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Rapport définitif - Rapport No. 248, Mars 1987

Cas no 1370 (Portugal) - Date de la plainte: 30-MAI -86 - Clos

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  1. 205. La plainte du Syndicat des travailleurs des assurances du Sud et des îles figure dans une communication du 30 mai 1986. Le gouvernement a envoyé une réponse sur cette affaire dans une communication du 16 octobre 1986.
  2. 206. Le Portugal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 207. Dans cette affaire, le syndicat plaignant allègue une violation du droit de négociation collective par le gouvernement du Portugal. Il déclare être représentatif de la quasi-totalité des travailleurs du secteur des assurances et des îles et être affilié à l'Union générale des travailleurs (UGT).
  2. 208. Le plaignant explique que, conformément à la loi, les associations syndicales, qui avaient précédemment accepté la convention collective du travail pour le secteur des assurances, avaient proposé aux associations d'employeurs la révision de ladite convention. Les partenaires sociaux s'étaient engagés dans des négociations mais un désaccord et un conflit collectif s'en étant suivis, ils avaient dû recourir à la conciliation du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Cette conciliation avait permis d'aboutir à un accord entériné, selon le plaignant, par un représentant du ministère des Finances et une représentante du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. La présence du ministère des Finances se justifiait dès lors qu'il s'agissait d'un accord s'appliquant à des sociétés d'assurance à capitaux publics placés sous la tutelle du ministère des Finances.
  3. 209. Les parties signataires à l'accord l'avaient soumis conjointement à la Direction générale du travail en vue de son enregistrement et de sa publication après avoir demandé, conformément à la loi, l'approbation du ministère de tutelle et des autres ministères compétents, en l'occurrence celle du secrétariat d'Etat adjoint au ministre des Finances et du Trésor par délégation du ministère des Finances ainsi que celle du secrétariat d'Etat aux entreprises et à la formation professionnelle par délégation du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Or, proteste le plaignant, le secrétaire d'Etat adjoint au ministère des Finances et du Trésor a refusé d'accorder son approbation par l'arrêté no 1001/86/X du 3 janvier 1986. L'arrêté en question est joint en annexe à la plainte.
  4. 210. Le refus de l'autorité de tutelle était motivé par une clause de l'accord prévoyant une réduction de 15 minutes de la durée hebdomadaire du travail (clause no 35), alors que, selon le plaignant, seul le ministre du Travail et de la Sécurité sociale aurait été habilité à prendre une telle décision, conformément au décret no 505/74 du 1er octobre 1974. Les partenaires sociaux se seraient donc adressés à ce ministre pour lui demander son autorisation.
  5. 211. Outre ce fait, qualifié par ailleurs de mineur par le plaignant, le secrétaire d'Etat adjoint au ministre des Finances et du Trésor se serait permis par cet arrêté du 3 janvier 1986 de limiter pour l'avenir les futures révisions de la convention collective du secteur des assurances.
  6. 212. Le plaignant reconnaît qu'à la suite de l'arrêté en question, les partenaires sociaux ont signé, pour enregistrement, un nouveau texte qui ne faisait plus mention de la réduction de 15 minutes de la durée hebdomadaire du travail. Selon lui, les partenaires sociaux ont été contraints d'agir ainsi pour ne pas retarder l'application des nouvelles grilles de salaires.
  7. 213. Pour conclure, le plaignant estime que l'arrêté du 3 janvier 1986 a enfreint le principe de la confiance des partenaires sociaux. Il considère en effet que l'intervention de l'autorité de tutelle, dans la mesure où elle implique que des instructions peuvent être données aux représentants des entreprises sous tutelle qui doivent les accepter en tant qu'orientation liant les partenaires sociaux, ne lui inspire aucune confiance. Il est convaincu que la révision librement acceptée de la convention n'appelait aucune mesure de correction de la part du gouvernement.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 214. Dans sa longue réponse du 16 octobre 1986, le gouvernement confirme certaines des assertions du plaignant. Il convient notamment qu'à la suite d'un désaccord survenu au cours du renouvellement de la convention collective, les partenaires sociaux ont recouru à la conciliation du ministère du Travail et que, lors de la dernière réunion de conciliation avec le service compétent de ce ministère, les parties en présence, syndicat et employeur, sont parvenues à un accord. Il explique que, dès le début, le concours du ministère des Finances présent lors des réunions de conciliation se justifiait par le fait que l'instrument qui faisait l'objet d'une révision s'appliquait à des sociétés à capitaux publics placés sous la tutelle de l'Etat. Il admet également que les parties ont soumis conjointement le texte de l'accord à la Direction générale du travail en vue de son enregistrement et de sa publication, et il explique qu'en effet, pour être enregistré, cet accord devait au préalable avoir été approuvé par le ministère de tutelle qui devait agir en collaboration avec les autres ministères compétents, à savoir, dans le présent cas, le secrétaire d'Etat adjoint au ministère des Finances et du Trésor et le secrétaire d'Etat aux entreprises et à la formation professionnelle.
  2. 215. En revanche, le gouvernement réfute l'allégation selon laquelle le ministère des Finances aurait entériné cet accord et, pour preuve, il communique la copie du procès-verbal de conciliation du 17 décembre 1985 qui ne porte pas la signature de l'expert du ministère des Finance alors même que celui-ci assistait l'expert du ministère du Travail. Selon le gouvernement, comme il appert du procès-verbal d'une des réunions antérieures, celle du 13 décembre 1985 dont il annexe le texte, l'expert du ministère des Finances avait, lors de cette réunion, communiqué aux partenaires sociaux les recommandations de son ministère visant les salaires et non la durée du travail. Le gouvernement déclare que rien dans cette communication ne permettait de conclure que les représentants des entreprises publiques fussent autorisés à réduire encore l'horaire hebdomadaire à 35 h 30 de travail qui est déjà l'un des plus courts pratiqué au Portugal où la semaine est proche de 44 heures et de 42 heures dans les services.
  3. 216. Le gouvernement admet que l'arrêté no 1001/86/X du 3 janvier 1986 a défini les conditions dans lesquelles le ministère pourrait accorder son approbation, et il précise que le texte de la convention que les partenaires sociaux ont déposé auprès des services compétents (ne comportant plus la clause relative à la réduction de 15 minutes de la durée hebdomadaire du travail), présenté le 8 janvier 1986 et approuvé par le ministre des Finances et du Travail, a été publié au bulletin du travail et de l'emploi le 22 janvier 1986.
  4. 217. Selon le gouvernement, l'allégation selon laquelle le refus du ministère des Finances d'accorder son approbation tant que la clause prévoyant une réduction de 15 minutes de la durée hebdomadaire du travail, alors que seul le ministre du Travail aurait été habilité à prendre une telle décision, conformément au décret-loi no 505/74 du 1er octobre 1974, résulte d'une incompréhensible erreur du plaignant. En effet, le gouvernement admet que le décret-loi en question dispose que "les limites de durée du travail fixées dans les grilles d'horaires en vigueur ne pourront être réduites ni par convention collective ni par contrat individuel du travail" et que "le gouvernement par l'intermédiaire du ministre du Travail pourra toutefois autoriser la modification des durées en vigueur quand il la juge compatible avec le développement économique de la branche d'activité considérée". Il relève cependant que le texte date de 1974, que la nationalisation des assurances n'est intervenue que le 12 mars 1975 et que, depuis, le décret-loi no 260/76 du 8 avril 1976 sur les entreprises publiques prévoit que certaines questions économiques, financières et sociales touchant au fonctionnement des entreprises publiques doivent être assujetties à l'approbation du ministère de tutelle (art. 13).
  5. 218. Le gouvernement ajoute que l'article 24 du décret-loi no 519/C1/79 du 29 décembre 1979 sur les conventions collectives interdit le dépôt des conventions concernant les entreprises publiques ou à capitaux publics si elles ne sont pas accompagnées d'un document prouvant l'autorisation ou l'approbation du ministère de tutelle qui, à cette fin, décidera de concert avec les autres ministères compétents. L'approbation devait donc émaner du ministère de tutelle, et le ministère des Finances est, dans le cas d'espèce, ce ministère de tutelle. Pour le gouvernement, le plaignant est donc dans l'erreur quand il accuse le secrétaire d'Etat aux finances d'avoir usurpé une compétence du ministère du Travail. Le gouvernement conclut d'ailleurs que les négociateurs, tant syndicaux que patronaux, ont si bien admis la légitimité de cette intervention qu'ils se sont empressés de modifier la clause no 35 pour assurer l'approbation, le dépôt et la publication de l'ensemble de la convention collective.
  6. 219. Au sujet de l'allégation selon laquelle le représentant du ministère du Travail aurait abusé la confiance des partenaires sociaux en se permettant de limiter les futures révisions de la convention collective du travail du secteur des assurances, le gouvernement fournit les explications suivantes: l'examen du procès-verbal du 13 décembre 1985 déjà cité et de l'arrêté no 1001/86/X du 3 janvier 1986 contenant la demande de retrait de la clause sur la réduction de la durée hebdomadaire du travail permet de conclure, selon lui, que cette accusation est infondée.
  7. 220. En effet, le gouvernement estime qu'il a le droit et le devoir de mener une politique des revenus et des prix. Or, poursuit-il, ayant été saisi d'une demande de conciliation, il a communiqué aux partenaires sociaux les limites dans lesquelles pourrait s'établir la négociation salariale, à savoir: le taux d'inflation + 1 pour cent de gain réel des salaires + ou - le taux de variation de la productivité, comme il ressort du procès-verbal de la réunion du 13 décembre 1985. Cependant, l'arrêté no 1001/86/X du 3 janvier 1986 constate que la négociation a abouti à une augmentation de 19,6 pour cent grossie d'un relèvement de la subvention pour les repas de 390 escudos au mépris des orientations communiquées aux négociateurs. Pour éviter les conséquences sociales d'un refus, le gouvernement a accordé l'autorisation mais il a, dans cet arrêté, avisé les parties que les fortes augmentations de salaires accordées (19,5 pour cent) excédaient largement les prévisions de l'inflation pour 1986, et il a attiré leur attention sur leur responsabilité dans la violation de la politique des revenus et des prix dans un secteur économique sensible et composé d'entreprises publiques. Il a donc proposé en même temps qu'il accordait son autorisation aux augmentations salariales qui avaient été pactisées, les correctifs suivants: - soit compenser par une efficacité économique accrue l'excessive différence entre l'augmentation de la masse salariale résultant de la négociation et le taux d'inflation prévu pour la période d'application des grilles salariales, la compagnie et en particulier ses organes de gestion et d'administration s'obligeant à réaliser un effort considérable d'amélioration des conditions d'exploitation; - soit compenser l'augmentation excessive des salaires en modifiant la croissance de la masse salariale lors de la prochaine révision de la convention collective. Pour le gouvernement, cette seconde indication ne constitue pas un abus de confiance mais vise à mettre les partenaires devant leurs responsabilités en leur offrant les moyens de compenser les résultats excessifs de la négociation.
  8. 221. Selon lui, l'exercice du pouvoir de tutelle dans ce domaine est légitime, et il explique qu'au Portugal la tutelle va jusqu'à communiquer aux parties, avant de conclure une négociation, les limites dans lesquelles l'approbation sera accordée. Selon le gouvernement, cette intervention ne viole donc pas la convention no 98 puisque l'article 4 de cette convention ne fait pas de la négociation collective un droit absolu et illimité mais un moyen privilégié de promouvoir et d'encourager, par des mesures appropriées aux conditions nationales, la résolution des conflits de travail et d'emploi.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 222. Le comité prend note des explications longues et détaillées fournies par le gouvernement. Il estime cependant nécessaire d'attirer son attention sur un principe sur lequel il s'est prononcé à maintes reprises. Pour lui, une législation autorisant le refus du dépôt d'une convention collective pour vice de forme n'est pas contraire au principe des négociations volontaires. Par contre, si cette législation implique que le refus du dépôt peut avoir comme justification des motifs tels que l'incompatibilité avec la politique générale du gouvernement, cela équivaut à exiger une approbation préalable pour la mise en vigueur d'une convention collective. (Voir, notamment, 236e rapport, cas no 1267 (Papouasie-Nouvelle-Guinée), paragr. 600.)
  2. 223. Or le comité rappelle qu'exiger l'homologation par une autorité publique avant qu'une convention puisse entrer en vigueur n'est pas conforme aux principes de négociation volontaire établis dans la convention no 98. Dans le cas où les clauses de certaines conventions collectives paraîtraient en opposition avec des considérations d'intérêt général, on pourrait envisager une procédure permettant de signaler ces considérations à l'attention des parties, afin que celles-ci puissent procéder à un nouvel examen, étant entendu qu'elles devraient rester libres dans leur décision finale. (Voir 208e rapport, cas no 1007 (Nicaragua), paragr. 389.)
  3. 224. Dans le cas d'espèce, le comité observe qu'aux termes de la loi no 505/74 du 1er octobre 1974 les limites de durée du travail fixées par les grilles d'horaires en vigueur ne peuvent être réduites ni par convention collective ni par contrat individuel de travail mais que le gouvernement peut autoriser la modification des durées en vigueur quand il la juge compatible avec le développement économique de la branche d'activité considérée. De l'avis du comité, une législation excluant la durée du travail du champ des négociations collectives, à moins d'une autorisation gouvernementale, semble porter atteinte au droit des organisations de travailleurs de négocier librement avec les employeurs les conditions de travail garanties par l'article 4 de la convention no 98.
  4. 225. Par ailleurs, le comité relève que l'article 24 du décret-loi no 519/C1/79 du 29 décembre 1979 sur les conventions collectives interdit le dépôt des conventions concernant les entreprises publiques ou à capitaux publics si elles ne sont pas accompagnées d'un document prouvant l'autorisation ou l'approbation du ministère de tutelle qui, à cette fin, décide avec les autres ministres compétents. De l'avis du comité, si cette législation n'autorisait le refus du dépôt d'une convention collective que pour vice de forme, elle ne serait pas contraire aux principes de négociation volontaire. En revanche, dès lors qu'elle implique que le refus du dépôt peut avoir comme justification des motifs tels que l'incompatibilité avec la politique générale du gouvernement, cela équivaut à exiger une autorisation préalable pour la mise en vigueur d'une convention collective, ce qui n'est pas conforme aux principes de négociation volontaire établis dans la convention no 98.
  5. 226. Bien qu'il n'appartienne pas au comité de se prononcer sur les mesures économiques qu'un gouvernement peut juger utile de prendre en matière de stabilisation économique, les gouvernements devraient préférer la persuasion à la contrainte. Aussi, plutôt que de subordonner la validité des conventions à l'approbation gouvernementale, les gouvernements pourraient notamment prévoir que toute convention collective qui serait déposée auprès de l'autorité compétente entrerait normalement en vigueur dans un délai raisonnable suivant son dépôt. Si l'autorité publique estimait que les termes de la convention sont manifestement contraires aux objectifs de la politique économique reconnus souhaitables dans l'intérêt général, les cas pourraient être soumis pour avis et recommandation à un organisme consultatif approprié, étant entendu cependant que les parties devraient rester libres de leur décision finale. (Voir 85e rapport, cas no 341 (Grèce), paragr. 187, 132e rapport, cas no 691 (Argentine), paragr. 28, et 236e rapport, cas no 1206 (Pérou), paragr. 508.)

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 227. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Considérant que la nécessité d'une autorisation préalable des autorités publiques pour la mise en vigueur d'une convention collective n'est pas conforme à l'article 4 de la convention no 98, le comité invite le gouvernement à modifier sa législation de manière à supprimer cette autorisation et à permettre la libre négociation des questions relatives à la durée du travail.
    • b) Le comité encourage le gouvernement, lorsqu'il souhaite attirer l'attention des parties à la négociation sur des considérations d'intérêt général et des raisons majeures de politique économique appelant de leur part un nouvel examen, à préférer la persuasion à la contrainte.
    • c) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur ce cas.
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