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Rapport intérimaire - Rapport No. 187, Novembre 1978

Cas no 874 (Espagne) - Date de la plainte: 18-MARS -77 - Clos

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  1. 469. Le comité a déjà examiné ce cas en mai 1977 et il a présenté, à cette session, des conclusions intérimaires qui figurent aux paragraphes 257 à 264 de son 168e rapport. Le Conseil d'administration a approuvé ce rapport à sa session de mai-juin 1977 (203e session).
  2. 470. L'Espagne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 471. La CISL déclarait que le décret-loi royal no 17 du 4 mars 1977 sur les relations professionnelles, tout en reconnaissant le principe du droit de grève par les travailleurs, restreint en fait ce droit et le supprime même par le biais de plusieurs dispositions contraires aux principes de la liberté syndicale. Selon le plaignant, le décret-loi permet aux autorités gouvernementales de trancher de manière discrétionnaire la question de la légalité ou de l'illégalité de toute grève; il n'autorise pas les organisations syndicales représentatives des travailleurs à intervenir pour déclarer ou conduire une grève; il ne reconnaît pas aux organisations le droit de déclarer une grève dans le cadre et avec la portée nécessaire à la défense des travailleurs; il établit des limitations importantes au moyen de la procédure requise pour déclarer la grève; il considère comme des grèves illégales diverses formes d'action collective qui sont utilisées couramment dans des pays où le droit de grève est pleinement reconnu; il déclare illégales les grèves qui ont pour objet de modifier, pendant la durée de sa validité, les clauses d'une convention collective; il permet aux employeurs de désigner les travailleurs qui devront assurer le maintien des services essentiels dans l'entreprise et de restreindre ainsi l'exercice effectif de la grève; il ne reconnaît pas la légalité des piquets de grève; il conserve les dispositions relatives à l'approbation gouvernementale des conventions collectives et subordonne la stabilité des travailleurs dans leur emploi à la reconnaissance du droit de grève.
  2. 472. Le gouvernement avait répondu que cette législation avait été promulguée dans une période de transition, afin de reconnaître le droit des travailleurs de faire grève, dans le contexte général des relations professionnelles; le décret-loi n'avait pas pour objet d'empêcher ou de faire obstacle à l'exercice du droit de grève par les travailleurs et leurs organisations professionnelles à travers les représentants de celles-ci, mais bien au contraire de légitimer et de garantir l'exercice de ce droit. Ce n'était que dans ce sens que l'on pouvait, selon le gouvernement, interpréter les pouvoirs reconnus à ces représentants dans le déclenchement et la poursuite des grèves. D'autre part, ajoutait-il, avec la promulgation de la loi no 19 du 1er avril 1977 sur la réglementation du droit d'association syndicale, les développements de la législation critiquée par le plaignant devaient nécessairement être adaptés aux normes de ce texte postérieur, d'autant plus que celui-ci contenait une disposition selon laquelle "sont abrogées les dispositions contraires aux règles établies par la présente loi....". Le gouvernement déclarait enfin être résolu à donner effet, dans la législation et dans la pratique, à toutes les normes contenues dans les conventions nos 87 et 98.
  3. 473. En mai 1977, le comité avait noté en particulier que, selon le gouvernement, la nouvelle législation sur les relations professionnelles garantit l'exercice du droit de grève par les organisations syndicales à travers les représentants de celles-ci. Ce droit de grève, ajoutait le comité, constitue un des moyens essentiels dont disposent les organisations de travailleurs pour promouvoir et pour défendre les intérêts professionnels de ces derniers. D'une manière plus générale, il avait noté que, selon le gouvernement, cette législation avait été adoptée dans une période de transition, que ses développements devraient être adaptés à la nouvelle loi syndicale et que le gouvernement donnerait effet à toutes les normes contenues dans les conventions sur la liberté syndicale.
  4. 474. Dans ces conditions, le Conseil d'administration, sur recommandation du comité, avait prié le gouvernement de transmettre des informations sur toute évolution à cet égard. Ce dernier a répondu par des lettres des 15 février et 10 mai 1978.
  5. 475. Le gouvernement a signalé, dans la première de ces communications, la promulgation d'un décret-loi royal no 31 du 2 juin 1977 qui met fin à la syndicalisation obligatoire des employeurs et des travailleurs ainsi que d'un décret royal no 3149 du 6 décembre 1977 sur l'élection des représentants des travailleurs dans l'entreprise. Les deux chambres des Cortès, a-t-il ajouté, ont approuvé un accord conclu entre le gouvernement et les divers partis politiques représentés au Parlement (appelé "pacte de la Moncloa") où l'on envisage la transformation du régime actuel des relations professionnelles.
  6. 476. Le gouvernement se réfère, dans sa lettre du 10 mai 1978, aux élections syndicales organisées dans les entreprises. Il ajoute qu'il a soumis au Parlement un projet de loi portant réglementation des organes de représentation des travailleurs dans l'entreprise et il cite plusieurs dispositions de ce projet. Il mentionne également les dispositions du projet de Constitution sur la reconnaissance de la liberté syndicale, du droit de négociation collective et du droit de grève. Enfin, précise le gouvernement, dans son désir de faire progresser le processus d'élaboration législative et en tenant compte de toutes les aspirations des partenaires sociaux, il tient des réunions de travail avec les représentants des centrales syndicales les plus représentatives où se discutent les grandes questions de la réglementation des relations collectives du travail.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 477. Comme le comité l'a déjà signalé, l'article 3 de la convention no 87 reconnaît aux organisations syndicales le droit de formuler leur programme d'action et d'organiser leurs activités, dont découlent notamment le droit de négocier avec les employeurs ou celui d'exprimer leur point de vue sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts professionnels de leurs membres. C'est également en partant du droit ainsi reconnu aux syndicats que le comité a toujours considéré la grève comme un moyen essentiel dont disposent les travailleurs pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels.
  2. 478. En l'occurrence, le comité a examiné le décret-loi royal no 17 du 4 mars 1977 sur les relations professionnelles. Il estime que celui-ci contient, quant à l'exercice de ce droit de grève, certaines dispositions qui soulèvent des problèmes de conformité avec les principes de la liberté syndicale. En particulier, certaines conditions posées pour le déclenchement de la grève (notamment le quorum requis et la signature du procès-verbal par tous les représentants présents)z ainsi que pour le déroulement de celle-ci (rôle et composition du comité de grève) pourraient limiter sensiblement l'action des travailleurs et des syndicats qui les représentent dans ce type de conflit.
  3. 479. Le comité a relevé également l'interdiction des grèves pour les travailleurs qui prêtent leurs services dans des secteurs "vitaux" en vue d'interrompre le processus de production (article 7 (2)). De même, selon l'article 10, le gouvernement peut, sur recommandation du ministère du Travail, compte tenu de la durée ou des conséquences de la grève, de l'attitude des parties et de la gravité du préjudice porté à l'économie nationale, ordonner la reprise du travail pour une période maximum de deux mois ou à titre définitif par voie d'arbitrage obligatoire. Si le comité a admis que le recours à la grève puisse être limité, et même interdit, dans la fonction publique, les services essentiels, voire un secteur clé pour la vie d'un pays, c'est parce que - et dans la mesure où - un arrêt de travail peut y provoquer de graves préjudices pour la collectivité nationale. Ainsi, lorsqu'une législation reconnaissait aux autorités gouvernementales une grande latitude pour définir des activités qui devaient être qualifiées de services publics et qui pouvaient ne pas toujours coïncider avec les services pouvant être considérés comme "essentiels", le comité a estimé que le principe rappelé ci-dessus risquerait de perdre tout son sens s'il s'agissait de déclarer illégale la grève dans des entreprises ne fournissant pas un service essentiel au sens strict du terme. De même, dans le cas présent, le comité considère que les dispositions précitées laissent aux autorités gouvernementales un large pouvoir discrétionnaire pour soumettre un conflit de travail à une décision arbitrale obligatoire, empêchant de ce fait le recours à la grève.
  4. 480. Le comité constate par ailleurs que le décret-loi précité n'a pas abrogé les dispositions de la loi no 38 du 19 décembre 1973 sur les conventions collectives syndicales du travail qui permettent aux autorités de refuser l'homologation des accords collectifs pour contravention à une disposition légale et prévoient que ces conventions collectives ne pourront contenir de clauses susceptibles de causer de graves préjudices à l'économie nationale (articles 14 et 4 de la loi no 38 de 1973).
  5. 481. Les dispositions précitées soulèvent des problèmes de politique économique en rapport avec la pratique des négociations volontaires pour les salaires et les autres conditions de travail. D'après le comité, si, au nom d'une politique de stabilisation, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par des négociations collectives, cette restriction devrait être exceptionnelle et limitée à ce qui s'avère indispensable; elle ne devrait pas excéder un temps raisonnable et devrait s'accompagner des garanties appropriées pour protéger le niveau de vie des travailleurs.
  6. 482. D'autre part, pour ce qui est des restrictions permanentes à la négociation collective, le comité a suggéré que des procédures soient envisagées afin de remplacer ces restrictions. Les procédures en question devraient avoir pour objet d'inciter les parties à tenir compte volontairement, dans leurs discussions, de considérations relatives à la politique économique et sociale du gouvernement ainsi qu'à la sauvegarde de l'intérêt général. Pour cela, il faudrait en premier lieu que les objectifs reconnus comme d'intérêt général aient fait l'objet de larges consultations entre les pouvoirs publics et les organisations de travailleurs et d'employeurs, conformément aux principes énoncés dans la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960. En effet, si l'on veut qu'employeurs et travailleurs tiennent davantage compte de l'intérêt général dans leur action, il est indispensable que leurs organisations respectives soient étroitement associées à la définition de ce qui est considéré comme l'intérêt général. Le comité a toutefois souligné que les parties aux négociations devraient rester libres de leur décision finale. D'ailleurs, leur adhésion et leur concours restent des facteurs déterminants de l'efficacité de telles politiques.
  7. 483. Il ressort de la réponse du gouvernement, et le comité en prend note avec intérêt, que des discussions ont lieu entre les autorités gouvernementales et les organisations syndicales les plus représentatives sur les grandes questions de la réglementation des relations collectives du travail.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 484. Dans ces conditions, il recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'exprimer l'espoir que les discussions en cours entre le gouvernement et les centrales syndicales les plus représentatives aboutiront dans un proche avenir à des solutions satisfaisantes pour toutes les parties et qu'il sera tenu compte, dans la législation en préparation, des considérations et principes exposés aux paragraphes 477 à 482;
    • b) de prier le gouvernement de fournir des informations sur l'évolution de la situation à cet égard; et
    • c) de prendre note de ce rapport intérimaire.
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