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Rapport définitif - Rapport No. 73, 1964

Cas no 348 (Honduras) - Date de la plainte: 08-JUIL.-63 - Clos

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  1. 102. La plainte originale a été déposée le 8 juillet 1963 par le Syndicat des travailleurs de la Standard Fruit Company (SITRASFRUCO). Elle a été transmise au gouvernement du Honduras par une lettre du 25 juillet 1963, dans laquelle celui-ci était prié de présenter ses observations; ces observations sont parvenues au Bureau le 18 septembre 1963.
  2. 103. Le Honduras a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 104. Dans sa plainte, le syndicat dénonce l'intervention des pouvoirs publics dans l'activité du syndicat. Il signale, à cet égard, que le 31 mai 1961, au cours du huitième Congrès de SITRASFRUCO, le Président de la République a adressé au gouverneur politique départemental le télégramme suivant J'ai été informé qu'on note, au huitième Congrès ordinaire des travailleurs de la Standard Fruit Company, des tendances antidémocratiques très marquées pour tenter d'introduire, dans le Comité directeur du syndicat, des éléments de tendance marxiste reconnue, dont quelques-uns se sont rendus récemment dans la communiste Cuba. Etant donné que la Constitution de la République interdit toute activité contraire à l'esprit démocratique du peuple hondurien, vous voudrez bien aviser les chefs les plus responsables du mouvement ouvrier de ce secteur du travail que toute infiltration d'éléments marxistes dans les cadres directeurs sera considérée comme une pratique préjudiciable au mouvement syndical, aux relations entre employeurs et travailleurs et aux liens existant entre le gouvernement et les organisations syndicales de travailleurs. Veuillez vous mettre en rapport avec les dirigeants syndicaux de tendance démocratique et me tenir au courant du résultat de vos démarches, qui doivent tendre à consolider les conquêtes démocratiques réalisées sous le régime de la seconde République.
    • Cordialement.
    • (Signé) Ramón VILLEDA MORALES, Président de la République.
  2. 105. Les plaignants estiment que, ce faisant, le gouvernement s'est immiscé dans les activités du syndicat, en violation de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
  3. 106. Les plaignants déclarent également qu'après que le nouveau Comité directeur du syndicat eut été enregistré auprès de la Direction générale du travail, les autorités ont suspendu l'enregistrement sans laisser à l'organisation le droit de défendre en justice les effets de l'enregistrement.
  4. 107. Dans sa réponse, le gouvernement indique que le message présidentiel ne viole en rien la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En effet, aux termes de la Constitution nationale, les travailleurs et les employeurs ont le droit de s'associer librement à des fins ayant trait exclusivement à leurs intérêts économiques et sociaux. Il apparaît que certains des dirigeants de SITRASFRUCO se sont adonnés à des activités marxistes, qui sont interdites par la Constitution nationale. D'autre part, le Code du travail interdit aux syndicats de s'immiscer dans la politique des partis. Le message présidentiel rappelait aux travailleurs que les organisations syndicales garanties par la loi hondurienne n'ont rien de commun avec les associations syndicales de type communiste. Le message présidentiel ne limitait donc en rien le droit d'élire librement les représentants syndicaux.
  5. 108. Le gouvernement répond également à l'allégation selon laquelle la suspension des effets légaux de l'enregistrement du nouveau Comité directeur violait la convention no 87. Le gouvernement envoie, à ce sujet, une copie de la documentation compilée par les autorités administratives à l'occasion des faits signalés, ainsi que le texte de l'arrêt de la Cour suprême. Il ressort de cette documentation que, le 7 juin 1963, M. Héctor Acosta Romero a informé la Direction générale du travail de la composition du nouveau Comité directeur du syndicat, dont il était président. La Direction générale du travail a vérifié si le changement du Comité directeur avait eu lieu dans le respect des formes légales. Quelques jours plus tard, elle fut informée qu'il s'était produit des irrégularités au cours des élections dudit Comité directeur, et elle fut saisie d'une demande d'enregistrement d'un autre Comité directeur élu par les membres dissidents du congrès. En fait, au moment où le huitième Congrès de SITRASFRUCO allait élire le nouveau Comité directeur, certains délégués dissidents abandonnèrent la réunion et décidèrent d'élire leur propre Comité directeur. Ces faits se sont produits dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1963. Eu égard à ces faits et à l'existence de deux comités directeurs, la Direction générale du travail a décidé que l'élection des représentants syndicaux resterait sans effet jusqu'à ce qu'elle ait effectué l'enquête qui s'imposait et qu'il eût été remédié aux vices qui avaient entaché le déroulement de la procédure prévue par les statuts. Les plaignants n'ont pas fait appel de cette décision,
  6. 109. Ultérieurement, la Direction générale du travail a été saisie d'une autre plainte visant la légalité de l'élection du Comité directeur présidé par M. Héctor Acosta Romero. D'après cette plainte, il s'était produit, au cours du congrès, une série d'irrégularités jusqu'au moment où 30 des 63 délégués présents au congrès se retirèrent, les autres décidant de voter la confiance au Comité directeur actuel du syndicat. C'est à la suite de ces événements que M. Héctor Acosta Romero a informé la Direction générale du travail de la nomination du nouveau Comité directeur. En fait, aux termes des statuts, le Conseil des délégués aurait dû élire le Comité directeur au scrutin secret, par appel nominal, ou par vote ordinaire. Quant à M. Héctor Acosta Romero, il conteste les indications données dans la plainte, les réfute et explique que les dispositions statutaires avaient été parfaitement respectées.
  7. 110. Le ministère du Travail, par l'intermédiaire de l'Inspection du travail de la ville de La Ceiba, a effectué une enquête pour vérifier si le congrès s'était déroulé dans le respect des dispositions légales et statutaires. Il est ressorti de l'enquête qu'il s'était produit une série d'actes incompatibles avec les dispositions du Code du travail et les statuts du syndicat. La Direction générale du travail a décidé, en conséquence, que les décisions du congrès étaient entachées de nullité et qu'aucun des deux comités directeurs n'était valide. M. Héctor Acosta Romero a formé un recours en nullité contre cette décision devant la Cour suprême de justice, qui a rejeté le recours, car elle a estimé qu'il n'y avait eu violation d'aucune disposition constitutionnelle. Quelques jours avant le prononcé de l'arrêt, les délégués dûment accrédités au treizième Congrès extraordinaire du syndicat avaient déjà élu un nouveau Comité directeur.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 111. L'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, dispose que « les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit... d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action ». L'article dispose, en outre, que « les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal ». A d'autres occasions, le Comité a indiqué toute l'importance qu'il attache au principe généralement admis qui veut que les autorités publiques s'abstiennent de toute mesure qui limite le droit qu'ont les organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité.
  2. 112. Le Comité constate que, dans le cas présent, un groupe de délégués dissidents ont abandonné la séance au moment où le Congrès de SITRASFRUCO allait élire le nouveau Comité directeur. Ces faits se sont produits immédiatement après que le Président de la République eut envoyé le télégramme mentionné dans la plainte. Dans ces circonstances, il se peut que l'intervention du Président de la République ait influé sur l'état d'esprit des délégués et sur le comportement qu'ils ont adopté à l'égard de l'élection des nouveaux représentants du syndicat. Le Comité estime que le fait que les autorités interviennent au cours des élections d'un syndicat, en exprimant une opinion au sujet des candidats et des conséquences de ces élections, porte gravement atteinte au droit que les organisations syndicales ont d'élire en toute liberté leurs représentants.
  3. 113. En ce qui concerne les allégations relatives à la suspension des effets de l'enregistrement du nouveau Comité directeur, le Comité constate que, par l'effet des mesures de caractère administratif prises par la Direction générale du travail, le syndicat a été privé, pendant un certain temps, d'organes dirigeants et de représentants. En d'autres occasions déjà, le Comité a exprimé l'opinion que la suspension d'une charge syndicale par décision de l'autorité administrative peut donner lieu à des abus ou à la violation du droit que l'on reconnaît généralement aux syndicats d'élire en toute liberté leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité.
  4. 114. Etant donné que la suspension des résultats des élections peut avoir des effets similaires à la suspension de l'organisation elle-même, le Comité rappelle les observations qu'il a présentées en d'autres occasions selon lesquelles les mesures de suspension qui seraient adoptées par l'autorité administrative risquent de paraître arbitraires, même si elles ont un caractère provisoire et temporaire et sont suivies d'une action judiciaire . Le Comité estime que les principes énoncés à l'article 3 de la convention no 87 n'interdisent pas le contrôle de l'activité d'un syndicat lorsque cette activité viole les dispositions légales ou statutaires. Néanmoins, le Comité estime aussi qu'il importe au plus haut point, à l'effet de garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure, que ce contrôle soit le fait de l'autorité judiciaire compétente.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 115. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de signaler au gouvernement l'importance qu'il a toujours attribuée au principe selon lequel les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention qui limiterait le droit qu'ont les organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants;
    • b) de signaler au gouvernement que le fait que les autorités interviennent au cours des élections d'un syndicat, en exprimant leur opinion au sujet des candidats et des conséquences éventuelles des élections, porte gravement atteinte au principe selon lequel les organisations syndicales ont le droit d'élire en toute liberté leurs représentants;
    • c) en ce qui concerne l'intervention de l'administration à l'occasion de l'élection des représentants syndicaux, d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait que, au cas où il se révèle nécessaire de contrôler l'activité d'un syndicat, il importe au plus haut point, afin de garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure, que ce contrôle soit le fait de l'autorité judiciaire compétente.
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