183. Le comité note avec préoccupation que, dans la présente affaire, de l'aveu même du gouvernement, à la suite d'un conflit du travail et de la proclamation de la mobilisation civile en cas d'urgence, des mesures d'arrestation et de licenciement de travailleurs ont été prises par les pouvoirs publics et par la direction d'Olympic Airways.
- 184. Il note cependant que, d'après les informations fournies par le gouvernement, les pilotes arrêtés pour refus d'obtempérer à l'ordre de mobilisation ont été libérés après trois ou huit jours d'emprisonnement, que trois des pilotes licenciés qui ont pu faire valoir que la non-exécution de leur contrat de travail était due à un motif non intentionnel ont été rapidement réintégrés, que les 45 autres pilotes et l5 mécaniciens rayés des cadres ont également été réintégrés par la suite, et que tous les recours ont été suspendus de part et d'autre.
- 185. Le comité souhaite néanmoins indiquer fermement au gouvernement l'importance qu'il a toujours attachée au droit de recourir à la grève comme moyen légitime de défense des intérêts économiques et sociaux des travailleurs et de leurs organisations. Dans le présent cas, le gouvernement n'a pas contesté le caractère économique et social des revendications des pilotes et des mécaniciens d'Olympic Airways, et il n'a pas non plus expliqué la raison pour laquelle il a décrété la mobilisation civile.
- 186. Sur ce point le comité rappelle qu'il a toujours indiqué aux gouvernements soucieux de voir les rapports de travail se développer dans une atmosphère de confiance mutuelle qu'ils devraient avoir recours pour faire face aux conséquences d'une grève ou d'un lock-out à des mesures prévues par le droit commun plutôt qu'à des procédés d'exception qui comportent, de par leur nature même, des restrictions à des droits fondamentaux (voir 7e rapport, cas no 56 (Uruguay), paragr. 69, 30e rapport, cas no 172 (Argentine), paragr. 204, 74e rapport, cas no 294 (Espagne), paragr. 183, et l49e rapport, cas no 709 (Maurice), paragr. 99).
- 187. Le comité a également toujours attiré l'attention des gouvernements sur la possibilité d'abus que comporte la mobilisation ou la réquisition de travailleurs lors de conflits du travail, et il a souligné l'inopportunité qu'il y a de recourir à de semblables mesures si ce n'est afin de permettre le fonctionnement de services essentiels dans des circonstances de la plus haute gravité ou en cas de crise nationale aiguë.
- 188. Le comité estime en effet qu'il peut être légitime qu'un service minimum puisse être maintenu en cas de grève dont l'étendue et la durée risqueraient de provoquer une situation de crise nationale aiguë telle que la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans tout ou partie de la population pourraient être en danger. Néanmoins, pour être acceptable, un tel service minimum devrait se limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie, la sécurité ou la santé de tout ou partie de la population, et les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer à sa détermination tout comme les employeurs et les autorités publiques (voir 234e rapport, cas no 1244 (Espagne), paragr. l53 et l54).
- 189. Dans la présente affaire, le comité regrette vivement les mesures d'arrestation et de licenciement de syndicalistes. Comme il l'a déjà signalé dans un cas précédent relatif au Brésil (voir 236e rapport, cas no 127O (Brésil), paragr. 620), il considère que la réquisition de travailleurs, l'arrestation et le licenciement de plusieurs d'entre eux, et le recrutement de travailleurs étrangers à l'entreprise pour briser une grève légitime et pacifique ne sont pas en conformité avec les principes de la liberté syndicale.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 190. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante: Au sujet des arrestations, des licenciements de pilotes et de mécaniciens d'Olympic Airways, le comité attire l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir avoir recours à la grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux sans encourir de mesures de représailles antisyndicales, et il exprime le ferme espoir qu'à l'avenir ce principe sera pleinement respecté.