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Rapport définitif - Rapport No. 251, Juin 1987

Cas no 1382 (Portugal) - Date de la plainte: 03-SEPT.-86 - Clos

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  1. 134. La plainte de la Fédération nationale des syndicats de la fonction publique (FNSFP) figure dans une communication du 3 septembre 1986. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications des 3 août 1986 et 24 avril 1987.
  2. 135. Le Portugal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 136. La Fédération nationale des syndicats de la fonction publique, organisation affiliée à la Confédération générale des travailleurs portugais (CGTP-IN), qui déclare représenter la majorité des travailleurs du secteur de la santé, à l'exception du personnel médical et infirmier, allègue une violation de la convention no 151 sur les relations de travail dans la fonction publique par le gouvernement du Portugal qui a ratifié ladite convention.
  2. 137. Cette fédération formule une allégation concrète selon laquelle le gouvernement, en la personne du ministre de la Santé, n'aurait pas respecté les articles 6 et 7 de la convention no 151 disposant respectivement que "Des facilités doivent être accordées aux représentants des organisations d'agents publics reconnues, de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions ..." et que "Des mesures appropriées (aux conditions nationales) doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures permettant la négociation des conditions d'emploi entre les autorités publiques intéressées et les organisations d'agents publics, ou de toute autre méthode permettant aux représentants des agents publics de participer à la détermination desdites conditions."
  3. 138. La fédération plaignante déclare avoir demandé à maintes reprises, dès novembre 1985, audience au ministre de la Santé en vue de discuter diverses questions concernant les travailleurs du secteur de la santé - questions qui sont consignées dans un mémorandum annexé à la plainte - sans obtenir de réponse de la part dudit membre du gouvernement. Aux mêmes fins, elle déclare être allée jusqu'à solliciter - et cela plus d'une fois - l'intervention du Premier ministre. Cette démarche étant demeurée également sans réponse, les travailleurs appartenant au secteur en question ont, à titre de moyen de pression, organisé des rassemblements à proximité du ministère de la Santé et déclanché des grèves: la première d'un jour, le 5 juin 1986, puis, après avoir lancé un préavis de grève, une seconde grève pour le 20 juin 1986.
  4. 139. La fédération allègue en outre que 28 dirigeants du Syndicat des travailleurs de la fonction publique du sud et des Açores, l'un des syndicats qui lui est affilié, ainsi que d'autres militants syndicaux, ont été arrêtés par la police de sûreté du 7 au 9 juillet 1986 alors qu'ils attendaient dans la rue, près du ministère de la Santé, que leur fût accordée l'audience faisant l'objet de leurs démarches. Ils ont été conduits au poste de police où, après avoir décliné leur identité, procès-verbal leur fut dressé.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 140. Le gouvernement est d'avis que la plainte dans cette affaire doit être considérée sur deux plans à savoir, d'une part, l'aspect législatif du cas, c'est-à-dire celui qui a trait à la manière dont se situent les questions que l'organisation plaignante désigne par le terme générique de "divers sujets concernant les travailleurs du secteur de la santé", par rapport aux dispositions de la convention no 151 et au décret-loi no 45-A/84 par lequel, en droit interne portugais, celle-ci est mise en application - et, d'autre part, l'aspect factuel du cas.
  2. 141. En ce qui concerne l'aspect législatif du cas, le gouvernement souligne tout d'abord la souplesse de la disposition faisant l'objet de l'article 7 de la convention no 151 qui, dans le respect des conditions nationales de chaque Etat Membre, consacre la possibilité de recourir - aux fins de déterminer les conditions d'emploi dans la fonction publique - à d'autres méthodes que la négociation collective, pourvu qu'elles permettent aux représentants des agents publics de participer à la détermination desdites conditions.
  3. 142. Le Portugal, après avoir ratifié la convention no 151, a adopté le décret-loi no 45-A/84 mettant en place un système mixte de négociation collective et de participation, qui délimite les matières à l'égard desquelles est reconnu le droit de négociation collective et celles pour lesquelles est admis le droit de participation; c'est ainsi que la négociation collective doit porter obligatoirement et exclusivement sur les matières indiquées au paragraphe 1 de l'article 6 dudit décret-loi, à savoir: les traitements et autres prestations ayant le caractère de rémunération, les pensions de retraite ou les réformes des avantages sociaux et complémentaires. L'initiative d'une telle négociation doit incomber, aux termes de l'article 7, à l'une quelconque des parties. Or, d'après le gouvernement, aucune des matières énumérées dans le mémorandum envoyé par la fédération au ministère de la Santé ne peut rentrer dans le cadre des dispositions susmentionnées, si bien que la possibilité d'une négociation collective portant sur ces matières et, par conséquent, l'obligation pour le gouvernement de donner suite à l'initiative des organisations syndicales est exclue aux termes de la loi.
  4. 143. Le droit de participation - qui est reconnu par l'article 9 du décret-loi et qui doit s'exercer à l'occasion de l'élaboration de la législation relative au régime général ou spécial de la fonction publique, de la gestion des institutions de sécurité sociale et d'autres institutions visant à satisfaire les intérêts des travailleurs, ainsi que du contrôle de l'exécution des plans économiques et sociaux - a, aux termes de ce même article, la nature d'une consultation, déclare le gouvernement. En conséquence, l'initiative de la participation n'appartient pas aux associations syndicales mais au gouvernement si bien que, comme il ne fait aucun doute que le ministère de la Santé a consulté les associations syndicales intéressées, l'accusation de la fédération plaignante est dépourvue de fondement légal.
  5. 144. Pour le gouvernement, il importe de faire ressortir que certaines des matières contenues dans le mémorandum, dont la fédération plaignante a voulu discuter avec le ministère de la Santé, se situent hors du champ d'action de la négociation collective et même de celui de la participation. De fait, des questions telles que la "définition organique", le "régime d'installation", la "restructuration des cadres" et l'"intégration de l'Assemblée de district de Lisbonne", contenues dans le mémorandum, constituent des sujets qui, de par leur nature, excluent expressément, aux termes de l'article 12 du décret-loi précité, toute possibilité de négociation ou de participation.
  6. 145. Le gouvernement conclut qu'aucune des matières en cause n'était susceptible de se prêter à une négociation collective et qu'en ce qui concerne les matières comportant la possibilité de la participation des organisations professionnelles, le ministère de la Santé a procédé à des consultations en conformité avec les dispositions légales.
  7. 146. En ce qui concerne les faits, le gouvernement affirme que le ministère de la Santé a toujours eu le souci de concilier les priorités qu'il assigne à son action avec le respect des attributions et de la compétence des associations syndicales. C'est ainsi qu'il s'est toujours forcé de maintenir, avec tous les syndicats intéressés, des contacts qui sont devenus plus étroits depuis juin 1986. Il cite, à titre d'exemple, les rencontres qui ont eu lieu depuis janvier 1986 avec le Syndicat des techniciens affectés au diagnostic et à la thérapeutique, lesquelles tendent à l'élaboration d'un texte législatif visant à définir le contenu fonctionnel, les attributions et les compétences des catégories de personnel technique affecté à ce diagnostic et à cette thérapeutique et, à partir de février 1986, avec le Syndicat des infirmiers du nord, du centre, du sud et de la région autonome de Madère, ces dernières rencontres ayant pour objectif de traiter de la question du rattachement au ministère de l'Education de l'enseignement destiné à former le personnel infirmier, de réorganiser la carrière en question sur des bases nouvelles et de réexaminer les conditions d'admission à la retraite du personnel concerné, la mise au point de textes législatifs ayant trait à ces derniers points étant déjà achevée.
  8. 147. En dehors des rencontres susmentionnées, des réunions ont eu lieu également avec d'autres associations syndicales comme le Syndicat des travailleurs de l'administration publique (affilié à l'Union générale des travailleurs), le Syndicat des techniciens paramédicaux du nord et du centre, le Syndicat des travailleurs de la santé et de la sécurité sociale et les syndicats de médecins, par l'intermédiaire de leur organe de coordination.
  9. 148. Sur le plan concret, en ce qui concerne la fédération plaignante, le gouvernement ajoute qu'une première réunion s'est tenue dans le Cabinet du ministre de la Santé, le 2 octobre 1986, date à partir de laquelle ont eu lieu à intervalles réguliers avec cette fédération, mais pas exclusivement avec elle, d'autres réunions ayant pour but de traiter des diverses questions telles que l'élaboration de plusieurs textes législatifs visant notamment la mise en application de la restructuration de 1985, le règlement des concours d'entrée et d'accès à la profession des techniciens affectés au diagnostic et à la thérapeutique, le règlement établissant une classification relative au service des techniciens affectés au diagnostic et à la thérapeutique, les carrières du personnel auxiliaire des services et établissements de santé, la carrière spécifique du personnel appelé à diriger les services de santé, la carrière des techniciens sanitaires auxiliaires, des ajustements dans certaines catégories et carrières afin de corriger des situations regardées comme étant anormales (par exemple dans le cas de chefs de services hospitaliers, de sages-femmes, d'aides en matière de prospection parasitologique, d'auxiliaires affectés à la lutte contre certaines maladies), et les conditions d'admission du personnel dans les services de santé.
  10. 149. D'après le gouvernement, dans d'autres domaines le ministère envisage de traiter à brève échéance avec la fédération plaignante en accord avec le cahier de revendications qu'elle a présenté.
  11. 150. Le gouvernement estime donc que les affirmations contenues dans la communication de l'organisation plaignante, en septembre dernier, sont dénuées de toute signification et de fondement étant donné que le ministère de la Santé, dans le cadre des contacts qu'il entretient avec toutes les organisations syndicales intéressées, a entamé, dès octobre 1986, une série de contacts réguliers avec cette fédération.
  12. 151. Il réfute catégoriquement l'allégation selon laquelle des arrestations de manifestants auraient été effectuées sur l'ordre du ministre de la Santé. Selon lui, la police de sûreté relève en effet de l'autorité d'un autre département ministériel et, si des arrestations ont eu lieu, celles-ci n'ont pas été ordonnées ni réclamées par le ministre de la Santé.
  13. 152. Le gouvernement rappelle que le Comité de la liberté syndicale est, dans des cas antérieurs, parvenu à la conclusion que des allégations relatives à des mesures prises à l'encontre des militants syndicaux n'appelaient pas un examen plus approfondi, si de telles mesures n'étaient pas motivées par des activités d'ordre syndical mais seulement par des agissements qui dépassaient le cadre syndical soit parce qu'ils portaient atteinte à l'ordre public, soit parce qu'ils revêtaient un caractère politique.
  14. 153. Le gouvernement relève, par ailleurs, qu'il est symptomatique que la fédération plaignante, qui n'est pas l'unique association syndicale représentant les travailleurs du secteur sanitaire, commence par exclure de sa plainte les médecins et les infirmiers, lesquels constituent, du point de vue des ressources humaines, la cheville ouvrière de ce secteur. Il ajoute d'ailleurs que le personnel infirmier a confiance dans la bonne foi du ministre de la Santé comme il appert d'un communiqué de presse daté du 26 janvier 1987 qu'il joint en annexe à sa réponse.
  15. 154. Le gouvernement indique que les militants syndicaux qui avaient occupé pendant quelques jours la voie publique en perturbant le trafic, la libre circulation des personnes et la tranquillité des citoyens ont été interpellés sur l'ordre des autorités de police aux fins de vérification d'identité et pour que leurs déclarations soient consignées dans des procès-verbaux. Cependant, réitère le gouvernement, le ministre de la Santé n'a rien à voir dans de telles arrestations qu'il n'a ni ordonnées ni réclamées.
  16. 155. Selon le gouvernement, à partir du moment où le ministère de la Santé a estimé opportun d'effectuer les études en vue de reformuler éventuellement la législation sur tel ou tel aspect du statut des travailleurs du secteur sanitaire, son département a commencé par prendre, avec les organisations syndicales, des contacts suivant une procédure qui, d'un point de vue formel, doit être regardée comme étant une modalité de l'exercice du devoir de consultation, autrement dit du droit de participation des associations syndicales. Le gouvernement joint à sa réponse un document qui relate d'ailleurs, dans leur ordre chronologique, le début des consultations des diverses associations syndicales. Ce document prouve que la fédération plaignante et les syndicats qui y sont affiliés ont été inclus dans l'ensemble des associations syndicales consultées, sur un pied d'égalité rigoureuse avec les autres associations, sans qu'un statut spécial quelconque, favorable ou défavorable, lui ait été attribué.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 156. Le comité observe que la plainte porte sur le prétendu refus du gouvernement d'accepter de recevoir l'organisation syndicale plaignante qui souhaitait discuter avec lui de questions intéressant les travailleurs du secteur de la santé. D'après le mémorandum joint à la plainte, les questions que les plaignants souhaitaient discuter devaient porter sur les points suivants: 1) l'administration régionale de la santé (définition organique, régime d'installation (cadres, concours, promotions), composition du district de Lisbonne); 2) les hôpitaux (restructuration des cadres, contrats de durée déterminée, concours d'entrée, carrières); 3) les carrières des chauffeurs et du personnel des services généraux de la santé et des techniciens du diagnostic et de la thérapeutique.
  2. 157. Selon les plaignants, le gouvernement aurait refusé de les recevoir et aurait fait procéder à l'arrestation de 28 dirigeants du Syndicat des travailleurs de la fonction publique du sud et des Açores pendant deux jours, du 7 au 9 juillet 1986. En revanche, d'après le gouvernement, il n'a pas refusé de les recevoir et, si la police a procédé à des interpellations pour vérification d'identité, le ministre de la Santé n'a rien à voir avec ces arrestations, au contraire, à partir du moment où il a décidé de réexaminer la refonte de la législation relative au statut des travailleurs du secteur de la santé, il a inclus dans l'ensemble des associations consultées la fédération plaignante.
  3. 158. Le comité note en premier lieu, avec préoccupation, que des dirigeants et des militants syndicaux ont été interpellés par la police et gardés pendant deux jours au cours d'une action entreprise pour présenter des revendications de nature professionnelle à leur ministre de tutelle, à savoir le ministre de la Santé publique. A cet égard, le comité rappelle qu'il a toujours estimé que la détention préventive de dirigeants et de militants syndicaux, basée sur le fait que des délits peuvent être commis à l'occasion d'une grève ou d'une manifestation publique pacifique, comporte une atteinte grave à l'exercice des droits syndicaux.
  4. 159. Le comité note en second lieu que, d'après le gouvernement, des consultations sont en cours à propos de la refonte de la législation sur le statut du personnel des services de santé et que l'organisation plaignante, de même que les autres organisations représentatives de ce secteur, sont consultées en la matière. A cet égard, le comité veut croire que les consultations en question permettront à brève échéance d'aboutir à un statut du personnel des services de santé qui recueille la confiance des intéressés.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 160. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité note, avec préoccupation, que des dirigeants et des militants syndicaux semblent avoir été interpellés par la police pendant deux jours au cours d'une action entreprise pour présenter au ministère de la Santé des revendications de nature professionnelle.
    • b) Le comité rappelle que, si les syndicats doivent respecter les dispositions législatives visant à assurer le maintien de l'ordre public, les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à restreindre le droit des syndicats d'organiser librement la tenue et le déroulement de réunions pacifiques.
    • c) Le comité invite le gouvernement à poursuivre les consultations en vue d'aboutir à brève échéance à un statut du personnel des services de santé qui recueille la confiance des intéressés.
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