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Rapport intérimaire - Rapport No. 88, 1966

Cas no 401 (Burundi) - Date de la plainte: 02-NOV. -65 - Clos

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  1. 4. Par un télégramme en date du 2 novembre 1965, le secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats chrétiens (C.I.S.C.) a déclaré que M. Niyirikana, président du Syndicat chrétien du Burundi, et M. Mayondo, conseiller de cette organisation, avaient été exécutés sans jugement le 25 octobre 1965 à Bujumbura et que d'autres dirigeants syndicaux avaient été placés sur une liste de personnes à exécuter. La C.I.S.C demandait au Directeur général d'intervenir de façon pressante et urgente en faveur de tous les autres dirigeants dont elle allègue qu'ils seraient menacés d'être exécutés.
  2. 5. Dès la réception de cette dépêche, le 3 novembre 1965, le Directeur général a adressé un câble au Premier ministre du Burundi dans lequel, après avoir donné le contenu du télégramme envoyé par la C.I.S.C, il a indiqué que, conformément à la procédure en vigueur, la plainte reçue serait soumise au Comité de la liberté syndicale institué par le Conseil d'administration pour examiner de telles plaintes conformément à la procédure établie à la demande des Nations Unies. Le Directeur général a informé le Premier ministre que le Comité se réunirait le 8 novembre mais a indiqué qu'il croyait devoir porter sans attendre la question à l'attention personnelle du Premier ministre et qu'il appréciait vivement l'envoi de toutes informations utiles en la matière.
  3. 6. Ayant constaté à sa session du mois de novembre 1965 qu'aucune réponse n'avait été reçue au câble du Directeur général, le Comité a recommandé au Conseil d'administration au paragraphe 324 de son quatre-vingt-cinquième rapport:
    • a) d'attirer l'attention du gouvernement du Burundi sur l'importance qu'il a toujours attachée au droit de toute personne détenue d'être jugée dans les plus brefs délais possible par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
    • b) d'exprimer sa vive inquiétude devant les allégations dont il est saisi relatives à l'exécution sans jugement et aux menaces d'exécution dans les mêmes conditions de dirigeants syndicaux au Burundi;
    • c) d'inviter instamment le gouvernement à fournir au Conseil d'administration, de manière particulièrement urgente, ses observations sur les questions soulevées dans le télégramme de la C.A.S.C du 2 novembre 1965, sur lequel le Directeur général a attiré l'attention personnelle du Premier ministre du Burundi par une dépêche en date du 3 novembre 1965.
      • Le Conseil d'administration a approuvé ces recommandations le 18 novembre 1965.

7. Les allégations formulées par la C.I.S.C le 2 novembre 1965 suivaient d'autres allégations antérieures formulées les 13 mai, 10 juillet et 23 octobre 1964. Essentiellement, ces allégations faisaient état de l'emprisonnement de dirigeants et militants syndicaux au Burundi et, ultérieurement, des menaces d'exécution pesant sur eux.

7. Les allégations formulées par la C.I.S.C le 2 novembre 1965 suivaient d'autres allégations antérieures formulées les 13 mai, 10 juillet et 23 octobre 1964. Essentiellement, ces allégations faisaient état de l'emprisonnement de dirigeants et militants syndicaux au Burundi et, ultérieurement, des menaces d'exécution pesant sur eux.
  1. 8. En novembre 1965, le Comité a constaté qu'après s'être abstenu de répondre à six demandes distinctes visant à ce qu'il présente ses observations sur ces allégations, le gouvernement, dans une communication du 8 septembre 1965, déclarait simplement que « les personnes faisant l'objet de la plainte n'avaient pas été lésées en qualité de syndicalistes mais en tant qu'individus ». Le Comité, fidèle à sa pratique constante dans les cas où les gouvernements ont répondu que les procédures judiciaires engagées n'avaient aucun rapport avec l'exercice des droits syndicaux, a donc recommandé au Conseil d'administration au paragraphe 319 de son quatre-vingt-cinquième rapport:
  2. a) de signaler au gouvernement que la question de savoir si le motif des condamnations prononcées contre des syndicalistes ou des détentions ordonnées relève d'un délit criminel ou de l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranchée unilatéralement par le gouvernement intéressé, de telle façon que le Conseil d'administration soit mis dans l'impossibilité de l'examiner plus avant;
  3. b) de prier le gouvernement de bien vouloir fournir d'urgence des renseignements sur les motifs exacts des détentions des personnes mentionnées dans les plaintes des 10 juillet et 23 octobre 1964 et sur la situation présente de ces personnes, en précisant si des poursuites judiciaires ont été engagées contre l'une quelconque desdites personnes et, dans l'affirmative, de fournir le texte des jugements prononcés ainsi que celui de leurs attendus.
  4. ......................................................................................................................................................
  5. Le Conseil d'administration a approuvé ces recommandations le 18 novembre 1965.
  6. 9. Une série d'allégations, encore antérieure à la précédente, selon laquelle, le 15 janvier 1962, quatre syndicalistes, MM. Nduwabike, Ndinzurwaha, Ntaymerijakiri et Baravura auraient été assassinés à Usumbura à l'instigation des autorités se trouve soumise à l'examen du Comité depuis 1962. Le gouvernement a été prié non moins de quinze fois de fournir ses observations sur ces allégations sans qu'aucune suite ait jamais été donnée à ces demandes. Dans ces conditions, le Comité, en novembre 1965, a recommandé au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur la résolution sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical adoptée à l'unanimité par la première Conférence régionale africaine de l'Organisation internationale du Travail (Lagos, décembre 1960), et plus particulièrement sur les paragraphes 7 et 8 qui sont ainsi conçus:
  7. [La Conférence]
  8. 7. Demande au Conseil d'administration du Bureau international du Travail d'inviter les gouvernements qui feraient éventuellement l'objet de plaintes devant le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration à apporter au Comité leur plein concours en répondant notamment aux demandes d'observations qui leur sont adressées et en tenant le plus grand compte des recommandations qui leur seraient éventuellement transmises par le Conseil d'administration à la suite de l'examen de ces plaintes;
  9. 8. Demande au Conseil d'administration d'accélérer autant que possible la procédure de son Comité de la liberté syndicale et de donner une plus large publicité à ses conclusions, surtout lorsque certains gouvernements refusent de coopérer loyalement à l'examen des plaintes présentées contre eux.
  10. Ici encore, le Conseil d'administration a approuvé ces recommandations le 18 novembre 1965.
  11. 10. L'ensemble de ces conclusions a été porté à la connaissance du gouvernement selon la procédure normale par une lettre en date du 23 novembre 1965. Par un télégramme portant la même date, le Directeur général a attiré sur ces conclusions l'attention personnelle du Premier ministre du Burundi, conformément aux voeux exprimés à cet égard au cours de la discussion de la question par le Conseil d'administration le 18 novembre 1965, en lui faisant part de l'inquiétude manifestée par le Conseil au sujet de cette affaire et en lui indiquant qu'à la demande du Conseil les conclusions du Comité avaient été portées à la connaissance du Secrétaire général des Nations Unies. Ces diverses communications, malgré une lettre de rappel envoyée au gouvernement le 10 janvier 1966, sont restées sans réponse.
  12. 11. Par ailleurs, le secrétaire d'Etat à la Justice du Burundi a, sur sa demande, été reçu le 19 novembre 1965 au Bureau international du Travail par un représentant du Directeur général. Au cours de l'entrevue qui a eu lieu, il a été expliqué à cette personnalité dans quelles conditions les plaintes mettant en cause son pays avaient été reçues, la procédure générale établie en commun avec les Nations Unies dans laquelle se situe l'examen des plaintes et les mesures prises sur l'affaire concernant le Burundi jusqu'à la discussion au Conseil d'administration et aux décisions de ce dernier. Il a été insisté auprès de lui sur l'importance qu'il y aurait à ce que son gouvernement présente ses observations sur les faits évoqués dans l'affaire, en particulier en ce qui concerne les conditions dans lesquelles les syndicalistes mentionnés dans les plaintes avaient été exécutés. Ayant indiqué que les syndicalistes exécutés l'avaient été à la suite de jugements régulièrement rendus, le représentant du gouvernement du Burundi a donné l'assurance que le texte de ces jugements serait adressé au B.I.T dans le courant du mois de décembre 1965. A ce jour, aucune information de ce genre n'a été reçue par le Directeur général.
  13. 12. Le Comité déplore que, malgré les assurances données, tous les appels adressés au gouvernement en vue d'obtenir que celui-ci présente ses observations sur les questions soulevées dans les plaintes déposées soient restés sans écho.
  14. 13. Dans ces conditions exceptionnelles, le Comité, n'ayant reçu aucune coopération du gouvernement en ce qui concerne une question de la plus grande gravité, a décidé de prier les plaignants de fournir toutes informations utiles dont ils pourraient disposer en ce qui concerne l'évolution de la situation au Burundi. Il a également tenu compte de diverses informations largement diffusées d'après lesquelles de nouvelles exécutions seraient intervenues depuis l'adoption par le Conseil d'administration en novembre 1965 des conclusions du Comité. Parmi ces informations, figure en particulier une déclaration publiée par la Commission internationale de juristes - organisation non gouvernementale ayant pour but de promouvoir la notion de la primauté du droit et qui compte parmi ses membres les présidents ou juges, anciens ou actuels, des cours suprêmes d'Australie, de Birmanie, du Canada, de Ceylan, du Chili, de l'Inde, du Nigeria, de la Norvège, du Sénégal et du Soudan - fondée sur les renseignements fournis par son observateur, le professeur Philippe Graven, de nationalité suisse, docteur en droit de l'Université de Genève, qui est arrivé au Burundi le 14 décembre 1965.
  15. 14. Selon cette déclaration, quelque quatre-vingt-six personnes auraient été condamnées à mort par des cours martiales et exécutées depuis le 19 octobre 1965; parmi ces personnes, figureraient notamment le président et les deux vice-présidents de la Chambre des représentants, le président et les deux vice-présidents du Sénat, le ministre des Affaires économiques, le président du Parti du peuple et le président du Syndicat chrétien.
  16. 15. Même après l'arrivée de l'observateur de la Commission au Burundi, poursuit la déclaration, vingt-deux personnes, dont le président du Sénat, auraient été exécutées. La déclaration mentionne également qu'entre 500 et 1200 personnes se trouveraient détenues.
  17. 16. En conclusion, la déclaration s'exprime en ces termes:
  18. Aucune organisation consciente de ses responsabilités ne pourrait laisser passer en silence l'exécution de tous les membres des bureaux des deux Chambres du Parlement d'un pays quelconque et d'un grand nombre des principaux dirigeants d'un groupe ethnique sans s'être fermement assurée que la justice et la légalité n'ont pas été violées. Le fait que ces événements se soient déroulés sans aucune publicité, ou presque, est en soi un élément troublant.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 17. La responsabilité de l'Organisation internationale du Travail en la matière se limite à la protection des droits syndicaux, au sujet de laquelle elle est responsable en vertu de la Constitution de l'O.I.T et elle a accepté d'être responsable par accord avec les Nations Unies. Il est évident que les tragiques événements du Burundi dépassent largement le cadre de violations des droits syndicaux mais affectent directement les droits fondamentaux de l'homme d'un large secteur de la population du pays et que, dans ces conditions, le rôle de l'Organisation internationale du Travail en matière de protection des droits syndicaux ne saurait être exercé efficacement sans une action parallèle des Nations Unies visant à protéger les droits fondamentaux de l'homme de la population du Burundi dans son ensemble. Au sein des Nations Unies, la responsabilité des questions portant sur les droits de l'homme incombe à la Commission des droits de l'homme du Conseil économique et social, au Conseil économique et social lui-même et à l'Assemblée générale. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration d'inviter le Directeur général à prier le Secrétaire général des Nations Unies à porter la question de la violation des droits de l'homme au Burundi à l'attention de la Commission des droits de l'homme du Conseil économique et social lors de la prochaine session de cette dernière comme une question d'urgence.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 18. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de manifester sa sérieuse préoccupation à l'égard des très graves allégations concernant les arrestations et exécutions de dirigeants syndicaux contenues dans les plaintes soumises à l'O.I.T et d'exprimer son vif regret que le gouvernement du Burundi refuse sa coopération à l'examen de ces plaintes;
    • b) de réaffirmer l'importance qu'il a toujours attachée au droit de toute personne détenue d'être jugée dans les plus brefs délais possible par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
    • c) de demander de nouveau instamment au gouvernement de bien vouloir fournir d'urgence des informations sur les questions mentionnées aux paragraphes 4, 7 et 9 ci-dessus;
    • d) de noter que le Comité a décidé de prier les plaignants de fournir toutes informations dont ils pourraient disposer en ce qui concerne l'évolution de la situation au Burundi;
    • e) d'inviter le Directeur général à prier le Secrétaire général des Nations Unies à porter la question de la violation des droits de l'homme au Burundi à l'attention de la Commission des droits de l'homme du Conseil économique et social lors de la prochaine session de cette dernière comme une question d'urgence.
      • Genève, 21 février 1966. (Signé) Roberto AGO, président
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