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Rapport définitif - Rapport No. 239, Juin 1985

Cas no 1222 (Bahamas) - Date de la plainte: 18-JUIL.-83 - Clos

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  1. 138. Le Congrès des syndicats des Bahamas (Commonwealth of the Bahamas Trade Union Congress (TUC)) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux aux Bahamas dans une communication du 18 juillet 1983. Le TUC a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte le 5 août 1983. La Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) s'est associée à cette plainte dans une lettre du 10 août 1983 et a fourni des informations complémentaires dans des communications des 20 octobre 1983 et 8 février 1984. Dans une lettre du 10 janvier 1984, le gouvernement a déclaré qu'un rapport sur la plainte était en cours de rédaction et serait transmis sous peu.
  2. 139. Lorsqu'il s'est réuni en novembre 1984, le comité a adressé un appel pressant au gouvernement afin que celui-ci transmette ses observations. 236e rapport, paragr. 11, approuvé par le Conseil d'administration à sa 228e session, novembre 1984.] Le gouvernement a envoyé une nouvelle communication le 4 février 1985 dans laquelle il a indiqué que ses observations seraient envoyées rapidement. Voir paragr. 15 du 238e rapport approuvé par le Conseil d'administration à sa 229e session (février-mars 1985.]
  3. 140. Les Bahamas n'ont pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais ont ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 141. Dans sa lettre du 18 juillet 1983, le TUC allègue que le gouvernement s'efforcerait de contraindre à prendre une retraite anticipée (un an avant la date normale de la retraite) le secrétaire général du TUC, M. A. Léonard Archer, afin de l'empêcher d'exercer son droit d'évoquer en public des questions présentant une importance nationale. Le 5 août 1983, le TUC a transmis une copie de la lettre envoyée par le Département du personnel de la fonction publique à M. Archer pour lui signaler qu'il était mis à la retraite d'office à partir du 31 juillet, conformément à une recommandation présentée à cet effet par la Commission de la fonction publique.
  2. 142. Dans une lettre du 20 octobre 1983, la CMOPE donne un bref aperçu des circonstances dans lesquelles il convient de situer la mise à la retraite d'office de M. Archer: en janvier 1981, les enseignants ont entrepris une grève de trois semaines motivée par les conditions de travail et, à cette époque, le secrétaire général du Syndicat des enseignants était M. Archer - il devait ultérieurement en devenir le président; par la suite, le TUC (y compris le Syndicat des enseignants) a interrompu l'application d'un mémorandum d'entente conclu avec le parti au pouvoir, ce qui a donné lieu à de violentes attaques personnelles contre M. Archer dans la presse; le 13 avril 1983, une petite délégation d'étudiants représentant le conseil des étudiants d'une école secondaire supérieure, s'adressant à leur directeur, M. Archer, lui ont demandé l'autorisation de s'absenter de l'école pour présenter, de concert avec des représentants d'autres écoles secondaires supérieures, une pétition au gouvernement sur le problème du chômage; M. Archer a dit aux étudiants qu'il n'était pas en son pouvoir de leur accorder l'autorisation de s'absenter mais qu'il ne prendrait aucune mesure à leur encontre s'ils le faisaient; sur un effectif de 1.700 élèves, quelque 150 élèves sont sortis de l'école pour soumettre la pétition; M. Archer a refusé de fournir au Département de l'éducation la liste des élèves et a fait une déclaration en leur faveur lors d'une réunion organisée par son syndicat le 21 avril 1983; le 2 mai, M. Archer a reçu une notification du ministère de l'Education citant certains articles de l'ordonnance générale concernant la fonction publique, aux termes desquels il lui était rappelé que, en sa qualité d'agent public, il n'avait pas le droit d'intervenir publiquement, ni de faire des déclarations à la presse, à propos des étudiants; la notification précisait en outre que si M. Archer avait effectivement fait une déclaration, il avait de ce fait enfreint l'ordonnance et était passible de licenciement immédiat; M. Archer a répondu que toute déclaration faite par lui l'avait été en sa qualité de président de syndicat et donc de dirigeant syndicaliste, et non pas en sa qualité de directeur d'une école; le 1er juin 1983, il a reçu la notification lui indiquant que des mesures disciplinaires étaient entamées à son encontre ainsi qu'une copie d'un rapport établi par le ministère de l'Education; il a soumis une réponse par écrit le 7 juin; lors de sa mise à la retraite d'office, le Syndicat des enseignants a organisé des manifestations pacifiques devant le Parlement et, le 17 août, huit membres du syndicat ont été arrêtés et accusés d'attroupement, obstruction et résistance à l'arrestation, puis remis en liberté sous caution le lendemain.
  3. 143. Les organisations plaignantes sont convaincues que l'action disciplinaire engagée contre M. Archer était motivée par les activités syndicales qu'il avait exercées et non pas exclusivement par l'incident du 13 avril 1983.
  4. 144. Dans sa communication complémentaire du 8 février 1984, la CMOPE, reprenant l'allégation susmentionnée, déclare que le Département du personnel de la fonction publique, en choisissant de recourir aux procédures applicables aux cas présentant un "intérêt public" (en vertu de la règle 45 du règlement de la Commission de la fonction publique) et non aux procédures applicables à des manquements précis à la discipline, donne à penser que le motif invoqué pour licencier M. Archer, à savoir l'insubordination, n'était pas le vrai motif de l'action entamée contre lui. De l'avis de la CMOPE, étant donné que des accusations précises de violation de l'ordonnance générale étaient portées contre M. Archer, la règle 45 est inapplicable. La règle 45 est ainsi libellée: "Si un secrétaire ou chef permanent d'un département estime qu'il est dans l'intérêt public ... qu'un agent public travaillant dans son département soit prié de se retirer de la fonction publique pour des motifs qui ne peuvent pas être traités de faUon appropriée en vertu d'un autre règlement, il soumettra la question au secrétaire général de la fonction publique."

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 145. Le comité réprouve, tout d'abord, le fait que, malgré les allégations soumises dans la présente plainte et les diverses demandes adressées au gouvernement afin qu'il transmette ses observations, celui-ci n'a pas répondu. Dans ces conditions, avant d'examiner le cas quant au fond, le comité estime nécessaire de rappeler que l'ensemble de la procédure d'examen des allégations en violation des droits syndicaux a pour objet de favoriser le respect des droits syndicaux en droit et en fait et que, si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables qui pèsent sur eux, les gouvernements devraient, à leur tour, reconnaître qu'il est important qu'ils formulent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations présentées contre eux.
  2. 146. Le présent cas concerne la mise à la retraite d'office - un an avant la date normale de sa retraite - de M. A.L. Archer, secrétaire général du TUC et président du Syndicat des enseignants des Bahamas. Le comité note que, selon les allégations des organisations plaignantes, cette mesure constitue un acte de discrimination antisyndicale; en effet, d'après elles, le motif réel de la mise à la retraite d'office est qu'il avait soutenu l'action de ses élèves en tant que dirigeant syndical. D'autre part, il ressort de la documentation annexée à la plainte que l'employeur - la Commission de la fonction publique - a décidé de mettre M. Archer à la retraite anticipée en raison du conflit constaté entre ses activités pendant et après la protestation des élèves et son rôle de directeur d'école secondaire supérieure, qui rendait donc souhaitable, dans l'intérêt public, de mettre fin à l'exercice de ses fonctions.
  3. 147. Bien qu'il soit difficile, en l'absence d'une réponse du gouvernement, d'évaluer la nature réelle de la réaction de M. Archer à la protestation des élèves, le comité note que - comme le relèvent les organisations plaignantes - le choix des procédures disciplinaires auxquelles l'employeur a recouru montre que des accusations précises liées à l'emploi - telles que l'insubordination - ne semblent pas avoir motivé la décision de mettre fin à l'exercice des fonctions de M. Archer. Dans de nombreux cas voir, par exemple, 197e rapport, cas no 920 (Royaume-Uni/Antigua), paragr. 132], le comité a souligné qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi - licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables -, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les responsables syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le comité a aussi estimé que la mise à la retraite d'office est contraire à ce principe dans le cas où les activités pour lesquelles des mesures ont été prises contre certains salariés sont réellement des activités syndicales licites. Voir, par exemple, 6e rapport, cas no 47 (Inde), paragr. 728.]
  4. 148. Dans le présent cas, il ressort des informations disponibles que la mise à la retraite d'office de ce dirigeant syndical "dans l'intérêt public" - l'intérêt public n'étant pas défini dans le règlement de la Commission de la fonction publique - était motivée en partie par ses activités syndicales. Le comité, en exprimant les regrets que lui cause une telle action, aimerait attirer l'attention du gouvernement sur les principes énoncés ci-dessus et, en particulier, sur les dispositions de l'article 1 de la convention no 98, que les Bahamas ont ratifiée, en vertu desquelles les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 149. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité réprouve le fait que, malgré les allégations soumises dans le présent cas et les nombreuses demandes adressées au gouvernement pour qu'il transmette ses observations concernant le cas, le gouvernement n'a pas répondu.
    • b) Le comité regrette que M. A.L. Archer, président du Syndicat des enseignants des Bahamas et secrétaire général du Congrès des syndicats des Bahamas, ait été mis à la retraite d'office pour des motifs relevant pour partie de ses activités syndicales; il souhaite appeler l'attention du gouvernement sur l'article 1 de la convention no 98 qui garantit aux travailleurs, en particulier, le droit de bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi.
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