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Rapport intérimaire - Rapport No. 83, 1965

Cas no 370 (Portugal) - Date de la plainte: 25-OCT. -63 - Clos

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  1. 237. La plainte de la Fédération syndicale mondiale (F.S.M.) est contenue dans une communication en date du 25 octobre 1963, adressée au Secrétaire général des Nations Unies et transmise par ce dernier à l'O.I.T, conformément à la procédure en vigueur. Cette plainte ayant été communiquée au gouvernement pour observations par une lettre en date du 26 décembre 1963, celui-ci a fait parvenir sa réponse par une communication datée du 30 mai 1964.
  2. 238. Le Portugal n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié par contre la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 239. Les plaignants allèguent tout d'abord, en termes généraux, que le seul fait de réclamer la liberté syndicale, la liberté d'expression, la liberté de réunion ou le droit d'association constitue au Portugal un crime puni par la loi.
  2. 240. Ils allèguent ensuite qu'il se trouve dans les prisons de Caxias, de Peniche et de Pide de Porto, dans la colonie pénitentiaire de Paços de Ferreira et dans les camps de concentration des colonies, des milliers de Portugais démocrates condamnés à de lourdes peines pour faits de grève ou délits d'opinion. Parmi ceux-ci, poursuivent les plaignants, plus d'une centaine sont condamnés à la prison perpétuelle en application de la loi sur les mesures de sécurité, qui permet, une fois purgée la peine originale et sur la simple proposition de la police politique, de prolonger indéfiniment, de trois ans en trois ans, la durée de l'incarcération.
  3. 241. A l'appui de ces allégations d'ordre général, les plaignants citent le cas de M. Manuel Rodriguez da Silva, « ouvrier métallurgiste et dirigeant syndical ». Aux dires de la F.S.M, cette personne aurait été arrêtée en 1936 et internée dans le camp de concentration de Tarrafal neuf années durant sans être passée en jugement. Arrêté de nouveau en 1950, l'intéressé se trouverait toujours au fort de Peniche après plus de vingt-trois ans passés en prison. Bien qu'ayant purgé depuis longtemps la peine à laquelle il avait été condamné en 1950 - poursuivent les plaignants -, il est maintenu en prison en application de la loi sur les mesures de sécurité.
  4. 242. Dans les observations présentées par le gouvernement le 30 mai 1964, celui-ci fait valoir en premier lieu que l'allégation selon laquelle le simple fait de réclamer la liberté syndicale ou le droit d'association constitue un crime puni par la loi est totalement dénuée de fondement. En effet, déclare le gouvernement, en vertu des dispositions de l'article ter du décret-loi no 39660, du 20 mai 1954, tous les citoyens jouissant de leurs droits civiques et politiques ont le droit de former des associations n'ayant pas un caractère secret et dont les objectifs ne portent ni atteinte aux droits de tiers ou au bien publie, ni préjudice aux intérêts de la société ou aux principes sur lesquels repose l'ordre moral, économique et social de la nation.
  5. 243. Le gouvernement déclare ensuite que dans aucun établissement pénitentiaire ne se trouve de détenu accusé de faits en rapport avec des grèves. « Quant à l'allégation relative aux camps de concentration - poursuit le gouvernement -, elle est aussi entièrement dénuée de fondement, ceux-ci n'existant en aucun point du territoire national, en métropole ou outre-mer. »
  6. 244. Quant aux personnes auxquelles la F.S.M semble faire allusion, le gouvernement déclare qu'elles ont été condamnées pour atteintes à la sûreté de l'Etat. Ces personnes - poursuit-il - condamnées, donc, pour atteinte à la sûreté de l'Etat et frappées, à titre de mesure de sécurité, d'une peine accessoire que l'organisation plaignante qualifie d'« emprisonnement à perpétuité », ont été remises en liberté avant d'avoir achevé leur troisième année d'emprisonnement. « D'autres prisonniers - déclare encore le gouvernement - n'ont même pas eu à commencer à subir cette peine et d'autres encore ont été remis en liberté aussitôt après avoir accompli la moitié de la peine principale à laquelle ils avaient été condamnés; par exemple, certains individus qui se sont vus condamnés à une peine de cinq années de prison (y compris la peine accessoire à titre de mesure de sécurité) ont été libérés après deux années de réclusion. »
  7. 245. En ce qui concerne la personne qui est nommément désignée par les plaignants, à savoir M. Manuel Rodriguez da Silva, le gouvernement déclare qu'il est, dans le groupe dont il est question au paragraphe précédent, parmi les trois personnes pour lesquelles il a été jugé nécessaire de ne pas limiter à trois ans la peine accessoire à titre de mesure de sécurité. Cependant, indique le gouvernement, l'intéressé n'a pas terminé les six années qui lui avaient été infligées comme peine accessoire puisque, condamné le 5 mars 1958, il a été remis en liberté le 8 janvier 1964. Quoi qu'il en soit, ici encore, le gouvernement affirme que la personne en question a été poursuivie et condamnée uniquement pour atteinte à la sûreté de l'Etat.
  8. 246. Saisi du cas à sa trente-huitième session, tenue au mois de novembre 1964, le Comité a rappelé que, par le passé 1, quand des gouvernements ont répondu aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été détenus pour activités syndicales en déclarant que ces personnes avaient été détenues en réalité pour activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, il a toujours suivi la règle qui consiste à demander aux gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible au sujet de ces détentions et de leurs motifs exacts, et a ajouté que si, dans certains cas, il a décidé que des allégations relatives à l'arrestation ou à la détention de militants syndicalistes n'appelaient pas un examen plus approfondi, cela était dû au fait qu'il avait reçu des gouvernements certaines informations prouvant d'une manière suffisamment évidente et précise que ces arrestations ou détentions n'avaient rien à voir avec des activités syndicales, mais résultaient uniquement d'activités dépassant le cadre syndical, nuisibles à l'ordre public ou de caractère politique
  9. 247. Dans le cas d'espèce - constatait le Comité -, en réponse à l'allégation des plaignants selon laquelle une personne nommément désignée et qu'ils disent être dirigeant syndical aurait été arrêtée, le gouvernement se borne à déclarer que l'arrestation de l'intéressé a été motivée uniquement par des raisons de sécurité intérieure.
  10. 248. En conséquence, s'inspirant de la jurisprudence rappelée au paragraphe 246 ci-dessus, le Comité a chargé le Directeur général de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire savoir, d'une part, quelle juridiction a prononcé la condamnation de M. Manuel Rodriguez da Silva, d'autre part, quels sont exactement les actes qui ont été reprochés à l'intéressé.
  11. 249. Cette demande d'informations du Comité ayant été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 16 novembre 1964, le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une communication en date du 7 avril 1965.
  12. 250. Dans cette communication, le gouvernement fournit les indications suivantes. Sujet brésilien naturalisé Portugais, M. Manuel Rodriguez da Silva, serrurier-mécanicien, a été arrêté le 7 février 1950. Jugé par le tribunal criminel de Lisbonne le 24 avril 1951, il a été condamné à quatre ans de prison en régime cellulaire et à la suspension de tous ses droits politiques pendant quinze ans pour des délits réprimés par les articles 169, 172 et 173 du Code pénal. A la suite d'un recours interjeté contre la décision du tribunal criminel, la peine qui avait été prononcée par ce dernier a, le 4 juillet 1951, été commuée en une peine de deux ans de prison et de huit ans d'assignation à résidence. Le 15 mars 1954, la troisième cour criminelle de Lisbonne a condamné l'intéressé à six mois de prison en régime cellulaire pour des délits prévus aux articles 169, 216 (5), 219 et 233 du Code pénal; une remise de peine de trois mois lui a été consentie en vertu du décret no 40144. L'intéressé ayant fini de purger sa peine le 4 mars 1958, les périodes d'assignation à résidence ont été prorogées de trois en trois ans jusqu'au 8 janvier 1964, date à laquelle il a été remis en liberté.
  13. 251. Le gouvernement ne précisant pas les motifs pour lesquels la personne mise en cause a encouru les peines dont elle a été frappée, mais se contentant d'indiquer en vertu de quels articles du Code pénal elle a été condamnée, il convient de se reporter au texte de ces articles.
  14. 252. L'article 169 prévoit que l'importation, la fabrication, la garde, l'achat, la vente ou la cession, à quelque titre que ce soit, le transport, la détention, l'usage et le port d'armes prohibées, d'engins ou de matériaux explosifs en dehors des conditions légales, ou en contravention des prescriptions des autorités compétentes, seront punis, si leurs auteurs les destinent ou ont connaissance qu'ils sont destinés à commettre un crime contre la sûreté extérieure ou intérieure de l'Etat. L'article 172 vise et punit les actes préparatoires aux crimes contre la sûreté extérieure ou intérieure de l'Etat, et l'article 173 la conjuration ou le complot en vue de l'exécution des crimes énoncés à l'article précédent. Les articles 216 et 219 visent la fabrication de documents falsifiés. L'article 233, enfin, vise et punit l'usage d'un faux nom, en vue de se soustraire d'une manière quelconque à la surveillance légale de l'autorité publique ou de porter un préjudice quelconque à l'Etat ou aux particuliers.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 253. Il semblerait bien, d'après la teneur des articles du Code pénal qui sont mentionnés au paragraphe précédent, que les condamnations encourues par M. Manuel Rodriguez da Silva aient eu pour origine des actes étrangers aux activités syndicales qui auraient pu être déployées par ce dernier. Etant donné, toutefois, qu'à sa trente-huitième session, le Comité avait demandé au gouvernement de lui indiquer quels étaient exactement les actes qui avaient été reprochés à l'intéressé - indication que le gouvernement dans sa dernière réponse s'abstient de donner -; étant donné, en outre, que la personne mise en cause a été condamnée à la suite de jugements, le Comité, rappelant que, dans tous les cas où une affaire avait fait l'objet d'une action devant une instance judiciaire nationale, il a, estimant que la décision intervenue était susceptible de lui fournir d'utiles éléments d'information pour son appréciation des allégations formulées, demandé aux gouvernements de lui fournir le texte même des jugements rendus ainsi que celui de leurs considérants, recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement portugais de bien vouloir lui communiquer le texte des jugements rendus en outre contre M. Rodriguez da Silva, ainsi que celui de leurs considérants et, en attendant d'être en possession de ces informations, de décider d'ajourner l'examen du cas.
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