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- 70. Par une communication du 21 février 1979, la Fédération italienne des travailleurs des transports et des auxiliaires du trafic (Confédération italienne des syndicats de travailleurs), en abrégé FILTAT-CISL, a présenté, en déclarant se fonder sur l'article 24 de la Constitution de l'OIT, des allégations contre le gouvernement italien en violation de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que de la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
- 71. Le comité a examiné ces allégations sur la base de décisions prises précédemment par le conseil d'administration dans des situations analogues où une réclamation soumise au titre de l'article 24 précité avait trait à des questions de liberté syndicale.
- 72. La communication de la FILTAT-CISL a été transmise au gouvernement italien pour commentaires, conformément à la procédure applicable aux plaintes en violation de la liberté syndicale. Le gouvernement a envoyé ses observations par une lettre du 13 septembre 1979.
- 73. L'Italie a ratifié les conventions nos 87 et 98 précitées. Elle n'a pas ratifié la convention no 135 mentionnée également par le plaignant.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 74. La FILTAT-CISL déclare agir pour la défense du personnel à statut local d'un organe subsidiaire de l'OTAN en Italie. Elle se plaint de n'avoir pas pu établir des relations professionnelles avec cet employeur alors que la légitimité de son action est reconnue par exemple par un organe similaire américain en territoire italien. L'employeur en question aurait favorisé un autre syndicat, que le plaignant appelle "de complaisance", et il s'estime victime d'un traitement discriminatoire.
- 75. La FILTAT-CISL développe alors de façon détaillée les raisons pour lesquelles elle considère pouvoir déposer sa plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement italien. D'après elle, même si l'on fait abstraction des dispositions en vigueur entre les Etats membres de l'OTAN, l'Italie ainsi que l'OTAN elle-même, le droit international traditionnel fixe des limites précises aux immunités et privilèges des Etats étrangers ainsi que des organisations internationales en Italie. Elle développe ce point en citant notamment plusieurs dispositions de la Constitution italienne.
- 76. Le plaignant cite ensuite les accords internationaux qui ont été conclus dans le cadre de l'OTAN et qui concernent la situation du personnel à statut local: la convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces (signée à Londres le 19 juin 1951), le Protocole sur le statut des Quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l'Atlantique Nord (signé à Paris le 28 août 1952) ainsi que l'accord entre le gouvernement de la République italienne et le Commandement suprême allié en Europe au sujet des conditions particulières d'installation et de fonctionnement en territoire italien des Quartiers généraux militaires internationaux qui y sont ou pourraient y être installés (signé à Paris le 26 juillet 1961). L'article IX, 4), de la convention de Londres prévoit, ajoute-t-il, que les conditions d'emploi et de travail, notamment les salaires et accessoires de salaires et les conditions de protection des travailleurs concernés, sont réglées conformément à la législation en vigueur dans l'Etat de séjour. Quant à l'accord de Paris du 26 juillet 1961, il prévoit que les conditions d'emploi et de travail du personnel à statut local en Italie sont réglées par la loi italienne; les organes subsidiaires de l'OTAN doivent assurer des conditions d'emploi qui ne soient pas inférieures à celles prévues par la loi italienne et par les conventions collectives applicables en Italie aux activités professionnelles se rapprochant le plus de celles dudit personnel; enfin, il est précisé que les différends survenant entre un organe subsidiaire et le personnel civil en question seront résolus par les autorités compétentes de l'OTAN sans préjudice toutefois du droit de ce personnel à la protection judiciaire accordée par la loi italienne (article 8 d), e) et f)).
- 77. Le plaignant mentionne encore d'autres dispositions dont il ressort; selon lui, que les rapports entre les organes subsidiaires de l'OTAN et le personnel civil précité présentent un caractère de droit privé, soumis au droit italien. Parmi les dispositions qui devraient, à ses yeux, être applicables, la FILTAT-CISL cite en particulier la loi no 300 du 20 mai 1970 (qui concerne la sauvegarde de la liberté et de la dignité des travailleurs, de la liberté et des activités syndicales sur les lieux de travail et le placement des travailleurs) ainsi que les conventions collectives du travail.
- 78. La Cour de cassation a, dans un arrêt du 2 mars 1978 dont le plaignant joint une copie, répondu négativement à la question de savoir s'il existait des principes ou des normes pour étendre aux organes subsidiaires précités les règles de fond et de procédure en vertu desquelles l'ordre juridique italien réglemente l'activité syndicale sur les lieux de travail. La Cour a fait une analyse des instruments internationaux dans ce domaine et a souligné notamment que la clause selon laquelle les organes subsidiaires en question doivent assurer des conditions d'emploi non inférieures à celles prévues par la loi italienne et par les conventions collectives applicables en Italie ne s'étend pas aux droits syndicaux.
- 79. Le plaignant critique cet arrêt en invoquant en particulier des arguments tirés du droit italien. Il souligne aussi que presque tous les membres de l'OTAN ont souscrit à des conventions internationales qui consacrent l'obligation des contractants de respecter la liberté syndicale, notamment les conventions nos 87, 98 et 135 de l'OIT, et insiste sur la prééminence de ces instruments. Il joint enfin une série de documents en annexe à sa plainte.
- 80. Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'une part considérable de l'argumentation de la FILTAT ne relève pas du domaine de l'OIT et de son Comité de la liberté syndicale. Il rappelle que la relation de travail du personnel civil affecté au service de l'OTAN est régie par l'article IX, paragraphe 4, de la convention signée à Londres le 19 juin 1951 et par l'article 8, d), de l'accord de siège signé à Paris le 26 juillet 1961. Sur la base de ces textes, ajoute-t-il, la FILTAT semble vouloir amener le comité à se prononcer sur les conditions et sur les limites de l'application au personnel italien affecté aux bases de l'OTAN de la loi italienne no 300 portant statut des travailleurs ainsi que du système de protection judiciaire visé par les instruments internationaux précités. Le gouvernement estime que c'est vouloir faire intervenir le comité en dehors de son domaine propre: son rôle se rattache à l'application, des conventions de l'OIT et il a écarté les suggestions faites pour le transformer en une sorte d'instance non judiciaire qui se chargerait de réviser les procédures internes de chaque Etat. La FILTAT, poursuit le gouvernement, cherche à faire modifier la position arrêtée par la Cour de cassation elle-même à propos des conditions d'application de la loi no 300 précitée et l'on ne peut retenir cette approche: la question qui porte sur une loi interne dépassant même, quant à la protection des travailleurs, les conventions de l'OIT, a été tranchée par la plus haute juridiction interne et la Cour constitutionnelle s'est elle aussi prononcée sur certains aspects qui relèvent de sa compétence spéciale.
- 81. Seules les questions se rattachant aux conventions nos 87, 98 et 135, invoquées par le plaignant, peuvent donc, continue-t-il, relever du Comité de la liberté syndicale. Or les conventions de l'OIT ne lient que les Etats les ayant ratifiées et elles n'engagent pas les organisations internationales en tant que telles. Sans doute peut-il exister, pour un Etat qui en même temps est partie à des conventions de l'OIT et membre d'une organisation internationale (et donc engagé par les actes internationaux passés par elle), des questions de coordination entre ces engagements internationaux contractés. Cependant, il n'existe pas entre ceux-ci un ordre de priorité formelle qui puisse affecter leur validité ou permettre d'empiéter sur l'indépendance, la souveraineté de l'Etat concerné: il appartient à l'Etat de veiller à la coordination de ses engagements internationaux, compte tenu de leur nature et de leurs buts.
- 82. On ne peut ignorer non plus, déclare encore le gouvernement, qu'une organisation internationale se compose d'un certain nombre d'Etats membres. Un Etat lié par les conventions de l'OIT ne peut ignorer la présence d'une pluralité d'Etats membres d'une organisation internationale déterminée quand il est amené, dans le cadre de l'application par lui de ces conventions, à pénétrer dans des domaines communs aux Etats membres de cette organisation internationale. Concrètement, un Etat lié, comme l'Italie, par les conventions nos 87 et 98 de l'OIT ne peut ignorer que les conditions d'application de ces conventions dans des domaines concédés à une organisation internationale comme l'OTAN pourraient mettre en cause la position des autres Etats membres de cette organisation. Il ne s'agit pas, précise-t-il, de limiter le champ d'application des conventions de l'OIT, mais de faire en sorte que les conditions d'application de ces instruments soient déterminées de commun accord, dans le cadre des actes internationaux relatifs à cette organisation.
- 83. Le gouvernement n'a pas manqué, signale-t-il, de se conformer à ces principes à propos de l'application des conventions de l'OIT dans des situations comparables. Il n'a pas ignoré les questions soulevées par la FILTAT dans sa plainte et en a fait part aux organes compétents de l'OTAN. Il s'est en principe borné, indique-t-il, d'autant plus que la plupart de ces problèmes ont fait longuement l'objet de procédures judiciaires internes, à attirer l'attention de ces organes sur les plaintes formulées du côté syndical et a évité toute appréciation quant au fond, dans le souci de protéger les intérêts de l'organisation syndicale.
- 84. On ne saurait donc reprocher au gouvernement italien, estime-t-il, aucune violation, des conventions nos 87, 98 et 135; pour ce qui est de leurs conditions d'application dans les bases de l'OTAN (dont le régime est établi en vertu d'accords au sein de l'OTAN), le gouvernement s'est acquitté de ses obligations découlant des conventions de l'OIT, compte tenu de l'existence d'autres instruments internationaux d'une portée égale au moins, ainsi que des intérêts des autres Etats membres de l'OTAN qui sont aussi en jeu. Le gouvernement se réfère ensuite au caractère propre des organisations internationales qui relève de l'article 55 de la Charte des Nations Unies, à l'appui de sa position conforme, selon lui, à l'attitude que l'on doit attendre de tout Etat lié par une convention de l'OIT, lorsque sa mise en oeuvre exige une coordination à la fois souple et nécessaire avec d'autres instruments et organismes internationaux.
- 85. Dans ces conditions, le gouvernement déclare que c'est uniquement à titre subsidiaire, et dans le souci de préciser sa position sur l'ensemble de la plainte, qu'il formule des commentaires à l'égard des allégations en rapport avec les conventions nos 87, 98 et 135. Il relève le caractère tout à fait général des allégations en regard de la convention no 87: aucun élément ne vient, selon lui, étayer une quelconque affirmation de la violation de cet instrument. Pour ce qui est de la convention no 98, poursuit-il, les allégations ne semblent pas viser les droits subjectifs des travailleurs et il est ainsi reconnu qu'ils ont été respectés; c'est le droit d'organisation des travailleurs qui aurait été affecté par l'attitude qu'auraient adoptée les organes de certaines bases de l'OTAN et qui se traduirait notamment par un refus de négocier avec la FILTAT-CISL. Le problème est selon lui à la fois d'éviter des discriminations à l'encontre de certains syndicats et de ne pas accorder à certaines organisations une position dominante par rapport aux autres. Il souligne à cet égard que le Comité de la liberté syndicale n'a pas considéré le refus de la part d'un employeur de négocier avec un syndicat donné comme une atteinte à la liberté syndicale. Le gouvernement fait enfin observer qu'aucune allégation précise n'a été formulée en relation avec la convention no 135 également citée par le plaignant.
- 86. Le comité observe que la FILTAT-CISL déclare expressément présenter contre le gouvernement italien sa réclamation - au sens de l'article 24 de la Constitution de l'OIT - pour violation des conventions sur la liberté syndicale. Néanmoins, les allégations spécifiques contenues dans sa communication visent les organes subsidiaires de l'OTAN, situés en Italie, pour son personnel civil à statut local; elles ne concernent le gouvernement de l'Italie que dans la mesure où celui-ci, Etat de séjour, peut imposer l'application des conventions sur la liberté syndicale dans les relations de caractère syndical entre les organes internationaux et le personnel en question. Sur ce point, les différentes conventions internationales, mentionnées tant par le plaignant que par le gouvernement (convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres le 19 juin 1951; Protocole sur le statut des Quartiers généraux militaires internationaux, créés en vertu du Traité de l'Atlantique Nord, signé à Paris le 28 août 1952; accord de siège entre le gouvernement italien et le Commandement suprême allié en Europe, signé à Paris le 26 juillet 1961), déterminent le régime juridique particulier applicable aux organes subsidiaires précités ainsi qu'aux différentes catégories de personnes qui y travaillent.
- 87. Pour ce qui est spécialement du personnel civil à statut local, les conditions d'emploi et de travail sont régies par la législation italienne (article IX, paragraphe 4, de la convention de Londres; article 8 d) de l'accord de siège). Les organes subsidiaires précités peuvent arrêter les conditions d'emploi, les responsabilités et les fonctions de ce personnel, étant entendu qu'ils assureront des conditions d'emploi non inférieures à celles prévues par la loi italienne et par les conventions collectives applicables en Italie pour les activités professionnelles les plus proches de celles exercées par ce personnel. Les différends entre un organe subsidiaire de l'OTAN et le personnel civil précité sont résolus par les autorités compétentes de l'OTAN, sans préjudice toutefois du droit de ce personnel à la protection judiciaire accordée par la loi italienne (article 8 e) et f) de l'accord de siège).
- 88. Les tribunaux italiens ont été appelés à se prononcer sur le sens de ces dispositions et la Cour de cassation, dans un arrêt du 2 mars 1978, a estimé qu'il n'existait pas de principes ou de normes qui étendent aux organes subsidiaires précités les règles de fond et de procédure du droit italien dans le domaine spécifique des droits syndicaux que la Cour considère comme une matière différente quant aux sujets et quant à l'objet des conditions d'emploi et de travail. La question de la représentation du personnel civil à statut local est d'ailleurs réglée dans le règlement concernant ce personnel adopté par les autorités compétentes de l'OTAN. Le comité estimant qu'il ne rentre pas dans le cadre de sa mission d'interpréter lui-même, dans un sens ou dans un autre, les différents accords dont il vient d'être fait mention, se limite en conséquence à prendre acte de l'interprétation qui leur en a été donnée.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 89. Il résulte des considérations qui précèdent que l'Italie n'a pas le pouvoir d'imposer le respect des conventions sur la liberté syndicale aux organes compétents de l'organisation internationale précitée. L'irrecevabilité de la communication de la FILTAT-CISL est d'ailleurs formellement avancée par le gouvernement. Pour ce qui est de l'imputabilité des faits allégués aux organes subsidiaires de l'OTAN eux-mêmes, il faut en premier lieu souligner que le règlement relatif à la procédure à suivre en ce cas au titre de l'article 24 de la Constitution de l'OIT (article 3, paragraphe 2, d)) - comme d'ailleurs la procédure en vigueur pour l'examen des plaintes en violation de la liberté syndicale - suppose que les allégations soient dirigées à l'encontre d'un Etat, non d'un organisme international en tant que tel. La question se pose toutefois de savoir si on ne peut considérer une réclamation visant un organisme international comme visant effectivement l'ensemble des Etats constituants.
- 90. Le problème a été examiné à l'occasion d'une réclamation présentée par la Fédération syndicale mondiale, en vertu de l'article 24 de la Constitution, pour inexécution de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, contre les pays constituant les communautés européennes (CEE, CECA, FURATOM). Le comité désigné par le Conseil d'administration pour étudier cette affaire a estimé la réclamation irrecevable tant à l'égard des Etats concernés qui n'avaient pas ratifié la convention no 111 (en raison de l'absence de ratification, conformément à l'article 24 de la Constitution et à l'article 3 du règlement précité) qu'à l'égard de ceux qui l'avaient ratifiée, soulignant en particulier que la réclamation se référait à une action des autorités des communautés européennes concernant des fonctionnaires de ces communautés. Citant une commission d'enquête instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, ledit comité avait souligné que les obligations découlant de la ratification d'une convention internationale du travail, comme toute obligation résultant de conventions internationales générales, se limitent aux questions relevant de la juridiction de l'Etat partie à la convention, auquel ces obligations incombent. Ce principe est d'ailleurs expressément reconnu par le texte anglais de l'article 24 de la Constitution et de l'article 3, paragraphe 2, alinéa f), du règlement précité (indiquant que la réclamation doit alléguer qu'un Membre n'a pas assuré de manière satisfaisante l'exécution "within its jurisdiction" d'une convention à laquelle il est partie). Sur recommandation dudit comité, le Conseil d'administration, lors de sa session de février-mars 1978 (205e session) a en conséquence déclaré la réclamation précitée irrecevable quant à la forme.
- 91. Le Comité de la liberté syndicale estime que ces conclusions sont également valables dans le cas présent, d'autant plus que, contrairement à l'affaire qui vient d'être décrite, la réclamation elle-même ne vise pas l'ensemble des Etats parties aux traités instituant les organismes communs.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 92. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de décider, pour les raisons exposées aux paragraphes qui précèdent, qu'il n'y a pas lieu d'examiner l'affaire quant au fond.