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- 527. La plainte du Centre des syndicats indiens (CSI) figure dans une communication en date du 3 février 1981. Le gouvernement a communiqué ses observations le 7 mai 1981.
- 528. L'Inde n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 529. Les plaignants allèguent que le gouvernement a fait arrêter de nombreux membres du personnel roulant des Chemins de fer indiens qui manifestaient pacifiquement pour demander l'instauration de la journée de huit heures et que soit mis fin aux mesures de répression. Ils affirment qu'il a été fait usage de listes noires, que des licenciements collectifs en vue de mettre un terme à leurs revendications ont été opérés et que la liberté syndicale et le droit de négociation collective sont déniés.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 530. Le gouvernement explique qu'il existe deux types de syndicats dans les Chemins de fer indiens: d'une part, les syndicats reconnus, qui bénéficient d'un mécanisme permanent de négociation tenant compte de leurs revendications dans le cadre de la réglementation existante et des contraintes financières et administratives, et, d'autre part, les syndicats non reconnus dont les problèmes sont discutés au cours de rencontres officieuses et dont les revendications sont examinées dans la mesure où elles sont légitimes. L'Association du personnel roulant (APR), au nom des membres de laquelle la plainte a été formulée, est un syndicat non reconnu, mais, à deux occasions (après la grève d'août 1973 et après la menace de grève de mars 1979), il a bénéficié des services de comités ad hoc qui ont été chargés d'examiner leurs revendications.
- 531. Le gouvernement déclare que, malgré la mise en oeuvre de ce mécanisme à cette dernière occasion, l'APR a continué de fomenter une agitation, notamment durant des périodes cruciales et dans des secteurs particulièrement névralgiques. En janvier-février 1981, l'APR a donné, à plusieurs reprises, l'ordre de cesser le travail au prétexte que des cheminots auraient été persécutés par des éléments antisociaux locaux. Lorsque la direction a pris des mesures à l'encontre de ses affiliés, l'APR a lancé un ultimatum de soixante-douze heures lui enjoignant de rapporter ces sanctions, à la suite de quoi le personnel a pris collectivement un congé de maladie, les 28 et 29 janvier selon le gouvernement, le préavis n'était pas conforme à l'article 22 (l) de la loi de 1947 sur les différends du travail; il ne s'agissait pas non plus d'une initiative pacifique car d'autres travailleurs avaient fait l'objet de manoeuvres d'intimidation, leur famille avait été harcelée et des actes de sabotage et de violence avaient été commis.
- 532. Le gouvernement estime en conséquence que des mesures devaient être prises; des arrestations ont donc été opérées en vertu de l'article 121 de la loi indienne de 1890 sur les chemins de fer (laquelle prévoit que quiconque gênera intentionnellement un membre du personnel des chemins de fer dans l'exercice de ses fonctions ou y fera obstacle sera passible d'une peine d'emprisonnement de six mois au maximum ou d'une amende de 500 roupies au maximum, ou des deux sanctions) et des autres dispositions législatives pertinentes en vigueur. Un certain nombre de membres du personnel des chemins de fer ont également été révoqués et mis à la retraite d'office en application de la procédure prévue par la réglementation en vigueur.
- 533. Enfin, le gouvernement indique que l'APR a mis fin à l'agitation à partir du 25 février 1981 et que les salariés contre lesquels des mesures avaient été prises ont, conformément à la réglementation en vigueur, le droit de faire appel, et qu'alors des mesures sont prises par l'autorité compétente en fonction de chaque cas. En conclusion, le gouvernement précise que des mesures ont été prises légalement contre ces travailleurs non pas en raison de leurs activités syndicales, mais parce qu'aucun gouvernement ne saurait permettre à un petit groupe de travailleurs de tenir l'ensemble d'un pays à sa merci dans un secteur aussi névralgique que les chemins de fer.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 534. Il s'agit, dans le cas d'espèce, de l'arrestation et du licenciement, en janvier et en février 1981, d'un grand nombre de membres du personnel roulant affiliés à l'Association du personnel roulant et employés des Chemins de fer d'Etat de l'Inde.
- 535. Les plaignants allèguent que les arrestations et les licenciements se sont produits à la suite d'une manifestation pacifique concernant les conditions de travail, ce qui constitue une violation de la liberté d'association et du droit de négociation collective. Le gouvernement affirme que non seulement l'action des 28 et 29 janvier était illégale en ce qu'un préavis insuffisant avait été donné, aux termes de la loi sur les différends du travail, mais encore qu'il s'agissait d'une action violente. D'après le gouvernement, les arrestations ont été opérées légalement en vertu de la loi indienne sur les chemins de fer et d'autres dispositions législatives pertinentes en vigueur. Un certain nombre de membres du personnel des chemins de fer ont été licenciés et mis à la retraite d'office, conformément à la réglementation en vigueur; de plus, tous les travailleurs en cause ont le droit de faire appel.
- 536. Le comité note qu'il y a contradiction entre les déclarations des plaignants et celles du gouvernement, et il observe qu'il aurait été souhaitable d'obtenir des plaignants davantage d'éléments d'information de manière à pouvoir examiner les faits en toute connaissance de cause. En outre, le comité note que, d'après les explications du gouvernement, l'association en question avait été en mesure, au moins deux fois dans le passé, de discuter de ses revendications avec l'employeur gouvernemental par l'intermédiaire de comités d'examen des revendications, ce qui avait permis d'éviter une action directe. Le comité estime que, dans le cas d'espèce, les parties auraient dû s'efforcer de remettre en vigueur un mécanisme de consultation de manière à éviter le différend.
- 537. Par ailleurs, le comité désire signaler, en premier lieu, l'importance qui s'attache à ce que le droit de grève soit reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels. Cependant, dans un certain nombre de cas, le comité a admis que le droit de grève pourrait faire l'objet de restrictions, voire d'interdiction, dans la fonction publique ou les services essentiels dans la mesure où la grève pourrait y provoquer de graves préjudices pour la collectivité nationale et pourvu que ces limitations soient accompagnées de certaines garanties compensatoires. Le comité a néanmoins signalé à plusieurs reprises, et notamment en se référant au secteur des transports, que le principe relatif à l'interdiction des grèves dans les services essentiels risquerait de perdre tout son sens s'il s'agissait de déclarer illégale une grève dans une entreprise qui ne fournirait pas un service essentiel au sens strict, c'est-à-dire un service dont l'interruption mettrait en danger la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population.
- 538. Le comité est conscient qu'un arrêt total et prolongé des chemins de fer dans l'ensemble du pays pourrait provoquer une situation telle que les conditions normales d'existence de la population pourraient être en danger. En conséquence, il semblerait légitime qu'un service minimum puisse être défini en cas de grève dont l'étendue et la durée pourraient provoquer une situation de crise nationale aiguë. Pour être acceptable, d'une part, un tel service minimum devrait se limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population et, d'autre part, les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer à sa définition tout comme les employeurs et les autorités publiques.
- 539. Dans le cas présent, le comité note que l'action directe a été relativement brève - deux jours - et il signale en conséquence, comme il l'a fait pour d'autres casa, et en particulier dans un cas concernant une grève des travailleurs des chemins de fer en Inde, que les arrestations et licenciements massifs de grévistes comportent de graves risques d'abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale; il estime que les autorités compétentes devraient recevoir des instructions appropriées afin de prévenir les risques que ces arrestations ou ces licenciements peuvent avoir pour la liberté syndicale.
- 540. Bien que, selon le gouvernement, les intéressés puissent faire appel contre les mesures prises et qu'une procédure soit toujours engagée par l'autorité compétente en fonction du bien-fondé de chaque cas, le comité observe qu'aucun appel ne semble avoir été interjeté et qu'aucune réintégration de membres du personnel ne semble être intervenue. Conformément au principe exposé ci-dessus, le comité invite le gouvernement à communiquer des renseignements sur la situation actuelle des membres de l'APR arrêtés et/ou licenciés et à indiquer en particulier si des personnes sont toujours détenues, combien de personnes ont été jugées et condamnées à des peines d'amende ou de prison et s'il y a eu des appels ou des réintégrations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 541. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'adopter le présent rapport intérimaire, et notamment les conclusions suivantes:
- Le comité estime que, étant donné que l'Association du personnel roulant, dont des membres ont été arrêtés et licenciés, avait été antérieurement en mesure de discuter ses revendications avec le gouvernement par l'intermédiaire de comités d'Examen des revendications, les parties auraient dû, dans le cas d'espèce, s'efforcer de remettre en vigueur ce mécanisme de manière à éviter le différend.
- Le comité souligne que les restrictions au droit de grève devraient se limiter aux services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire aux services dont l'interruption risquerait de mettre en danger la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population. Si un service minimum devait être défini en cas de grève totale et prolongée, un tel service devrait se limiter aux opérations strictement nécessaires et les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer tout comme les employeurs à sa définition.
- Le comité appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel des arrestations et des licenciements massifs à la suite d'événements tels qu'une grève déclenchée par les travailleurs des chemins de fer comportent de graves risques d'abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale.
- Le comité prie le gouvernement de fournir des renseignements sur la situation actuelle des membres de l'Association du personnel roulant qui ont été arrêtés et/ou licenciés, et de communiquer en particulier des détails sur le point de savoir si des personnes demeurent détenues et sur tous jugements, appels ou réintégrations, ainsi qu'il est dit plus haut.