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Rapport intérimaire - Rapport No. 139, 1974

Cas no 749 (Sénégal) - Date de la plainte: 23-MARS -73 - Clos

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  1. 468. La plainte de la Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE) est contenue dans une communication du 23 mars 1973, adressée directement à l'OIT. Dans une communication ultérieure du 4 avril 1973, la FISE a formulé une nouvelle allégation. Ces plaintes ont été transmises au gouvernement du Sénégal qui a envoyé ses observations dans une communication du 16 juin 1973.
  2. 469. Le Sénégal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 470. Le plaignant allègue en premier lieu que 40 dirigeants du Syndicat des enseignants du Sénégal (SES), soupçonnés d'être responsables de l'agitation qui s'est créée dans les écoles du pays, auraient été arrêtés. La FISE considère cette décision comme une violation des droits syndicaux des enseignants de ce pays. Elle allègue également que ce syndicat aurait été dissous par le gouvernement, "mesure injustifiée et injustifiable qui est une atteinte inadmissible aux droits syndicaux, au droit des enseignants de s'organiser librement pour défendre leurs revendications".
  2. 471. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que dix enseignants - au lieu de 40 au dire de la FISE - ont été arrêtés, non pour des actes résultant de leurs activités syndicales, mais pour avoir accompli des manoeuvres ou des actes "de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, à jeter le discrédit sur les institutions politiques ou leur fonctionnement, à enfreindre les lois du pays", c'est-à-dire des délits réprimés par le Code pénal (article 80, alinéa 2). Le gouvernement ajoute que des personnes mal intentionnées, opposées à toute action du pouvoir exécutif, ont cru devoir profiter des grandes difficultés économiques rencontrées actuellement par le pays après cinq années de sécheresse, pour créer des troubles politiques graves, dans le but final de renverser le régime légalement établi. Deux déclarations du SES, poursuit le gouvernement qui les joint à sa communication, ainsi que les troubles estudiantins qu'elles ont occasionnés, sont assez éclairantes à cet égard.
  3. 472. L'action d'un syndicat, indique le gouvernement, doit porter exclusivement sur la défense des intérêts de ses membres et ne peut servir à des intérêts extra-professionnels mettant en cause la sécurité publique; les personnes opposées à la politique gouvernementale "peuvent librement constituer un parti politique et avoir le courage de mener la lutte sur ce terrain". Toutefois, les partis politiques comme les individus sont soumis aux lois de l'Etat, "les libertés syndicales ne signifient nullement licence" et leur utilisation à des fins répréhensibles ne peut empêcher l'application de la loi.
  4. 473. Quant à la dissolution du SES, le gouvernement fait remarquer que celui-ci s'est volontairement soustrait à la légalité, en situant son action sur le terrain politique, créant des troubles et jetant le discrédit sur les institutions et leur fonctionnement. Ces faits sont sanctionnés par la loi n° 65-40 du 22 mai 1965 sur les associations séditieuses, dont l'article 1er, paragraphe 4, prévoit que "seront dissous par décret les associations ou groupements... 4°) dont les activités seraient de nature à troubler par tous les moyens illégaux le fonctionnement du régime constitutionnel".
  5. 474. En terminant, le gouvernement déclare que, respectueux des libertés et des droits syndicaux, il ne peut accepter les accusations que la FISE ne cesse de porter contre lui depuis bientôt trois ans, et qu"'il est temps que l'Organisation internationale du Travail fasse la différence entre les actes politiques répréhensibles et les actions syndicales; les personnes en cause ne doivent pas pouvoir, selon les circonstances, troquer le manteau de syndicaliste contre un manteau de politicien, et commettre des actes délictueux sous le couvert des libertés syndicales". En conséquence, l'OIT ne saurait donner suite à cette affaire.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 475. Le comité tient d'abord à rappeler les principes formulés au paragraphe 29 de son premier rapport, à propos de l'examen des plaintes auxquelles le gouvernement intéressé attribue un caractère politique, et le fait qu'il avait décidé que, bien que des allégations soient d'origine politique ou présentent certains aspects politiques, elles devraient être étudiées de façon plus approfondie si elles soulèvent des questions intéressant directement l'exercice des droits syndicaux.
  2. 476. Des informations communiquées par le gouvernement, il ressort qu'un certain nombre de dirigeants du Syndicat des enseignants du Sénégal ont été arrêtés et inculpés pour atteinte à la sécurité publique. Le SES lui-même, pour des raisons analogues, a été dissous par décret.
  3. 477. En ce qui concerne l'arrestation de dirigeants syndicaux, le comité a déjà insisté à maintes reprises, et notamment dans un cas intéressant le Sénégal, sur l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel, chaque fois que des syndicalistes sont détenus, y compris lorsqu'ils sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement estime sans rapport avec leurs fonctions ou leurs activités syndicales, les intéressés doivent être jugés équitablement et dans les plus brefs délais par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Quand il est apparu au comité que, d'après les informations qui lui avaient été fournies, les intéressés avaient été jugés par les autorités judiciaires compétentes, qu'ils avaient bénéficié des garanties d'une procédure judiciaire régulière et qu'ils avaient été condamnés pour des actes qui n'avaient aucun rapport avec les activités syndicales ou qui débordaient le cadre des activités syndicales normales, le comité a estimé que le cas n'appelait pas un examen plus approfondi. Il a cependant insisté sur le fait que la question de savoir si le motif des condamnations prononcées relevait d'un délit criminel ou de l'exercice des droits syndicaux n'était pas de celles qui peuvent être tranchées unilatéralement par le gouvernement intéressé, mais que c'était au comité qu'il appartenait de se prononcer sur ce point, après examen de toutes les informations disponibles et, surtout, du texte du jugement.
  4. 478. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si tous les syndicalistes en cause sont passés en jugement et, dans l'affirmative, de préciser la nature de l'instance judiciaire qui a eu à connaître de leur cas, et de fournir le texte du jugement rendu avec ses attendus.
  5. 479. Pour ce qui est de la dissolution, par décret, du SES, le comité doit souligner l'importance qu'il attache au principe énoncé à l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, selon lequel les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à dissolution par voie administrative. Comme il l'a déjà signalé dans d'autres cas, la dissolution prononcée par le pouvoir exécutif, en vertu d'une loi de pleins pouvoirs ou dans l'exercice de fonctions législatives, ne permet pas, tout comme une dissolution par voie administrative, d'assurer les droits de la défense qui ne peuvent être garantis que par la procédure judiciaire normale, procédure que le comité considère comme essentielle.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 480. En conséquence, le comité recommande au conseil d'administration:
    • a) de noter que le SES a été dissous par décret;
    • b) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel les organisations ne sont pas sujettes à dissolution par voie administrative et que, de la même façon, la dissolution prononcée par le pouvoir exécutif ne permet pas d'assurer les droits de la défense, droits qui ne peuvent être garantis que par la procédure judiciaire normale.
  2. 481. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux, de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si tous les syndicalistes en cause sont passés en jugement et, dans l'affirmative, de préciser la nature de l'instance judiciaire qui a eu à connaître de leur cas, et de fournir le texte du jugement rendu avec ses attendus;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives à la dissolution du SES:
    • i) de noter que le SES a été dissous par décret;
    • ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel les organisations ne doivent pas être sujettes à dissolution par voie administrative et que, de la même façon, la dissolution prononcée par le pouvoir exécutif ne permet pas d'assurer les droits de la défense, droits qui ne peuvent être garantis que par la procédure normale;
    • c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il aura reçu les informations demandées au gouvernement.
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