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Rapport intérimaire - Rapport No. 117, 1970

Cas no 591 (Sénégal) - Date de la plainte: 09-JUIL.-69 - Clos

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  1. 7. La plainte de l'Union nationale des travailleurs du Sénégal (UNTS) est contenue dans un télégramme en date du 9 juillet 1969, adressé directement à l'OIT; elle a été complétée par trois communications datées respectivement des 21 août, 11 septembre et 3 octobre 1969. La plainte et les informations complémentaires venues l'appuyer ayant été transmises au gouvernement, celui-ci a présenté ses observations à leur endroit par deux communications en date des 17 octobre 1969 et 21 janvier 1970.
  2. 8. Le Sénégal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 9. Les plaignants allèguent que l'UNTS aurait été expulsée de toutes les bourses du travail et que celles-ci auraient été mises à la disposition de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS), « centrale installée par le gouvernement et son parti pendant l'état d'urgence »; que les biens de l'UNTS auraient été confisqués au profit de la CNTS; que l'UNTS se verrait interdire de tenir des réunions; que des pressions seraient exercées sur la presse pour l'empêcher de diffuser des annonces ou des documents de l'UNTS; que la radiodiffusion nationale aurait été mise à la disposition de la CNTS et qu'il lui serait interdit, par contre, de diffuser même les communiqués payés de l'UNTS; que l'admission des délégués des fédérations de l'UNTS au sein de commissions où ils auraient dû siéger aurait été refusée; que les visas de sortie des dirigeants de l'UNTS invités à des conférences ou à des séminaires à l'étranger seraient systématiquement refusés.
  2. 10. Aux yeux des plaignants, ces diverses mesures montrent clairement la détermination du gouvernement d'éliminer l'UNTS de la scène syndicale et de la remplacer par la CNTS, organisation « fantoche, domestiquée, orientée et dirigée ».
  3. 11. Les plaignants allèguent que la dernière en date des violations des droits syndicaux aurait été la tenue d'un « prétendu congrès de dissolution de l'UNTS » convoqué par des transfuges de l'UNTS, « éléments étrangers » à celle-ci « depuis le 14 juin 1969, date de la création de la CNTS avec le soutien total du gouvernement et des hommes politiques ».
  4. 12. Dans ses observations, le gouvernement commence par affirmer que le Sénégal est, en Afrique, l'un des pays où la liberté syndicale et la protection du droit syndical sont le mieux assurées. Il déclare n'avoir jamais perdu de vue les dispositions des conventions nos 87 et 98, ainsi que celles du paragraphe 7 de la résolution adoptée par la première Conférence régionale africaine de l'OIT tenue à Lagos en 1960. Il signale que les obligations et recommandations contenues dans ces instruments se trouvent d'ailleurs, pour l'essentiel, reprises au titre 2 du Code du travail sénégalais qui traite des syndicats professionnels.
  5. 13. Le gouvernement fait cependant remarquer que « liberté syndicale ne peut signifier licence » et qu'il est par conséquent « inadmissible que, sous son couvert, une infime minorité de la population puisse mettre impunément la vie de la nation en péril ».
  6. 14. Le gouvernement déclare que les appels aux troubles lancés par l'UNTS constituaient des motifs suffisants de dissolution au regard de la législation en vigueur au Sénégal mais que, malgré tout, il n'a pas voulu exploiter ces motifs contre cette organisation.
  7. 15. En ce qui concerne le fond de l'affaire, le gouvernement déclare tout d'abord que la plainte de l'UNTS doit être examinée dans le cadre de la situation sociale entre le 30 mai 1968 et le 23 juin 1969; il souligne à ce propos qu'au début et à la fin de cette période l'état d'urgence a été proclamé en conséquence de l'agitation sociale provoquée par l'UNTS. « Or - déclare le gouvernement - un pays en voie de développement ne saurait supporter de telles secousses en un si court laps de temps sans subir des dommages considérables tant sur le plan intérieur que dans ses rapports avec le monde extérieur. »
  8. 16. Le gouvernement poursuit en indiquant qu'à l'issue de la première proclamation de l'état d'urgence il a signé, avec les organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs, un accord « d'une portée telle que jamais les syndicats de travailleurs n'avaient pu, depuis leur introduction dans ce pays en 1936, se prévaloir de tels résultats ».
  9. 17. « Il était alors raisonnable - déclare le gouvernement - de penser qu'après une telle moisson l'UNTS se déclarerait satisfaite et que le Sénégal traverserait une période sereine au cours de laquelle les mesures d'exécution de l'accord tripartite seraient étudiées et mises en place dans le calme et dans la paix sociale. Il n'en fut malheureusement rien. »
  10. 18. Le gouvernement déclare que l'année qui s'est écoulée entre les deux périodes d'état d'urgence a été au contraire la plus troublée sur le plan social que le Sénégal ait connue en dix ans. Le gouvernement déclare que pour la décrire « en toute impartialité » il suffit de reprendre les termes d'une circulaire d'un syndicat qui - indique-t-il - ne saurait être accusé d'être un syndicat gouvernemental puisqu'il s'agit de la Confédération nationale des travailleurs croyants du Sénégal, laquelle, précise-t-il, avait accepté le principe d'une union de toutes les centrales syndicales.
  11. 19. De la circulaire dont il est question au paragraphe précédent, le gouvernement cite les passages suivants:
    • Considérant qu'après l'échec de la grève générale décidée dans la confusion le 11 juin 1969 par le Bureau national de l'UNTS la classe ouvrière sénégalaise a assisté au triste spectacle de l'éclatement de l'UNTS, caractérisé par la démission d'un de ses secrétaires généraux suivie de celle d'autres responsables, et leur décision de constituer une nouvelle centrale syndicale dénommée Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS);
    • Considérant qu'il s'agit là du dénouement dramatique d'une crise grave qui s'était installée au sein de l'UNTS dès après les événements de mai et juin 1968;
    • Considérant en effet qu'à l'occasion de ces événements l'UNTS, manifestation concrète de l'unité syndicale, s'était révélée comme un instrument efficace de la défense des intérêts de la classe ouvrière en réunissant, d'une part, la grève générale du 31 mai et, d'autre part, le règlement des conflits scolaires et sociaux sur des bases acceptables pour tous, le meilleur exemple de cette réussite restant l'accord tripartite (gouvernement-UNTS-employeurs) du 12 juin 1968;
    • Considérant que c'est à partir de ce moment que certains responsables, conscients de la force que représentait désormais l'UNTS, se constituèrent en véritables clans pour tenter de détourner cette dernière de sa véritable mission syndicale au service des intérêts de la classe ouvrière pour en faire un instrument de lutte politique au service d'ambitions personnelles ou de mouvements d'opposition non déclarés;
    • Considérant que c'est ainsi qu'il n'a plus été possible, au sein du bureau national comme des autres instances de la centrale, de poursuivre, d'une part, la réalisation de l'unité syndicale suivant le processus établi par la résolution générale du 15 janvier 1967 et, d'autre part, la représentation et la défense objective des revendications de la classe ouvrière, et tout simplement l'application correcte de l'accord tripartite du 12 juin 1968;
    • Considérant notamment que les réunions du bureau national étaient devenues des théâtres d'âpres affrontements entre clans politiques opposés, tous peu soucieux des véritables intérêts des travailleurs.
  12. 20. Le gouvernement déclare ensuite qu'au cours des six mois précédant le mois de juin 1969 UNTS a déclenché ou inspiré non moins de huit mouvements de grèves illégaux avant de déclencher, également dans l'illégalité, la grève générale du 11 juin 1969. Nul ne pouvait dire à ce moment - poursuit le gouvernement - si l'action de l'UNTS ne ferait pas sombrer le pays dans l'anarchie totale. Toutefois, déclare le gouvernement, la conscience du peuple sénégalais, de la majorité des travailleurs en particulier, a permis en définitive d'éviter le pire; en quelques jours, après la scission syndicale, la situation est redevenue normale et, depuis cette date, la paix sociale règne dans le pays.
  13. 21. Aux yeux du gouvernement, il serait logique que le Comité de la liberté syndicale se penche sur l'activité de l'UNTS au cours de la période analysée ci-dessus en ayant à l'esprit l'article 8 de la convention no 87 qui stipule que, dans l'exercice de leurs droits, les travailleurs sont tenus de respecter la légalité. En effet, déclare le gouvernement, la plainte dont est saisi le comité « émane d'une organisation qui a délibérément foulé aux pieds la législation sociale sénégalaise pendant un an; les agissements de cette organisation et l'examen des réactions qu'elle prétend avoir subies sont indissolublement liés; tenants et aboutissants éventuels ne sauraient être valablement dissociés ».
  14. 22. En terminant, le gouvernement déclare que malgré la lourde responsabilité de l'UNTS dans la période considérée et malgré la crise nationale que cette centrale a failli provoquer « par une action totalement en marge de la légalité », l'UNTS possède toujours au Sénégal une existence légale. Le gouvernement signale enfin que l'UNTS se trouve actuellement en conflit devant les tribunaux avec la CNTS.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 23. Il ressort des éléments dont dispose le comité et, en particulier, des informations du gouvernement rapportées au paragraphe précédent que l'UNTS a été le théâtre d'une scission, dont le résultat a été la création de la CNTS et que le conflit entre les deux groupements a été porté devant les tribunaux.
  2. 24. Le comité tient à rappeler que dans tous les cas où une affaire faisait l'objet d'une action devant une instance judiciaire nationale, pourvu que la procédure suivie soit assortie des garanties d'une procédure judiciaire régulière, le comité, estimant que la décision à intervenir était susceptible de lui fournir d'utiles éléments d'information dans son appréciation des allégations formulées, avait décidé d'ajourner l'examen du cas en attendant d'être en possession du résultat des procédures engagées.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 25. S'inspirant de ces précédents, le comité, tout en rappelant l'importance qu'il convient d'attacher au principe de l'indépendance des organisations syndicales tel qu'il est énoncé dans la résolution adoptée en la matière par la Conférence internationale du Travail à sa 35e session (1952), recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir lui communiquer le résultat de la procédure engagée devant les tribunaux, en particulier le texte du jugement rendu ainsi que celui de ses considérants et, en attendant, d'ajourner l'examen de l'affaire.
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