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- 210. Le comité a déjà examiné ce cas à plusieurs reprises et pour la dernière fois à sa session de novembre 1979, à l'occasion de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration.
- 211. Depuis lors, le gouvernement a adressé une communication au BIT en date du 22 janvier 1980.
- 212. La Tunisie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examens précédents de l'affaire
A. Examens précédents de l'affaire
- 213. Le cas porte essentiellement sur les suites d'une grève générale de vingt-quatre heures déclenchée le 26 janvier 1978. Ce mouvement entraîna notamment l'arrestation et la condamnation de nombreux dirigeants syndicaux, parmi lesquels Habib Achour, secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT).
- 214. Le comité avait observé que les objectifs de la grève générale étaient définis de manière très différente par le gouvernement et par lés plaignants. Ces derniers soutenaient que les dirigeants syndicaux avaient été condamnés pour avoir exercé leurs activités syndicales. En revanche, pour le gouvernement, l'arrêt de travail était de nature politique et visait à mettre en difficulté le fonctionnement des institutions et à paralyser l'économie du pays. La Cour de sûreté de l'état, dans son arrêt du 9 octobre 1978, avait qualifié la grève générale d'illégale et condamné Habib Achour et ses collaborateurs pour avoir conspiré contre l'état. Le comité avait estimé les éléments à sa disposition trop contradictoires pour pouvoir se prononcer en pleine connaissance de cause sur les objectifs de la grève.
- 215. Au sujet de l'arrestation de nombreux syndicalistes et de la condamnation de certains d'entre eux, le comité avait relevé que beaucoup de ces personnes avaient recouvré la liberté (en raison d'un non-lieu, d'un sursis ou d'une mise en liberté conditionnelle). Ainsi, il ressortait d'une lettre transmise par le gouvernement en juin 1979 qu'à cette date 77 des syndicalistes arrêtés et mentionnés dans les plaintes se trouvaient en liberté et que 15 purgeaient encore leur peine. Le gouvernement n'avait cependant pas fourni de renseignements nouveaux sur l'un de ces dirigeants syndicaux, Ahmed Triki, secrétaire général adjoint de l'Union régionale de Sfax.
- 216. En octobre 1979, le gouvernement avait signalé qu'une mesure de grâce en faveur de M. Habib Achour avait été annoncée par le chef de l'Etat le 3 août 1979. L'intéressé, poursuivait-il, n'avait passé en prison qu'un an et quelques mois, alors qu'il avait été condamné à dix ans de travaux forcés. Le gouvernement ajoutait que les mesures de clémence dont pourraient éventuellement bénéficier les autres syndicalistes relèvent des prérogatives du chef de l'Etat.
- 217. Pour sa part, la CISL avait, également en octobre 1979, indiqué que, malgré la mesure de grâce accordée à Habib Achour, celui-ci était assigné à résidence et strictement surveillé. Certains des membres de sa famille étaient autorisés à lui rendre visite, mais il ne pouvait parler à des visiteurs qui n'auraient pas été agréés par la police de sûreté de l'Etat.
- 218. A sa session de novembre 1979, le Conseil d'administration avait, sur recommandation du comité:
- a) noté avec intérêt que 77 syndicalistes cités par les plaignants étaient en liberté et prié le gouvernement de préciser si ceux-ci avaient pu rependre leurs activités syndicales;
- b) noté avec intérêt également que Habib Achour avait fait l'objet d'une mesure de grâce, et demandé au gouvernement de fournir des informations sur les restrictions à la liberté dont celui-ci ferait encore l'objet ainsi que sur toute mesure qui serait prise en sa faveur;
- c) demandé également au gouvernement de fournir des informations sur toute mesure nouvelle qui, en vue de restaurer une pleine liberté syndicale, interviendrait à l'égard des quatorze syndicalistes cités en annexe qui étaient encore emprisonnés;
- d) invité le gouvernement à communiquer des informations sur la situation de M. Ahmed Triki.
B. Communication du gouvernement
B. Communication du gouvernement
- 219. Dans sa communication du 22 janvier 1980, le gouvernement se réfère en premier lieu à la situation des syndicalistes en liberté. Il indique à cet égard que l'exercice des responsabilités syndicales relève du libre choix des intéressés et est régi par les dispositions de l'article 251 du code du travail et l'article 25 du statut de l'UGTT.
- 220. L'article 251 du code du travail dispose que les fonctions de direction ou d'administration de tout syndicat sont interdites aux individus qui ont été condamnés par quelque juridiction que ce soit à une peine supérieure à trois mois d'emprisonnement. D'autre part, l'article 25 du statut de l'UGTT souligne que "seul est éligible au bureau du syndicat de base tout adhérent à l'UGTT depuis deux années entières, sous réserve qu'il n'ait pas été l'objet de condamnation de droit commun". Le gouvernement remarque que, parmi les soixante-dix-sept syndicalistes libérés, certains ont pu réintégrer leur syndicat de base en raison du fait qu'ils se sont conformés aux dispositions légales et en ont exprimé le désir.
- 221. En ce qui concerne la situation actuelle de Habib Achour, le gouvernement confirme ses précédentes déclarations, à savoir que l'intéressé vit actuellement au milieu des siens à la suite de la mesure de grâce prise en sa faveur. A propos des autres syndicalistes qui purgent encore leur peine, le gouvernement réaffirme que les mesures de clémence dont ils pourraient éventuellement bénéficier relèvent des prérogatives du chef de l'Etat.
- 222. Pour ce qui est de Mohamed Triki, secrétaire général de l'Union régionale de Sfax, le gouvernement indique qu'il a été libéré à la suite d'une décision de grâce présidentielle.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 223. Le comité prend note de la dernière communication du gouvernement. Il note en particulier avec intérêt que Mohamed Triki a été gracié et libéré. Le comité doit cependant constater que les quatorze dirigeants syndicaux encore incarcérés lors de sa session précédente n'ont toujours pas bénéficié de mesures de clémence. Il rappelle que ces personnes occupaient au sein de l'UGTT des fonctions syndicales importantes puisque neuf d'entre elles étaient membres de la direction nationale et cinq étaient responsables des fédérations régionales ou professionnelles. Le comité estime qu'un réexamen de la situation de ces dirigeants encore emprisonnés contribuerait à atténuer les tensions pouvant encore subsister à la suite des graves événements de janvier 1918 et à restaurer pleinement la liberté syndicale.
- 224. Au sujet de Habib Achour, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas fourni d'informations plus précises sur sa situation, et en particulier sur l'existence ou l'absence de restrictions à sa liberté de mouvement. Le comité souhaiterait être tenu informé de toute mesure nouvelle qui serait prise tant à l'égard de Habib Achour qu'à celui des dirigeants encore emprisonnés, et dont la liste figure en annexe au 197e rapport du comité.
- 225. Pour ce qui est de la situation des anciens dirigeants de l'UGTT aujourd'hui libérés, le comité note que certains d'entre eux ont réintégré leur syndicat de base. Il semble ressortir toutefois des dispositions du code du travail que les personnes condamnées à la suite de la grève du 26 janvier 1978 ne peuvent plus accéder à des responsabilités de direction syndicale. A cet égard, le comité estime qu'il conviendrait, pour définir les motifs d'inéligibilité aux fonctions syndicales, d'établir une distinction entre les différents délits, selon que ces derniers mettent en danger ou non l'exercice correct de responsabilités syndicales. Dans le cas présent, le comité considère qu'il serait utile, dans un souci d'apaisement et dans une perspective de développement du mouvement syndical tunisien, d'envisager à l'avenir la possibilité pour les dirigeants condamnés d'accéder à nouveau à des fonctions syndicales.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 226. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de noter avec intérêt que Mohamed Triki a été gracié et libéré;
- b) de souligner qu'un réexamen de la situation des quatorze dirigeants syndicaux encore emprisonnés et mentionnés en annexe au 197e rapport du comité contribuerait à atténuer les tensions pouvant encore subsister à la suite de la grève de janvier 1978 et à restaurer pleinement la liberté syndicale;
- c) de regretter que le gouvernement n'ait pas fourni d'informations plus précises sur la situation de Habib Achour;
- d) de prier le gouvernement de tenir le comité informé de toute mesure nouvelle qui serait prise tant à l'égard de Habib Achour qu'à celui des dirigeants syndicaux emprisonnés;
- e) de signaler à l'attention du gouvernement les considérations exprimées au paragraphe antérieur concernant les conditions d'éligibilité des dirigeants syndicaux;
- f) de prendre note de ce rapport intérimaire.