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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 238, Mars 1985

Cas no 1175 (Pakistan) - Date de la plainte: 07-SEPT.-82 - Clos

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  1. 173. Le comité a examiné ce cas, en l'absence de réponse du gouvernement, à sa réunion de février 1984, et a présenté un rapport au Conseil d'administration. (Voir 233e rapport, paragr. 161 à 175, adopté par le Conseil d'administration à sa 225e session, février-mars 1984.) Le gouvernement a présenté ses observations au sujet de cette plainte dans une communication du 12 novembre 1984.
  2. 174. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 175. La plainte formulée dans le présent cas se rapportait au maintien en vigueur de la loi de 1952 sur les services essentiels et du règlement d'application de 1962. Selon le plaignant, une interprétation (no 85/79) de cette loi donnée par la Cour suprême retirait aux travailleurs intéressés le droit de recours individuel devant un tribunal ou à toute autre autorité indépendante et impartiale concernant des actes de discrimination antisyndicale qui affectaient leur emploi. Le plaignant avait joint une liste de personnes qui auraient été victimes de discrimination antisyndicale, ainsi qu'un bref historique des circonstances qui avaient abouti à chaque cas de licenciement, de rétrogradation ou de mutation. Le plaignant avait fait valoir que la loi sur les services essentiels était une disposition expressément réservée aux périodes d'urgence nationale et que son application, dans des conditions normales, était injustifiée étant donné la protection fournie aux services publics par l'ordonnance sur les relations professionnelles de 1969.
  2. 176. Le plaignant avait allégué en outre que toutes les activités syndicales avaient été interdites dans les organisations suivantes: la Société de télévision du Pakistan, la Société de radiodiffusion du Pakistan et la Société des lignes aériennes internationales du Pakistan (PIA), de même que dans les hôpitaux et dans l'enseignement.
  3. 177. Enfin, selon le plaignant, la législation pakistanaise actuelle sur le travail retirait le droit de négociation collective aux salariés du Service d'exploitation des eaux et de l'électricité (WAPDA), des Chemins de fer et de l'Organisation des télécommunications.
  4. 178. En l'absence de réponse du gouvernement, le Conseil d'administration avait adopté les recommandations du comité sur les aspects suivants du cas: - "en ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale, le comité prie instamment le gouvernement d'assurer que tous les cas de licenciement mentionnés dans la plainte soient examinés par les organes compétents et d'ordonner la réintégration des intéressés dans tous les cas de licenciement résultant de l'exercice d'une activité syndicale légitime; il prie le gouvernement de le tenir au courant de toute décision prise à cet effet; - en ce qui concerne l'interdiction des activités syndicales dans certaines entreprises publiques importantes, prononcée par le règlement no 52 de 1981, le comité estime que cette interdiction constitue une grave violation de la liberté syndicale; il exprime le ferme espoir que ce règlement serait abrogé le plus tôt possible, et demande au gouvernement de lui fournir des informations sur toute mesure prise à cet égard; - en ce qui concerne l'allégation selon laquelle les travailleurs de certaines autres entreprises publiques (eau et électricité, chemins de fer, communications) ont été privés du droit de négociation collective, le comité prie le gouvernement de lui communiquer des informations sur toute mesure prise pour assurer que les travailleurs desdites entreprises puissent exercer pleinement leur droit de négociation, conformément à la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par le Pakistan; - le comité signale les aspects législatifs du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations".

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 179. Dans une communication en date du 12 novembre 1984, le gouvernement déclare que la loi de 1952 sur les services essentiels n'est déclarée applicable à un emploi ou à un type d'emplois que s'il est prouvé de façon irréfutable que cet emploi ou ce type d'emplois est essentiel pour: a) assurer la défense ou la sécurité du Pakistan ou de toute partie du territoire ou b) assurer la fourniture de produits ou de prestations qui ont trait aux questions sur lesquelles le gouvernement fédéral est habilité à légiférer et qui sont essentiels à la vie de la communauté.
  2. 180. Le gouvernement indique qu'étant pleinement conscient de la contribution que les travailleurs ont apportée et apportent au progrès et à la prospérité de la nation, il ne saurait prendre aucune mesure qui puisse restreindre la liberté des salariés et, partant, provoquer des perturbations sociales, des pertes inutiles de production, ainsi que des critiques aux niveaux national et international. Toutefois, en appliquant les dispositions de la loi sur les services essentiels, le gouvernement tient compte des intérêts plus larges du pays et non pas de ceux d'une classe ou d'une section particulière de la population. Selon le gouvernement, il est erroné de dire qu'il recourt aux dispositions de la loi uniquement pour priver les travailleurs de leurs libertés et pour aliéner leurs droits en tant que libres citoyens de l'Etat, que leur confère la ratification par le Pakistan des conventions de l'OIT sur la liberté syndicale.
  3. 181. Au sujet des allégations précises formulées dans la plainte, le gouvernement relève que, ces dernières années, les travailleurs occupés dans des entreprises telles que la PIA, le WAPDA et l'Organisation des télécommunications ont acquis des qualifications techniques, des connaissances et une compétence professionnelle de haut niveau qui leur permettent de trouver des emplois relativement bien rémunérés et de meilleures prestations dans d'autres pays. Selon le gouvernement, s'il ne contrôle pas le mouvement de ces travailleurs, ceux-ci rechercheraient des possibilités d'emplois lucratifs dans des pays qui connaissent une pénurie de main-d'oeuvre, ce qui créerait un large écart entre l'offre et la demande sur le marché national du travail et affecterait le fonctionnement des équipements dans le pays. Ainsi, le gouvernement fait état de la situation dans le WAPDA, qui est chargé de la production et de la distribution de l'électricité dans tout le pays: la fourniture de l'énergie exige un travail ininterrompu de 24 heures des travailleurs du WAPDA. Le gouvernement déclare que la question se pose de savoir si les qualifications et la compétence des travailleurs du WAPDA doivent constituer pour ces travailleurs un obstacle à la recherche d'emplois mieux rémunérés à l'extérieur. La réponse est évidemment "non" mais, vu dans l'optique de la direction et sur le plan national, comme indiqué plus haut, aucun pays ni aucun employeur ne souhaiteraient former des travailleurs pour les laisser partir et avoir à former à nouveau d'autres travailleurs.
  4. 182. Pour ce qui est de l'allégation relative à l'absence de procédure d'appel en cas de réclamation individuelle, le gouvernement ajoute que, en vertu de l'ordonnance sur les relations professionnelles, la Commission nationale des relations professionnelles (NIRC) a été habilitée à connaître des réclamations collectives et individuelles des travailleurs. Toutefois, récemment, la Cour suprême a décidé que la NIRC ne pouvait plus connaître des réclamations individuelles des salariés concernés par la loi de 1952 sur les services essentiels ni statuer sur ces réclamations, ce qui a soulevé des problèmes juridiques quant au règlement des réclamations individuelles. Le gouvernement déclare qu'il est saisi de la question et qu'il recherche activement une solution. Il tiendra l'OIT informée de toutes mesures prises à cet égard.
  5. 183. Enfin, le gouvernement rappelle que l'afflux de plus de 3 millions de réfugiés a créé une situation anormale dans le pays, affectant presque toutes ses institutions, qu'elles soient sociales, politiques ou économiques. Dans ces circonstances, le gouvernement a dû recourir à des mesures pour assurer la loi et l'ordre ainsi que le fonctionnement des services.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 184. Le comité prend note des explications du gouvernement selon lesquelles le maintien de l'application de la loi de 1952 sur les services essentiels à certains secteurs de l'économie est rendu nécessaire par leur caractère de services essentiels, le risque de perdre des travailleurs hautement qualifiés en faveur de marchés étrangers et la situation anormale créée par l'afflux de réfugiés. Le comité relève également que le gouvernement essaie de trouver une solution au problème juridique que pose le règlement des réclamations individuelles, conformément à la loi, étant donné la décision prise récemment par la Cour suprême d'habiliter la Commission des relations professionnelles à connaître uniquement des différends collectifs.
  2. 185. Le comité est conscient des problèmes évoqués par le gouvernement, mais il voudrait en premier lieu faire observer que le critère qu'il applique, de même que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, pour déterminer si un service est essentiel au sens strict du terme consiste à déterminer si le service en question est un service dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. (Voir: Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, OIT, 69e session, 1983, rapport III (partie 4 b)), paragr. 214.) Conformément à l'article 5 de la loi sur les services essentiels et à l'article 3 du règlement d'application de 1962, les travailleurs qui occupent un emploi auquel s'applique cette loi ne peuvent refuser de travailler; en outre, leurs salaires et leurs conditions de travail sont réglementés par le président de la NIRC. Le gouvernement reconnaît que les services mentionnés par le plaignant sont couverts par la loi qui s'applique malgré l'ordonnance no XXIII de 1969 sur les relations professionnelles (art. 7(A) de la loi sur les services essentiels). En outre, il faut noter que, conformément à l'article 33 de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles, les services suivants sont reconnus d'utilité publique et aucune grève ne peut y avoir lieu: 1) l'extraction, la production, la transformation d'électricité, de gaz, de pétrole ou d'eau et leur fourniture au public; 2) tout système d'hygiène ou de salubrité publiques; 3) hôpitaux et services d'ambulances; 4) services d'incendie; 5) tous services des postes, télégraphes et téléphones; 6) chemins de fer et navigation aérienne; 7) ports; et 8) surveillance, personnel de surveillance et services de sécurité dans n'importe quel établissement. En outre, la loi martiale no 52 de 1981 interdit totalement les activités syndicales dans la Société des lignes aériennes internationales du Pakistan (art. 3) et elle s'applique, quelles que soient les dispositions de la loi sur les services essentiels et de l'ordonnance sur les relations professionnelles (art. 1).
  3. 186. Pour ce qui est de la restriction imposée aux salariés de la Société des lignes aériennes internationales du Pakistan, le comité ne peut que répéter les conclusions auxquelles il est parvenu lors de son examen antérieur de ce cas, à savoir qu'une telle interdiction constitue une grave violation de la liberté syndicale. Il renouvelle en conséquence le ferme espoir que le règlement no 52 sera abrogé aussitôt que possible.
  4. 187. Pour ce qui est de l'interdiction de la grève, imposée par l'article 33 de l'ordonnance sur les relations professionnelles, le comité entérine, et l'observation formulée en 1983 par la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans le contexte de la convention no 87,et selon laquelle une telle restriction doit être limitée aux services essentiels au sens strict du terme, selon la définition donnée ci-dessus. Bien que le comité ait estimé dans le passé (voir 199e rapport, cas no 910 (Grèce), paragr. 117, et 234e rapport, cas no 1179 (République dominicaine), paragr. 299) que le secteur hospitalier et les services d'approvisionnement en eau constituent des services essentiels, selon ce critère, il a estimé, par contre, que l'industrie du pétrole, les services portuaires et les services de transport ne sont pas des services essentiels au sens strict du terme. Voir Etude d'ensemble, idem, paragr. 214.) Le comité demande donc au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour rendre aux travailleurs des industries mentionnées dans la plainte l'ensemble de leurs droits syndicaux, y compris celui de négocier collectivement leurs conditions d'emploi.
  5. 188. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle la décision de la Cour suprême no 85/79 du 1er décembre 1981 prive les travailleurs des secteurs qui tombent sous le coup de la loi sur les services essentiels de la possibilité de soumettre à une instance appropriée leurs réclamations individuelles concernant des discriminations antisyndicales, le comité relève que l'article 7 de la loi prévoit le recours devant des tribunaux ordinaires. La Cour suprême a appelé l'attention sur ce point dans son jugement (pp. 11 et 12): ... si les défendeurs (la NIRC et un dirigeant licencié du service informatique de la société d'électricité de Karachi) s'estiment lésés, soit par la cessation de la relation de travail ou par le licenciement, ils auraient dû procéder aux démarches prévues en vertu de l'article 7 (de la loi) ... Dans ces circonstances, et étant donné que le gouvernement essaie de résoudre les problèmes juridiques entraînés par la décision de la Cour suprême, le comité tient à rappeler la demande qu'il a faite au gouvernement au sujet des nombreuses allégations relatives à des cas de discrimination antisyndicale dénoncés par le plaignant, à savoir que tous les cas de licenciement, de rétrogradation ou de mutation soient examinés par la Commission nationale des relations professionnelles ou par les tribunaux et que la réintégration des intéressés soit ordonnée en cas de licenciement résultant de l'exercice d'activités syndicales légitimes. Il demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
  6. 189. Le comité soumettra à nouveau les aspects législatifs de ce cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 190. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité considère que l'interdiction des activités syndicales dans la Société des lignes aériennes internationales du Pakistan, prévue par le le règlement de la loi martiale no 52 de 1981 constitue une grave violation de la liberté syndicale et il exprime à nouveau le ferme espoir que ce règlement sera abrogé le plus tôt possible.
    • b) En ce qui concerne l'interdiction de recourir à la grève, prévue par l'article 33 de l'ordonnance de 1961 sur les relations professionnelles dans certains services d'utilité publique, le comité rappelle qu'une telle restriction devrait être limitée aux services essentiels au sens strict du terme; il demande de nouveau au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour assurer la restitution de l'ensemble de leurs droits syndicaux, y compris le droit à la négociation collective et le droit de grève, à tous les travailleurs des industries qui ne sont pas essentielles selon le critère fixé par le Comité de la liberté syndicale et la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
    • c) Le comité relève que la loi sur les services essentiels prévoit des procédures d'appel en cas de réclamations individuelles concernant des cas de discrimination antisyndicale, et il renouvelle son appel au gouvernement pour qu'il veille à ce que tous les cas de licenciement, de rétrogradation ou de mutation dénoncés par le plaignant soient examinés par la Commission nationale des relations professionnelles ou par les tribunaux et que la réintégration des travailleurs soit ordonnée en cas de licenciement résultant de l'exercice d'activités syndicales légitimes; il demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • d) Le comité soumet les aspects législatifs de ce cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
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