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Rapport définitif - Rapport No. 108, 1969

Cas no 524 (Maroc) - Date de la plainte: 02-JUIN -67 - Clos

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  1. 15. La présente affaire a déjà été examinée par le comité à sa session du mois de mai 1968, à l'occasion de laquelle il a présenté au Conseil d'administration, qui l'a adopté, un rapport intérimaire contenu aux paragraphes 224 à 245 du cent cinquième rapport du comité. Toutes les allégations composant le cas ont fait l'objet de conclusions définitives de la part du comité à l'exception de l'une d'entre elles relative au licenciement de travailleurs de l'entreprise d'Etat Maroc-chimie à Safi. Il ne sera question dans les paragraphes qui suivent que de cette allégation restée en suspens.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives au licenciement de travailleurs de l'entreprise d'Etat Maroc-chimie à Safi
    1. 16 Il était allégué qu'à Safi, à la suite d'une grève d'avertissement observée le 25 avril 1967 par l'ensemble des travailleurs de l'entreprise d'Etat Maroc-chimie pour faire respecter les accords préalablement conclus avec la direction, le gouvernement aurait procédé à la fermeture de son entreprise et au licenciement d'un grand nombre de travailleurs, parmi lesquels l'ensemble des membres du conseil syndical; les plaignants joignaient à leur communication la liste des travailleurs qui auraient été licenciés.
    2. 17 A sa session du mois de mai 1968, ayant constaté que le gouvernement ne se référait pas dans ses observations aux allégations dont il est question au paragraphe précédent, le comité a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur lesdites allégations. Cette recommandation ayant été approuvée par le Conseil d'administration, la demande qu'elle comportait a été adressée au gouvernement, qui y a donné suite par une communication en date du 5 septembre 1968.
    3. 18 Dans sa communication, le gouvernement donne des événements la description suivante. En mars 1967, le bureau du syndicat de l'Union marocaine du travail (U.M.T.) de l'entreprise avait présenté à la direction de la société Maroc-chimie une motion comportant notamment les revendications qui suivent: réintégration de trois agents régulièrement licenciés pour fautes répétées et dont l'un avait même encouru une condamnation pénale; indemnité spéciale pour l'achat d'un mouton à l'occasion de l'Aïd El Kébir; prime de production et de rendement, alors que le personnel bénéficiait déjà d'une prime annuelle pouvant atteindre deux mois de salaire suivant les résultats obtenus; gratuité du logement, classement de tous les manoeuvres ordinaires dans la catégorie des manoeuvres spécialisés; larges prêts au personnel; octroi d'une prime de mariage.
    4. 19 Le gouvernement déclare que la direction de Maroc-chimie a estimé que ces revendications étaient manifestement excessives, surtout si l'on tient compte du fait que le personnel de cette entreprise, qui se trouve dans un stade de démarrage, bénéficiait déjà de salaires supérieurs à ceux payés habituellement dans cette branche de l'industrie et d'avantages sociaux considérables, librement consentis par la société.
    5. 20 «Il y a tout lieu de croire, déclare le gouvernement, que c'est moins dans l'espoir de faire aboutir les revendications mentionnées que dans les dissentiments séparant les dirigeants du bureau syndical à la veille d'élections internes et au niveau de la province que se trouve l'origine véritable de la grève. »
    6. 21 Quoi qu'il en soit, poursuit le gouvernement, après plusieurs réunions au cours desquelles les dirigeants syndicaux et la direction de Maroc-chimie échangèrent leurs points de vue, tout accord raisonnable se révéla impossible. « Dans leur intransigeance, déclare le gouvernement, les dirigeants syndicaux se refusèrent à tenir compte des efforts déjà consentis en faveur du personnel et ne se laissèrent convaincre par aucun impératif économique vital pour l'entreprise. »
    7. 22 Le gouvernement indique que les dirigeants syndicaux avaient cependant admis que les équipes de sécurité absolument nécessaires pour assurer la sauvegarde des installations de l'usine, notamment celles de l'atelier de fabrication d'acide sulfurique, ne participeraient pas à la grève. Toutefois, déclare le gouvernement « cette promesse ne fut pas tenue et, au mépris de toute conscience professionnelle, et même de toute prudence, toutes les installations furent délibérément laissées à l'abandon.»
    8. 23 Réquisitionné conformément à la loi, poursuit le gouvernement, le personnel de sécurité ne répondit pas à l'appel dont il était l'objet. Il fut en conséquence licencié pour faute grave en application des dispositions du règlement intérieur de l'entreprise qui prévoit expressément
  • Les responsables désignés après avis des délégués du personnel pour assurer le service spécial de sécurité sont tenus de demeurer à leur poste en toutes circonstances. Tout manquement à cette disposition serait considéré comme un abandon volontaire et injustifié du travail et comme une atteinte à la sécurité des autres travailleurs ou des locaux de travail ou comme la cause d'un dommage important aux machines, installations, ouvrages et autres objets ou matières de l'établissement. La faute ainsi commise constituerait une faute grave entraînant le licenciement immédiat et sans indemnité.
    1. 24 Par la suite et spontanément, déclare le gouvernement, de nombreux ouvriers et employés décidèrent de reprendre le travail « et se désolidarisèrent solennellement des grévistes ». En outre, la direction de Maroc-chimie lança un appel en faveur de la reprise du travail et accorda un délai de quarante-huit heures à ceux qui ne s'étaient pas encore présentés à l'usine.
    2. 25 Le gouvernement fait remarquer que les grévistes s'étaient placés dans une situation pouvant entraîner leur licenciement. En effet, la société Maroc-chimie étant un établissement de caractère public, son personnel se trouve soumis aux dispositions du décret du 5 février 1958 fixant certaines modalités concernant l'exercice du droit syndical par les fonctionnaires et agents des administrations et des établissements à caractère public, modalités aux termes desquelles il est notamment prévu que « toute cessation concertée du service ou tout acte collectif d'indiscipline caractérisée pourra être sanctionné en dehors des garanties disciplinaires ».
    3. 26 Le gouvernement déclare que la direction de la société, tenant compte du fait que la grande majorité des salariés avait spontanément repris le travail, n'a cependant pas cru devoir faire jouer les dispositions dont il est question au paragraphe précédent. Il précise que sur les sept cents salariés de l'entreprise, seuls dix, qui ont refusé de rejoindre leur poste, ont été considérés comme démissionnaires.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 27. Il ressort tout d'abord des éléments dont dispose le comité et, en particulier, des explications circonstanciées fournies par le gouvernement que les travailleurs qui ont été licenciés l'ont été non pas pour avoir participé à une grève de revendication, mais, en application du règlement intérieur de l'entreprise cité au paragraphe 23 ci-dessus, pour s'être rendus coupables d'une faute grave en n'assurant pas le service de sécurité malgré les engagements pris par les dirigeants syndicaux et en dépit des injonctions de la direction.
  2. 28. Par ailleurs, les observations du gouvernement indiquant que, dans leur ensemble, les grévistes auraient pu apparemment être licenciés en tant que salariés d'une entreprise de caractère public en vertu des dispositions du décret du 5 février 1958, mentionné au paragraphe 25 ci-dessus, le comité croit devoir rappeler que s'il a admis que les grèves puissent être interdites dans les services véritablement essentiels, il a fait valoir également que le seul fait pour une entreprise d'avoir un caractère public n'en faisait pas nécessairement un service essentiel.
  3. 29. En ce qui concerne la grève proprement dite, il semble qu'elle se soit résorbée d'elle-même, en grande partie par le retour spontané de la grosse majorité des grévistes à leur travail et que seuls dix travailleurs, sur les sept cents que compte l'entreprise, n'aient pas rejoint leur poste et aient été de ce fait considérés comme démissionnaires.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 30. Dans ces conditions, rappelant que les questions relatives à la grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où elles affectent l'exercice des droits syndicaux, le comité, pour les raisons indiquées aux paragraphes 27 à 29 ci-dessus et sous réserve des commentaires qui y sont contenus, estimant que la présente affaire n'a pas révélé d'atteinte à la liberté syndicale en tant que telle, recommande au Conseil d'administration de décider qu'elle n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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