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Rapport définitif - Rapport No. 114, 1970

Cas no 510 (Paraguay) - Date de la plainte: 06-FÉVR.-67 - Clos

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  1. 50. Le comité a déjà examiné ce cas à sa session de novembre 1968, à l'occasion de laquelle il a présenté au Conseil d'administration certaines conclusions qui figurent aux paragraphes 231 à 255 de son 108ème rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 173ème session (novembre 1968).
  2. 51. Dans ledit rapport, le comité a présenté ses recommandations définitives sur un aspect du cas, à savoir les allégations relatives à la détention de divers dirigeants d'un syndicat. Un autre aspect du cas est encore en instance: il s'agit des allégations relatives à une mesure d'intervention dans ce syndicat, à ce propos, certains renseignements complémentaires ont été demandés au gouvernement. C'est cette deuxième question qui sera exclusivement examinée dans les paragraphes qui suivent.
  3. 52. Par communication du 11 juin 1969, le gouvernement a fourni les renseignements complémentaires qui lui étaient demandés.
  4. 53. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives à une intervention dans un syndicat

A. Allégations relatives à une intervention dans un syndicat
  1. 54. En résumé, les plaignants avaient allégué que les autorités nationales du travail avaient décidé de s'emparer du contrôle du Syndicat des travailleurs de l'entreprise frigorifique de San Antonio et de charger de ce contrôle trois membres de la Confédération paraguayenne des travailleurs, tout en procédant à la destitution de la commission exécutive du syndicat et à l'invalidation, pour une durée de cinq années, des dirigeants de ce syndicat. Au cours de l'assemblée, convoquée pour désigner une nouvelle commission exécutive des éléments étrangers au syndicat auraient imposé l'approbation d'une résolution et l'élection d'une liste de candidats. Dans sa réponse, le gouvernement, a indiqué que la mise du syndicat sous contrôle avait été décidée à la suite de grèves organisées sans qu'aucune des conditions préalables établies par le Code du travail ait été remplie. Ces grèves, décidées par les travailleurs sans que la commission exécutive en soit informée, démontraient, selon le gouvernement, que le syndicat avait perdu toute autorité sur ses affiliés. Le gouvernement affirmait que les autorités administratives du travail ne s'étaient pas immiscées dans les affaires du syndicat, que l'assemblée avait été convoquée de façon parfaitement régulière et que ses membres avaient élu leurs représentants librement et démocratiquement.
  2. 55. Compte tenu, notamment, du fait que l'intervention avait pris fin en janvier 1967, le comité, se fondant sur les considérations exprimées aux paragraphes 245 à 254 de son 108ème rapport, avait recommandé au Conseil d'administration, au paragraphe 255 b) dudit rapport:
    • i) de souligner une fois de plus l'importance qu'il a toujours attachée à la disposition contenue dans l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, selon laquelle les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leur programme d'action, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
    • ii) de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer dans les plus brefs délais si, comme l'allèguent les plaignants, une mesure quelconque de déclaration d'incapacité est en vigueur contre les anciens membres de la commission exécutive du syndicat, en même temps que les dispositions légales sur lesquelles cette mesure se base.
  3. 56. Dans sa communication en date du 11 juin 1969, le gouvernement fournit les renseignements qui sont résumés ci-après. Le 30 novembre 1966, la Direction du travail a décidé, par une résolution, de frapper d'incapacité les anciens membres de la commission exécutive du Syndicat des travailleurs de l'entreprise frigorifique de San Antonio, pour n'avoir pas rendu compte de leur administration et pour abus et mauvaise gestion des fonds sociaux. L'article 387 du Code du travail est ainsi libellé: « Toute infraction à l'obligation légale imposée aux membres dirigeants d'un syndicat de rendre compte de l'administration des fonds qui leur sont confiés rendra les coupables passibles de la destitution de leur charge et de l'incapacité de remplir d'autres fonctions pendant cinq ans. » L'autorité administrative est habilitée à prendre une telle mesure. Par une autre résolution, en date de décembre 1968, la sanction ci-dessus a été levée. Le gouvernement communique le texte des deux résolutions. Il ressort de ces documents que les contrôleurs étaient parvenus, dans leur rapport, à la conclusion que « l'administration des fonds sociaux se faisait en grande partie sans que la commission exécutive du syndicat en soit informée », que certains comptes de caisse n'étaient pas suffisamment documentés, que des prêts avaient été accordés de façon discrétionnaire aux affiliés et que, par décision du secrétaire général et du trésorier, le syndicat avait vendu aux adhérents des marchandises avec une majoration de prix de 24 pour cent, se comportant ainsi comme une véritable entreprise commerciale. Les fonds sociaux n'étaient pas déposés dans un établissement bancaire. En outre, d'après les statuts du syndicat, la commission exécutive n'est pas habilitée à octroyer des prêts en espèces aux adhérents. Dans les considérants de la résolution adoptée en novembre 1966, il est dit que ces faits constituent de graves irrégularités dans l'exercice des fonctions de la commission exécutive, si l'on tient compte des dispositions expresses du Code du travail. Pour ces motifs, les intéressés ont été destitués et frappés d'incapacité pour cinq ans. Dans les considérants de la résolution par laquelle la sanction a été levée, il est dit que les objectifs de cette dernière, en tant que mesure de correction, avaient été atteints.
  4. 57. Il convient de signaler que la sanction mentionnée par l'article 387 du Code du travail, cité par le gouvernement, peut être imposée par voie de procédure sommaire par l'autorité administrative compétente, conformément à l'article 388 dudit code, après audition préalable de la personne en cause et compte tenu des éléments de preuve et de défense présentés. Il pourra être recouru contre cette sanction par la voie du contentieux administratif.
  5. 58. Il ressort des renseignements détaillés fournis par le gouvernement que la sanction de destitution et d'incapacité imposée aux dirigeants du syndicat se fondait sur des irrégularités constatées dans leur gestion et que, s'agissant de la sanction de destitution et d'incapacité prévue par l'article 387 du Code du travail (cet article est appliqué au cas dont il s'agit du fait qu'il y a infraction à l'obligation légale de rendre compte de la gestion des fonds syndicaux), un recours peut être intenté par une procédure qui permet aux intéressés de s'adresser aux tribunaux.
  6. 59. Dans d'autres cas antérieurs, le comité a exprimé l'opinion que l'invalidation des dirigeants syndicaux par une autorité administrative est une procédure qui risque de donner lieu à des abus ou de restreindre le droit généralement reconnu aux organisations syndicales d'élire leurs représentants en toute liberté et d'organiser leur propre administration et leurs activités. Ce principe est énoncé par l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui a été ratifiée par le Paraguay. Par ailleurs, le comité a estimé que les principes établis par l'article 3 de la convention no 87 n'interdisent pas le contrôle des décisions de gestion interne d'un syndicat lorsque celles-ci constituent une infraction à des dispositions légales ou réglementaires. Cependant, le comité a également estimé qu'il est de la plus haute importance que ce contrôle soit exercé par l'autorité judiciaire compétente, de façon à garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure.
  7. 60. Dans le cas présent, la décision prise par les autorités a consisté à destituer collectivement les membres de la commission exécutive, lesquels étaient en outre frappés de l'incapacité d'exercer des charges syndicales. Les accusations portées contre les intéressés sont graves et, d'après les renseignements fournis par le gouvernement, elles auraient été dûment prouvées. Cependant, les conséquences qui peuvent découler pour un syndicat de la destitution de ses dirigeants, d'une part, et la gravité des faits allégués dans le présent cas, et de la sanction, d'autre part, font ressortir la nécessité d'entourer les décisions prises dans de pareilles affaires de toutes les garanties requises pour protéger le libre exercice des droits syndicaux.
  8. 61. Conformément à la législation paraguayenne, les infractions à la législation du travail et les sanctions correspondantes sont du ressort des autorités administratives responsables du travail. Il peut être recouru contre leurs décisions par la voie du contentieux administratif (art. 32 du Code de procédure du travail). En ce qui concerne la sanction appliquée dans le cas considéré, la législation en vigueur prévoit de façon explicite certaines garanties de défense de l'inculpé, garanties qui doivent être observées avant que l'autorité administrative prenne une décision.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 62. Le comité estime qu'il est essentiel, en pareil cas, que les mesures de destitution, d'invalidation ou de suspension de dirigeants syndicaux prises en application de dispositions législatives ne puissent être exécutoires que si elles se fondent sur une décision de l'autorité judiciaire compétente ou, en tout état de cause, à l'expiration du délai accordé aux intéressés pour se pourvoir en appel. Par ailleurs, bien que nul ne soit censé ignorer la loi, il serait souhaitable que la notification de la décision administrative adressée aux intéressés indique à ceux-ci qu'ils peuvent former un recours par la voie du contentieux administratif.
  2. 63. Dans le cas présent, il ne semble pas qu'un recours ait été présenté à l'autorité judiciaire.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 64. En tout état de cause, compte tenu du fait que la décision de placer le syndicat sous contrôle avait déjà été levée et que la sanction d'invalidation de cinq ans qui frappait divers dirigeants syndicaux a été rapportée au bout de deux ans, le comité recommande au Conseil d'administration, sous réserve des principes énoncés au paragraphe 255 de son 108ème rapport et des considérations exprimées aux paragraphes 59 à 62 ci-dessus, de décider que les allégations qui demeuraient en suspens dans le cas en question, et par conséquent le cas dans son ensemble, n'appellent pas un examen plus approfondi.
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