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- 19. Par une communication en date du 18 février 1958, la Fédération panhellénique de l'électricité et entreprises d'utilité publique a déposé devant l'O.I.T une plainte en violation de la liberté syndicale dirigée contre le gouvernement hellénique. Par une lettre en date du 21 février 1958, l'organisation plaignante a été informée de son droit de présenter des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. La plainte a été communiquée au gouvernement pour observations par une lettre en date du 21 février 1958. Par une communication en date du 16 mars 1958, l'organisation plaignante a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. A leur tour, ces informations ont, par une lettre du 21 mars 1958, été transmises au gouvernement, qui a fait parvenir ses observations par une communication en date du 12 mai 1958.
- 20. Par une communication en date du 13 juin 1958, la Fédération syndicale mondiale a déposé une plainte portant sur les mêmes questions. Cette plainte a été communiquée au gouvernement le 26 juin 1958 et ce dernier a présenté sur elle ses observations par une lettre datée du 21 juillet 1958.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 21. Le Comité a rappelé avoir, à sa vingtième session, tenue en novembre 1958, déjà été saisi du cas, lequel peut être brièvement résumé de la manière suivante. Le 8 février 1958, la Direction générale des chemins de fer électriques a procédé au congédiement de M. Dimitrios Yachnis, employé de la Compagnie, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des chemins de fer électriques et membre du Comité exécutif de la Fédération panhellénique de l'électricité et entreprises d'utilité publique. Les plaignants allèguent que le licenciement de M. Yachnis, qui a eu lieu à la suite d'une grève et à la veille d'élections syndicales, a pour origine les activités syndicales déployées par l'intéressé. Le congédiement a été signifié à ce dernier par ses employeurs agissant sur l'ordre de la Sûreté générale, en application de la loi no 1985 de 1952 sur les obligations des dirigeants et du personnel des entreprises d'utilité publique et - prétendent les plaignants - au mépris des dispositions de la loi no 1803 de 1951 relative à la protection des cadres syndicaux. De son côté, le gouvernement déclarait que la question se ramenait à une interprétation juridique qu'il appartenait aux tribunaux de donner sur le point de savoir si M. Yachnis devait être protégé par les dispositions de la seconde des lois mentionnées plus haut ou si son cas était régi par la première de ces lois.
- 22. A sa session de novembre 1958, le Comité a examiné le cas quant au fond. Il a présenté à son sujet un rapport intérimaire au Conseil d'administration et, estimant qu'un certain nombre d'informations complémentaires lui seraient nécessaires pour qu'il puisse formuler en connaissance de cause ses recommandations définitives à l'endroit du cas, il a fait en ce sens, pour les raisons indiquées aux paragraphes 225 à 236 de son trentième rapport, une recommandation qui a été approuvée par le Conseil d'administration à sa 140ème session (Genève, 18-21 novembre 1958).
- 23. La recommandation du Comité au Conseil d'administration était ainsi conçue:
- Le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de demander au gouvernement, pour les raisons indiquées aux paragraphes 225 et 226 ci-dessus, de lui indiquer, d'une part, si, depuis sa réponse, il a eu connaissance que M. Yachnis ait fait usage du droit de recours dont il disposait et, dans D'affirmative, de bien vouloir lui fournir le texte du jugement rendu et de ses attendus, d'autre part, au cas où il n'aurait pas encore été fait appel, si les délais impartis pour cet appel sont ou non écoulés et, le cas échéant, jusqu'à quand ils courent;
- b) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle l'interprétation des champs d'application respectifs des lois no 1803 de 1951 et no 1985 de 1952 relève des tribunaux, et de demander au gouvernement, pour les raisons indiquées aux paragraphes 228 à 231 ci-dessus, de bien vouloir lui indiquer s'il existe, indépendamment du cas particulier de M. Yachnis, une jurisprudence en la matière et, dans l'affirmative, quelle est cette jurisprudence;
- c) de noter que le gouvernement s'abstient de fournir des précisions quant aux raisons pour lesquelles la police a exigé la mesure qui a frappé M. Yachnis et de décider, en conséquence, pour les raisons indiquées aux paragraphes 233 à 236 ci-dessus et, en particulier, compte tenu du fait que le congédiement incriminé et qui a frappé un dirigeant syndical serait intervenu à la suite d'une grève, d'une part, et à la veille d'élections syndicales, d'autre part, de demander au gouvernement de bien vouloir lui fournir des informations plus détaillées sur les données précises qui ont motivé la décision dont M. Yachnis a été l'objet et, en particulier, s'il en est, sur les activités spécifiques qui sont reprochées à l'intéressé;
- d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement aux alinéas a), b) et c) ci-dessus.
- 24. Ces conclusions intérimaires ont été adoptées par le Conseil d'administration à sa 140ème session (novembre 1958) et portées à la connaissance du gouvernement hellénique par une lettre en date du 2 décembre 1958. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une lettre en date du 6 mars 1959.
- 25. Dans cette communication, le gouvernement faisait un exposé chronologique des faits qui ont marqué l'affaire en question après le licenciement de M. Yachnis. Le 17 mars 1958, M. Yachnis a intenté une action contre la Compagnie des chemins de fer électriques demandant sa réintégration en invoquant pour cela le fait que les dispositions de la loi no 1803 de 1951 sur la protection des cadres syndicaux n'avaient pas été respectées. Le 22 mai 1958, M. Yachnis a communiqué une déclaration, datée du 19 mai, par laquelle il dit considérer son contrat comme résilié, cessant ainsi de réclamer sa réintégration. Le 30 juin 1958, le tribunal de première instance a déclaré nul et non avenu le licenciement de M. Yachnis. A la suite de cette décision, la Compagnie des chemins de fer électriques a, le 19 juillet 1958, enjoint à M. Yachnis d'avoir à reprendre ses fonctions dans les cinq jours. M. Yachnis a répondu le 22 juillet en renvoyant à sa déclaration du 19 mai portant résiliation de son contrat. La compagnie a alors, les cinq jours prévus par son injonction étant écoulés, déclaré le 28 juillet 1958 considérer M. Yachnis comme démissionnaire. Le 3 octobre 1958, elle a intenté une action devant le tribunal de première instance d'Athènes demandant à ce que le retrait de M. Yachnis de ses fonctions soit considéré comme volontaire. Cette demande a été rejetée par un jugement du 31 décembre 1958. La Compagnie a interjeté appel contre ce jugement le 24 janvier 1959. De son côté, M. Yachnis a intenté parallèlement une action contre la Compagnie demandant que lui soit versée l'indemnité due aux personnes licenciées de leur emploi. Le gouvernement terminait en indiquant que ces deux dernières actions se trouvaient toujours en instance et précisait qu'il en porterait le résultat à la connaissance du Comité lorsque les décisions seraient intervenues.
- 26. Saisi de nouveau du cas à sa vingt-deuxième session (Genève, mai 1959), le Comité a constaté que, dans sa réponse, le gouvernement s'abstenait de communiquer les informations qui lui avaient été demandées par les alinéas b) et c) du paragraphe 237 de son trentième rapport, rappelé au paragraphe 23 ci-dessus. Pour cette raison et en attendant en outre de recevoir les décisions judiciaires annoncées par le gouvernement, le Comité avait chargé le Directeur général d'obtenir du gouvernement les éléments d'information qui lui faisaient encore défaut et d'ajourner jusque-là son examen du cas.
- 27. Cette décision du Comité a été portée à la connaissance du gouvernement hellénique par une lettre en date du 9 juin 1959. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une communication datée du 14 octobre 1959.
- 28. Par sa dernière communication, le gouvernement fournit le texte complet des quatre jugements qui ont été rendus dans l'affaire dont il est question à la suite des diverses actions intentées par les parties intéressées.
- 29. Le premier de ces jugements (décision no 3360/58 du tribunal de première instance d'Athènes) déclare nul et non avenu le licenciement de M. Yachnis. En prenant cette décision, le tribunal s'est fondé sur le fait que les dispositions de la loi no 1803 de 1951 n'avaient pas été respectées; ces dispositions stipulent, en effet, que les personnes travaillant en vertu d'un contrat de travail et ayant la qualité de président ou de secrétaire général d'une organisation professionnelle quelconque, ne peuvent être congédiées par résiliation de leur contrat de travail durant leur mandat syndical ainsi que pendant une année après qu'ont cessé leurs fonctions syndicales.
- 30. Le gouvernement, dans les commentaires qu'il présente et qui accompagnent le texte même des décisions judiciaires, indique que le jugement dont il est parlé au paragraphe précédent doit être considéré comme faisant jurisprudence, ce qui répond à la question posée par le Comité au sujet des champs d'application respectifs des lois nos 1803 de 1951 sur la protection des cadres syndicaux et 1985 de 1952 sur la protection des installations des entreprises d'utilité publique contre les dangers de sabotage.
- 31. Faisant suite à la décision du tribunal dont il est question au paragraphe 29 ci-dessus, la Compagnie des chemins de fer électriques invita M. Yachnis a rejoindre son poste ce qu'il ne fit pas, ayant été élu dans l'entre-temps, ainsi qu'il ressort des attendus des jugements, député à la Chambre.
- 32. Devant cette attitude de l'intéressé, la Compagnie intenta une action demandant que la cessation de fonctions de M. Yachnis soit considérée comme une démission volontaire en tenant notamment compte du fait que l'intéressé, avant que la décision du tribunal de première instance mentionnée plus haut soit connue, avait déclaré formellement renoncer à sa réintégration. Cette demande a été rejetée en première instance (décision no 7706/58). Le tribunal d'appel, par contre, y a accédé, modifiant ainsi la décision prise en première instance (décision no 6979/59). Il a, ce faisant, fondé sa décision non pas sur le fait que M. Yachnis avait renoncé à sa réintégration, mais sur celui qu'il s'était abstenu de réintégrer son poste alors qu'il y avait été invité par ses employeurs à la suite du jugement déclarant le licenciement nul.
- 33. Il s'ensuit que M. Yachnis a été débouté dans l'action qu'il avait intentée en vue d'obtenir l'indemnité due aux personnes licenciées (décision no 1204/59).
- 34. En ce qui concerne enfin la question qu'avait posée le Comité et le Conseil au sujet des motifs qui étaient à l'origine de la mesure prise à l'encontre de l'intéressé, le jugement no 3360/58 relève que les documents écrits de la Sûreté générale et des autorités militaires tendraient à montrer que M. Yachnis, de par son action communiste persistante, aurait constitué un danger pour la Compagnie des chemins de fer, qui répond à la définition donnée dans la loi no 1985 de 1952 des entreprises d'utilité publique.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 35. Dans ces conditions, étant donné que la mesure de licenciement prise initialement contre M. Yachnis paraît avoir son origine dans les activités politiques de celui qui en a été l'objet, que l'intéressé a par ailleurs obtenu satisfaction par un jugement déclarant son licenciement nul et non avenu, que ce jugement - que le gouvernement dit faire jurisprudence - donne le pas à la loi no 1803 de 1951 (protection des cadres syndicaux) sur la loi no 1985 de 1952 (protection des entreprises d'utilité publique contre le sabotage), qu'enfin, si M. Yachnis n'a pas été réintégré, c'est qu'il a lui-même préféré ne pas reprendre son poste alors que celui-ci lui était offert, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.