ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 226, Juin 1983

Cas no 1158 (Jamaïque) - Date de la plainte: 10-SEPT.-82 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 303. Par une communication en date du 10 septembre 1982, le Syndicat des travailleurs de l'agriculture et assimilés a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Jamaïque.
  2. 304. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication du 3 février 1983.
  3. 305. La Jamaïque a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (No. 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 306. Dans sa lettre du 10 septembre 1982, le syndicat plaignant allègue qu'en août 1981, 45 travailleurs, employés de la Compagnie pour le développement des industries forestières (FIDCO), sont devenus membres du syndicat. Après une campagne intensive de recrutement auprès des autres travailleurs, le syndicat a adressé le 31 août 1981 à la compagnie une demande afin de le reconnaître comme agent négociateur et d'entamer des négociations volontaires pour l'ensemble des travailleurs décrits dans la demande.
  2. 307. Devant le refus de la compagnie FIDCO de donner suite à sa demande, le syndicat, dans une communication du 22 septembre 1981, a avisé le ministre du Travail du différend qui l'opposait à la compagnie et lui a indiqué que plus de 50 travailleurs de la construction et de la plantation du chantier du Mont Airy avaient pris part à un arrêt de travail. Selon. le syndicat, copie de la demande du 31 août 1981 a alors été adressée au ministre du Travail.
  3. 308. Le syndicat a ensuite, le 15 octobre 1981, conformément à l'article 3 du règlement adopté en vertu de la loi sur les relations de travail et les différends industriels de 1975, adressé à la compagnie FIDCO une demande officielle de reconnaissance syndicale au nom des travailleurs de la construction de la plantation et de la sécurité et a demandé, dans une communication du 28 octobre 1981, au ministre du Travail d'organiser un vote de reconnaissance syndicale. A cette demande a été joint le certificat requis par la loi, vérifié par MM. N.A.D. Tapping et Cie, comptables agréés, et qui, selon le syndicat, faisait état de 170 membres employés de la compagnie FIDCO.
  4. 309. Le syndicat allègue alors que, durant le mois de novembre 1981, la compagnie FIDCO a modifié unilatéralement le statut de certains employés, en particulier dans le service de la plantation et du génie, qui sont passés du statut de travailleurs payés à l'heure, à la journée ou à la semaine à celui de travailleurs indépendants (contractons). Cette manoeuvre a été menée, selon le syndicat, dans le but de priver ces travailleurs de leur droit d'être représentés par un syndicat, a réduit le nombre de travailleurs membres du syndicat et a abouti au refus du ministre d'organiser un vote au motif que le syndicat ne comptait pas 40 pour cent de membres dans l'unité visée tel que le prescrit l'article 3 des règlements. Selon le syndicat, ce refus a été décidé sur la base d'informations erronées communiquées par la compagnie FIDCC au ministre du Travail qui a ainsi été empêché de mener une enquête impartiale.
  5. 310. Le syndicat s'est alors adressé à nouveau au ministre du Travail pour renouveler sa demande d'organiser un vote et dénoncer les agissements de la compagnie FIDCO. Selon le syndicat, 34 feuilles de paie ont été adressées au ministre du Travail faisant apparaître que les travailleurs inscrits étaient, avant comme après le dépôt de la demande de reconnaissance syndicale auprès de la compagnie FIDCO, des travailleurs payés à l'heure, à la journée ou à la semaine.
  6. 311. Cette situation a connu son sommet le 3 mai 1982 par un arrêt de travail qui, selon le syndicat, a été suivi de renvois, en particulier parmi les membres du génie routier et les opérateurs de transport qui n'ont pas été réintégrés.
  7. 312. Le syndicat plaignant allègue que cette situation équivaut à une violation de la Constitution de la Jamaïque, de la loi sur les relations de travail et les différends industriels de 1975 et des conventions de l'OIT. Le ministre des Finances, actuel Premier ministre et de qui dépend la compagnie FIDCO, a été informé de la situation par le syndicat. Selon le syndicat, aucun commentaire n'a depuis lors été reçu.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 313. Dans sa communication du 3 février 1983, le gouvernement regrette que le syndicat plaignant n'ait pas précisé quelles conventions de l'OIT avaient été violées. Sur les allégation de violation de la Constitution de la Jamaïque et de la loi sur les relations de travail et les différends industriels de 1975, le gouvernement note que tout syndicat dispose de recours devant les tribunaux de la Jamaïque en cas d'atteinte par un employeur aux droits syndicaux reconnus.
  2. 314. Quant au refus du ministre du Travail d'organiser un vote à la demande du syndicat plaignant, le gouvernement indique que cette décision a été prise conformément à la loi de 1975 qui requiert qu'au moins 40 pour cent des travailleurs de l'unité de négociation soient membres du syndicat, condition non satisfaite par le syndicat plaignant.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 315. Le comité note que le présent cas met en cause le refus du ministre du Travail d'organiser un vote de reconnaissance syndicale. Cette décision aurait été prise sur la base d'informations erronées recueillies auprès de la compagnie FIDCO qui aurait modifié le statut de certains travailleurs pour les engager à titre de travailleurs indépendants dans l'intention de les priver du droit d'être membres du syndicat plaignant.
  2. 316. En raison de l'insuffisance des informations en sa possession, le comité estime qu'il serait utile que le gouvernement et l'organisation plaignante lui fassent parvenir de plus amples informations sur l'allégation de partialité à l'encontre de l'enquête menée par le ministre du Travail ainsi que sur celle selon laquelle le statut de certains travailleurs aurait été modifié en vue de les priver de leur droit de se grouper en association.
  3. 317. Cependant, l'examen des dispositions pertinentes du règlement adopté en vertu de la loi de 1975 permet de constater que lorsqu'un employeur refuse de reconnaître, sur une base volontaire, un syndicat comme agent négociateur, le syndicat doit adresser à l'employeur une demande de reconnaissance syndicale, demander au ministre du Travail l'organisation d'un vote et lui faire parvenir un certificat faisant état du nombre de ses membres. Sur réception de ces documents, le ministre peut alors décider d'organiser un vote si certaines conditions ont été satisfaites, et en particulier s'il est d'avis que 40 pour cent des travailleurs de l'unité de négociation sont membres du syndicat, et afin de s'assurer que cette dernière condition est remplie, il doit prendre les mesures qu'il juge appropriées tant auprès de l'employeur que du syndicat. Si un vote a eu lieu, le syndicat qui aura reçu une majorité de suffrages sera reconnu comme agent négociateur et pourra forcer l'employeur à entamer des négociations.
  4. 318. Force est donc de constater que le système légal en vigueur reconnaît au ministre du Travail, en vertu des articles 5 de la loi de 1975 et 3 des règlements, un pouvoir discrétionnaire de décider d'organiser un vote sans que sa décision puisse être portée en appel par la partie qui en est affectée. Le comité constate en outre qu'un syndicat peut être privé du droit de promouvoir et de défendre les intérêts de ses membres, soit parce qu'il ne regroupe pas 40 pour cent des membres de l'unité de négociation, ce qui, aux termes de la loi, ne permet pas d'organiser un vote, soit parce qu'après un scrutin il n'a pas obtenu la majorité des suffrages.
  5. 319. Dans nombre de cas où la reconnaissance d'un syndicat comme agent négociateur dans une entreprise était mise en cause, le comité a estimé que, si les autorités ont le droit d'organiser des scrutins pour connaître le syndicat majoritaire devant représenter les travailleurs dans les négociations collectives, de tels scrutins devaient toujours avoir lieu lorsqu'on ne sait pas clairement par quel syndicat les travailleurs désirent se faire représenter. Il convient cependant, avant d'organiser ces élections, que les autorités puissent, sur la base d'informations objectives, considérer que la demande d'un syndicat prétendant représenter la majorité des travailleurs semble plausible'.
  6. 320. En outre, le comité tient à rappeler la position de la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations lorsque, dans un système de désignation d'agent négociateur exclusif, aucun syndicat ne représente le pourcentage requis pour être déclaré agent négociateur exclusif. Dans de tels systèmes, selon la commission d'experts, les droits de négociations collectives devraient être accordés aux syndicats de l'unité, au moins au nom de leurs propres membres.
  7. 321. Le comité attire donc l'attention de la commission d'experts sur le système légal en vigueur qui, à son avis, n'institue pas une procédure permettant au ministre du Travail de fonder sa décision d'organiser ou de ne pas organiser un vote sur la base d'informations objectives, ce qui comporte des risques de partialité et d'abus, ainsi que sur la présente situation où des travailleurs, bien que représentés par un syndicat légalement constitué, ne peuvent promouvoir et défendre leurs intérêts par la négociation collective.
  8. 322. Constatant que le différend persiste et que des arrêts de travail ont eu lieu, le comité veut croire, en se basant sur l'affirmation faite par le gouvernement selon laquelle toute atteinte aux droits syndicaux ne peut le laisser indifférent, que le ministre du Travail pourra procéder à un réexamen de la situation, notamment en utilisant la procédure prévue dans la loi de 1975 et qui permet au ministre de référer tout différend devant un comité d'enquête. Il prie le gouvernement de le tenir informé de toutes mesures qui seraient prises à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 323. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire, et en particulier les conclusions suivantes:
    • a) En raison de l'insuffisance des informations en sa possession, le comité prie le gouvernement et l'organisation plaignante de fournir de plus amples informations sur l'allégation de partialité à l'encontre de l'enquête menée par le ministre du Travail, ainsi que sur l'allégation selon laquelle le statut de certains travailleurs aurait été modifié dans le but de les priver de leur droit de se grouper en association.
    • b) Le comité attire l'attention de la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur le système légal actuellement en vigueur qui confère au ministre du Travail un pouvoir discrétionnaire de décider d'organiser un vote sans que sa décision puisse être portée en appel, ce qui comporte des risques d'abus et de partialité, ainsi que sur la présente situation où des travailleurs, bien que représentés par un syndicat légalement constitué, ne peuvent promouvoir et défendre leurs intérêts par la négociation collective.
    • c) Le comité prie le gouvernement d'envisager un réexamen de la situation, notamment en référant le différend à un comité d'enquête, comme la loi sur les relations de travail et les différends industriels le lui permet. Il prie le gouvernement de l'informer de toutes mesures qui seraient prises en ce sens.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer