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Rapport intérimaire - Rapport No. 187, Novembre 1978

Cas no 893 (Canada) - Date de la plainte: 04-NOV. -77 - Clos

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  1. 512. La plainte du Congrès du travail du Canada est formulée dans une communication datée du 4 novembre 1977, et celle de l'Association canadienne des professeurs d'université dans une communication datée du 6 décembre 1977. Ces plaintes ont été transmises au gouvernement du Canada qui, dans une communication datée du 4 mai 1978, a transmis les observations du gouvernement de l'Alberta au sujet des plaintes.
  2. 513. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 514. Dans sa plainte datée du 4 novembre 1977, le Congrès du travail du Canada déclare que les allégations se fondent sur la promulgation par le gouvernement de l'Alberta du projet de loi no 41, connue sous le nom de "loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique", 1977, chapitre 40. Ladite loi a reçu la sanction royale en mai 1977 et a été promulguée le 22 septembre 1977. L'organisation plaignante déclare en particulier que la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique, à l'article 93, contient une interdiction générale des grèves dans la fonction publique sous peine de sanctions extrêmement sévères. Conformément à cet article, "nul ne doit provoquer ou chercher à provoquer une grève par les personnes auxquelles s'applique la présente loi". L'article 95 ajoute que "quiconque contrevient à l'article 93 (l) ou à l'article 94 (l) est coupable d'une infraction et passible, sur déclaration sommaire de culpabilité, d'une amende de 10.000 dollars au plus".
  2. 515. L'organisation plaignante allègue que pareille interdiction générale des grèves n'est pas en harmonie avec l'article 10 de la convention no 87, étant donné qu'elle constitue une restriction sérieuse des possibilités ouvertes aux syndicats de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres. Les plaignants ajoutent qu'une telle disposition est de nature à limiter la portée des articles 3 et 8 de la convention no 87.
  3. 516. Le Congrès du travail du Canada allègue, par ailleurs, que l'article 93 de la loi fait une discrimination criante entre plusieurs groupes professionnels, voire entre les mêmes catégories de personnel. C'est ainsi que le personnel de l'Office des alcools de l'Alberta se trouve sous l'interdiction totale et générale de faire la grève, alors que les employés du téléphone continuent à jouir encore du droit de grève aux termes de la loi de l'Alberta sur le travail de 1973. De plus, le personnel des hôpitaux provinciaux est frappé, lui aussi, d'une interdiction générale de faire la grève, alors que celui des hôpitaux municipaux (représenté par le même syndicat) est libre de faire la grève au cours d'une procédure de règlement d'un différend. Les maîtres qui enseignent dans les écoles secondaires publiques ont le droit de grève qui est dénié à leurs collègues des collèges et des universités.
  4. 517. Au dire de l'organisation plaignante, la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique enfreint également l'article 4 de la convention no 98 dans la mesure où l'article 48 de ladite loi exclut de la négociation certaines questions précises telles que: a) l'organisation du travail, l'affectation des tâches et la détermination des effectifs; b) les systèmes d'évaluation des tâches et l'affectation des tâches individuelles et des positions dans ces systèmes; c) la sélection, la nomination, la promotion, la formation ou le transfert; d) les pensions. Ces restrictions, au dire des plaignants, restreignent la liberté de conclure des conventions collectives et portent atteinte au caractère volontaire du dispositif de négociation, tel qu'il est envisagé à l'article 4 de la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  5. 518. Les plaignants poursuivent en déclarant qu'en application des articles 104, 111 et 113 (et de l'annexe 2 (l), 2 (2), 3 (l) et 3 (2)), le personnel enseignant des universités a été privé du droit de choisir s'il désire ou non négocier collectivement. De plus, certains personnels de l'hôpital pour enfants de Calgary et du Red Deer collège, représentés par le Syndicat canadien des fonctionnaires, ont perdu une partie de leur droit de négociation après l'adoption de la loi de l'Alberta sur les relations professionnelles de 1973; en effet, le droit de grève leur a été alors retiré, et la pleine liberté de négociation dont ils jouissaient auparavant a été sérieusement entravée par l'article 48 de la loi de 1977.
  6. 519. Dans sa plainte datée du 6 décembre 1977, l'Association canadienne des professeurs d'université allègue que la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique va directement à l'encontre de la convention no 87 et, en particulier, que la loi exclut les membres de l'association de son champ d'application et les prive, du même coup, des droits et de la protection prévus dans le Code du travail de l'Alberta. A cet égard, l'organisation plaignante rappelle que le paragraphe 2 (l) de la loi dispose que celle-ci "ne s'applique pas a) aux personnes désignées dans l'annexe dans la mesure qui y est spécifiée", c'est-à-dire, selon le paragraphe 2 de l'annexe, "l) le conseil de direction de chaque université, aux termes de la loi sur les universités, lorsqu'il agit en qualité d'employeur du personnel universitaire de chaque université, tel qu'il est défini dans la loi sur les universités; 2) le personnel universitaire de chaque université, tel qu'il est défini dans la loi sur les universités". L'organisation plaignante poursuit en rapportant que l'article III de la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique modifie "la loi sur les universités a) à l'article 19, où le paragraphe 5 est supprimé et remplacé par ce qui suit: 5) la loi de l'Alberta de 1973 sur le travail ne s'applique pas au conseil ni au personnel universitaire".
  7. 520. Les plaignants allèguent que ce texte législatif ne permet pas aux professeurs de faculté de s'organiser s'ils le désirent aux termes des dispositions de la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique et de la loi de l'Alberta sur le travail. L'organisation plaignante signale, par ailleurs, que des restrictions sont apportées au droit des associations du corps enseignant universitaire d'organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leur programme d'action et que les autorités interviennent dans les activités légales des organisations de fonctionnaires.
  8. 521. Dans sa réponse à la plainte, le gouvernement de l'Alberta déclare que la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique a été sanctionnée le 18 mai 1977 et est entrée en vigueur le 22 septembre 1977. La loi a été soumise au législatif provincial pour approbation, étant donné que le gouvernement, en sa qualité d'employeur, et l'agent de négociation représentant les fonctionnaires ont tous deux reconnu que le mécanisme de négociation collective existant avait fort peu contribué à promouvoir des relations mutuellement acceptables dans ce domaine. Au dire du gouvernement, le cadre législatif dans lequel s'inscrivaient les relations antérieures contenait de nombreuses anomalies et plusieurs lois contradictoires, créant ainsi de sérieuses difficultés de procédure sans fournir aux deux parties un mécanisme véritablement satisfaisant pour le règlement des différends.
  9. 522. Le gouvernement poursuit en déclarant qu'avant de rédiger le projet de loi un groupe d'étude des relations professionnelles dans la fonction publique de la province, dans lequel les représentants de l'employeur et des fonctionnaires étaient représentés sur un pied d'égalité, avait soigneusement examiné les questions très délicates qui sont associées à la négociation collective dans le secteur public. Ce groupe a voyagé dans tout le Canada et a rencontré des dirigeants syndicaux et des représentants des directions très au fait de ces problèmes. Le groupe a été informé des prises de position des associations qui souhaitaient faire connaître leur opinion sur ce sujet particulier.
  10. 523. Toujours selon les explications du gouvernement, les membres du groupe d'étude ont trouvé qu'aucune solution véritablement meilleure ne s'était dégagée dans les autres provinces du Canada, bien que les gouvernements de celles-ci se soient trouvés en face des mêmes problèmes. Il n'y a tout simplement pas de consensus sur le cadre législatif le plus satisfaisant ou sur la technique la plus efficace pour régler les différends. Bien que les membres du groupe aient été en mesure de présenter plusieurs recommandations acceptables par les deux parties, l'absence générale d'un accord sur cette question au Canada se reflète dans les recommandations distinctes présentées par les deux parties représentées dans le groupe. Toutefois, au dire du gouvernement, deux besoins principaux ont été reconnus: la loi qui a été finalement approuvée devrait consolider et clarifier le cadre législatif qui régit les relations entre le gouvernement de l'Alberta et ses fonctionnaires et elle devrait fournir un mécanisme fonctionnel pour le règlement des différends. De l'avis du gouvernement de l'Alberta, la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique répond notamment à ces deux besoins.
  11. 524. Le gouvernement déclare que la loi reconnaît désormais l'intégrité et l'indépendance des agents de négociation des fonctionnaires. De surcroît, elle renforce les droits de négociation de ce personnel en permettant à tout syndicat d'organiser les fonctionnaires provinciaux. Pour le gouvernement, cette disposition étend sensiblement le champ d'organisation potentielle de nombreux syndicats de l'Alberta, tout en leur permettant de promouvoir les intérêts de leurs membres actuels en faisant porter leurs efforts d'organisation dans des domaines autrefois inaccessibles. En prévoyant des procédures spécifiques d'agrément et de retrait d'agrément, ainsi que des sauvegardes en ce qui concerne l'interdiction de toute ingérence de l'employeur dans la constitution ou les activités d'un syndicat, la loi garantit que les droits d'organisation et de représentation des fonctionnaires par un agent de leur choix ne seront pas supprimés.
  12. 525. Le gouvernement indique que le pouvoir d'appliquer la loi appartient à un organisme impartial et indépendant, l'office des relations professionnelles dans la fonction publique. L'office est seul habilité à trancher définitivement les questions découlant de l'application courante de la loi, pouvoir auparavant dévolu à un ministre du gouvernement. Ce système, ajoute le gouvernement, assure la protection à long terme des intérêts des fonctionnaires. Les pouvoirs de cet office para judiciaire, composé de cinq membres, comprennent celui de mener des enquêtes, de publier des certificats concernant les droits de négociation des syndicats, de nommer des médiateurs et des offices d'arbitrage, ainsi que d'examiner les pratiques déloyales en matière de travail et de publier des directives à ce sujet.
  13. 526. Toujours au dire du gouvernement, l'autorité de l'office des relations professionnelles dans la fonction publique, bien que très grande, est en dernière analyse strictement limitée par d'importantes considérations de compétence qui sont inhérentes à la loi elle-même. La loi de l'Alberta sur les relations professionnelles dans la fonction publique est destinée à nationaliser certains aspects structurels des relations très particulières qui existent entre le gouvernement d'une province canadienne et ses fonctionnaires. Quelles que soient les analogies éventuelles avec les services assurés par des administrations locales, la loi évite délibérément tout empiétement sur les domaines de compétence de celles-ci. Sa portée limitée dans le domaine des soins médicaux, par exemple, est une conséquence directe du désir de reconnaître le rôle, dans cette branche d'activité, d'administrations situées à d'autres niveaux. Le gouvernement déclare n'avoir jamais eu l'intention d'établir par la loi un cadre global pour les négociations collectives dans une branche d'activité quelconque. La loi évite d'ailleurs soigneusement d'empiéter sur les activités du secteur privé et ne doit s'appliquer qu'aux seuls fonctionnaires provinciaux.
  14. 527. Le gouvernement soutient avoir respecté également l'autonomie intérieure traditionnelle des collèges et des universités de l'Alberta, pour ce qui touche les relations entre ces institutions et le corps enseignant. Le milieu particulier de ces établissements d'enseignement s'ajoute aux différences bien naturelles que l'on peut relever dans les besoins en matière de négociation collective et dans les espérances d'un personnel ayant une formation supérieure et diversifiée, pour créer des relations qualitativement uniques du fait des fonctions exercées par les intéressés. Ces relations comportent des accords et des conventions de longue durée qui continuent d'influencer le comportement des parties. Or la loi mise en cause reconnaît le rôle et l'importance de ces arrangements et évite de s'y immiscer.
  15. 528. Au dire du gouvernement, la nouvelle législation s'attaque aussi au problème très difficile du règlement des différends dans le secteur public. Les dispositions de la loi reflètent la conviction des législateurs provinciaux de l'Alberta selon laquelle les techniques de règlement des différends ordinairement acceptables dans le secteur privé ne sauraient convenir au secteur public.
  16. 529. La loi prévoit un système d'arbitrage pour le règlement des différends qui surviennent pendant la durée de validité d'une convention; ainsi des mécanismes de médiation et d'arbitrage sont à disposition pour être utilisés à différents stades du processus de négociation. La loi définit clairement la procédure ainsi que le fonctionnement des mécanismes prévus. Lorsqu'il y a désaccord sur la procédure à suivre, l'Office des relations professionnelles dans la fonction publique tranche en dernier ressort, et sa décision a force obligatoire.
  17. 530. Le gouvernement poursuit en déclarant que, si les parties sont incapables de régler les différends qui surgissent en cours de négociation, elles peuvent - comme il l'a déjà dit - recourir à l'arbitrage pour résoudre les questions en litige. Dans le cadre de la nationalisation globale du mécanisme de règlement des différends, la loi définit les questions qui peuvent être soumises à l'arbitrage. La plupart des questions susceptibles d'être soulevées au cours de la négociation collective peuvent être soumises à l'arbitrage, à quelques rares exceptions près: dans un processus de règlement des différends dans la fonction publique de la province, les fonctions et les responsabilités de l'employeur ne sont pas considérées comme des questions pouvant être tranchées par une tierce partie. Désireux d'assurer convenablement, comme par le passé, ses responsabilités vis-à-vis de ses administrés, le gouvernement estime convenable de conserver la souplesse dont il jouit pour prendre ses décisions sur les effectifs, l'organisation et l'affectation du personnel. La décision sur la possibilité de soumettre une question particulière à l'arbitrage appartient à l'Office des relations professionnelles dans la fonction publique.
  18. 531. D'une manière générale, le gouvernement relève que la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique traite essentiellement, mais non exclusivement, de trois aspects importants que présentent les fondements législatifs des relations entre le gouvernement de l'Alberta et le personnel de la fonction publique dans cette province. La loi confirme les droits fondamentaux des fonctionnaires de s'organiser et de se syndiquer, elle crée un mécanisme administratif fonctionnel placé sous l'autorité d'un organe para judiciaire et elle prévoit des mécanismes pour régler les différends dans le secteur public. Elle aborde d'une manière positive et constructive les difficultés persistantes dues au caractère unique du milieu que constitue le secteur public de la province, tout en reconnaissant et en respectant certaines relations de négociation qui existent depuis longtemps et qui sont efficaces.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 532. Le comité note que la promulgation de la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique a constitué une tentative de codifier un certain nombre de textes législatifs applicables aux fonctionnaires provinciaux, dont la loi de 1973 portant Code du travail de l'Alberta, la loi sur les relations professionnelles des fonctionnaires de l'Agence de la Couronne et la loi sur la fonction publique. La nouvelle législation a été précédée d'un examen, par un groupe d'étude comprenant des représentants des pouvoirs publics et des syndicats, de la situation des relations du travail dans la fonction publique. Comme le gouvernement le relève, bien que le groupe d'étude ait présenté plusieurs recommandations acceptables par les deux parties, l'absence générale de consensus que l'on constate au Canada dans ce domaine s'est traduite dans les recommandations distinctes élaborées par les deux parties représentées dans le groupe.
  2. 533. La promulgation ultérieure de la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique, qui est entrée en vigueur le 22 septembre 1977, a donné lieu aux présentes plaintes qui portent sur quatre points principaux: l) la nouvelle loi impose aux fonctionnaires l'interdiction générale de la grève et prévoit des sanctions sévères en cas d'infraction; 2) la loi opère une discrimination entre diverses catégories de fonctionnaires: les uns, parce que la nouvelle loi leur est applicable, se voient refuser le droit de grève, alors que les autres le conservent en vertu d'une législation différente, la nouvelle loi ne leur étant pas applicable; 3) la loi exclut certaines questions de la négociation collective; 4) la loi a notamment pour conséquence de retirer au corps enseignant universitaire le droit de choisir s'il désire ou non recourir à la négociation collective. Le comité examinera séparément ces allégations.
  3. 534. Les articles 93 et 94 de la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique contiennent une interdiction générale des grèves et des lock-out et l'article 95 frappe d'une amende de 10.000 dollars au plus toute infraction à ces dispositions. A cet égard, le comité a signalé à plusieurs occasions que la reconnaissance du principe de la liberté d'association aux fonctionnaires publics n'implique pas nécessairement aussi le droit de grève. Le comité a également souligné l'importance qu'il attache à ce que, lorsque les grèves sont interdites ou soumises à des restrictions dans les services essentiels ou dans la fonction publique, des garanties appropriées soient accordées pour sauvegarder les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense professionnelle; il a aussi indiqué que les restrictions devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et rapides, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer et que les décisions arbitrales devraient être dans tous les cas obligatoires pour les deux parties. De tels jugements, une fois rendus, devraient être exécutés rapidement et de façon complétez. Le comité note que la loi prévoit la médiation et l'arbitrage en cas de différends. Aucune allégation n'a été présentée en ce qui concerne l'insuffisance de ces procédures.
  4. 535. En ce qui concerne les entreprises publiques, le comité a souligné qu'il ne paraîtrait pas approprié que toutes les entreprises d'Etat soient placées sur le même pied, en ce qui concerne les restrictions apportées au droit de grève, sans que la législation distingue entre celles qui sont vraiment essentielles, parce que l'interruption de leur fonctionnement peut être nuisible au public, et celles qui ne le sont pas d'après ce critère. Dans un cas, par exemple, le comité a estimé qu'il n'était pas établi de façon convaincante que l'Office de la monnaie, le Service des imprimeries d'Etat et les monopoles d'Etat des alcools, du sel et du tabac constituaient des services réellement essentiels, d'après le critère énoncé. Bien que l'on puisse affirmer que des arrêts de travail provoqués par les travailleurs intéressés puissent gêner le public, il ne parait pas possible de considérer qu'ils pourraient causer un préjudice grave à l'intérêt générale.
  5. 536. Le comité voudrait également signaler que la convention sur les relations de travail dans la fonction publique, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 64e session (juin 1978), ne traite pas de la question du droit de grève.
  6. 537. Le comité note qu'un certain nombre d'entreprises publiques sont exclues du champ d'application de la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique (l'administration des téléphones, la société d'émissions éducatives, l'administration des chemins de fer, etc.). Les plaignants mentionnent l'Office des alcools de l'Alberta dont le personnel n'a pas le droit de grève en vertu de la nouvelle loi. Eu égard aux principes et aux considérations énoncés, le comité suggère au gouvernement d'envisager la possibilité de modifier la législation de manière que, dans les cas où les grèves sont interdites dans certaines entreprises, celles-ci soient limitées aux services qui sont essentiels au sens strict du terme.
  7. 538. En ce qui concerne le deuxième point soulevé par les plaignants, il est allégué que la loi opère une discrimination entre différentes catégories de fonctionnaires: les uns, auxquels la nouvelle loi est applicable, ne jouissent pas du droit de grève alors que les autres, auxquels la nouvelle loi n'est pas applicable, continuent à jouir de ce droit en vertu d'une législation différente.
  8. 539. A cet égard, le comité a pris note de l'explication du gouvernement selon laquelle la nouvelle loi évite délibérément de s'immiscer dans les domaines de compétence des administrations locales, indépendamment des analogies qui peuvent exister dans les services assurés à différents niveaux de l'administration publique. La portée limitée de la loi dans le domaine des soins de santé, par exemple, découle directement, au dire du gouvernement, du désir de reconnaître le rôle que d'autres échelons de l'administration publique jouent dans cette branche d'activité. Le comité prend note également de la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'a jamais été dans les intentions de celui-ci de fournir un cadre général à la négociation collective dans une branche d'activité quelconque.
  9. 540. Le comité estime que, dans la mesure où elle exclut de son champ d'application certaines catégories de fonctionnaires qui continuent de bénéficier des dispositions plus favorables d'autres textes législatifs, la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique ne viole pas les droits syndicaux.
  10. 541. Le troisième objet de la plainte consiste en une allégation relative à l'exclusion de certaines questions du champ de la négociation collective. Le comité note que l'article 48 de la loi, auquel les plaignants se référent sur ce point, prévoit en fait qu'une sentence arbitrale ne peut porter que sur des questions susceptibles d'être comprises dans une convention collective, mais qu'il en est d'autres qui ne sauraient être soumises à l'arbitrage, notamment: a) l'organisation du travail, l'affectation des tâches et la détermination des effectifs; b) les systèmes d'évaluation des tâches et l'affectation des différentes tâches et positions dans ces systèmes; c) la sélection, la nomination, la promotion, la formation ou le transfert; d) les pensions. De l'avis du comité, la disposition en cause ne semble pas exclure la possibilité de négocier sur ces questions. Pour sa part, le gouvernement a expliqué qu'il estimait que certaines questions ne se prêtent pas à la détermination par une tierce partie dans une procédure d'arbitrage et qu'il était juste, à son avis, de chercher à conserver toute la souplesse dont il dispose pour prendre des décisions à ce sujet.
  11. 542. Le comité comprend par là que le gouvernement peut prendre une décision unilatérale sur des questions négociables collectivement mais sont exclues de la procédure d'arbitrage en cas de désaccord, alors que certaines d'entre elles se rapportent directement aux conditions d'emploi des fonctionnaires. Les fonctionnaires auxquels la loi est applicable et qui sont donc privés également du droit de grève, ne sont pas non plus en mesure de soumettre ces questions à l'arbitrage. Le comité voudrait relever qu'il est certaines questions qui, manifestement, relèvent au premier chef ou essentiellement de la gestion et de l'exploitation des affaires du gouvernement; ces questions peuvent raisonnablement être considérées comme étrangères au champ des négociations. Il est également évident que certaines autres questions se rapportent au premier chef ou essentiellement aux conditions d'emploi et elles ne devraient pas être considérées comme étant en dehors du champ de négociations collectives menées dans une atmosphère de bonne foi et de confiance mutuelle.
  12. 543. Le comité voudrait en conséquence recommander au Conseil d'administration de demander au gouvernement, à la lumière des principes et considérations énoncés ci-dessus, d'examiner la possibilité d'étendre le champ d'application de l'arbitrage à celles des questions précisées à l'article 48 (2) de la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique qui se rapportent directement aux conditions d'emploi des fonctionnaires.
  13. 544. Quant au quatrième point de la plainte qui intéresse le corps enseignant universitaire, le comité note que la nouvelle loi n'est pas applicable au personnel des collèges et des universités qui est spécifiquement exclu du champ d'application de la loi de l'Alberta sur le travail (1973). Le comité note aussi à cet égard que la nouvelle loi ne reflète ni les recommandations des représentants gouvernementaux ni celles des représentants syndicaux au groupe d'étude qui ont tous deux souhaité, en effet, de voir définir nettement la position de ces personnels en matière de négociation collective.
  14. 545. Le comité recommande au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement à fournir des informations concernant le droit d'organisation des membres du corps enseignant des collèges et des universités et leur droit de négociation collective aux fins de déterminer leurs conditions d'emploi, ainsi que les mécanismes dont ils disposent pour le règlement des différends.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 546. Dans ces conditions, et en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • i) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations exposés aux paragraphes 534 à 536 ci-dessus concernant le droit de grève dans le service public et dans les services essentiels et de suggérer au gouvernement la possibilité d'envisager une modification de la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique de sorte que, dans les cas où la grève est interdite dans certaines entreprises, celles-ci soient limitées aux services qui sont essentiels au sens strict du terme;
    • ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations exposés aux paragraphes 541 et 542 ci-dessus concernant la portée de la négociation collective et de demander au gouvernement d'envisager la possibilité d'étendre le champ des questions qui peuvent être soumises à l'arbitrage, de manière à y inclure les questions spécifiées à l'article 48 (2) de la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique qui concernent directement les conditions d'emploi des fonctionnaires;
    • iii) d'inviter le gouvernement à fournir des informations détaillées concernant le droit d'organisation des membres du corps enseignant des collèges et universités, le droit de ces personnels à négocier collectivement aux fins de déterminer leurs conditions d'emploi, ainsi que les mécanismes prévus pour le règlement des différends;
    • iv) de prendre note de ce rapport intérimaire.
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