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Rapport intérimaire - Rapport No. 87, 1966

Cas no 418 (Cameroun) - Date de la plainte: 26-OCT. -64 - Clos

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  1. 264. La présente affaire a déjà été examinée par le Comité à sa quarantième session, tenue au mois de mai 1965. A cette occasion, le Comité a présenté un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 324 à 359 de son quatre-vingt-troisième rapport. Le quatre-vingt-troisième rapport du Comité a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 162ème session, lors de la séance du 28 mai 1965. Le cas comportait deux séries d'allégations: l'une portant sur les conditions dans lesquelles se serait déroulé, en octobre 1964, le congrès de la Fédération des syndicats du Cameroun (F.S.C.), l'autre portant sur l'arrestation de certains des anciens dirigeants de cette organisation. Le Comité ayant formulé ses conclusions définitives sur la première série d'allégations, il ne sera question, dans les paragraphes qui suivent, que des allégations relatives aux arrestations.

265. Les plaignants alléguaient que les dirigeants syndicaux suivants auraient été arrêtés par la Sûreté fédérale de Douala: Pierre Mandeng, Isaac Tchuisseu, Samuel Moudourou, Adolphe Mouandjo Dicka, Simon Nbock Mabenga et Raphaël Ngamby. Plusieurs de ces personnes auraient été ultérieurement transférées sans jugement de leur prison au camp des détenus politiques de Tchollire, où ils seraient détenus arbitrairement sans qu'aucun contact avec l'extérieur ne leur soit permis. Les plaignants rappelaient en outre que l'un des intéressés, M. Raphaël Ngamby, était membre suppléant travailleur du Conseil d'administration du B.I.T.

265. Les plaignants alléguaient que les dirigeants syndicaux suivants auraient été arrêtés par la Sûreté fédérale de Douala: Pierre Mandeng, Isaac Tchuisseu, Samuel Moudourou, Adolphe Mouandjo Dicka, Simon Nbock Mabenga et Raphaël Ngamby. Plusieurs de ces personnes auraient été ultérieurement transférées sans jugement de leur prison au camp des détenus politiques de Tchollire, où ils seraient détenus arbitrairement sans qu'aucun contact avec l'extérieur ne leur soit permis. Les plaignants rappelaient en outre que l'un des intéressés, M. Raphaël Ngamby, était membre suppléant travailleur du Conseil d'administration du B.I.T.
  1. 266. Dans ses observations, le gouvernement faisait valoir que l'arrestation des personnes mentionnées par les plaignants avait été motivée par la découverte, au domicile de M. Ngamby, de documents subversifs et compromettants pour la sécurité intérieure de l'Etat, et que, par suite, elle était totalement étrangère à l'activité ou à l'affiliation syndicale des intéressés.
  2. 267. Sur cet aspect du cas, le Comité avait fait au Conseil d'administration la recommandation suivante, que le Conseil a approuvée dans son quatre-vingt-troisième rapport:
  3. 359. ... le Comité recommande au Conseil d'administration:
  4. ......................................................................................................................................................
  5. b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la détention de dirigeants syndicaux:
  6. i) d'inviter le gouvernement à fournir des informations complémentaires plus détaillées en ce qui concerne les motifs exacts de l'arrestation des intéressés et, en particulier, sur la nature précise des documents dont la possession par les personnes en cause a justifié, aux yeux du gouvernement, la mesure qui a frappé ces dernières;
  7. ii) d'insister sur les dangers que peuvent comporter pour la liberté syndicale les mesures de " détention de syndicalistes si elles ne sont pas accompagnées de garanties judiciaires appropriées et sur le fait que tout gouvernement devrait se faire une règle de veiller au respect des droits de l'homme et, en particulier, du droit de toute personne détenue à être jugée dans les plus brefs délais possible par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
  8. iii) de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si les syndicalistes mentionnés dans la plainte ont été ou vont être jugés avec toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière et, dans l'affirmative, de bien vouloir communiquer le texte des décisions rendues ainsi que celui de leurs attendus;
  9. iv) ... d'exprimer l'espoir que la qualité de membre du Conseil d'administration de M. Ngamby sera dûment prise en considération à la lumière des obligations découlant de l'article 40 de la Constitution de l'O.I.T selon lequel les membres du Conseil d'administration doivent, en tant que tels, jouir « des privilèges et immunités qui leur sont nécessaires pour exercer, en toute indépendance, leurs fonctions en rapport avec l'Organisation », et de l'importance attachée par le Conseil d'administration et la Conférence à leur exécution.
  10. ......................................................................................................................................................
  11. 268. Ces conclusions ayant été portées à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 3 juin 1965, celui-ci a répondu par une communication en date du 2 novembre 1965.
  12. 269. Dans une réponse, le gouvernement déclare que « tout en demeurant pénétré de l'impérieuse nécessité qui s'attache au respect des droits de l'homme autant qu'au maintien des privilèges et immunités nécessaires aux membres du Conseil d'administration du B.I.T pour exercer leurs fonctions, il a le devoir tout aussi impérieux de sanctionner, avec les moyens dont il dispose légalement parce qu'ils les a reçus en toute souveraineté de sa propre Constitution, les auteurs de toute atteinte portée à la vie, à la sécurité, au bien-être ou à la prospérité des habitants de ce pays, quelles que soient les qualités ou fonctions revêtues ou exercées par les coupables ». Le gouvernement déclare également: « Après un examen attentif du dossier d'instruction de cette plainte, le gouvernement du Cameroun se borne à confirmer solennellement que les sieurs Ngamby et consorts ont fait l'objet des mesures prévues par la législation nationale en vigueur à l'encontre des citoyens convaincus de menées subversives, affirme que leur appartenance et leur activité syndicale n'ont en aucune manière provoqué le déclenchement desdites mesures et estime, au demeurant, avoir fourni au Comité au sujet de cette affaire toutes les justifications compatibles avec la dignité d'un Etat indépendant. »
  13. 270. Le Comité regrette vivement que le gouvernement ait cru devoir adopter cette position. Le Comité, en effet, a déjà exposé, aux paragraphes 353 à 357 de son quatre-vingt-troisième rapport, les raisons pour lesquelles, en des circonstances telles que celles de la présente affaire, il a demandé aux gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires sur la nature des actes reprochés aux dirigeants syndicaux arrêtés et sur le résultat des procédures judiciaires éventuellement engagées. En ce qui concerne notamment ce dernier point, le Comité tient à souligner qu'il a eu constamment pour pratique de demander aux gouvernements de bien vouloir lui communiquer des renseignements sur les actions judiciaires entreprises et sur le résultat de celles-ci, et que, dans de nombreux cas, les gouvernements ont été clairement priés de communiquer copie des jugements prononcés. Par ailleurs, lorsque des gouvernements ont refusé de fournir les informations demandées en alléguant qu'il s'agissait de questions entièrement étrangères aux activités syndicales des intéressés, le Comité a signalé que le Conseil d'administration, sur la recommandation du Comité, avait toujours repoussé les arguments présentés et déclaré que la question de savoir si le motif des condamnations prononcées ou des détentions ordonnées relevait d'un délit criminel ou politique ou de l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranchée unilatéralement par le gouvernement intéressé de telle façon que le Conseil d'administration soit mis dans l'impossibilité de procéder à l'examen de l'affaire.
  14. 271. Le Comité tient donc à souligner que le fait de demander des informations complémentaires sur les actes dont des syndicalistes arrêtés se seraient rendus coupables et sur le résultat des procédures judiciaires engagées ne constitue pas de la part du Comité une procédure extraordinaire mais une pratique à laquelle il a constamment recours pour pouvoir pleinement apprécier les faits controversés évoqués dans chaque plainte. A ce propos, le Comité tient également à relever que, dans la quasi-unanimité des cas dont il a été saisi, les gouvernements intéressés n'ont pas manqué de collaborer à l'établissement des faits en présentant les observations et les informations sollicitées par le Comité ou par le Conseil d'administration.
  15. 272. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement du Cameroun sur la résolution concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical adoptée par la première Conférence régionale africaine de l'Organisation internationale du Travail (Lagos, décembre 1960), qui, dans le paragraphe 7: « demande au Conseil d'administration du Bureau international du Travail d'inviter les gouvernements qui feraient éventuellement l'objet de plaintes devant le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration à apporter au Comité leur plein concours en répondant notamment aux demandes d'observations qui leur sont adressées et en tenant le plus grand compte des recommandations qui leur seraient éventuellement transmises par le Conseil d'administration à la suite de l'examen de ces plaintes », et, dans le paragraphe 8: « demande au Conseil d'administration d'accélérer autant que possible la procédure de son Comité de la liberté syndicale et de donner une plus large publicité à ses conclusions » et de demander au gouvernement de bien vouloir revoir la situation à la lumière de cette résolution.
  16. 273. Par une communication en date du 5 novembre 1965, la Confédération internationale des syndicats libres, après avoir lancé un appel en vue que soit accélérée l'action visant à la libération des syndicalistes mentionnés au paragraphe 265 ci-dessus, donne sur le sort de ces derniers les précisions suivantes. D'après les plaignants, les intéressés seraient privés du droit de recevoir la visite de leur famille, il leur serait refusé des médicaments et ils seraient contraints de se procurer eux-mêmes leur nourriture; même dans ce cas, les gardiens retarderaient délibérément la distribution des colis envoyés aux détenus par la poste.
  17. 274. Le texte de cette communication a été transmis au gouvernement par une lettre en date du 15 novembre 1965, mais le gouvernement n'a pas encore présenté ses observations à son sujet.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 275. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir ses observations sur la communication de la C.I.S.L dont il est question au paragraphe 273 ci-dessus.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 276. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'attirer l'attention du gouvernement du Cameroun sur la résolution concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical adoptée par la première Conférence régionale africaine de l'Organisation internationale du Travail (Lagos, décembre 1960), qui, dans le paragraphe 7: « demande au Conseil d'administration du Bureau international du Travail d'inviter les gouvernements qui feraient éventuellement l'objet de plaintes devant le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration à apporter au Comité leur plein concours en répondant notamment aux demandes d'observations qui leur sont adressées et en tenant le plus grand compte des recommandations qui leur seraient éventuellement transmises par le Conseil d'administration à la suite de l'examen de ces plaintes », et, dans le paragraphe 8: « demande au Conseil d'administration d'accélérer autant que possible la procédure de son Comité de la liberté syndicale » et de donner une plus large publicité à ses conclusions, et de demander au gouvernement de bien vouloir revoir la situation à la lumière de cette résolution;
    • b) d'insister une fois encore, compte tenu de la résolution citée à l'alinéa précédent et pour les raisons indiquées aux paragraphes 270 et 271 ci-dessus, pour que le gouvernement veuille bien, d'une part, fournir des informations complémentaires plus détaillées en ce qui concerne les motifs exacts de l'arrestation des personnes mentionnées dans la plainte et, en particulier, sur la nature précise des documents dont la possession par les intéressés a justifié, aux yeux du gouvernement, la mesure qui a frappé ces derniers; d'autre part, indiquer si les syndicalistes mentionnés dans la plainte ont été 11, vont être jugés avec toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière et, dans l'affirmative, communiquer le texte des décisions rendues ainsi que celui de leurs attendus;
    • c) d'exprimer de nouveau l'espoir que la qualité de membre du Conseil d'administration de M. Ngamby sera dûment prise en considération à la lumière des obligations découlant de l'article 40 de la Constitution de l'O.I.T selon lequel les membres du Conseil d'administration doivent, en tant que tels, jouir « des privilèges et immunités qui leur sont nécessaires pour exercer, en toute indépendance, leurs fonctions en rapport avec l'Organisation », et sur l'importance attachée par le Conseil d'administration et la Conférence à leur exécution;
    • d) de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur les questions soulevées dans la communication de la Confédération internationale des syndicats libres en date du 5 novembre 1965;
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations dont la nature est précisée aux alinéas b) et d) ci-dessus.
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