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Rapport définitif - Rapport No. 187, Novembre 1978

Cas no 796 (Bahamas) - Date de la plainte: 21-JUIN -74 - Clos

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  1. 142. Dans une communication datée du 21 juin 1974, le Conseil des travailleurs des Bahamas et le Syndicat des travailleurs de la mécanique, des carburants, des services et des travailleurs assimilés (EGU) ont soumis à l'OIT une plainte contenant des allégations en violation des droits syndicaux aux Bahamas. Des informations complémentaires ont été transmises par les plaignants dans une communication du 21 septembre 1974.
  2. 143. La convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, avaient été déclarées applicables (la convention no 87, sous réserve de modifications) aux Bahamas à l'époque où elles constituaient un territoire non métropolitain dépendant du Royaume-Uni. A la date de réception de la plainte, les Bahamas n'étaient pas encore devenues Membres de l'OIT.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 144. Lorsqu'il a examiné le cas à sa session de novembre 1974, le comité avait noté qu'en vertu des dispositions de la procédure d'examen des plaintes en violation de la liberté syndicale instituée par voie d'accord entre les Nations Unies et l'Organisation internationale du Travail, avant que le Conseil d'administration du BIT renvoie à la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale une plainte déposée contre un membre des Nations Unies non Membre de l'OIT, cette plainte devrait être renvoyée au Conseil économique et social pour examen.
  2. 145. Dans ces conditions, le Conseil d'administration, sur recommandation du comité, avait décidé:
    • "a) de renvoyer au Conseil économique et social pour examen, conformément à la résolution no 277 (X) du 17 février 1950, la plainte déposée par le Syndicat des travailleurs de la mécanique, des carburants, des services et des travailleurs assimilés contre le gouvernement des Bahamas, lequel n'est pas membre de l'OIT;
    • b) de noter que, conformément à la résolution du Conseil économique et social no 277 (X) du 17 février 1950, il appartient au Conseil économique et social de décider quelles mesures il entend prendre en la matière, en sollicitant le consentement du gouvernement des Bahamas au renvoi du cas devant la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale, ou de toute autre manière."
  3. 146. La plainte ayant été renvoyée au Conseil économique et social, le Secrétaire général des Nations Unies, dans une note du 27 novembre 1974, a demandé le consentement du gouvernement des Bahamas au renvoi du cas devant la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale de l'OIT, conformément à la procédure établie dans la résolution no 277 (X). Cette demande fut suivie d'un échange de correspondance entre le gouvernement et le Secrétaire général et de l'envoi à ce dernier, par le Conseil des travailleurs des Bahamas, d'une nouvelle communication du 1er décembre 1976 contenant des informations complémentaires à l'appui de la plainte.
  4. 147. Le 13 mai 1977, au cours de sa 62e session, le conseil économique et social a noté que les Bahamas étaient devenues Membres de l'OIT le 25 mai 1976 et a en conséquence demandé au Secrétaire général de transmettre, en son nom, la documentation en sa possession à l'OIT en vue de toute action appropriée. Par la suite, le gouvernement a adressé ses observations sur les plaintes dans une communication envoyée à l'OIT le 14 juin 1978.
  5. 148. Depuis leur adhésion à l'OIT, les Bahamas ont ratifié la convention (no 98) concernant le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, en confirmant la déclaration d'application de cette convention qui avait été faite lorsqu'elles constituaient un territoire non métropolitain. Elles n'ont, en revanche, pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
    • II. Allégations des plaignants
  6. 149. Dans leur communication du 21 juin 1974, les plaignants indiquaient que, depuis l'indépendance, l'EGU avait essayé d'organiser les travailleurs de Radio Bahamas et de Bahamasair (l'une et l'autre des sociétés publiques), ainsi que ceux de la Catalytic West Indies Limited, société américaine dépendant de la Bahamas Oil Refining Company, à Freeport. Bien que, selon elle, l'EGU ait été majoritaire, les pouvoirs publics auraient interdit les élections pour déterminer la qualité d'agent négociateur de cette organisation et ont refusé de la reconnaître aux fins de la négociation collective. L'organisation plaignante soutenait également que les pouvoirs publics avaient menacé d'annuler l'enregistrement de l'EGU.
  7. 150. En outre, les plaignants indiquaient que l'EGU se voyait interdire son affiliation à tout mouvement international de travailleurs sans une autorisation spéciale des pouvoirs publics, qui est entièrement discrétionnaire et peut être retirée à tout moment sans recours possible (article 38 de la loi de 1970 sur les relations professionnelles).
  8. 151. Selon les plaignants, le gouvernement refusait de recevoir les plaintes présentées par l'EGU pour le compte de ses membres. Ils soutenaient également que la loi de 1970 sur les relations professionnelles, outre qu'elle viole les normes internationales sur la liberté syndicale, contrevient même aux dispositions de la Constitution des Bahamas qui garantissent ce droit. Dans un mémorandum joint en annexe à la communication, l'EGU énumérait les dispositions de la loi qui, selon lui, violent les principes de la liberté syndicale.
  9. 152. Dans leur communication du 21 septembre 1974, les organisations plaignantes transmettaient une copie de la loi de 1970 sur les relations professionnelles ainsi que des copies de quatre lettres adressées à l'EGU par le fonctionnaire préposé à l'enregistrement des syndicats. Dans la première de ces lettres (datée du 14 juillet 1972), ce fonctionnaire confirmait qu'il avait enregistré les statuts de l'EGU. Dans la seconde (datée du 17 novembre 1972), il invoquait la loi sur les relations professionnelles et déclarait qu'il songeait à annuler l'enregistrement du syndicat, en se fondant sur le fait que les statuts amendés de l'EGU contrevenaient aux règles contenues dans la loi pour l'enregistrement des syndicats. Il relevait en particulier que l'EGU prétendait, aux termes de l'article 18 de ses statuts modifiés, être en droit d'accepter parmi ses membres un large éventail de travailleurs dont beaucoup étaient déjà membres de syndicats créés de longue date et légalement enregistrés ou étaient en droit d'y adhérer. Le préposé à l'enregistrement estimait que cette disposition enfreignait les règles applicables à l'enregistrement des syndicats et que les professions nouvellement inscrites dans les statuts devaient être exclues. Le fonctionnaire préposé déclarait qu'avant que des mesures ne fussent prises, l'EGU devrait songer à amender ses statuts de manière à les adapter à la loi. Dans la troisième lettre (datée du 9 août 1973), il informait l'EGU qu'il examinerait la question de la reconnaissance de l'EGU par la Catalytic West Indies Limited et la Freeport Power Company Limited après avoir reçu des informations sur les amendements qu'on demandait au syndicat d'apporter à ses statuts. Dans la quatrième lettre (datée du 4 septembre 1973), le fonctionnaire en question mettait l'accent sur le fait que l'EGU s'était mis à s'intéresser aux secteurs de la radio et de l'aviation civile, secteurs pour lesquels ses statuts ne contenaient aucune disposition, et demandait à nouveau à l'EGU de se conformer à sa lettre du 17 novembre 1972.
  10. 153. Dans la communication datée du 1er décembre 1976 adressée au Secrétaire général des Nations Unies par le Conseil des travailleurs des Bahamas, les plaignants se référaient à nouveau au refus d'organiser des élections ou de certifier l'EGU en tant qu'agent négociateur à Radio Bahamas et à Bahamasair. Les plaignants alléguaient que les travailleurs de ces deux entreprises publiques avaient pris contact avec l'EGU auquel ils désiraient s'affilier. En conséquence, l'EGU, conformément à l'article 40, paragraphe 1, de la loi de 1970 sur les relations professionnelles, s'était adressé à la direction des deux sociétés pour faire reconnaître cette affiliation et avait envoyé une copie de ces requêtes au ministre du Travail.
  11. 154. Selon les plaignants, les employeurs étaient tenus, en vertu du paragraphe 2 de l'article 40 de la loi sur les relations professionnelles, d'accepter ou de rejeter la demande dans un délai de quatorze jours et d'envoyer une copie de leur réponse au ministre, l'absence de réponse équivalant à un rejet. En fait, les employeurs s'étaient bornés à accuser réception de la lettre et à indiquer que la question relevait exclusivement du ministère du Travail.
  12. 155. L'EGU écrivit alors au ministre, conformément aux paragraphes 3 et 4 de l'article 40 de la loi sur les relations professionnelles, et lui demanda d'organiser un vote au scrutin secret parmi les deux groupes de travailleurs. Selon les plaignants, le ministre n'a jamais répondu et ces votes n'ont jamais eu lieu. Le gouvernement, continuaient les plaignants, contrevenait ainsi à la loi sur les relations professionnelles, à la Constitution des Bahamas et à la convention no 87.
  13. 156. Au sujet du refus du gouvernement d'organiser un vote sur la reconnaissance du syndicat dans l'entreprise Catalytic West Indies Limited, les plaignants signalaient que cette société avait, entre-temps, cessé toute activité. Dans le cas de la société Freeport Power, les plaignants déclaraient que le gouvernement avait également à dessein élargi la composition de l'unité de négociation, de manière à empêcher une victoire de l'EGO.
  14. 157. Les plaignants déclaraient également que les statuts de 1969 de l'EGU avaient été modifiés de manière à élargir les possibilités d'affiliation. Ces modifications avaient été approuvées par les membres et enregistrées par le préposé à l'enregistrement des syndicats le 14 juillet 1972, Selon les plaignants, les statuts ainsi modifiés ouvraient aux travailleurs de Radio Bahamas et de Bahamasair le droit de s'affilier au syndicat. Toutefois, le 17 novembre 1972, le préposé à l'enregistrement a demandé à l'EGU de revenir à ses statuts de 1969 et menacé de le radier du registre à la date du 23 novembre 1972 en invoquant les dispositions de l'article 15 (cet article concerne les cas d'annulation d'enregistrement d'un syndicat) de la loi sur les relations professionnelles.
  15. 158. Le 4 septembre 1973, poursuivaient les plaignants, le secrétaire permanent au ministère du Travail a une nouvelle fois menacé l'EGU d'une radiation, cette fois à la date du 10 septembre 1973. Les plaignants fournissaient copie d'une lettre de protestation qu'ils adressèrent au ministère du Travail.
  16. 159. Les plaignants faisaient aussi référence à l'article 33 de la loi sur les relations professionnelles en vertu duquel aucun syndicat ne peut s'affilier à un mouvement étranger sans l'autorisation du ministre. Le ministre dispose d'un "pouvoir discrétionnaire absolu" pour accorder l'autorisation ou la refuser et peut l'annuler à tout moment. Ces dispositions, estimaient les plaignants, constituent une infraction à la Constitution des Bahamas et à l'article 5 de la convention no 87.
  17. 160. Les plaignants alléguaient enfin que les pouvoirs publics avaient, dans plusieurs cas, refusé de désigner un représentant aux fins d'organiser un vote sur l'opportunité de faire grève.
    • III. Réponse du gouvernement
  18. 161. Dans sa communication du 14 juin 1978, le gouvernement confirme que l'EGU a demandé sa reconnaissance comme agent négociateur dans les entreprises Radio Bahamas et Bahamasair. Conformément à la procédure normale, le ministère du Travail a demandé à la direction de Radio Bahamas une liste de tous ses employés, qui a été communiquée le 22 novembre 1972. En revanche, la demande, faite par le ministère à l'EGU, de communiquer la liste des membres affiliés à ce syndicat et employés à Radio Bahamas n'a jamais reçu de réponse. De ce fait, il était impossible de résoudre la question de la reconnaissance de ce syndicat.
  19. 162. Dans le cas de Bahamasair, la direction de cette entreprise a adressé la liste de ses salariés demandée par le ministère du Travail le 23 novembre 1973. Il a été également demandé à l'EGU de fournir la liste de ses membres employés à Bahamasair. Cette liste n'ayant pas été communiquée, il n'a pas été possible d'examiner la demande de reconnaissance présentée par cette organisation. En effet, poursuit le gouvernement, aux termes de l'article 39 (1) de la loi de 1970 sur les relations professionnelles, un syndicat ne peut être reconnu par l'employeur que s'il représente plus de 50 pour cent des salariés de l'établissement.
  20. 163. Le gouvernement rejette l'allégation selon laquelle il refuserait de respecter la liberté syndicale. A aucun moment, précise-t-il, il n'a déclaré que les travailleurs n'étaient pas libres d'adhérer à une organisation de leur choix. Le gouvernement précise que l'article 40 (5) de la loi sur les relations professionnelles garantit les droits des travailleurs et la liberté syndicale. Il cite en outre l'article 75 (1) de cette loi qui protège les travailleurs contre des actes de discrimination antisyndicale.
  21. 164. Au sujet de la reconnaissance de l'EGU au sein de l'entreprise Catalytic West Indies Limited, le gouvernement déclare que l'enquête avait révélé que deux syndicats, le syndicat des travailleurs de la construction, de la raffinerie et de l'entretien de Grand Bahama et l'EGU, avaient demandé à être reconnus comme agents négociateurs. Le ministère du Travail avait demandé aux deux syndicats de justifier leur demande. Le Syndicat des travailleurs de la construction, de la raffinerie et de l'entretien de Grand Bahama répondit à la requête du ministère et fut par conséquent désigné comme agent négociateur. Jusqu'à ce jour, l'EGU n'a pas fourni les informations demandées.
  22. 165. Le gouvernement indique, pour ce qui est de la Société Freeport Power, que les informations nécessaires n'ont pas été fournies par l'EGU et que, par conséquent, aucune décision quant à la reconnaissance n'a été prise.
  23. 166. En ce qui concerne les menaces de radiation de l'enregistrement de l'EGU, le gouvernement indique que, le 14 juillet 1972, le préposé à l'enregistrement des syndicats a enregistré un amendement aux statuts de l'EGU. Cet amendement tendait à donner à ce syndicat des pouvoirs contraires à la loi sur les relations professionnelles. En effet, le préposé à l'enregistrement ne doit pas enregistrer en tant que syndicat tout organe, association, fédération ou confédération qui, en vertu de ses statuts, peut compter comme affilié tout autre syndicat, organe ou association. En conséquence, poursuit le gouvernement, l'amendement n'aurait pas dû être enregistré. Dans une lettre datée du 17 novembre 1972, le préposé à l'enregistrement a informé le président de l'EGU que l'amendement en question avait été enregistré par erreur et a demandé que des mesures soient prises pour mettre en conformité les statuts de l'organisation avec la loi sur les relations professionnelles. L'EGU ne se conforma pas à cette demande. Le 4 septembre 1973, le préposé à l'enregistrement informa à nouveau l'EGU que ses statuts devraient se conformer à la loi pour que l'organisation puisse continuer à exister légalement, autrement, il y aurait lieu d'invoquer l'article 15 de la loi sur les relations professionnelles qui permet au préposé de radier l'enregistrement d'un syndicat. Toutefois, le gouvernement précise que, jusqu'à maintenant, aucune mesure n'a été prise pour annuler l'enregistrement de l'EGU.
  24. 167. En conclusion, le gouvernement déclare que la loi sur les relations professionnelles est la seule législation qui réglemente l'enregistrement et les activités des syndicats aux Bahamas et que tous les syndicats ne peuvent exister qu'en se conformant à cette loi.
  25. 168. Au sujet des allégations relatives au refus d'organiser un vote sur l'opportunité de faire grève, le gouvernement remarque qu'il n'existe aucun cas de refus à une demande présentée par l'EGU visant l'organisation d'un tel vote, en conformité avec la loi sur les relations professionnelles.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • IV. Conclusions du comité
    1. 169 Le comité note que le présent cas comporte plusieurs séries d'allégations: le refus du gouvernement d'organiser des votes sur la reconnaissance de l'EGU comme agent négociateur dans plusieurs entreprises, les menaces de radiation de l'enregistrement de l'EGU, l'interdiction pour un syndicat de s'affilier à une organisation internationale sans l'autorisation du ministre, le refus du gouvernement d'organiser un vote sur l'opportunité de faire grève, l'incompatibilité de certaines dispositions de la loi sur les relations professionnelles avec les principes de la liberté syndicale.
    2. 170 En examinant les allégations relatives au refus du gouvernement d'organiser des votes sur la reconnaissance de l'EGU comme agent négociateur dans plusieurs entreprises, le comité a pris connaissance des dispositions pertinentes de la loi de 1970 sur les relations professionnelles (articles 39 à 41). Aux termes de ces dispositions, tout employeur doit reconnaître comme agent négociateur en représentation de tous les travailleurs d'une unité de négociation un syndicat regroupant plus de 50 pour cent des salariés de l'unité considérée. Si plus d'un syndicat prétend avoir dépassé ce pourcentage, l'employeur doit reconnaître le syndicat déterminé par le ministre. Le ministre est investi de différents pouvoirs, notamment: a) d'examiner si le syndicat qui présente la demande de reconnaissance ou un autre syndicat compte plus de 50 pour cent des salariés concernés comme membres; b) d'organiser un scrutin secret pour déterminer quel syndicat les travailleurs choisissent comme agent négociateur. Quand le ministre a déterminé si un syndicat (et si oui, lequel) peut être reconnu comme agent négociateur, il le notifie aux parties et sa décision est finale. Un syndicat autre que l'agent négociateur peut demander sa reconnaissance après un délai de douze mois à compter de la reconnaissance, s'il n'y a pas de convention collective en vigueur, ou de deux ans à compter de la signature de la convention, s'il y en a une en vigueur. Une demande de reconnaissance peut être présentée à tout moment si un syndicat a été reconnu volontairement par l'employeur sans que le statut d'agent négociateur ait été déterminé par le ministre.
    3. 171 Le comité note que le système légal en vigueur aux Bahamas institue la reconnaissance obligatoire par l'employeur du syndicat majoritaire qui possède la qualité d'agent négociateur. Le ministre peut déterminer l'organisation reconnue comme agent négociateur sur la base du nombre des affiliés à un syndicat ou, si plusieurs organisations sont en présence, en se fondant notamment sur le résultat d'un scrutin secret organisé à cet effet.
    4. 172 Dans le cas de l'entreprise Catalytic West Indies Limited, le Syndicat des travailleurs de la construction, de la raffinerie et de l'entretien de Grand Bahama semble avoir apporté la preuve qu'il regroupait plus de 50 pour cent des travailleurs concernés et a été, de ce fait, reconnu comme agent négociateur, alors que le plaignant n'avait fourni aucune information sur ses effectifs. Pour ce qui est des autres entreprises, le gouvernement a également demandé des précisions sur le nombre d'adhérents que comptait le plaignant mais il n'a pas obtenu de réponse sur ce point. En revanche, l'organisation plaignante avait demandé qu'un vote se déroule dans ces entreprises, mais aucune suite n'a été donnée par le gouvernement. Il semble en effet qu'il existait d'autres organisations syndicales regroupant une partie des travailleurs concernés et le plaignant estimait être majoritaire dans ces entreprises.
    5. 173 Dans nombre de cas où la reconnaissance d'un syndicat comme agent négociateur dans une entreprise était mise en cause, le comité a estimé qu'un système impliquant la reconnaissance du syndicat le plus représentatif dans une unité donnée comme agent exclusif de négociation au nom de cette unité n'était pas nécessairement incompatible avec les principes de la liberté syndicale. Il importe cependant que des garanties soient assurées, en particulier le choix de l'organisation représentative par un vote de la majorité des travailleurs concernés. Dans un cas récent, le comité a également considéré que, si les autorités ont le droit d'organiser des scrutins pour connaître le syndicat majoritaire devant représenter les travailleurs dans les négociations collectives, de tels scrutins devraient toujours avoir lieu lorsqu'on ne sait pas clairement par quel syndicat les travailleurs désirent se faire représenter. Il convient cependant qu'avant d'organiser ces élections les autorités puissent, sur la base d'informations objectives, considérer que la demande d'un syndicat prétendant représenter la majorité des travailleurs semble plausible. Dans le cas présent, le comité note que le syndicat plaignant n'avait pas fourni de renseignements sur ses effectifs malgré les demandes formulées à cet égard par le gouvernement.
    6. 174 Il semble, d'autre part, que la question de la reconnaissance de l'EGU en tant qu'agent négociateur dans plusieurs entreprises était aussi liée aux problèmes concernant les secteurs d'activité couverts par l'EGU. En effet, des allégations ont été formulées au sujet des menaces de radiation de l'enregistrement de ce syndicat. L'origine de cette affaire remonte à une modification des statuts de l'EGU qui tendait à élargir les secteurs d'activité couverts par cette organisation. Dans un premier temps, le préposé à l'enregistrement avait enregistré cette modification puis, par la suite, ce dernier a considéré que l'EGU, aux termes de ses nouveaux statuts, prétendait être en droit d'accepter parmi ses membres un large éventail de travailleurs dont beaucoup étaient déjà membres de syndicats créés de longue date et légalement enregistrés. Le préposé avait estimé alors que ces nouveaux statuts n'étaient pas conformes à la loi sur les relations professionnelles et il avait demandé à l'EGU de les modifier afin que le syndicat puisse continuer à exister légalement. Le comité note cependant que, depuis lors, aucune mesure n'a été prise pour radier l'enregistrement de l'EGU.
    7. 175 Dans sa réponse, le gouvernement donne des explications quelque peu différentes aux menaces de radiation d'enregistrement dont avait fait l'objet l'EGU. Il cite à cet égard le paragraphe 4 (2) de l'annexe I de la loi de 1970 sur les relations professionnelles aux termes duquel "le préposé à l'enregistrement doit prêter attention à la différence entre les fonctions propres d'un syndicat, d'une part, et d'une association, fédération ou confédération, d'autre part, et ne doit pas enregistrer en tant que syndicat tout organe, association, fédération ou confédération qui, en vertu de ses statuts, offre l'affiliation à tout autre syndicat, organe ou association". Il n'apparaît pas clairement que cette disposition serait applicable dans le cas de l'EGU puisque, aux termes de ses statuts, il semble que ce syndicat ne recherchait pas l'affiliation d'autres organisations mais seulement celle de travailleurs.
    8. 176 En revanche, le comité a relevé qu'en vertu du paragraphe 2 (1) de l'annexe I de la loi sur les relations professionnelles, le préposé à l'enregistrement doit encourager la formation et l'enregistrement de syndicats représentant chacun une industrie particulière, lorsque ceci est possible. Lorsqu'il l'estime souhaitable dans l'intérêt des salariés, le préposé doit encourager la formation et l'enregistrement de syndicats représentant chacun une profession particulière.
    9. 177 Cette disposition semble accorder au préposé à l'enregistrement de larges pouvoirs d'appréciation sur l'opportunité de créer des syndicats regroupant les membres d'une même profession appartenant à des industries différentes. Le comité estime que de tels pouvoirs, s'ils sont appliqués de façon très large, risquent d'entraîner des restrictions au droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix. Le comité considère également qu'une législation restreignant le champ d'activité d'un syndicat à une industrie ou à une profession déterminées serait contraire aux principes de la liberté syndicale si elle impliquait l'existence d'un seul syndicat au sein de cette industrie ou de cette profession. Il importe en effet que les travailleurs puissent, s'ils le souhaitent, s'affilier à des syndicats différents. Le comité estime en outre qu'une telle législation devrait prévoir la libre création de fédérations et confédérations entre syndicats regroupant des travailleurs de professions et de secteurs d'activité différends.
    10. 178 Pour ce qui est des menaces de radiation de l'enregistrement de l'EGU à la suite de la modification de ses statuts, le comité doit rappeler à cet égard que l'approbation des statuts ne devrait pas être laissée à la discrétion des autorités compétentes. Il convient, en particulier, que, pour éviter tout risque d'abus auquel pourrait donner lieu un système confiant à des autorités administratives ou analogues des pouvoirs de décision au sujet de l'enregistrement d'un syndicat et de l'approbation des statuts, il existe un droit de recours auprès des tribunaux contre toute décision administrative de cet ordre. En outre, les juges saisis d'un refus d'enregistrement des statuts devraient pouvoir connaître du fond de la question. Il apparaît, pour ce qui concerne les Bahamas, que ces garanties ne sont pas assurées par la législation. En effet, aux termes de l'article 13 de la loi sur les relations professionnelles, il semble que les décisions prises par le préposé à l'enregistrement quant au retrait de l'enregistrement d'un syndicat où au refus d'enregistrer une modification de statuts ne soient susceptibles de recours qu'auprès du ministre.
    11. 179 Au sujet de l'interdiction pour un syndicat de s'affilier à une organisation internationale sans l'autorisation du ministre, le comité tient à rappeler que la solidarité syndicale internationale constitue l'un des objectifs fondamentaux de tout mouvement syndical et que la subordination de l'affiliation internationale d'un syndicat à l'obtention d'une autorisation du gouvernement n'est pas compatible avec le principe de l'affiliation libre et volontaire des syndicats à des organisations internationales.
    12. 180 Au sujet des allégations relatives aux refus d'organiser des votes sur le déclenchement de grèves, le comité relève le caractère contradictoire des déclarations effectuées à cet égard par les plaignants et le gouvernement. En effet, selon ce dernier, il n'y a eu aucun cas de refus à une telle demande de l'EGU. Dans la mesure où les plaignants n'ont apporté aucune précision sur les circonstances dans lesquelles leurs demandes auraient été refusées, pas plus que sur les entreprises concernées, le comité estime qu'ils n'ont pas apporté la preuve que le gouvernement aurait agi sur ce point en contradiction avec les principes de la liberté syndicale.
    13. 181 Pour ce qui est des allégations relatives à l'incompatibilité qui existerait entre certaines dispositions de la loi sur les relations professionnelles et les principes de la liberté syndicale, le comité se propose d'examiner celles qui pourraient soulever- des problèmes à la lumière de ces principes. Les allégations en question concernent les points suivants: les restrictions apportées à la libre élection des dirigeants syndicaux (paragraphes 3 1) et 4 2) de l'annexe I de la loi, partie II); le droit de grève et le règlement des conflits du travail (articles 67 à 74) et l'interdiction d'utiliser les fonds syndicaux à des fins politiques (article 77).
    14. 182 Au sujet des allégations concernant les restrictions apportées à la libre élection des dirigeants syndicaux, le comité note que les plaignants se sont référés à l'obligation d'exercer la profession représentée par le syndicat pour être élu dirigeant, à l'exception du président et du secrétaire. Le comité a examiné à cet égard les paragraphes 3 1) et 4 2) de l'annexe I de la loi, partie II. Aux termes de ces dispositions, les statuts d'un syndicat doivent prévoir que seules peuvent devenir membres les personnes qui sont ou qui ont été régulièrement et normalement employées dans l'industrie, la profession ou parmi la catégorie de salariés couvertes par le syndicat. En outre, les dirigeants doivent être membres du syndicat, à l'exception du président et du secrétaire. Il résulte donc de ces dispositions qu'en dehors des deux postes précités, les dirigeants d'un syndicat doivent être employés ou avoir été employés dans l'industrie ou la profession représentée par le syndicat. Eu égard aux faits que ces restrictions ne s'appliquent pas aux deux postes les plus importants de la direction syndicale et que la fonction de dirigeant est ouverte aussi aux travailleurs antérieurement employés dans l'industrie ou la profession intéressées, le comité estime que la législation offre de larges possibilités d'accès aux exécutifs des syndicats pour les personnes qui n'appartiennent pas actuellement au secteur couvert par l'organisation.
    15. 183 Au sujet du règlement des conflits collectifs de travail, le comité a relevé qu'en vertu de l'article 73 de la loi sur les relations professionnelles, le ministre peut, s'il estime qu'une grève en cours affecte l'intérêt public ou menace de l'affecter, porter le différend devant le Conseil des relations professionnelles pour arbitrage. Les personnes participant à la grève doivent alors cesser le mouvement. Celles qui contreviendraient à cette règle sont passibles d'une amende n'excédant pas 200 dollars ou d'une peine de prison de trois mois au maximum ou de ces deux peines réunies. Le comité estime qu'une telle disposition accorde une grande latitude au ministre pour déterminer si une grève affecte ou menace l'intérêt public et pourrait être appliquée de manière à constituer une limitation importante des possibilités d'action des organisations syndicales, limitation qui ne serait pas compatible avec les principes de la liberté syndicale.
    16. 184 Au sujet de l'interdiction d'utiliser les fonds syndicaux à des fins politiques, le comité a pris connaissance de l'article 77 de la loi sur les relations professionnelles qui traite de cette question. Il ressort de cette disposition que les fonds d'un syndicat ne peuvent servir directement ou indirectement ou en conjonction avec tout autre syndicat, association, organe ou personne à la poursuite d'aucune fin politique, et notamment la nomination, l'élection ou la désignation d'un membre du Parlement ou de tout autre organe public ou d'une personne au service du gouvernement; le maintien en fonctions ou la révocation de ces personnes ainsi que les actions auprès de l'opinion publique en vue d'appuyer de telles nominations, élections, désignations ou révocations ou de s'y opposer.
    17. 185 Le comité a souvent considéré qu'une interdiction aussi générale des activités politiques est contraire aux principes de la liberté syndicale du fait que l'interprétation qui en est donnée dans la pratique est susceptible de changer à tout moment et de restreindre considérablement les possibilités d'action des syndicats. Toutefois, il importe que, lorsque les syndicats entreprennent une action politique, cette action ne soit pas "de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le pays" (Résolution de la Conférence internationale du travail concernant l'indépendance du mouvement syndical, 1952.)

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 186. Dans ces conditions, et pour ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet des allégations relatives au refus du gouvernement d'organiser des votes sur la reconnaissance de l'EGU comme agent négociateur dans plusieurs entreprises, d'attirer l'attention sur les principes et considérations exprimés aux paragraphes 170 à 173 ci-dessus et, en particulier, sur le principe selon lequel, si les autorités ont le droit d'organiser des scrutins pour connaître le syndicat majoritaire devant représenter les travailleurs dans les négociations collectives, de tels scrutins devraient toujours avoir lieu lorsqu'il n'apparaît pas clairement par quel syndicat les travailleurs désirent se faire représenter;
    • b) au sujet des allégations relatives aux menaces de radiation de l'enregistrement de l'EGU, d'attirer l'attention sur les principes et considérations exposés aux paragraphes 174 à 178 en relation avec le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et l'importance du droit de recours judiciaire contre les décisions administratives relatives à l'enregistrement des syndicats;
    • c) au sujet des allégations relatives à l'affiliation internationale des syndicats, de signaler que la subordination d'une telle affiliation à l'autorisation du gouvernement n'est pas compatible avec le principe de l'affiliation libre et volontaire des syndicats à des organisations internationales
    • d) au sujet des allégations relatives au refus du gouvernement d'organiser des votes sur le déclenchement de grèves, de décider, pour les raisons exprimées au paragraphe 180 ci-dessus, que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi;
    • e) au sujet des allégations relatives à l'incompatibilité de certaines dispositions de la loi sur les relations professionnelles avec les principes de la liberté syndicale, d'attirer l'attention sur les principes et considérations exprimés aux paragraphes 181 à 185 ci-dessus concernant la libre élection des dirigeants syndicaux, le droit de grève et les activités politiques des syndicats;
    • f) de prier instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue d'amender les dispositions de la loi sur les relations professionnelles concernant les questions mentionnées aux alinéas b), c) et d) ci-dessus afin de mettre la loi en conformité avec les principes de la liberté syndicale.
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