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Rapport intérimaire - Rapport No. 27, 1958

Cas no 143 (Espagne) - Date de la plainte: 15-AVR. -59 - Clos

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  1. 85. A sa 134ème session (Genève, mars 1957), le Conseil d'administration a approuvé les recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale dans un rapport provisoire sur le cas no 143 : Plaintes présentées le 4 mai et le 13 août 1956 par la Confédération internationale des syndicats libres, et le 25 juillet et le 22 août 1956 par l'Union générale des travailleurs espagnols en exil. Les conclusions de ce rapport provisoire portaient exclusivement sur deux questions préliminaires soulevées par le gouvernement espagnol dans sa communication en date du 4 janvier 1957, à savoir l'irrecevabilité de la plainte de la C.I.S.L, fondée sur l'incapacité de cette organisation, et l'incompétence du Comité de la liberté syndicale, motif pris de l'existence d'une exception de chose jugée. Le Conseil d'administration, en adoptant les recommandations de la Commission, a décidé de ne pas donner suite à ces objections et de demander au gouvernement espagnol ses observations sur le fond des plaintes présentées.
  2. 86. En conséquence, le Directeur général a, dans une communication en date du 12 mars 1957, demandé au gouvernement espagnol ses observations sur le fond des plaintes transmises ainsi que sur une nouvelle communication du 14 janvier 1957 de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil. Le gouvernement espagnol a fourni, le 12 avril 1957, des observations préliminaires portant exclusivement sur la communication faite le 14 janvier 1957 par l'Union générale des travailleurs espagnols en exil et a présenté, le 16 mai 1957, des observations sur les autres plaintes.
  3. 87. Après avoir, à sa dix-septième réunion (Genève, mai 1957), pris connaissance de la teneur des communications mentionnées du gouvernement de l'Espagne et procédé à un examen préalable du cas, le Comité a décidé d'inviter le gouvernement de l'Espagne à présenter des observations complémentaires sur divers points et notamment sur les plaintes présentées les 25 juillet et 22 août 1956 par l'Union générale des travailleurs espagnols en exil sur lesquelles ce gouvernement n'avait pas fait connaître son point de vue. Le Directeur général s'est adressé au gouvernement de l'Espagne le 6 juin 1957 pour lui demander ces renseignements complémentaires. Le gouvernement a fourni des informations complémentaires par une communication en date du 15 octobre 1957.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Plainte de la Confédération internationale des syndicats libres
    1. 88 La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres, présentée dans ses communications du 4 mai et du 13 août 1956, contient les allégations suivantes : le gouvernement espagnol aurait violé les droits de l'homme en brisant les grèves déclarées en avril 1956 à Bilbao et dans d'autres villes et en emprisonnant les grévistes. Le régime dictatorial aurait ordonné la fermeture des fabriques, portant ainsi préjudice à quelque 40.000 ouvriers. Quelques employeurs auraient tenté de normaliser la production, qui accusait un fléchissement, en accordant des augmentations de salaire supérieures à celles qui avaient été fixées par le gouvernement. Celui-ci s'est opposé à cette initiative et a ordonné la fermeture des établissements en question. D'autre part, le régime franquiste aurait recommencé à persécuter des travailleurs qui ont pris part à la grève générale de 1951. Onze personnes des provinces basques auraient été condamnées à des peines de trois à six ans de réclusion pour avoir participé à la grève. Après avoir été remises en liberté, elles ont récemment été emprisonnées de nouveau sans qu'aucune accusation ait été formulée contre elles. Le mécanisme gouvernemental destiné à briser les grèves constitue une violation des droits de l'homme que l'Espagne s'est engagée à respecter lors de son admission aux Nations Unies. Le chef de l'Etat, pour justifier l'action gouvernementale, a fait état du libéralisme du passé.
    2. 89 Dans sa deuxième communication, la C.I.S.L déclare:
    3. 1) La situation syndicale en Espagne a sa source dans le caractère totalitaire de l'Etat espagnol. Il en résulte, d'une part, l'inexistence des syndicats libres et, d'autre part, l'existence de syndicats créés de toutes pièces par les pouvoirs publics.
    4. 2) En vertu d'un décret du 13 septembre 1936 de la Présidence de la Junte de défense nationale, toutes les organisations politiques ou sociales qui avaient constitué le Front populaire furent déclarées hors la loi et leurs biens mobiliers et immobiliers confisqués. De plus, la loi établissant les sanctions pour responsabilités politiques du 9 février 1939 ratifie le décret antérieur et déclare expressément illégales les organisations syndicales comme le Syndicat général des travailleurs basques et la Confédération nationale du travail.
    5. 3) Toutes ces organisations syndicales avaient été constituées librement par des travailleurs conformément à une loi de 1887. Les membres dirigeants de ces organisations furent persécutés et condamnés les uns à la peine de mort, les autres à des peines allant de 20 à 30 ans de prison.
    6. 4) Les conditions dans lesquelles les organisations syndicales libres sont interdites et les syndicalistes libres poursuivis ont encore été aggravées par l'adoption de la loi du 29 mars 1941 sur la sécurité de l'Etat et le Code pénal du 23 décembre 1944 (articles 172 et 173). Il est arrêté dans le Code pénal que le fait de constituer, organiser ou diriger des organisations autres que celles imposées par le régime est un crime punissable de peines pouvant atteindre seize ans de réclusion.
    7. 5) En ce qui concerne les travailleurs agricoles, une loi du 2 septembre 1941 a incorporé à l'organisation nationale tous les syndicats, les coopératives agricoles, etc., qui jouissaient d'un statut particulier en vertu de la loi du 23 janvier 1906.
    8. 6) Dans les 26 points de la Phalange, élaborés en octobre 1934 et devenus en 1937 la doctrine politique de l'Etat espagnol, on trouve les principes qui déterminent le régime des « syndicats » en Espagne. C'est ainsi que le point 6 dispose : « Notre Etat sera un instrument totalitaire au service de l'intégration de la patrie », et le point 9 : « Nous concevons l'Espagne dans l'ordre économique comme un gigantesque syndicat de producteurs. Nous organiserons corporativement la société espagnole par un système de syndicats verticaux selon les secteurs de la production, au service de l'intégration de l'économie nationale. »
    9. 7) Conformément à ces principes, le décret du 4 août 1937 approuvant les statuts de la F.E.T. (Phalange espagnole traditionaliste) et des J.O.N.S. (Comités d'offensive nationale-syndicaliste) dispose à son chapitre VII, intitulé « Syndicats », que la Phalange et les J.O.N.S créeront et maintiendront les organisations syndicales aptes à encadrer le travail dans la production et la répartition des biens.
    10. 8) La Charte du travail approuvée par le décret du 9 mars 1938 précise le caractère de l'organisation syndicale créée par le gouvernement lui-même. A son chapitre XIII, la Charte du travail déclare que l'organisation nationale syndicaliste de l'Etat s'inspirera des principes d'unité, de totalité et de hiérarchie, et que tous les facteurs de l'économie seront encadrés par branches de la production ou services - dans des syndicats verticaux. La Charte du travail précise que le syndicat vertical est une corporation de droit public, constituée par l'intégration, au sein d'un organisme unitaire ordonné hiérarchiquement sous la direction de l'Etat, de tous les éléments, ouvriers, techniciens et employeurs, qui participent au processus économique dans un service déterminé ou dans un secteur de la production. La Charte dispose encore que les chefs du syndicat seront choisis nécessairement parmi les militants de la F.E.T et des J.O.N.S et que « le syndicat vertical est un instrument au service de l'Etat, par lequel celui-ci réalisera principalement sa politique économique ».
    11. 9) La loi du 26 janvier 1940 sur l'unité syndicale reprend les principes de la Charte du travail et dispose notamment que tous les syndicats autres que ceux du régime sont interdits, et que le fonctionnement des syndicats est soumis à la discipline du Mouvement sous l'inspection de la Délégation nationale des syndicats.
    12. 10) La loi du 6 décembre 1940 sur la constitution des syndicats assure de façon encore plus effective la subordination de l'organisation syndicale à la Phalange, aux J.O.N.S et à l'Etat. Elle dispose tout d'abord que les Espagnols, du fait qu'ils collaborent à la production, constituent la communauté nationale syndicaliste, communauté militante dans la discipline du Mouvement. Elle précise que les chefs des syndicats seront nommés par la Direction nationale du Mouvement sur la proposition de la Délégation nationale des syndicats et qu'ils devront être nécessairement des militants de la F.E.T et des J.O.N.S. Les dispositions législatives ci-dessus mentionnées révèlent clairement la nature de l'organisation syndicale nationale de l'Etat en tant qu'organisation subsidiaire du régime politique. Cette législation constitue un instrument destiné à renforcer le régime et à maintenir les travailleurs espagnols dans un état de dépendance complète en leur refusant la liberté syndicale, comme d'ailleurs toutes les libertés politiques. Une telle politique est contraire aux principes contenus dans la Constitution de l'O.I.T et dans la Déclaration de Philadelphie, ainsi qu'aux conventions internationales du travail (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921. Les dispositions du Code pénal et des différentes lois interdisant la constitution de toutes organisations autres que celles imposées par le régime franquiste sont contraires aux articles 2, 3, 4, 8 (concernant la liberté syndicale) et 11 (concernant la protection du droit syndical) de la convention no 87. Les dispositions de la Charte du travail et de la loi du 6 décembre 1940 sur la constitution des syndicats sont contraires aux mêmes articles de la convention no 87 et à l'article 4 de la convention no 98. La loi du 2 septembre 1941 concernant les travailleurs agricoles constitue une violation de la convention no 11, qui a été ratifiée par l'Espagne.
    13. 90 En conclusion, l'organisation plaignante soutient que l'organisation syndicale espagnole ne serait pas l'expression de la libre volonté des travailleurs, mais constituerait une organisation hiérarchique totalitaire imposée aux travailleurs et entièrement subordonnée au chef de l'Etat. Les moyens adoptés par le gouvernement espagnol lors de la grève, en avril 1956, en seraient la preuve. En outre, il n'existerait pas de système qui permette aux travailleurs de lutter librement en vue du relèvement de leur niveau de vie, étant donné que la soi-disant organisation syndicale ne jouit pas de la confiance des travailleurs. Le gouvernement, poursuit le plaignant, ne reconnaît pas le droit des travailleurs de négocier librement avec les employeurs et il n'admet pas la conclusion de contrats collectifs ; le droit de grève n'est pas admis non plus ; pour briser celles qui se produisent, on a recours à des moyens de répression. La législation syndicale espagnole, rendue plus rigoureuse du fait de l'application des mesures de police, est incompatible avec les principes de base de l'Organisation internationale du Travail et elle « constitue un défi à l'ensemble des nations ». C'est pourquoi l'organisation plaignante prie le Conseil d'administration d'inviter le gouvernement espagnol à modifier la législation actuellement en vigueur, à rétablir la liberté syndicale et à supprimer les sanctions contre les travailleurs qui ont pris part aux grèves en avril 1956.
  • Plainte de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil
    1. 91 Cette organisation, dans une communication en date du 25 juillet 1956, signale que, pendant les grèves de Barcelone, au mois d'avril 1956, on aurait détenu les travailleurs José Ballbé, Julián Piñero, Francisco Fabregat, José Teixidor, Antonio Petit, Francisco Escrivá, José Castillo, José Ballaro, Antonio Muller et Antonio Senserich. Les détenus auraient été mis par la police à la disposition du Département judiciaire no 10. Le juge aurait ordonné des poursuites pour association illicite et propagande contraire à la loi. Bien que le juge ait ordonné la mise en liberté provisoire des détenus, le gouverneur civil de Barcelone, afin d'empêcher leur libération, les a fait arrêter de nouveau pour une période de trois mois susceptible d'être prolongée de trois mois supplémentaires. Ceci constitue, de l'avis de l'organisation plaignante, une atteinte aux libertés individuelles des travailleurs et au droit de grève ainsi qu'une ingérence de l'autorité civile qui lèse l'indépendance de l'autorité judiciaire.
    2. 92 Dans une deuxième communication en date du 22 août 1956, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue que le régime franquiste continue à pratiquer les mesures de répression introduites contre les travailleurs par ce régime, lors de son accession au pouvoir le 30 mars 1939. Les plaignants présentent une liste de personnes détenues en tant que « détenus sociaux ». Parmi ces derniers se trouvent Eduardo Villegas, condamné en 1946 pour avoir tenté de reconstituer une organisation syndicale libre, l'Union des travailleurs, et Emilio Salgado, actuellement dans la prison d'Ocaña, condamné en 1947 pour le même délit. La plupart des autres personnes énumérées dans la plainte auraient été condamnées à des peines allant jusqu'à 30 ans de prison pour « rébellion militaire ». D'après les plaignants, le fait que ces personnes ont été condamnées pour des délits de rébellion militaire ne doit abuser personne : « Le régime franquiste qualifie ainsi les efforts des travailleurs pour reconquérir leurs droits de citoyens et la liberté syndicale. » « En Espagne - continue l'organisation plaignante - la liberté syndicale n'existe pas, ni aucune des garanties prévues par la Déclaration des droits de l'homme. »
    3. 93 Dans sa troisième communication en date du 14 janvier 1957, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue que, par décret du ministère du Travail publié dans le Boletín Oficial du 25 décembre 1956, « toutes les entreprises sont autorisées à imposer aux travailleurs qu'elles emploient la sanction disciplinaire de licenciement sans qu'elles soient tenues de constituer un dossier ni de présenter une demande à cet égard aux tribunaux du travail ». Etant donné, ajoute l'organisation plaignante, que les travailleurs sont privés du droit de libre association puisqu'ils sont obligés d'appartenir aux syndicats soumis à l'Etat, ce nouveau décret les mettrait plus que jamais à la merci de leurs employeurs en leur enlevant les moyens de défendre leurs intérêts légitimes. Selon l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, souligne l'organisation plaignante, « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage », tous principes que les mesures prises par le gouvernement espagnol semblerait violer. Jusqu'à la presse d'inspiration catholique qui aurait attaqué ce décret en affirmant que les travailleurs, ainsi privés de tout moyen de défense, auraient moins de droits que les délinquants de droit commun.
    4. 94 Dans sa quatrième communication en date du 25 avril 1957, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil communique, comme preuve de l'interdiction de la grève, une photocopie d'une affiche de la Société métallurgique Duro-Felguera, de Sama de Langreo. Le texte de cette affiche est le suivant:
  • Par ordre supérieur, nous portons ce qui suit à la connaissance des producteurs de cette unité:
    1. 1 Les actes de grève sont qualifiés de délits par le Code pénal en vigueur et leurs auteurs, promoteurs ou dirigeants sont passibles de peines d'emprisonnement allant de 6 ans et un jour à 12 ans et de peines d'amendes allant jusqu'à 50.000 pesetas. Les mêmes peines sont applicables à ceux qui font usage de l'intimidation ou de la violence. Sont réputés dirigeants, ceux qui le sont effectivement ou se signalent par leur représentativité, leur conduite ou leurs antécédents. Les participants à la grève sont passibles de peines d'emprisonnement de durée inférieure avec un maximum de six ans et d'une amende d'un montant analogue. La loi d'instruction criminelle prévoit que la détention préventive sera prononcée suivant les procédures établies.
    2. 2 La diminution des rendements normaux entraînera:
      • a) si les ouvriers sont en âge d'être appelés sous les drapeaux, leur incorporation au chef-lieu de la région et leur acheminement sur un corps disciplinaire en Afrique ;
      • b) pour les ouvriers auxquels l'alinéa précédent est inapplicable, la rupture du contrat de travail. Le tout sans préjudice des responsabilités d'ordre pénal encourues pour les fautes commises.
    3. Il convient de noter, souligne l'organisation plaignante, que sont considérés comme responsables de la grève, non seulement les participants, mais aussi ceux qui le méritent par leurs antécédents, et que les travailleurs se trouvent ainsi livrés à toutes sortes de répressions.
  • ANALYSE DES REPONSES
  • Communication du 12 avril 1957
    1. 95 La communication du 12 avril 1957, dont l'analyse figure ci-après, a trait uniquement aux allégations contenues dans la communication présentée le 14 janvier 1957 par l'Union générale des travailleurs espagnols en exil, allégations qui ont été analysées dans le paragraphe 93. Le gouvernement soutient que le décret sur le congédiement dans les entreprises constitue une amélioration sensible du régime de protection légale des ouvriers. En ce sens, le gouvernement déclare:
  • Le texte légal applicable en la matière est toujours quant au fond l'article 81 de la loi sur le contrat de travail, approuvée le 26 janvier 1944, dans ses rapports avec l'article 77 de la même loi. Ce dernier article énumère les justes motifs de congédiement: les fautes répétées et injustifiées du point de vue de l'exactitude ou de la présence au travail ; l'indiscipline ou la désobéissance aux règlements de travail établis conformément à la loi; les mauvais traitements en paroles ou en actes, ou un grave manque de respect et de considération envers l'employeur, les membres de sa famille vivant en communauté domestique avec lui, ses représentants ou les chefs ou camarades de travail; l'inaptitude du travailleur à l'occupation ou au travail pour lequel il a été engagé ; la fraude, la déloyauté ou l'abus de confiance dans les opérations qui lui ont été confiées ; la réduction volontaire et continue du rendement normal du travail ; les affaires commerciales ou industrielles effectuées par le travailleur pour son propre compte ou pour le compte d'un tiers sans l'autorisation de l'employeur ; l'ivresse habituelle ; le défaut de propreté si l'attention du travailleur a été appelée à plusieurs reprises sur ce point et si ce défaut de propreté est de nature à provoquer des plaintes justifiées des camarades qui travaillent dans le même local ; le fait de provoquer fréquemment des rixes ou disputes injustifiées avec les camarades de travail.
  • Ledit décret du 26 octobre 1956 a été pris dans un souci évident d'unification indiquer sans équivoque possible qu'en cas de congédiement seules peuvent être invoquées les cause prévues à l'article 77 de la loi sur le contrat de travail.
  • Une telle unification ne peut que se révéler avantageuse en regard des diverses causes énumérées dans les sentences des tribunaux du travail qui, alors même qu'elles étaient quant au fond conformes aux principes exposés ci-dessus, prêtaient parfois à confusion du fait de leur énoncé.
  • Le texte en question témoigne également d'un souci de clarté et de simplicité il est nécessaire, par exemple, de connaître la date à laquelle le congédiement a lieu et la cause du congédiement, et le décret contient une disposition nouvelle d'après laquelle l'employeur qui congédie un travailleur à titre de sanction, doit remettre à l'intéressé ou aux intéressés un acte dans lequel il indique la date à laquelle le congédiement a lieu et la cause pour laquelle il a lieu. Une telle disposition présente de toute évidence une grande utilité pour le travailleur lui-même puisqu'il ne se trouve plus, de ce fait, dans l'impossibilité de se défendre comme c'était parfois le cas jusqu'ici lorsqu'on ignorait, dans certaines conditions, la date à; laquelle le congédiement avait eu lieu ; en outre, si le travailleur congédié juge opportun d'intenter une action pour congédiement injustifié, il a également une connaissance claire et précise du fait qu'il entend contester, à savoir la cause précise qui est mentionnée dans l'acte, et l'entreprise défenderesse doit également s'en tenir uniquement à cette cause précise.
  • Du point de vue de la procédure, le fait que le dossier préalable de caractère disciplinaire établi dans l'entreprise même ne constitue pas un élément probant, ne risque pas non plus de porter préjudice de quelque façon que ce soit au travailleur puisque, dans la plupart des cas, lesdits dossiers, même s'ils avaient été établis dans la meilleure des intentions, étaient utilisés comme une preuve a priori, preuve que le travailleur avait beaucoup de difficulté à réfuter devant le tribunal.
  • Pour ce qui est des effets de la sentence du tribunal qui déclarerait le congédiement injustifié, le décret distingue, conformément à l'article 81 de la loi sur le contrat de travail, deux catégories d'entreprises selon que le nombre des travailleurs permanents est inférieur ou supérieur à 50. Dans le premier cas, qui est celui de l'immense majorité des entreprises espagnoles, le régime reste identique à celui qui était en vigueur avant la promulgation du décret, puisque l'employeur peut opter entre la réintégration du travailleur ou le versement d'une indemnité dont le montant sera fixé dans la sentence et pourra s'élever jusqu'à concurrence du salaire d'une année.
  • Par conséquent, dans tous ces cas, la réforme a apporté des avantages positifs aux travailleurs, non seulement pour les motifs déjà signalés plus haut, mais aussi parce que jusqu'à présent, quelle que fût la durée du délai qui s'écoulait entre le moment du congédiement et le prononcé de la sentence, seul était en cause le salaire de 24 jours ; désormais, si le congédiement est injustifié, le travailleur perçoit la totalité de la rémunération, quel que soit le nombre de jours qui s'est écoulé, et l'indemnité n'est pas fonction du salaire de base, mais des montants que le travailleur touchait à ce titre, y compris les allocations familiales et les allocations pour famille nombreuse.
  • Dans les entreprises de plus de 50 travailleurs, lorsque le tribunal déclare le congédiement injustifié, le travailleur a le choix entre être réintégré ou indemnisé selon les mêmes modalités et dans les mêmes conditions que dans les entreprises occupant moins de 50 travailleurs. Telle est la règle générale ; néanmoins, si dans le délai fixé par le décret l'entreprise n'exécute pas à la lettre la sentence conformément au choix du travailleur, il appartient au juge, sans que le travailleur ait à engager une nouvelle action à cet effet, de convoquer les parties pour fixer le montant de l'indemnisation que l'entreprise devra verser pour ne s'être pas pliée à l'obligation de réintégrer le travailleur, si le travailleur ou l'employé a effectivement manifesté le désir d'être réintégré ; le cas échéant, cette indemnisation peut s'élever jusqu'à concurrence du salaire de quatre années, ce terme étant pris dans le sens large que nous avons déjà mentionné, à savoir la totalité des revenus perçus au titre de la rémunération.
  • Comme il appert de façon évidente, il est inexact de dire que le congédiement ne fait l'objet d'aucun contrôle, puisque le Tribunal du travail peut être appelé, conformément à l'article 81 de la loi sur le contrat de travail, à se prononcer sur le bien ou le mal-fondé du congédiement. Dans ce dernier cas, toute la réforme s'inspire de ce souci de clarté, de précision et du souci de protéger l'intérêt du travailleur ; en effet, le fait qu'un employeur, et ce uniquement dans les entreprises occupant plus de 50 travailleurs, peut, au lieu de réintégrer le travailleur, lui verser une indemnité qui peut atteindre quatre années de salaire, ne saurait être considéré comme un pas en arrière dans la législation sociale ; l'indemnisation peut être en effet si élevée qu'on ne saurait imaginer qu'un employeur puisse, sans un motif très justifié, faire face à une perte aussi lourde.
  • En bref, le nouveau décret, qui régit le régime légal du congédiement, doit exercer des effets bienfaisants puisqu'il garantit les droits légitimes du travailleur aussi bien que ceux de l'employeur.
  • Communication du 16 mai 1957
    1. 96 Cette communication concerne principalement les allégations présentées par la C.I.S.L dans les plaintes des 4 mai et 13 août 1956. Le gouvernement commence en déclarant qu'il faut ne pas perdre de vue le fait que ces plaintes, indépendamment de leurs fondements, recouvrent des intentions d'ordre politique, ainsi que l'indique le fait que l'Union générale des travailleurs espagnols en exil est une des plaignantes et que ces deux organisations n'ont cessé de « nourrir une animosité permanente » envers l'organisation syndicale espagnole. Le gouvernement admet la thèse du Comité selon laquelle la décision prise par la Conférence en 1956 sur la contestation des pouvoirs des délégués travailleurs espagnols ne constitue pas une chose jugée ; il ajoute qu'il faut cependant tenir compte de ce que les arguments avancés par la C.I.S.L coïncident avec ceux qui ont été énoncés pour étayer la plainte ; le gouvernement estime qu'en rejetant cette contestation à une très forte majorité, la Conférence a implicitement repoussé les arguments actuellement invoqués contre la structure du syndicalisme espagnol.
    2. 97 Indépendamment d'erreurs de faits, les plaintes, déclare le gouvernement, confondent deux questions dépourvues de rapport : celle de l'unité ou de la pluralité syndicale et celle de la liberté syndicale. D'après le gouvernement, il peut exister une pluralité de syndicats sans liberté syndicale, que cela soit dû à des dispositions légales ou à l'existence de syndicats puissants qui ont introduit pratiquement le régime de l'unité syndicale dans un pays. On trouverait comme exemples de ce dernier état de choses les Trade Unions anglais et le syndicalisme de l'Amérique du Nord. Dans les syndicats espagnols, le travailleur élit ses représentants aux échelons locaux, provinciaux et nationaux, sans limitation d'aucune sorte, ainsi que cela découle du règlement électoral du 22 mai 1947. D'anciens militants des organisations antérieures à 1936 y occupent des postes dirigeants. Actuellement, le nombre des postes syndicaux pourvus par élection est de quelque 250.000. Les travailleurs se réunissent dans le cadre de leurs syndicats, caisses de secours, confréries, guildes, etc., y jouissent d'une entière liberté d'expression et y exercent des droits de pétition et de protestation contre les mesures gouvernementales qu'ils n'estiment pas appropriées ; leurs accords sont diffusés dans la presse et dans des publications syndicales périodiques. « Le syndicalisme espagnol - affirme le gouvernement - n'est pas une entéléchie dominée par un étatisme coercitif », mais un mouvement ouvert, qui ne cesse de reconsidérer collectivement ses objectifs. Preuve en soit le nombre des réunions qui ont eu lieu au cours de ces dernières années : en 1955 : 3.200 réunions auxquelles ont participé quelque 200.000 travailleurs et, en 1956, 3.700 réunions auxquelles ont participé quelque 270.000 travailleurs.
    3. 98 Pour ce qui est de la partialité des plaintes, l'attitude de la C.I.S.L envers des pays ou il n'existe pas de liberté syndicale et le fait que cette confédération ne compte pas d'organisation affiliée en Espagne, impliquent, selon le gouverne ment, que l'attitude de la C.I.S.L envers l'Espagne n'est pas objective et amènent « à penser que son hostilité envers l'Espagne et les syndicats de ce pays est dictée par des motifs étrangers aux questions d'ordre syndical ». La partialité, poursuit le gouvernement, est manifeste, s'agissant de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil, organisation qui aurait été jusqu'à préconiser l'action directe et l'attentat personnel. Les membres de cette dernière organisation restent volontairement exilés, car ils peuvent rentrer librement dans leur pays : « L'exil politique - déclare le gouvernement - est une qualité que l'on ne peut faire valoir ni admettre dans aucun organisme international. »
    4. 99 Le gouvernement fournit l'explication suivante au sujet des points précis mentionnés dans la plainte de la C.I.S.L: Pour ce qui est des grèves ayant éclaté à Bilbao, il suffit de signaler que « dans n'importe quel pays, un conflit du travail analogue impliquant un grand nombre d'ouvriers donne lieu à un certain nombre de détentions », car il se produit des actes de violence, des résistances à l'autorité, des agressions et divers autres délits étrangers au conflit lui-même. Il s'agissait en l'espèce d'une rupture violente des contrats de travail. Néanmoins, lorsque l'ordre a été rétabli, les travailleurs ont tous été réadmis, sans avoir fait l'objet d'aucune sanction. Le fait qu'une grève ait donné lieu à onze détentions et à un lock-out limité ne peut constituer une violation de la liberté syndicale, estime le gouvernement. Des augmentations de salaire ont été accordées au début d'avril 1956 ; les revendications ont cependant continué tandis que l'on enregistrait une diminution de la productivité et du rendement. Il ne s'agissait donc pas uniquement de revendications sociales ; après que cet état de choses eut duré deux semaines, pendant lesquelles les démarches de l'organisation syndicale et de la délégation du travail n'ont abouti à aucun résultat, il commença à être fait usage, pendant les derniers jours d'avril, pour rétablir la discipline dans les entreprises, du motif de congédiement légal prévu par la loi sur, le contrat de travail en cas de diminution volontaire du travail. Recourant à cette possibilité prévue par la loi, plusieurs entreprises ont procédé à des congédiements ; d'autres travailleurs se solidarisèrent avec les congédiés et abandonnèrent le travail. Parmi les travailleurs ainsi solidaires des congédiés, il y en eut dont les revendications avaient été satisfaites. Le nombre des grévistes s'élevait à 25.000 et les frottements étaient fréquents entre eux et les personnes qui voulaient continuer à travailler. Néanmoins, aucun travailleur ne fit l'objet de sanctions et aucune des personnes détenues à titre préventif ne le fut en raison de son « appartenance à une organisation particulière ». L'unique objectif des autorités fut d'éviter des incidents ; aucun gréviste ne fit l'objet de sanctions motivées par une éventuelle participation au mouvement et les privations de liberté n'ont dépassé en aucun cas la durée prévue par les lois. Les familles des détenus qui se trouvaient dans le besoin ont reçu une aide extraordinaire et ont bénéficié des prestations des assurances sociales ; les grévistes ont continué à toucher les allocations familiales et un salaire extraordinaire accordé normalement en avril.
    5. 100 Quant à l'affirmation de la C.I.S.L selon laquelle « la situation syndicale en Espagne a sa source dans le caractère totalitaire de l'Etat espagnol », le gouvernement répond qu'il s'agit là d'un argument politique constituant une immixtion dans les affaires intérieures d'un pays. L'O.I.T compte parmi ses Membres des pays se réclamant de systèmes très divers. Les organisations mentionnées dans la plainte, à savoir l'Union générale des travailleurs, la Solidarité des travailleurs basques et la Confédération nationale du travail, ont abandonné les objectifs exclusivement syndicaux qui étaient les leurs à l'origine pour se transformer en organisations de lutte politique. La question de l'emprisonnement des travailleurs en raison de leur participation aux activités de ces organisations dissoutes ou à la guerre civile est réglée ; c'est là « un fait établi depuis de longues années».
    6. 101 Pour ce qui est des allégations relatives aux syndicats agricoles, le gouvernement déclare que la plainte mentionne à tort la loi du 2 septembre 1941, laquelle ne concerne pas les travailleurs agricoles, mais les propriétaires et les fermiers. La loi de 1942 sur la coopération organise le système coopératif espagnol, qui permet de constituer librement ces associations. Déjà précédée de normes datant de 1938, cette législation tend à dégager le caractère coopératif des diverses organisations agricoles qui existaient auparavant, en les coordonnant et en les dotant d'une structure nouvelle. La loi du 2 septembre 1941, mentionnée dans la plainte, a été transitoire et elle prévoyait que des normes définitives seraient applicables à ces institutions de type coopératif. Le système de coopération instauré par la loi du 2 janvier 1942 reconnaît le caractère volontaire des associations (article 5) et établit que l'assemblée générale, élue, est l'organe qui exprime la volonté des sociétaires (article 23). L'organisation syndicale espagnole a encouragé la constitution, parallèlement à ces coopératives, de groupes syndicaux de colonisation agricole et la création de sections de crédit au sein des syndicats agraires locaux. Il existe des exploitations syndicales collectives consacrées à la culture en commun de biens-fonds étendus. La population rurale espagnole n'a jamais bénéficié d'associations aussi puissantes qu'actuellement. Le nombre total des charges électives assumées par les travailleurs agricoles à l'échelon des syndicats locaux (fraternités de cultivateurs et d'éleveurs) s'élève à 54.000 ; à l'échelon provincial, ce nombre est de 2.550 et à l'échelon national de 125. Dans les juntes locales, les dirigeants sont désignés directement par les travailleurs agricoles ; à l'échelon provincial, ce sont les juntes locales qui désignent les dirigeants et à l'échelon national, les conseils provinciaux. Tous les représentants doivent apporter la preuve de leur qualité de salarié agricole.
    7. 102 Pour ce qui est des allégations relatives à la structure du régime syndical espagnol, le gouvernement déclare que les dispositions légales en vigueur établissent des normes précises pour la constitution de syndicats et pour les garanties que possèdent ces derniers. En remplissant ces formalités légales, les employeurs et les travailleurs peuvent constituer le type d'organisation qu'ils désirent dans le cadre de l'organisation syndicale espagnole, savoir : syndicats locaux, provinciaux et nationaux ; corporations et confréries de pêcheurs, fraternités de cultivateurs ; associations ; groupements économiques et sociaux, sans compter les autres organisations qui ne rentrent pas dans le domaine syndical proprement dit (caisses de secours ou de retraite, mutualités, coopératives, etc.). Avec d'autres droits, le droit d'association est reconnu par la Charte des Espagnols, mais son exercice est réglementé. Les principes de base relatifs à la question syndicale figurent au chapitre XIII de la Charte du travail du 9 mars 1938, texte qui a été proclamé loi fondamentale ou constitutionnelle. Le statut syndical fait donc partie de la réglementation souveraine que le peuple espagnol s'est donnée et de ses institutions et ne peut donc pas être attaqué. Bien qu'elle s'oppose à la pluralité syndicale, l'unité syndicale qui existe en Espagne n'implique pas, ajoute le gouvernement, une absence de liberté syndicale : tout employeur ou tout travailleur oeuvre librement « dans le cadre du système syndical établi » c'est-à-dire, quelle que soit son idéologie personnelle, dans les 23 syndicats nationaux, les syndicats provinciaux et les organisations de l'échelon local. Malgré son importance primordiale, la loi du 26 janvier 1940 n'est pas la seule à « servir de cadre au développement de l'organisation syndicale en Espagne... cette loi a ramené à l'unité le syndicalisme plural et dispersé qui existait auparavant ». La loi en question « ne fait pas disparaître » les syndicats qui existaient auparavant, « mais les intègre en un organisme unique où ils perdent le nom de syndicat ainsi que ce qu'ils ont d'inutile et de déplacé ». Ils perdent « leur contenu strictement politique pour se transformer en syndicats forts, attentifs aux problèmes du travail et de la production, à l'équilibre entre les droits des employeurs et des travailleurs... ». L'expérience espagnole a prouvé « depuis la fin du siècle passé jusqu'au régime actuel, qui possède aujourd'hui une structure juridique, combien... la diversité syndicale était précisément la plus grande atteinte à la liberté ; en effet, notre histoire récente est jalonnée d'événements au cours desquels l'opposition des syndicats les uns contre les autres, à de nombreuses reprises, ou de plusieurs d'entre eux contre la collectivité et l'Etat, loin de servir l'économie, la production, l'intérêt individuel et la liberté individuelle des syndiqués, profitait très souvent, pour ne pas dire dans la majorité des cas, à l'agitation politique... ».
    8. 103 En ce qui concerne les allégations relatives à des sanctions prévues par le Code pénal en cas de création d'associations autres que celles de l'Etat, le gouvernement fait remarquer que les normes auxquelles la plaignante fait allusion visent les associations illicites, qu'elles soient syndicales ou non. Sont illicites celles « qui ne sont pas conformes à la réglementation supérieure d'ordre constitutionnel, relative au syndicalisme dans notre pays ». Les normes en question reprennent les principes des Codes pénaux antérieurs, de 1870 et de 1932, qui les avaient empruntés au Code pénal français. Le délit d'association illégale ou de constitution illégale de syndicat, est une conséquence du principe général d'illicéité des sociétés créées en marge de la loi, principe figurant dans le Code civil espagnol de 1882 et dans le Code Napoléon. De nombreux codes mentionnés par le gouvernement punissent les délits d'association illégale en se conformant tous au système juridique du droit d'association en vigueur dans chaque Etat.
    9. 104 Pour ce qui est du rapport entre le régime syndical espagnol et la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui n'a pas été ratifiée par l'Espagne, il suffit de relever, affirme le gouvernement, que les travailleurs espagnols constituent des organisations de leur choix et sont libres de s'y associer ou non (article 2 de la convention) ; ces dernières ont le droit d'élaborer leurs statuts et leurs règlements à la seule condition de les faire inscrire au Registre central des organismes syndicaux. On ne pourrait pas citer une seule organisation syndicale dissoute ou suspendue par voie administrative. Les associations syndicales peuvent se réunir librement, sans intervention des délégués des organismes de sécurité ou de l'ordre public. Les groupements peuvent s'affilier à des fédérations ou à des confédérations, bien que la nomenclature puisse induire en erreur à ce sujet.
    10. 105 Le gouvernement déclare en terminant que le droit de négociation collective est garanti par la loi du 16 octobre 1942. Le gouvernement se réserve l'approbation en cas de désaccord, mais, en pratique, la réglementation du travail s'élabore avec les syndicats eux-mêmes, au moyen de discussions paritaires avec les groupements patronaux. En cas d'accord, le ministère du Travail se borne à certifier les accords et à leur donner force exécutive. L'initiative de l'élaboration des conditions de travail a incombé aux syndicats, qui suivent les voies tracées par les commissions mixtes locales, régionales, provinciales et nationales.
  • Communication du 15 octobre 1957
    1. 106 La première partie de la communication du gouvernement espagnol du 15 octobre 1957 contient des considérations de procédure. Le gouvernement accepte les conclusions adoptées par le Comité et approuvées par le Conseil d'administration (voir paragraphe 1 ci-dessus) quant à la capacité de la Confédération internationale des syndicats libres et à l'applicabilité du principe de la res judicata à certaines des questions soulevées dans les plaintes. En même temps, le gouvernement espagnol estime que le Comité devrait tenir compte des arguments avancés au sujet de la res judicata lorsque le moment sera venu pour lui de présenter ses conclusions au Conseil d'administration. Le gouvernement espagnol déclare cependant qu'il ne peut pas reconnaître la qualité de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil pour présenter une plainte. A son avis, les plaintes de cette union doivent être rejetées car il ne s'agit pas du tout là d'une association de travailleurs espagnols, mais d'une organisation « fantôme » poursuivant exclusivement des fins politiques, laquelle, de son propre aveu, cherche à renverser l'ordre public de l'Espagne, ne s'est jamais acquittée des fonctions propres à une organisation syndicale et n'a présenté ses plaintes que pour susciter des problèmes d'ordre politique. Le gouvernement espagnol ajoute que l'organisation en question ne compte d'affiliés ni en Espagne ni ailleurs. Tout en maintenant son point de vue à ce sujet, le gouvernement espagnol déclare qu'il a estimé à propos de répondre sur le fond de toutes plaintes qui lui ont été transmises.
    2. 107 Le gouvernement espagnol formule les observations suivantes au sujet de la plainte de la Confédération internationale des syndicats libres en date du 4 mai 1956.
    3. 108 Des grèves impliquant des nombres non précisés de travailleurs ont effectivement eu lieu en avril 1956 à Bilbao et dans d'autres villes du nord de l'Espagne. Les organismes gouvernementaux compétents en matière de questions du travail ont offert leurs bons offices de conciliateurs pour étudier les objets du conflit et s'efforcer de faire accepter par les employeurs et les travailleurs un compromis sur la question principale, qui comprenait les heures supplémentaires. En Espagne, déclare le gouvernement, les travailleurs ont toute latitude d'effectuer ou non des heures supplémentaires ; s'ils le font, les heures supplémentaires leur sont rémunérées à des taux supérieurs de 25 à 150 pour cent au taux horaire ordinaire. Pendant un certain temps, cela a été en Espagne septentrionale une coutume établie - et acceptée par les travailleurs et les employeurs, sans l'intervention d'aucun organisme officiel - que les travailleurs effectuent de manière régulière une ou deux heures supplémentaires, à condition que ces heures leur soient payées à un taux spécial. Leur niveau de vie s'étant amélioré, une opposition aux heures supplémentaires s'est dessinée chez les travailleurs. Cet abandon d'une coutume ancienne a provoqué, dans les relations de travail, des frottements qui ont abouti aux grèves d'avril 1956. Le gouvernement conteste que lui-même ou l'un quelconque de ses organismes aient décrété un lock-out, mais explique que cette situation, caractérisée par des grèves partielles et des interruptions de la production, a rendu difficile aux employeurs de continuer à faire fonctionner leurs fabriques : c'est la raison pour laquelle ils ont demandé, et obtenu, l'autorisation de fermer leurs établissements jusqu'au règlement du conflit. Le gouvernement conteste que lui-même ou l'un quelconque de ses organismes aient « brisé » la grève ou ordonné quelque poursuite que ce soit contre les grévistes. La perte des droits d'ancienneté, sanction autorisée contre les travailleurs dans des cas déterminés, a été due uniquement au fait que les travailleurs qui s'étaient mis en grève avaient rompu leur contrat de travail et causé par là de graves dommages économiques et juridiques à leurs employeurs. Les ouvriers en question ont néanmoins été rengagés de manière normale, sans aucun incident et sans que les employeurs aient fait usage de leur droit de les remplacer. Le gouvernement déclare qu'il n'a pas été recouru à des mesures d'exception ou à des pressions et que le conflit s'est réglé par la disparition pratique de l'ancienne coutume selon laquelle on considérait comme normal d'effectuer un certain nombre d'heures supplémentaires.
    4. 109 Le gouvernement conteste avoir « recommencé à persécuter les travailleurs qui participèrent à la grève générale de 1951 » en déclarant qu'il s'est produit en 1951 des grèves précises et non pas une grève générale et qu'il n'a ni persécuté ni recommencé à persécuter des travailleurs en raison de leur participation à des grèves survenues auparavant.
    5. 110 Pour le reste, le gouvernement estime que la plainte de la C.I.S.L se compose d'affirmations gratuites, dépourvues de rapport avec des faits précis et que n'étaie aucune preuve relative à des atteintes à la liberté syndicale, à une violation des droits de l'homme ou à une fraude dans les augmentations de salaire. Le gouvernement est d'avis qu'il serait par conséquent en droit de ne pas répondre à ces allégations, mais déclare, en ce qui concerne la question des salaires, que les augmentations accordées ont été reçues avec enthousiasme par les travailleurs et qu'elles constituaient une amélioration réelle de leur niveau de vie ; bien que ces augmentations se soient répercutées sur les prix dans une certaine mesure, car elles ont fait monter les frais de production, elles ont été assez importantes pour constituer une élévation du revenu réel. De l'avis du gouvernement, la plainte de la C.I.S.L en date du 4 mai 1956 doit par conséquent être rejetée comme dépourvue de fondement et parce que la plaignante, qui ne possède pas d'affiliés en Espagne, fait état d'informations controuvées et méconnaît les faits.
    6. 111 Pour ce qui est de la plainte de la C.I.S.L en date du 13 août 1956, le gouvernement espagnol estime que cette plainte ne contient pas d'allégations précises mais se borne à critiquer d'une manière générale l'ensemble des syndicats espagnols et il répète qu'à son avis, la question a été tranchée au fond lorsque la 39ème session de la Conférence internationale du Travail a étudié les pouvoirs du délégué travailleur espagnol. Le gouvernement espagnol est néanmoins disposé à présenter ses observations sur la plainte, mais estime opportun de rappeler au Comité son propre principe selon lequel il n'est pas dans les attributions de ce dernier « de formuler des conclusions d'ordre général relatives à la situation syndicale dans des pays déterminés », mais il lui appartient simplement « de juger la valeur des allégations spécifiques formulées ». Le gouvernement espagnol élucide ensuite un certain nombre de points.
    7. 112 Le gouvernement espagnol déclare que la loi du 6 décembre 1940 est toujours en vigueur, mais qu'il importe de tenir compte à son sujet de plusieurs considérations. Le gouvernement espagnol déclare que l'affiliation des travailleurs et des employeurs à l'Organisation syndicale nationale n'est obligatoire que dans la mesure où, en Espagne, comme dans un grand nombre d'autres pays, tous les travailleurs ou une partie d'entre eux sont tenus d'adhérer à un régime de sécurité sociale. L'appartenance à l'Organisation syndicale donne aux travail leurs une série de droits en matière d'assistance : celui de bénéficier des services syndicaux de conciliation en cas de différend ; celui de bénéficier de l'assistance judiciaire des syndicats lorsque, faute d'accord, le différend revêt un caractère judiciaire et doit être soumis aux tribunaux du travail (lesquels sont absolument indépendants) ; celui d'obtenir des crédits à long terme pour l'acquisition de logements ; celui d'utiliser les installations récréatives et sportives de l'Organisation ; celui de fréquenter les auberges bon marché gérées par l'Organisation, etc. Le gouvernement déclare que l'affiliation à l'Organisation syndicale nationale n'est pas un obstacle à la constitution, au sein de cette même Organisation (en el seno de la misma), de sections sociales par les travailleurs et de sections économiques par les employeurs et qu'il a soumis au Parlement (Cortès) un projet de loi sur les conventions collectives prévoyant que les salaires, la durée du travail et les conditions de travail seront réglementés au moyen de conventions collectives dans la négociation desquelles les sections en question représenteront les parties. Le gouvernement n'intervient pas dans les discussions qui ont lieu entre les sections des divers syndicats affiliés à l'Organisation nationale et les représentants des travailleurs dans leurs sections sont élus librement au scrutin secret. Le gouvernement conteste que les dispositions de la loi de 1940, aux termes desquelles les syndicats collaborent à des fonctions publiques, affectent leur indépendance ou qu'elles impliquent une immixtion du gouvernement dans leurs affaires internes. Cela signifie simplement que le gouvernement reconnaît l'importance des syndicats ainsi que l'ont fait les Etats-Unis lorsqu'ils ont sollicité la collaboration des syndicats à leur programme de défense et de mobilisation. Par conséquent, conclut le gouvernement, la loi du 6 décembre 1940 ne viole en aucune manière la liberté syndicale.
    8. 113 Le décret du 28 novembre 1941, qui fixe la cotisation syndicale, est également en vigueur. Le gouvernement ne voit pas en quoi ce décret pourrait violer la liberté syndicale. Cette cotisation s'élève, pour les travailleurs, à 0,5 pour cent de leur salaire et contribue à financer les multiples services d'assistance que l'Organisation syndicale nationale offre gratuitement ou presque gratuitement à ses membres.
    9. 114 Le gouvernement déclare que le décret du 24 avril 1938 a été une mesure d'urgence prise pendant la guerre civile et qu'il n'est plus en vigueur.
    10. 115 La loi du 23 juin 1941 sur la classification des syndicats est toujours en vigueur. Elle est destinée uniquement à diviser l'Organisation syndicale nationale en 24 groupements nationaux correspondant aux branches de la production. Le gouvernement espagnol déclare que cette loi n'a pas empêché la création de secteurs, groupes et sous-groupes syndicaux, possédant chacun des sections économiques et sociales indépendantes. La diversité de ces groupements est infiniment plus grande que la classification sommaire de la loi ne semblerait l'indiquer.
    11. 116 Le décret du 17 juillet 1944 tendant à établir l'unité syndicale agricole est toujours en vigueur. L'origine de ce texte doit être recherchée dans le fait que les travailleurs de l'agriculture étaient organisés de manière rudimentaire. Il a constitué des fraternités locales de paysans là où il n'était pas possible d'organiser des syndicats de travailleurs de l'agriculture. Il convient de tenir compte du nombre de petits propriétaires exploitants, élevé en Espagne, ainsi que des diverses formes de tenures selon lesquelles le sol est mis en valeur. La formation des organisations destinées à grouper ces exploitants et à défendre leurs intérêts a fait des progrès considérables. On a récemment confié à ces organisations l'administration du régime d'assurances sociales pour l'agriculture. Ces fraternités fonctionnent sur la base d'élections libres comme cela est le cas pour les syndicats industriels.
    12. 117 Le gouvernement espagnol termine cette partie de sa réponse par deux observations spéciales : 1) aucune des dispositions analysées ci-dessus ne porte atteinte à la liberté syndicale ; dans la pratique, elles ont été appliquées en faisant à la volonté des travailleurs et des employeurs une place beaucoup plus large que la lettre des textes ne semblerait l'autoriser ; 2) la plainte du 13 août 1956 n'est qu'une appréciation générale sur la position d'ensemble des syndicats espagnols et le Comité n'a pas qualité pour en connaître, ainsi que cela est dit au paragraphe 111 ci-dessus.
    13. 118 Pour ce qui est de la plainte présentée le 25 juillet 1956 par l'Union générale des travailleurs espagnols en exil, le gouvernement espagnol renvoie de nouveau aux raisons pour lesquelles il estime cette plainte irrecevable et formule ensuite les observations suivantes sur les parties de cette plainte qu'il estime n'avoir pas traitées dans ses remarques sur les plaintes de la C.I.S.L.
    14. 119 Le gouvernement espagnol explique tout d'abord que l'article 18 de la Charte des Espagnols reconnaît le droit à la liberté individuelle, sous réserve des limites imposées par l'état d'urgence qui sont prévues dans la loi du 28 juillet 1933 sur l'ordre public, aux termes de laquelle, pendant la durée de l'état d'« alarme », le gouvernement peut décréter, en cas de troubles de l'ordre public, que « l'autorité civile peut arrêter toute personne, si elle considère cette arrestation comme nécessaire pour le maintien de l'ordre. Les personnes arrêtées dans ces conditions ne devront pas être confondues avec les autres détenus de droit commun ». Lorsque se produisirent les grèves mentionnées dans les plaintes, le gouvernement espagnol avait proclamé la suspension, pendant trois mois, des articles 14 à 18 de la Charte des Espagnols, ainsi que l'application éventuelle des dispositions de la loi sur l'ordre public. Il ne saurait y avoir de violation de la liberté syndicale lorsque de telles mesures s'étendent à tous les justiciables et non pas seulement aux travailleurs ou aux personnes qui ont cette qualité et lorsque ces mesures s'appliquent seulement en cas d'actes qui troublent l'ordre public. Le gouverneur civil était fondé à ordonner des arrestations lorsqu'il l'estimait nécessaire pour le maintien de l'ordre public ; le magistrat a agi dans les limites de sa compétence en ordonnant la mise en liberté conditionnelle des personnes arrêtées et le gouverneur civil n'a pas non plus outrepassé ses compétences, déclare le gouvernement, en ordonnant à nouveau d'arrêter ces personnes, puisqu'il continuait à estimer que le fait de les laisser en liberté constituait un danger pour l'ordre public.
    15. 120 Le gouvernement espagnol déclare que - d'après les dossiers - aucune personne du nom de José Castillo ou Antonio Senserich n'a été arrêtée. Les motifs de l'arrestation des autres personnes nommées dans la plainte étaient non seulement légaux, mais encore dépourvus de tout rapport avec les activités professionnelles auxquelles elles se consacraient avec leurs compagnons de travail. Le but des personnes arrêtées, déclare le gouvernement espagnol, n'était pas d'améliorer les conditions de travail ou de discuter un différend du travail quelconque, mais uniquement de troubler l'ordre public ; elles étaient des membres ou des sympathisants d'une organisation communiste dotée de « cellules » organisées. Ce sont ces considérations qui ont amené le gouverneur civil à craindre des troubles de l'ordre public, crainte d'autant plus fondée, déclare le gouvernement, qu'une des personnes en question, José Teixidor Vila, avait pénétré clandestinement en Espagne en 1944 avec une bande de personnes armées, fait pour lequel il avait encouru une condamnation judiciaire ; après quoi, ayant purgé sa peine, il avait été remis en liberté en 1951.
    16. 121 Après avoir formulé les mêmes réserves de principe que nous avons mentionnées plus haut, le gouvernement espagnol présente alors ses observations sur la plainte de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil du 22 août 1956. Il conteste la véracité des affirmations selon lesquelles il n'existe en Espagne ni liberté syndicale ni aucun des droits définis par la Déclaration universelle des droits de l'homme, selon lesquelles « le fait que les personnes détenues aient été condamnées pour rébellion militaire ne doit tromper personne ; car c'est ainsi que le régime franquiste qualifie les efforts des travailleurs pour reconquérir leurs droits de citoyens et la liberté syndicale ». Le gouvernement espagnol a consulté les dossiers des personnes prétendument condamnées. Il déclare qu'elles ont toutes été reconnues coupables conformément à une procédure assortie de toutes les garanties judiciaires y compris le droit de se choisir un conseil et de se voir assistées d'un avocat d'office lorsqu'elles n'avaient pas procédé à ce choix. Dans chaque cas, la sentence a été prononcée par l'autorité judiciaire après que l'intéressé a été reconnu coupable d'infractions sanctionnées dans le Code pénal ; il n'existe pas un seul cas, déclare le gouvernement espagnol, où une condamnation aurait été prononcée pour activités syndicales. Le gouvernement espagnol fournit alors des détails sur certains cas en expliquant qu'il n'a pas pu trouver dans les dossiers trace des personnes qu'il ne mentionne pas et qu'il y a lieu d'admettre que les allégations se rapportant à ces personnes sont fabriquées de toutes pièces.
    17. 122 Eduardo Villegas avait été condamné pour participation à des activités révolutionnaires en 1934, avant la guerre civile espagnole ; au cours de la période 1936-1939, il a persécuté implacablement certains employés de la Banque hypothécaire, ce qui lui a valu une nouvelle condamnation, arrivée à son terme en 1944 ; des poursuites ont été à nouveau engagées contre lui en 1946 pour incitation par écrit à la violence et tentative de susciter la rébellion ; il faisait fonctionner une imprimerie clandestine qui publiait des tracts subversifs de caractère politique, totalement dépourvus de rapport avec les questions syndicales. Emilio Salgado Moreira a joué un rôle dans de nombreuses arrestations et perquisitions à domicile et il a « réquisitionné » des objets de valeur appartenant à des particuliers au cours de la période 1936-1939. Alfredo Allende Gros a été condamné pour avoir aidé des bandits et leur avoir donné asile. José Bustamante Pérez a provoqué, à Santander, l'arrestation et l'assassinat de plusieurs personnes, en raison de quoi les tribunaux l'ont condamné par contumace ; en 1950, enfin, il a été trouvé porteur d'un revolver et de munitions. José Pérez Cuenca a été condamné pour les délits de préparation de vols et agressions divers. Gervasio Rubio (qui doit probablement s'appeler Rubin) se trouve en prison pour délit de banditisme. Etant militaire d'active dans une brigade d'aviation, Emilio Ramirez Saiz a vendu des armes à des bandits. Francisco Santander Santiago a été condamné en 1945 pour délit de vol à main armée ; il se trouve en liberté provisoire depuis l'expiration de sa peine, le 22 janvier 1957. Ramón Rubial Cavia a été poursuivi avant 1936 pour activités révolutionnaires; ayant été condamné pour avoir rempli, pendant la guerre civile, les fonctions de « commissaire politique», il s'est évadé avec de faux papiers et a été de nouveau arrêté. Julio Molinero Fernández a été condamné pour divers délits commis au cours des années 1936-1939 ; ayant purgé sa peine en 1943, il s'est rendu à l'étranger d'où il est rentré clandestinement en Espagne, porteur de trois pistolets mitrailleurs et de munitions. Benjamin Fernández Fernández a été arrêté pour avoir appartenu à une bande coupable de diverses agressions ; il a été trouvé porteur, lors de son arrestation, d'un pistolet, d'un fusil mitrailleur et d'un certain nombre de grenades. Manuel Corral a été condamné à mort pour banditisme du fait qu'il avait résisté avec des armes à feu aux représentants de l'ordre public ; sa peine a été commuée en 30 ans de réclusion ; Julián Castro de la Cruz a été condamné à mort, peine commuée en 30 ans de réclusion, pour association de malfaiteurs et divers délits de banditisme et terrorisme avec récidive ; ayant purgé sa peine, il se trouve en liberté conditionnelle depuis le 2 juin 1957. Antonio Noriega González a été condamné pour désertion ; il appartenait à une bande terroriste et il s'est présenté aux autorités porteur d'un fusil, d'un pistolet et de grenades. Manuel de Silva a été condamné pour attaques à main armée. Santiago Chacón López a été condamné pour banditisme et terrorisme. Domingo López González est entré clandestinement en Espagne avec une bande armée en 1944 ; il a été mis en liberté le 6 février 1955, après avoir purgé sa peine. Miguel Fidalgo Fernández (il doit s'agir de Angel Fidalgo Fernández) a été condamné pour participation à des vols et attaques à main armée commis dans la province d'Avila ; il se trouve en liberté après avoir fini de purger sa peine le 14 avril 1956. José Fidalgo Fernández (que l'on croit être José Fidalgo Jimenez) a été condamné pour avoir pris part à différentes arrestations et assassinats ; il s'est évadé en 1945 et s'est de nouveau rendu coupable de vols et d'agressions à main armée, ce qui lui a valu de nouvelles condamnations. José (ou Juan ?) Rodriguez Garrido purge actuellement une condamnation pour attaque à main armée. Après s'être évadé de prison, Abelardo Tena a fait partie d'une bande qui a résisté à la force publique avec des armes à feu ; il purge actuellement sa peine. Manuel Trujillo a été condamné pour incendie criminel, pillage et cambriolage ; ayant purgé sa peine, il se trouve en liberté depuis le 10 juin 1956. Antonio Corrales Trujillo a été condamné pour complicité avec des bandits et assistance à des bandits ; il se trouve en liberté depuis le 29 avril 1956, ayant fini de purger sa peine. José Abad Muñiz a été condamné pour banditisme, ayant été trouvé porteur, lors de son arrestation, de deux revolvers et de deux cartouches de dynamite. José Albizu a été condamné pour assassinat ; il a, en effet, assassiné une femme en novembre 1944 pour lui voler 140 pesetas. Juan Gaevin a été condamné à mort, peine commuée en 30 années de réclusion, pour attaques à main armée. Celedonio Azcoitia Agudo a été d'abord condamné en 1939 pour incitation à la révolte et a été trouvé porteur, lors de son arrestation, de deux pistolets et de munitions ; élargi en 1944, il a fait l'objet d'une nouvelle condamnation en 1947 pour violences et pour avoir réclamé différentes sommes d'argent au moyen de lettres anonymes et sous la menace. Daniel Puerto Pardo (Daniel Prieto Pardo ?) a été condamné pour agression à main armée d'un domicile particulier et pour avoir ouvert le feu sur la police. Eladio Gómez Ronda a été condamné pour escroquerie. Gabriel Homár Miralles a été condamné à trois ans de réclusion pour activités subversives et, ayant purgé sa peine, il se trouve en liberté depuis le 13 janvier 1957. Le gouvernement espagnol déclare que toutes ces personnes ont été condamnées par les tribunaux compétents, à la suite d'une procédure régulière, pour des délits graves et parfois très graves, et que nulle personne mentionnée dans la plainte n'a été condamnée en raison d'aucun fait en rapport avec la liberté syndicale.
    18. 123 Le gouvernement espagnol présente les observations suivantes au sujet de la plainte de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil du 25 avril 1957. Il déclare que des poursuites judiciaires n'ont été engagées et des jugements n'ont été rendus contre personne en raison de la grève qui a eu lieu à la mine de la Compagnie Maria-Luira pour appuyer les revendications des ouvriers payés aux pièces.

Question préalable relative au caractère politique des plaintes et à la partialité des plaignants

Question préalable relative au caractère politique des plaintes et à la partialité des plaignants
  1. 124. Dans sa communication du 16 mai 1957, le gouvernement affirme que les plaintes de la Confédération internationale des syndicats libres et de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil recouvrent une intention politique. Ces deux organisations « n'ont cessé de faire preuve d'animosité » envers le régime espagnol. Parce qu'il n'existe pas, en Espagne, d'organisations qui lui soient affiliées, la C.I.S.L a adopté une position dépourvue d'objectivité et en contradiction avec son attitude à l'égard des pays où il n'existe aucune liberté syndicale. De l'avis du gouvernement, cela amène « à penser que [l']hostilité [de la C.I.S.L.] envers l'Espagne et les syndicats de ce pays est dictée par des motifs étrangers aux questions d'ordre syndical ». La partialité de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil est évidente, déclare le gouvernement, s'agissant d'une organisation qui aurait été jusqu'à proposer l'action directe et l'attentat personnel. Les membres de cette organisation sont des exilés volontaires, qualité qui les empêche d'en appeler à un organisme international. Dans sa communication du 15 octobre 1957, le gouvernement déclare de nouveau que l'Union générale des travailleurs espagnols en exil vise uniquement des buts politiques et n'a aucune activité syndicale véritable.
  2. 125. Dans son rapport préliminaire sur le présent cas, le Comité a déjà eu l'occasion de se prononcer sur la question de la partialité politique des présentes plaintes, affirmée par le gouvernement de l'Espagne. Dans le rapport en question, le Comité a rappelé sa jurisprudence antérieure et notamment les conclusions adoptées par lui dans le cas no 67 (Egypte), selon lesquelles le fait, pour une plainte, d'avoir des motifs politiques ne doit pas être considéré comme une cause d'irrecevabilité formelle de ladite plainte « quels qu'aient été les motifs véritables du plaignant » ;dans le cas no 78 (Suisse), il a tranché que le fait, pour une organisation, de ne pas comprendre de sections dans le pays faisant l'objet de la plainte est une circonstance qui « ne devait pas être prise en considération pour juger de la recevabilité de la plainte ».
  3. 126. Cela étant, le Comité estime devoir reprendre ses conclusions approuvées par le Conseil d'administration selon lesquelles la partialité politique des plaignants ne constitue pas une question préalable l'empêchant d'examiner le fond des allégations.
  4. Question préalable relative à la compétence du Comité en raison de la nature des allégations présentées par la C.I.S.L.
  5. 127. Le gouvernement déclare que certains aspects de la plainte de la C.I.S.L du 4 mai 1956 et que l'ensemble de la plainte de cette organisation du 13 août 1956 ne contiennent aucune allégation spécifique mais consistent en critiques d'ordre général sur le système des syndicats en Espagne et que, pour cette raison, ils ne devraient pas être examinés par le Comité, tant il est vrai - ajoute le gouvernement - qu'aux termes de la procédure d'examen des plaintes en violation de la liberté syndicale, le Comité n'est pas appelé à « formuler des conclusions d'ordre général relatives à la situation syndicale dans des pays déterminés » mais simplement à « juger la valeur des allégations spécifiques formulées ».
  6. 128. Le Comité considère tout d'abord qu'il convient d'envisager les deux communications de la C.I.S.L comme ne constituant qu'une plainte unique en ce sens que les allégations qui y sont contenues sont interdépendantes et se complètent mutuellement. Le Comité observe que, si la C.I.S.L fait incontestablement un certain nombre d'observations générales portant sur le régime syndical en Espagne, une part importante de sa plainte se réfère à des textes législatifs et à des événements précis - sur lesquels le gouvernement a fourni une réponse spécifique - et qu'elle s'efforce de justifier son appréciation générale en la fondant sur l'allégation de critères spécifiques. Le Comité estime que, lorsqu'une plainte contient un nombre considérable d'allégations spécifiques, le fait que le plaignant donne une appréciation générale sur la base de ces allégations ne saurait empêcher le Comité d'examiner les allégations spécifiques et de formuler à leur endroit des conclusions sur chacune d'elles en particulier et sur l'ensemble d'entre elles. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que l'objection formulée par le gouvernement à la compétence du Comité n'est pas fondée.
  7. Allégations relatives à l'intégration des organisations syndicales dans l'appareil de l'Etat
  8. 129. La Confédération internationale des syndicats libres allègue que le programme politique de la Phalange, fixé en 1937, établit les principes qui régissent le régime syndical espagnol. Le sixième point de ce programme déclare que « notre Etat sera un instrument totalitaire pour l'intégration de la patrie », et le neuvième que « dans l'ordre économique, nous concevons l'Espagne comme un gigantesque syndicat de travailleurs ; nous organiserons corporativement la société espagnole dans un système de syndicats verticaux par secteurs de production, pour contribuer à l'intégration de l'économie nationale ». Les statuts de la Phalange disposent qu'elle créera et dirigera des organisations syndicales pour encadrer le travailleur, la production et la répartition des biens. La Charte du travail, de 1938, précise les caractéristiques de l'organisation syndicale de l'Etat. A son chapitre XIII, il est déclaré que « l'organisation nationale-syndicaliste de l'Etat » s'inspirera des principes « d'unité, de totalité et d'autorité » ; tous les facteurs de l'économie seront organisés par branches de la production ou services en syndicats verticaux. Le syndicat vertical est une corporation de droit public constituée par l'intégration dans un organisme unitaire de tous les éléments qui consacrent leurs activités à l'accomplissement du processus économique. Les postes de direction du syndicat appartiendront nécessairement à des militants de la Phalange ; le syndicat, établit la Charte du travail, est un organisme « au service de l'Etat, par l'intermédiaire duquel celui-ci accomplira principalement sa politique économique ». La loi du 26 janvier 1940 sur l'unité syndicale interdit la création de syndicats autres que ceux du régime et subordonne l'activité des syndicats permis « à la discipline du Mouvement ». Enfin, la loi du 6 décembre 1940, qui fixe les bases de l'organisation syndicale, subordonne l'organisation syndicale au parti politique au pouvoir. Elle établit que tous les Espagnols qui contribuent à la production font partie « de la communauté nationale-syndicaliste » ; les chefs des syndicats, choisis parmi les militants de la Phalange, doivent être désignés, sur la proposition de la Délégation nationale des syndicats, par la direction nationale du Mouvement. Ces dispositions législatives, continue la C.I.S.L, prouvent que l'organisation syndicale espagnole est subordonnée à un régime politique ; elle maintient les travailleurs espagnols dans un état de dépendance totale et les prive de liberté syndicale. Ce régime serait contraire aux principes de la Constitution de l'O.I.T et de la Déclaration de Philadelphie, comme aussi aux conventions internationales en matière de liberté syndicale. L'organisation syndicale espagnole ne résulterait pas de la libre volonté des travailleurs mais constituerait une organisation hiérarchique totalitaire imposée auxdits travailleurs et entièrement dépendante du chef de l'Etat.
  9. 130. Le gouvernement espagnol signale que la plainte confond deux questions celle de l'unité ou de la pluralité syndicale, d'une part, et celle de la liberté syndicale, d'autre part. Il peut, continue le gouvernement, exister une unité syndicale sans que cela constitue pour autant une négation de la liberté syndicale. Les travailleurs peuvent exercer leurs droits syndicaux dans le cadre des syndicats espagnols, élire leurs représentants, présenter des pétitions, protester contre les mesures gouvernementales, etc. « Le syndicalisme espagnol n'est pas une entéléchie dominée par un étatisme coercitif... » Le gouvernement relève que les dispositions légales en vigueur établissent les conditions de la création des syndicats et les garanties dont jouissent ces derniers. En remplissant les formalités prescrites, les travailleurs et les employeurs peuvent créer, dans le cadre de l'organisation syndicale espagnole, divers types d'organisations : syndicats locaux, provinciaux et nationaux, corporations et confréries de pêcheurs, fraternités de cultivateurs, groupements économiques et sociaux, etc. Le chapitre XIII de la Charte du travail, déclarée loi fondamentale ou constitutionnelle, proclame les principes de base en matière syndicale. Le système syndical fait donc partie de la réglementation souveraine que le peuple espagnol s'est donnée, dans ses institutions et, de ce fait, il ne saurait être attaqué. L'unité syndicale en vigueur en Espagne n'empêche pas les travailleurs et les employeurs, quelle que soit leur idéologie personnelle, d'oeuvrer en toute liberté « dans le cadre du système syndical établi ». La loi du 26 janvier 1940, que le gouvernement considère comme d'une importance primordiale, a ramené à l'unité le syndicalisme plural et dispersé qui existait auparavant. Les syndicats antérieurs n'ont pas disparu, mais ont été intégrés en un organisme unique où ils ont perdu le nom de syndicat ainsi que « ce qu'ils ont d'inutile et de déplacé ». L'expérience espagnole, affirme le gouvernement, a démontré que la diversité syndicale constituait « la plus grande atteinte à la liberté » car les organisations [syndicales] se consacraient à l'agitation politique. Enfin, le gouvernement soutient que le régime espagnol reconnaît, tout comme la convention no 87, le droit des travailleurs de créer les organisations de leur choix et celui de s'y affilier ou non. Les syndicats possèdent le droit de rédiger leurs statuts, à condition de s'être fait inscrire au Registre central des organismes syndicaux. Il n'existe pas de cas de dissolution ou de suspension administrative. Les syndicats peuvent se réunir librement et s'affilier à des fédérations ou à des confédérations.
  10. 131. Dans sa communication en date du 15 octobre 1957, le gouvernement déclare que la loi du 6 décembre 1940 est encore en vigueur mais qu'elle ne doit être considérée qu'en tenant compte d'un certain nombre d'éléments. Le gouvernement indique que l'affiliation des travailleurs et des employeurs à l'Organisation syndicale nationale n'est obligatoire que dans la mesure où l'affiliation de tous les travailleurs ou de certains d'entre eux à un système de sécurité sociale est obligatoire en Espagne, comme dans d'autres pays. L'appartenance à l'Organisation syndicale nationale - explique le gouvernement - entraîne pour les travailleurs un certain nombre d'avantages d'ordre social : l'aide des services de conciliation de cette organisation syndicale ; le droit à une assistance juridique gratuite dans les cas qui ne sont pas réglés par la voie des négociations et sont portés devant les tribunaux du travail ; le droit à des crédits à long terme en matière de logement ; bénéfice des installations sportives et avantages pécuniaires en matière de congés. Le gouvernement déclare que l'appartenance à l'Organisation syndicale nationale n'exclut pas la constitution, au sein de cette organisation, de sections sociales pour les travailleurs et de sections économiques pour les employeurs ; il précise qu'aux termes des dispositions d'un projet de loi actuellement à l'étude sur les conventions collectives, ces sections représenteraient les parties lors de la négociation des conventions collectives destinées à réglementer les salaires, la durée et les conditions du travail ; le gouvernement n'intervient pas dans les discussions qui ont lieu entre sections, et les représentants travailleurs au sein de ces discussions sont élus librement au scrutin secret. Le gouvernement déclare en outre que la participation des syndicats aux fonctions publiques n'affecte en rien leur indépendance et ne constitue en somme qu'une reconnaissance pratique de leur importance comme cela a été fait dans de nombreux pays où les syndicats ont participé à l'élaboration et à la mise en oeuvre des programmes de défense et autres. Le gouvernement ajoute que la loi du 23 juin 1941 sur la classification des syndicats est toujours en vigueur, que son seul objet est la division de l'organisation nationale en 24 branches industrielles et qu'elle n'a pas mis obstacle à un développement beaucoup plus vaste et diversifié de secteurs, groupes et sous-groupes syndicaux comprenant chacun, en outre, des sections sociales et économiques indépendantes.
  11. 132. Les dispositions de la Charte du travail concernant les syndicats sont les suivantes:
  12. Chapitre XIII. - Organisation nationale-syndicaliste
  13. 1. L'organisation nationale-syndicaliste de l'Etat s'inspirera des principes d'unité, de totalité et d'autorité.
  14. 2. Tous les facteurs de l'économie seront englobés par branches de la production ou services en syndicats verticaux. Les professions libérales et techniques s'organiseront de façon analogue, conformément aux dispositions de la loi.
  15. 3. Le syndicat vertical est une corporation de droit public constituée par l'intégration dans un organisme unitaire de tous les éléments qui consacrent leurs activités à l'accomplissement du processus économique dans un service déterminé ou une branche de la production déterminée; ce syndicat est organisé hiérarchiquement sous la direction de l'Etat.
  16. 4. Les postes de direction du syndicat appartiendront nécessairement à des militants de la Phalange espagnole traditionaliste et des J.O.N.S.
  17. 5. Le syndicat vertical est un organisme au service de l'Etat, par l'intermédiaire duquel celui-ci accomplira principalement sa politique économique. Il appartient aux syndicats de s'occuper des problèmes de la production et de proposer des solutions à ces problèmes en les subordonnant à l'intérêt national. Le syndicat vertical pourra intervenir par l'intermédiaire d'organes spécialisés dans la réglementation, le contrôle et l'application des conditions de travail.
  18. 6. Le syndicat vertical pourra créer, maintenir et contrôler les organismes de recherche, d'éducation morale, physique et professionnelle, de prévoyance, de secours et tous organismes de caractère social concernant les éléments de la production.
  19. 7. Le syndicat instituera des bureaux de placement pour fournir des emplois aux travailleurs, conformément à leurs aptitudes et à leurs mérites.
  20. 8. Il appartient aux syndicats de fournir à l'Etat les renseignements nécessaires permettant de dresser les statistiques de la production.
  21. 9. La loi sur les syndicats déterminera les modalités suivant lesquelles seront incorporées à la nouvelle organisation les associations économiques et professionnelles existant actuellement.
  22. 133. La loi du 26 janvier 1940 sur l'unité syndicale établit ce qui suit:
  23. Article premier. - L'organisation syndicale de la Phalange espagnole traditionaliste et des Comités d'offensive nationale-syndicaliste est l'unique organisation reconnue comme revêtue d'une personnalité par l'Etat, qui n'admettra l'existence d'aucune autre organisation ayant des fins analogues ou similaires, pour l'informer des aspirations et nécessités que nourrissent, dans l'ordre économique et social, les éléments producteurs de la nation. Elle est également le véhicule par lequel parviennent à ceux-ci les directives économiques de l'Etat.
  24. Nonobstant les dispositions de l'alinéa précédent, les institutions de droit public et les organismes de caractère officiel qui exercent, en vertu d'une disposition émanant des pouvoirs publics, la représentation professionnelle du point de vue économique, continueront à exercer leurs fonctions jusqu'à décision contraire établie par loi ou décret, selon le cas, adoptés en Conseil des ministres.
  25. Le Conseil des ministres déterminera également les fonctions qui passeront des commissions régulatrices à l'organisation syndicale, ainsi que la date à laquelle ce passage aura lieu.
  26. Article 2. - A partir de la publication de la présente loi, les associations créées pour défendre ou représenter entièrement ou partiellement des intérêts économiques ou de classe, portant la dénomination de syndicat, association ouvrière, patronale, corporative, ou toute autre dénomination, seront incorporées à l'Organisation syndicale du Mouvement.
  27. Article 3. - Dès maintenant, lesdites associations seront considérées comme soumises dans leur fonctionnement à la discipline du Mouvement, sous l'autorité de l'inspection de la Délégation nationale des syndicats.
  28. 134. La loi du 6 décembre 1940 établissant les bases de l'Organisation syndicale a la teneur suivante:
  29. Article premier. - Tous les Espagnols qui participent à la production constituent la Communauté nationale-syndicaliste, unité militante sous la discipline du Mouvement.
  30. Article 2. - La Délégation nationale des syndicats de la Phalange espagnole traditionaliste et des Comités d'offensive nationale-syndicaliste assume la direction de cette communauté et exerce ses fonctions de direction par l'intermédiaire des syndicats nationaux et des centrales nationales-syndicalistes dans les diverses zones territoriales.
  31. Article 3. - La représentation et la discipline de tous les producteurs incombent aux organismes syndicaux dans leur sphère territoriale ou économique.
  32. Article 4. - Lorsque les conditions économiques le permettent, il est constitué au sein des centrales nationales-syndicalistes, pour exercer cette discipline et exécuter les tâches qui leur sont assignées dans le cadre de leur profession par celles-ci, des syndicats locaux et des confréries syndicales locales.
  33. Les syndicats locaux et confréries syndicales locales et, par leur intermédiaire, les centrales nationales-syndicalistes, groupent les producteurs en sections correspondant aux diverses catégories sociales de la production.
  34. Il sera constitué des comités syndicaux, composés de représentants desdites sections, à titre d'organes consultatifs permanents auprès des chefs de ces différentes organisations.
  35. Article 5. - Les syndicats locaux et confréries syndicales auront la personnalité juridique, comme établissements de droit public, aussitôt que leurs statuts auront été approuvés par la Délégation nationale des syndicats et qu'eux-mêmes auront été inscrits au registre tenu par ladite Délégation.
  36. Les délégations provinciales des syndicats rendront compte de la constitution de ces organismes aux gouverneurs civils.
  37. Article 6. - L'autorité sur tous les services de politique sociale de la Communauté nationale-syndicaliste sera exercée par le délégué national des syndicats, par l'intermédiaire d'un organisme central.
  38. L'autorité sur la centrale nationale-syndicaliste d'une province sera exercée par le délégué provincial des syndicats de la Phalange espagnole traditionaliste et des Comités d'offensive nationale-syndicaliste.
  39. Article 7. - Les diverses catégories sociales de la production qui font partie d'une entreprise sont groupées en une communauté de fins et une solidarité d'intérêts, établie sur la base des principes de loyauté et d'assistance mutuelle au service de la patrie.
  40. La direction de l'entreprise appartient au chef de celle-ci, responsable de l'application, dans sa sphère, des prescriptions syndicales, sans préjudice de sa responsabilité supérieure devant l'Etat.
  41. A cet effet, le chef de l'entreprise sera assisté des éléments du personnel qui seront régulièrement désignés.
  42. Article 8. - L'organisation économique et sociale de la production a lieu par l'intermédiaire des syndicats nationaux.
  43. Article 9. - Selon la définition donnée par la Charte du travail, le syndicat national est une corporation de droit public, constituée par l'intégration, dans un organisme unitaire, de tous les éléments qui consacrent leur activité à l'accomplissement du processus économique dans un service déterminé ou une branche déterminée de la production ; ce syndicat est organisé hiérarchiquement sous la direction de l'Etat.
  44. Aux effets de la présente loi, chaque syndicat national correspond au processus économique d'élaboration d'un produit ou de plusieurs produits similaires et de leurs dérivés, depuis le début de la phase de production jusqu'à ce qu'ils parviennent au consommateur.
  45. La classification des syndicats nationaux sera établie par décret, sur la proposition de la Délégation nationale syndicale.
  46. Article 10. - Pour l'organisation des syndicats nationaux, seront pris en considération:
  47. a) la variété des produits, objets de l'activité économique ;
  48. b) la diversité et les traits caractéristiques des zones géographiques ;
  49. c) les différentes phases fondamentales du processus économique : production, transformation, ou phase industrielle et distribution, ou phase commerciale.
  50. Les statuts de chaque syndicat régleront son organisation interne sur la base des principes établis au présent article.
  51. Article 11. - Les statuts de chaque syndicat seront approuvés par l'Autorité nationale du Mouvement, sur proposition de la Délégation nationale des syndicats. Un décret délibéré en Conseil des ministres reconnaîtra officiellement la constitution de chaque syndicat national.
  52. Article 12. - Le chef de chaque syndicat national sera nommé par l'Autorité nationale du Mouvement, sur proposition de la Délégation nationale des syndicats.
  53. Article 13. - Le chef, investi d'une pleine autorité et responsabilité dans la direction du syndicat, sera assisté des organes hiérarchiques que déterminent les statuts du syndicat. Ces organes seront désignés par le secrétaire général du Mouvement, sur proposition de la Délégation nationale des syndicats de la Phalange espagnole traditionaliste et des Comités d'offensive nationale-syndicaliste. Avec ces organes, des représentants des divers cercles, sections et groupes économiques de la branche organisée en syndicat formeront le conseil central syndical, selon les modalités et dans la proportion fixées par les statuts de chaque syndicat. Ces représentants seront désignés et destitués par le délégué national des syndicats, sur proposition du chef du syndicat national.
  54. Feront également partie du conseil central syndical, comme éléments de liaison constante avec les ministères, selon les dispositions des statuts de chaque syndicat, un représentant du ministère de l'Agriculture, un représentant du ministère de l'Industrie et du Commerce, un représentant du ministère du Travail et un représentant de tout autre ministère auquel le syndicat ressortit par sa nature.
  55. Article 14. - Il sera institué des délégations syndicales de branche économique, dépendant de la délégation provinciale des syndicats compétente territorialement.
  56. Leur constitution sera calquée sur celle du syndicat national correspondant.
  57. Article 15. - Les autorités directrices de ces délégations, présidées par le délégué provincial des syndicats de la Phalange espagnole traditionaliste et des Comités d'offensive nationale-syndicaliste, constitueront le conseil syndical de la province. Ce conseil pourra également être présidé par le chef provincial du Mouvement et, le cas échéant, par le gouverneur civil de la province.
  58. Article 16. - Les centrales nationales-syndicalistes exerceront directement ou par l'intermédiaire des syndicats locaux et confréries syndicales locales, les fonctions suivantes:
  59. 1) établir la discipline sociale des producteurs sur les principes d'unité et de coopération, en édictant à cet effet les règles nécessaires,
  60. 2) représenter légalement leurs membres,
  61. 3) régler par conciliation les différends individuels de travail, à titre de mesure obligatoire précédant l'intervention de la magistrature du travail,
  62. 4) assurer la formation professionnelle et la répartition judicieuse de la main-d'oeuvre,
  63. 5) concourir dans leur sphère au fonctionnement des institutions créées dans les domaines du placement, de la coopération, de la prévoyance, du crédit et domaines similaires et, le cas échéant, créer des institutions dans le cadre fixé par la Délégation nationale des syndicats,
  64. 6) coopérer à l'établissement de statistiques sur les conditions de travail et de production, la situation du marché et tous faits de caractère économique et social qui peuvent éclairer les décisions de l'organisation syndicale et du gouvernement,
  65. 7) exercer dans leur sphère toutes autres fonctions que l'autorité nationale leur confie,
  66. 8) orienter et surveiller le fonctionnement des syndicats locaux, qui, dans leur propre sphère, aideront à l'exercice des fonctions des syndicats nationaux et, le cas échéant, assumer les fonctions des syndicats locaux, là où il n'en a pas été formé.
  67. Article 17. - En vue de l'exercice de leurs fonctions, les centrales nationales-, syndicalistes, par l'intermédiaire, le cas échéant, des syndicats locaux et des confréries syndicales locales, pourront, dans les conditions fixées par la Délégation nationale des syndicats, imposer des contributions à tous les producteurs de leur ressort, considérés individuellement, qu'ils soient inscrits à la centrale ou non.
  68. Article 18. - Les fonctions du syndicat national consistent à:
  69. 1) proposer au gouvernement les mesures nécessaires pour la discipline et le développement de la production, la conservation et la distribution des produits ainsi que la réglementation de leurs prix aux différents stades du processus de production, édicter les règlements et prendre les mesures conduisant à ces fins,
  70. 2) aider la Délégation nationale des syndicats à élaborer des propositions et rapports relatifs à la réglementation du travail,
  71. 3) exercer le pouvoir disciplinaire sur les syndicats inférieurs, dans la forme établie par les statuts syndicaux,
  72. 4) provoquer et encourager toute initiative ayant pour objet une meilleure organisation de la production et, particulièrement, les recherches scientifiques dans sa branche d'économie,
  73. 5) encourager, diriger et, le cas échéant, exercer les activités coopératives de production et de distribution en relation avec la branche,
  74. 6) organiser l'apport financier des entreprises de la branche au patrimoine et aux oeuvres de la communauté nationale-syndicaliste.
  75. Article 19. - Toutes les fonctions directrices dans les syndicats seront confiées à des militants de la Phalange espagnole traditionaliste et des Comités d'offensive nationale-syndicaliste.
  76. Article 20. - L'action des syndicats dans les sphères nationale, provinciale et locale se déroulera dans la discipline du Mouvement et sous les autorités syndicales correspondantes de la Phalange espagnole traditionaliste et des Comités d'offensive nationale-syndicaliste ; ces autorités seront subordonnées dans leur action aux autorités politiques du Parti conformément à ses statuts.
  77. Article 21. - Sont exemptés de l'impôt du timbre et des taxes, les actes et contrats dans lesquels intervient, comme partie astreinte au paiement, la Délégation nationale du travail, soit directement, soit par l'intermédiaire de ses organes délégués du réseau national-syndical, à condition qu'ils aient comme objet direct la réalisation des fins assignées à l'organisation syndicale par la présente loi.
  78. Les immeubles appartenant à ladite Délégation ou auxdits organes et destinés aux fins prévues à l'alinéa précédent jouiront de l'exemption de l'impôt sur les biens des personnes juridiques, sans avoir à obtenir une déclaration spéciale à cet effet.
  79. Dispositions transitoires. - La constitution officielle de chaque syndicat national aura comme effet:
  80. 1) la suppression de la commission régulatrice, ou du comité syndical correspondant, conformément aux dispositions de la loi du 3 mai 1940 ;
  81. 2) l'intégration définitive au syndicat des institutions et organismes visés au deuxième alinéa de la loi du 26 janvier 1940 sur l'unité syndicale.
  82. 135. En vertu des lois transcrites, il existe, en Espagne, un système corporatif, appelé « national-syndicaliste ». Selon les considérants de la loi du 6 décembre 1940 établissant les bases de l'organisation syndicale, « la constitution en syndicats devient la forme politique de toute l'économie de l'Espagne », principe impliquant comme corollaire « la subordination de l'organisation syndicale au parti » et « la subordination et la discipline envers les organismes de l'Etat ». S'agissant de la « forme politique » de l'économie de l'Etat, tous les Espagnols qui participent à la production comme travailleurs ou comme employeurs sont incorporés de par la loi à la « communauté nationale-syndicaliste », dont la direction incombe au Parti de la Phalange. Les syndicats verticaux sont, ainsi que le déclare la Charte du travail, des « corporations de droit public » englobant dans un seul organisme tous les éléments qui interviennent dans les processus économiques ; « le syndicat vertical est un organisme au service de l'Etat, par l'intermédiaire duquel celui-ci accomplira principalement sa politique économique ».
  83. 136. Tous les travailleurs et employeurs sont obligés de faire partie de cette organisation syndicale étatique (articles 1, 3 et 9 de la loi fondamentale). Aux termes du décret du 28 novembre 1941, tous les travailleurs (« producteurs » ) espagnols ou étrangers, âgés de plus de 14 ans, qui exercent une activité économique de quelque sorte qu'elle soit, sont tenus d'acquitter une cotisation syndicale déduite du salaire. (Dans sa communication du 15 octobre 1957, le gouvernement déclare que cette exigence ne viole pas la liberté syndicale, qu'elle ne représente que la moitié de 1 pour cent des gains des travailleurs et qu'elle contribue à défrayer le coût des différents services fournis par l'Organisation syndicale nationale; voir paragraphe 131 ci-dessus.) Les considérants de la loi fondamentale déclarent, en outre, que « la loi assure la subordination de l'organisation syndicale au Parti puisque ce dernier peut lui communiquer la discipline, l'unité et l'esprit nécessaires pour que l'économie nationale serve la politique nationale ; comme cela est logique, la subordination et la discipline à l'égard des organismes de l'Etat sont pleinement assurées ».
  84. 137. L'article premier de la loi du 26 janvier 1940 sur l'unité syndicale déclare : « L'organisation syndicale de la Phalange espagnole traditionaliste et des Comités d'offensive nationale-syndicaliste est l'unique organisation reconnue par l'Etat comme revêtue d'une personnalité suffisante, qui n'admettra l'existence d'aucune autre organisation ayant des fins analogues ou similaires... » Selon le Code pénal espagnol, la tentative de créer des associations professionnelles en marge de l'organisation syndicale de l'Etat constitue un délit.
  85. 138. Le Comité estime qu'il y a lieu de rappeler à cet égard, comme il l'a déjà fait dans plusieurs cas antérieurs, le principe énoncé par la Conférence internationale du Travail à sa 35ème session, en 1952, dans sa résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical, aux termes de laquelle les gouvernements « ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs politiques », et « ne devraient pas non plus essayer de s'immiscer dans les fonctions normales d'un syndicat, en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique ».
  86. Allégations relatives à l'imposition de sanctions pénales en cas de tentatives d'organiser des associations syndicales
  87. 139. La C.I.S.L allègue qu'en vertu de la loi du 29 mars 1941 sur la sécurité de l'Etat et des articles 172 et 173 du Code pénal du 23 décembre 1944, le fait de créer, organiser ou diriger des associations différentes de celles qui sont imposées par le régime constitue une infraction passible de la réclusion jusqu'à 16 ans. L'Union générale des travailleurs espagnols en exil mentionne divers cas de condamnations prononcées en application de ces normes.
  88. 140. Le gouvernement répond que les normes auxquelles la plainte fait allusion répriment les associations illicites, qu'elles soient syndicales ou non. Il explique que sont illicites « celles qui ne sont pas conformes à la réglementation supérieure » dont font partie les normes de caractère constitutionnel régissant le syndicalisme d'Etat. Les organisations créées en marge de l'organisation syndicale officielle sont illicites par suite du principe général selon lequel toutes les sociétés créées en marge de la loi sont illicites. Le gouvernement relève que de nombreux codes étrangers sanctionnent de la même manière les délits d'association illicite.
  89. 141. Le texte des dispositions mentionnées par les plaignants est le suivant:
  90. a) Dans la loi du 29 mars 1941 sur la sécurité de l'Etat:
  91. Article 28. - Celui qui fonderait, organiserait ou dirigerait des associations ou des groupes constitués pour renverser par la force ou détruire l'organisation politique, sociale, économique ou juridique de l'Etat, sera puni de la réclusion pendant 12 à 16 ans. A cette fin, si les identités des chefs ou des promoteurs n'ont pas été établies avec certitude, seront considérés comme tels les plus caractérisés des inculpés et, à circonstances égales, le plus âgé d'entre eux. Les simples complices seront punis de la prison pendant trois à six ans. Lorsque les faits mentionnés aux paragraphes précédents seront de peu de gravité le tribunal pourra ramener la peine à six mois et un jour, à deux années de prison ou à l'exil et à une amende de 2.000 à 20.000 pesetas.
  92. b) Dans le Code pénal du 23 décembre 1944:
  93. Article 172. - Sont réputées associations illicites... 3), celles qui sont interdites par l'autorité compétente ; 4) celles qui seraient constituées sans qu'aient été remplies les conditions ou les formalités exigées par la loi.
  94. Article 173. - Rentrent dans la définition de l'article précédent... 3), les associations, organisations, partis politiques et autres organismes déclarés hors la loi et autres organismes de tendance analogue, alors même qu'ils auraient été reconstitués sous une forme et un nom différents ; 4) celles, quelles qu'elles soient, qui tenteraient d'introduire un régime fondé sur la division des Espagnols en groupes politiques ou groupes de classe...
  95. 142. La disposition transcrite ci-dessus de la loi du 29 mars 1941 vise les personnes qui tenteraient de renverser par la violence l'organisation économico-sociale de l'Etat, ce par quoi il faut entendre la communauté nationale-syndicaliste, ainsi que cela découle du texte de la Charte du travail et de la loi du 6 décembre 1940 établissant les bases de l'organisation syndicale. En revanche, les articles du Code pénal, notamment les paragraphes 3 et 4 de l'article 172, visent les personnes qui auraient tenté de créer des associations en marge de la loi. Selon l'article 7 du décret du 24 avril 1938, les syndicats autres que les syndicats officiels rentrent dans cette catégorie.
  96. 143. Dans sa réponse, le gouvernement déclare le caractère illicite et, par conséquent, pénalement punissable des organisations constituées en marge de l'organisation officielle.
  97. 144. Le Comité estime que cette situation n'est pas compatible avec le principe généralement reconnu selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix.
  98. Allégations relatives à la dissolution d'organisations syndicales en 1936-1939
  99. 145. La Confédération internationale des syndicats libres allègue qu'un décret du 13 septembre 1936 a déclaré hors la loi les organisations politiques ou sociales faisant partie intégrante du Front populaire et a confisqué leurs biens ; que la loi du 9 février 1939 sur les sanctions pour responsabilités politiques a expressément dissous l'Union générale des travailleurs, la Solidarité des travailleurs basques et la Confédération nationale du travail, organisations syndicales toutes trois. Ces organisations avaient été créées librement par les travailleurs, conformément à une loi de 1887 ; leurs dirigeants ont été poursuivis et condamnés les uns à mort, les autres à l'emprisonnement pour 20 à 30 ans. L'Union générale des travailleurs espagnols en exil indique, dans sa communication du 22 août 1956, les noms des personnes condamnées en 1946 et 1947 pour tentative de reconstitution de l'Union générale des travailleurs.
  100. 146. Dans sa communication du 16 mai 1957, le gouvernement déclare que les organisations mentionnées dans la plainte - l'Union générale des travailleurs, la Solidarité des travailleurs basques et la Confédération nationale du travail - ont abandonné leurs objectifs syndicaux primitifs pour se transformer en organisations politiques. Selon le gouvernement, c'« est un fait établi depuis de longues années » que la question de l'emprisonnement de travailleurs en raison de leur affiliation aux organisations dissoutes est réglée et dépassée. Le gouvernement ne présente pas d'observations sur la communication de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil, du 22 août 1956, qui indique les noms des diverses personnes condamnées pour tentative de reconstitution de l'Union générale des travailleurs.
  101. 147. En examinant, dans le cas no 138 (Etats-Unis-Grèce), une plainte relative à des faits survenus longtemps avant le dépôt de la plainte, le Comité a déclaré que « bien qu'aucune règle concernant la prescription n'ait été fixée pour l'examen des plaintes en violation de la liberté syndicale, en présence d'une plainte se rapportant à des événements qui remontent à plus de dix ans, non seulement il sera extrêmement difficile au gouvernement de répondre de manière détaillée, mais parfois, impossible d'attendre dudit gouvernement une réponse satisfaisante ». Le présent cas se pose dans des circonstances tant soit peu différentes. Les allégations ne se rapportent pas principalement à des faits qu'il pourrait être difficile de vérifier à l'heure actuelle, mais à des textes de lois qui sont encore en vigueur et qui, selon les plaignants, continueraient à être appliqués.
  102. 148. Dans ces conditions, tout en considérant qu'il serait sans objet de formuler des conclusions en ce qui concerne la dissolution d'organisations syndicales en 1939 et au cours des années qui ont suivi, étant donné le temps qui s'est écoulé depuis, le Comité estime qu'étant donné que certaines personnes purgeraient encore des peines auxquelles elles auraient été condamnées pour avoir été membres ou dirigeants des organisations dissoutes ou pour avoir tenté de les reconstituer et que les travailleurs qui tenteraient de reconstituer des organisations syndicales autres que les organisations officielles peuvent toujours faire l'objet de sanctions pénales, il devrait être demandé au gouvernement espagnol de faire savoir s'il se trouve encore, dans les établissements pénitentiaires espagnols, des membres ou des dirigeants du Syndicat général des travailleurs, de la Confédération nationale du travail et de l'Union des travailleurs basques.
  103. Allégations relatives à des « détenus sociaux »
  104. 149. L'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue que, poursuivant sa politique de répression contre les travailleurs, le gouvernement espagnol garde en prison certaines personnes en tant que « détenus sociaux ». La majorité d'entre elles ont été condamnées à des peines allant jusqu'à 30 ans de prison pour « rébellion militaire » ; le régime au pouvoir, continue l'organisation plaignante, qualifie ainsi les efforts des travailleurs pour reconquérir leurs droits de citoyens et la liberté syndicale. Figurent sur la liste des personnes mentionnées par la plaignante dans sa communication du 22 août 1956 : Eduardo Villegas, condamné en 1946 pour avoir tenté de reconstituer une organisation syndicale libre, l'Union générale des travailleurs, et Emilio Salgado Moreira, condamné en 1947 pour le même délit.
  105. 150. Le gouvernement déclare que M. Eduardo Villegas a été condamné pour activités révolutionnaires en 1934 ; que de 1936 à 1939, il a sauvagement persécuté certains employés du Crédit hypothécaire et qu'il a été, pour cela, condamné de nouveau à une peine d'emprisonnement qui s'est terminée en 1944 ; qu'en 1946, il a été condamné pour incitation à la violence et à la rébellion et pour avoir été à la tête d'une imprimerie clandestine d'où sortaient des tracts subversifs n'ayant rien à voir avec les questions syndicales. M. Emilio Salgado Moreira - déclare le gouvernement - a arrêté des personnes, perquisitionné des maisons et « réquisitionné » des bijoux appartenant à des personnes privées entre 1936 et 1939.
  106. 151. Le gouvernement énumère ensuite les autres personnes mentionnées par les plaignants en indiquant les crimes de droit commun dont elles se sont rendues coupables et pour lesquels elles ont été condamnées : meurtre, banditisme, vol à main armée, entrée illégale dans le pays, désertion de l'armée, attaque à main armée et faux. Le gouvernement mentionne certains cas où la condamnation à mort a été commuée en peine de 30 ans d'emprisonnement ainsi que le nom de personnes libérées après avoir purgé leur peine. Le gouvernement déclare que, dans de nombreux cas, les individus arrêtés avaient été trouvés porteurs de revolvers, de mitraillettes, de grenades et de munitions et même, dans un cas, de dynamite.
  107. 152. Le gouvernement déclare que tous les intéressés ont été condamnés par les tribunaux compétents, conformément à la procédure normale, qui est entourée de toutes les garanties juridiques nécessaires, y compris le droit de se faire représenter par un avocat ; toutes les condamnations ont été faites à la suite de crimes sérieux et jamais en raison des activités syndicales déployées par ceux qui en ont été l'objet.
  108. 153. Le Comité note que le gouvernement a donné une réponse complète d'où il paraît ressortir que les personnes intéressées ont été condamnées par les tribunaux compétents conformément à la procédure judiciaire. Dans ces conditions, tout en soulignant de nouveau l'importance qu'il a toujours attachée à ce que les syndicalistes, comme toutes les autres personnes bénéficient des garanties d'une procédure judiciaire régulière, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté de preuves suffisantes pour montrer qu'en l'occurrence les personnes intéressées n'ont pas bénéficié de ces garanties ou qu'elles ont été condamnées en raison de leurs activités syndicales.
  109. Allégations relatives aux syndicats agricoles
  110. 154. La C.I.S.L allègue que la loi du 2 septembre 1941 a incorporé à l'Organisation syndicale de l'Etat, seule autorisée, les coopératives et autres organisations agricoles qui avaient été constituées conformément à la loi du 28 janvier 1906. La loi de 1941 mentionnée ci-dessus constitue, selon la plaignante, une violation de la convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921, ratifiée par l'Espagne le 29 août 1932.
  111. 155. De son côté, le gouvernement espagnol répond en affirmant que la loi du 2 septembre 1941 ne concerne pas les travailleurs agricoles proprement dits, mais les propriétaires et les fermiers. Le système coopératif est organisé par une loi de 1942, qui permet la libre constitution de coopératives. Cette dernière loi souligne le caractère coopératif des organisations rurales. La loi du 2 septembre 1941 a constitué à cet égard une mesure transitoire.
  112. 156. Les coopératives créées conformément à la loi du 2 janvier 1942 sont des associations volontaires ; leur assemblée générale élue est l'organe qui exprime la volonté des sociétaires. L'organisation syndicale espagnole a encouragé parallèlement la création de groupes syndicaux. La vigueur de ce mouvement, souligne le gouvernement, ressort à l'évidence du nombre de travailleurs agricoles qui occupent des charges élevées dans les syndicats agricoles locaux, provinciaux et nationaux.
  113. 157. Dans sa réponse en date du 15 octobre 1957, le gouvernement explique que le décret du 17 juillet 1944 relatif aux syndicats d'agriculteurs, et qui est toujours en vigueur, a sa raison d'être dans le degré d'avancement rudimentaire où se trouvait l'organisation rurale au moment de sa promulgation. Le décret organisait ces travailleurs en « fraternités » dans les régions où il n'avait pas encore été possible d'instituer des syndicats. Aux dires du gouvernement, ces fraternités fonctionnent sur la base d'élections libres comme dans les syndicats industriels.
  114. 158. La loi du 2 septembre 1941 sur les syndicats agricoles établit ce qui suit:
  115. Article premier. - En exécution de l'article 4 de la loi du 26 janvier 1940 (3 bis) sur l'unité syndicale, est ordonnée l'intégration définitive, dans l'Organisation syndicale du Mouvement de la F.E.T et des J.O.N.S, de tous les syndicats agricoles, caisses rurales, coopératives et autres organismes connexes créés conformément à la loi du 28 janvier 1906, ainsi que celle de leurs fédérations et confédérations.
  116. Article 2. - Les syndicats agricoles, leurs fédérations et confédérations visés par la présente loi seront réputés intégrés à partir de la promulgation de ladite loi, l'Organisation syndicale du Mouvement assumant toutes les activités desdits syndicats, fédérations et confédérations et tous les biens et droits des organisations dissoutes, quelle que soit leur nature, étant transférés au patrimoine de la Communauté nationale-syndicaliste.
  117. ......................................................................................................................................................
  118. Article 6. - Les personnes affiliées aux différents syndicats visés par la présente loi seront incorporées automatiquement aux syndicats locaux ou aux fraternités syndicales d'agriculteurs respectifs de l'Organisation syndicale du Mouvement.
  119. Article 7. - Les syndicats agricoles locaux et les fraternités syndicales de la F.E.T et des J.O.N.S exerceront les fonctions des syndicats agricoles et jouiront des bénéfices que leur accordait la loi du 28 janvier 1906.
  120. Article 8. - La loi du 28 janvier 1906 sur les coopératives agricoles est abrogée.
  121. 159. La loi du 2 janvier 1942 sur les coopératives contient les dispositions suivantes:
  122. Article premier. - La société coopérative consiste en une association de personnes physiques ou juridiques qui s'engagent à conjuguer leurs efforts en vue d'atteindre, avec un capital variable et sans but lucratif, des objectifs communs d'ordre economico-social, en se soumettant expressément aux dispositions de la présente loi.
  123. ......................................................................................................................................................
  124. Article 3. - Dans la mesure où cela ne s'oppose pas à la présente loi, les sociétés coopératives seront régies en toute autonomie par leurs statuts, à condition de respecter la discipline de l'Organisation syndicale du Mouvement et l'autorité de l'Etat.
  125. Article 4. - Les sociétés coopératives en général seront représentées aux différents syndicats nationaux et dans les organismes officiels créés pour surveiller le régime des prix, des taxes, de la distribution et de l'approvisionnement.
  126. ......................................................................................................................................................
  127. Article 10. - Les sociétaires des coopératives font automatiquement partie des fraternités ou des syndicats locaux correspondants.
  128. ......................................................................................................................................................
  129. Article 25. - L'assemblée générale délègue au comité directeur les facultés de gestion et de représentation.
  130. Article 26. - ... Le comité directeur répond, devant l'Etat et l'Oeuvre syndicale de la coopération, de la manière dont il dirige la coopérative.
  131. ......................................................................................................................................................
  132. Article 53. - La délégation nationale des syndicats, par l'intermédiaire de l'Oeuvre syndicale de coopération, à laquelle l'Etat reconnaît la qualité de personne juridique en vertu de la présente loi, organisera hiérarchiquement tout le mouvement coopératif espagnol en maintenant la séparation voulue entre les différents types de coopératives reconnus par ladite loi.
  133. 160. Selon la loi du 2 janvier 1942 concernant les coopératives, les organisations coopératives créées dans l'agriculture sont incorporées à l'Organisation syndicale de l'Etat ; tous les sociétaires des coopératives sont incorporés automatiquement dans les syndicats locaux correspondants ; le système coopératif organisé par l'" Oeuvre syndicale de coopération " est une branche du système syndical corporatif.
  134. 161. Aux termes de l'article 2 de la loi du 2 septembre 1941 - disposition transitoire - tous les syndicats agricoles existant auparavant ont été " intégrés " dans l'Organisation syndicale du Mouvement ; l'article 6 de la même loi a incorporé automatiquement les membres des syndicats existants aux nouveaux syndicats de l'Etat.
  135. 162. Ces dispositions sont reprises dans le décret du 17 juillet 1944, tendant à établir l'unité syndicale agricole, qui incorpore les travailleurs ruraux et leurs coopératives au système syndical. Ce décret déclare notamment :
  136. Article premier. - Conformément aux dispositions des articles 4, 16 et 17 de la loi du 6 décembre 1940, la délégation nationale des syndicats établira sur tout le territoire national des associations syndicales agricoles, en vue de l'encadrement de tous les producteurs qui consacrent leur activité aux différentes manifestations économiques de la vie agricole et des industries inséparables et auxiliaires, à l'exception des cas spéciaux où le développement local considérable d'un produit ou d'une industrie permet la création d'un syndicat ou groupement spécial. Aussitôt remplies les conditions de la loi d'organisation syndicale, lesdites associations auront la capacité juridique et la capacité d'action nécessaires à la réalisation de leurs fins et à l'accroissement de leur patrimoine.
  137. ......................................................................................................................................................
  138. Article 4. - Aussitôt qu'elles auront été agréées conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi du 6 décembre 1940, les associations syndicales assumeront, chacune dans son ressort, les fonctions conférées aux organismes syndicaux par la législation en vigueur, ainsi que les fonctions qui incombaient jusqu'ici aux organismes que le présent décret dissout, fusionne avec elles ou y incorpore et, notamment, celles que prévoient la loi du 8 juillet 1898 avec le règlement du 23 février 1906 rendu pour son application, les lois des 30 juillet et 2 septembre 1941 et les ordonnances ministérielles des 14 novembre 1890 et 29 janvier 1942, ainsi que toutes autres dispositions établies en vue de les compléter et appliquer.
  139. Article 5. - Aussitôt qu'une association sera régulièrement constituée, y seront incorporés, et assujettis à sa direction, tout en conservant leur patrimoine propre et la capacité juridique nécessaire pour la réalisation de leurs fins propres, les coopératives agricoles, légalement établies dans son ressort et les groupes syndicaux institués par l'Oeuvre de colonisation.
  140. En vertu de l'article 2, les coopératives agricoles sont incorporées dans ces fraternités syndicales et soumises " étroitement aux ordres que leur donnent les autorités de l'Etat dans la sphère de leurs compétences respectives ".
  141. Allégations concernant les négociations collectives
  142. 163. La C.I.S.L allègue que le gouvernement ne reconnaît pas aux travailleurs le droit de négocier librement avec les employeurs et n'admet pas la mise au point de contrats collectifs.
  143. 164. Le gouvernement affirme de son côté que le droit de négociation collective est garanti par la loi du 16 octobre 1942. S'il est certain que le gouvernement se réserve le droit d'intervenir dans les négociations en cas de désaccord, la réglementation du travail s'élabore en pratique par l'intermédiaire des syndicats, au moyen de discussions paritaires avec les employeurs. L'initiative incombe aux syndicats.
  144. 165. La question de la fixation des conditions de travail est régie en Espagne par la loi du 16 octobre 1942 établissant des prescriptions régissant l'élaboration des règlements de travail, qui dispose notamment:
  145. Article premier. - Toutes les questions relatives à la réglementation du travail, terme par lequel il faut entendre une fixation systématique des conditions minima auxquelles doivent répondre les relations de travail dont il est convenu entre les chefs d'entreprise et leur personnel dans les diverses branches d'industries et activités, seront du ressort exclusif de l'Etat, qui exercera cette fonction, sans pouvoir la déléguer, par l'organe du Département ministériel du travail et au sein dudit Département, dans les conditions qu'établit la présente loi, par la Direction générale du travail.
  146. ......................................................................................................................................................
  147. Article 4. - Les règlements de travail s'appliqueront à tous les établissements, fabriques, ateliers et dépendances appartenant à la branche ou activité considérée, quelles que soient leur importance et leur extension ; en cas de besoin, les différenciations nécessaires seront établies.
  148. Article 5. - En vue de maintenir le principe d'unité d'entreprise, les règlements seront applicables, avec les différenciations qu'exigent les différentes catégories professionnelles, au personnel de toutes catégories occupé dans la branche ou dans le cycle de production, objet de règlement.
  149. Article 6. - L'étude et l'élaboration d'un règlement de travail pourront s'effectuer à l'initiative du ministère du Travail, à la suggestion d'un autre département ministériel ou sur la proposition de l'organisation syndicale. Dans les deux derniers cas, il devra être présenté une demande motivée, accompagnée de toutes données ou éléments qui ont été pris en considération et qui justifient des modifications ou innovations dans les prescriptions applicables jusque-là.
  150. ......................................................................................................................................................
  151. Article 9. - Si la réglementation a un caractère national, le ministère invitera la Délégation nationale des syndicats à nommer un nombre variable d'assesseurs, experts dans la branche qui doit être réglementée; ces experts devront représenter tous les éléments des différents groupes professionnels qui forment le syndicat de la section ou des sections pouvant être affectées. Le ministère pourra également inviter les départements ministériels susceptibles de fournir des informations sur la matière en raison de leur spécialisation ou pour les services desquels la réglementation projetée présente un intérêt à désigner des représentants. Il pourra de même demander l'assistance de toutes personnes ou de tous organismes qu'il considère comme compétents en la matière.
  152. ......................................................................................................................................................
  153. Article 15. - Les entreprises industrielles ou commerciales qui occupent normalement cinquante ouvriers permanents ou davantage, en comptant tous ceux qui prêtent leurs services dans les différents établissements, même situés dans des localités différentes, seront tenues d'établir un règlement d'atelier en vue d'adapter l'organisation de leur travail aux prescriptions de la réglementation qui leur est applicable ainsi qu'aux principes qui inspirent la Charte du travail et la loi sur l'organisation syndicale... . Tant que le mode de désignation et d'investiture du chef d'entreprise ne sera pas déterminé, aux effets prévus par l'article 7 de la loi concernant l'organisation syndicale, le règlement intérieur sera rédigé par la personne qui exerce effectivement la direction de l'entreprise.
  154. ......................................................................................................................................................
  155. Article 20. - Seront nulles et de nul effet, les décisions prises en matière de réglementation du travail par tous les organismes et autorités autres que le ministère du Travail et constituant une ingérence dans les facultés réservées audit ministère, du fait qu'elles modifient entièrement ou partiellement les conditions de travail dans une industrie ou localité déterminée.
  156. 166. D'après cette loi, la fixation des conditions de travail est une " fonction " que l'Etat " exercera... sans pouvoir la déléguer " (article 1er), le ministère du Travail ayant l'initiative de l'élaboration de la réglementation (article 6) et, à l'échelon des entreprises individuelles, le chef d'entreprise ayant le droit de rédiger le règlement intérieur. A son chapitre III, paragraphe 4, la Charte du travail établit à cet égard que : " L'Etat fixera les principes de la réglementation du travail, d'après lesquels s'établiront les rapports entre les travailleurs et les entreprises... "
  157. 167. Conformément à l'article 20 de la loi du 16 octobre 1942, sont nuls les accords conclus par des organismes autres que le ministère du Travail. Aux termes de l'article 9, la participation des organisations syndicales se limite à la nomination des conseillers sur l'invitation du ministère. Dans certaines conditions, les syndicats peuvent prier le ministère d'étudier une nouvelle réglementation (article 6). Cependant, le gouvernement signale qu'en pratique les règlements sont élaborés au moyen de discussions paritaires auxquelles les syndicats prennent part.
  158. 168. Comme on l'a vu au paragraphe 131, le gouvernement déclare dans sa communication du 15 octobre 1957 qu'un projet de loi sur les conventions collectives se trouve actuellement à l'étude ; d'après les dispositions de ce texte, les sections d'employeurs et de travailleurs établies dans les différentes branches de l'Organisation nationale seraient habilitées à négocier en vue de la conclusion de conventions collectives sur les salaires, les heures et les conditions de travail.
  159. 169. Le Comité a considéré, à de nombreuses reprises, que le droit de négocier librement les conditions de travail avec les employeurs constitue un élément essentiel de la liberté syndicale et a insisté sur le fait " que les syndicats devraient avoir le droit, par voie de négociations collectives ou par d'autres moyens licites, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal ". Dans le cas no 111 (U.R.S.S.) 3... le Comité a déclaré " qu'il ne lui appartient de se prononcer sur le régime des contrats collectifs en vigueur dans les différents pays que dans la mesure où ce régime mettrait en cause le droit des syndicats d'assumer librement la défense des travailleurs... ".
  160. 170. Le Comité, ayant pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle un projet de loi sur les conventions collectives se trouve actuellement à l'étude, recommande au Conseil d'administration de souligner l'importance qu'il attache au principe selon lequel des mesures appropriées aux conditions nationales doivent être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi et exprime l'espoir que le projet de loi en question tiendra pleinement compte du principe rappelé ci-dessus et sera prochainement adopté.
  161. Allégations relatives au décret du 26 octobre 1956 portant modification du texte révisé de la loi sur le contrat de travail
  162. 171. L'Union générale des travailleurs espagnols en exil signale, dans sa communication en date du 14 janvier 1957, que, par décret publié dans le Boletín Oficial du 25 décembre 1956, " toutes les entreprises sont autorisées à imposer aux travailleurs qu'elles emploient la sanction disciplinaire du licenciement sans qu'elles soient tenues de constituer un dossier ni de présenter une demande à cet égard aux tribunaux du travail ". Les travailleurs se verraient ainsi privés d'un moyen de défense de leurs droits et livrés à l'arbitraire des employeurs. De telles mesures seraient en opposition avec les principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme, selon laquelle " toute personne a droit à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ".
  163. 172. Le gouvernement, de son côté, dans sa communication en date du 12 avril 1957, déclare que le décret du 26 octobre 1956, objet de la plainte, modifie en la codifiant la loi sur le contrat de travail du 26 janvier 1944 et, plus particulièrement, ses articles 77 et 81. Le premier de ces articles énumère " les justes motifs de congédiement du travailleur par l'employeur ". Le décret du 26 octobre 1956 précise que les motifs de congédiement sont limités à ceux indiqués dans l'article 77 de la loi et évite ainsi les malentendus qui pourraient naître des énumérations contenues dans d'autres ordonnances du travail. De plus, c'est dans un but de clarté et de simplification que le décret incriminé fait obligation à l'employeur de notifier par écrit le congédiement, sa date et ses motifs. Le travailleur objet du congédiement peut invoquer l'irrégularité de cette sanction. La suppression du dossier disciplinaire préalable ne nuit pas au travailleur elle supprime en effet une preuve préconstituée de réfutation difficile. Le nouveau décret maintient la distinction établie par la loi de 1944 à l'égard des congédiements irréguliers : dans les entreprises occupant moins de 50 ouvriers, l'employeur qui a prononcé un congédiement déclaré irrégulier a le droit d'opter entre la réadmission du travailleur ou son indemnisation ; dans les entreprises de plus de 50 ouvriers, le droit d'option appartient au travailleur. Enfin, le décret objet de la plainte élève le montant de l'indemnité due au travailleur en cas de renvoi injustifié, puisque l'indemnité n'est plus calculée seulement sur le salaire de base mais sur la totalité des sommes perçues en y incluant les allocations familiales et le supplément familial (plus familiar). On ne peut donc affirmer que le congédiement est libre : en effet, en vertu de l'article 81 de la loi sur le contrat de travail, une demande doit toujours être présentée devant les tribunaux compétents afin que ceux-ci se prononcent sur la régularité ou l'irrégularité du congédiement. La modification introduite par le décret du 26 octobre 1956 et selon laquelle, dans les entreprises occupant plus de 50 salariés, l'employeur peut, au lieu de réintégrer dans son emploi de travailleur irrégulièrement congédié, lui verser une indemnité, ne peut être considérée comme un recul de la législation sociale : en effet, l'importance du montant de l'indemnité (maximum de quatre ans de salaire) interdit de penser que des employeurs s'exposent sans motif très grave à une telle charge économique. Le nouveau décret, conclut le gouvernement, garantit les droits légitimes du travailleur et de l'entreprise.
  164. 173. Les articles 77 et 81 de la loi du 26 janvier 1944 sur le contrat de travail stipulent:
  165. Article 77. - Sont considérés comme justes motifs de congédiement du travailleur par l'employeur les motifs suivants:
  166. a) les fautes répétées et injustifiées du point de vue de l'exactitude ou de la présence au travail;
  167. b) l'indiscipline ou la désobéissance aux règlements de travail établis conformément à la loi ;
  168. c) les mauvais traitements en paroles ou en actes, ou un grave manque de respect et de considération envers l'employeur, les membres de sa famille vivant en communauté domestique avec lui, son représentant ou les chefs ou camarades de travail ;
  169. d) l'inaptitude du travailleur à l'occupation ou au travail pour lequel il a été engagé;
  170. e) la fraude, la déloyauté ou l'abus de confiance dans les opérations qui lui sont confiées;
  171. f) la réduction volontaire et continue du rendement normal du travail;
  172. g) les affaires commerciales ou industrielles effectuées par le travailleur pour son propre compte ou pour le compte d'un tiers sans l'autorisation de l'employeur;
  173. h) l'ivresse habituelle;
  174. i) le défaut de propreté, si l'attention du travailleur a été appelée à plusieurs reprises sur ce point et si ce défaut de propreté est de nature à provoquer des plaintes justifiées des camarades qui travaillent dans le même local;
  175. j) le fait de provoquer fréquemment des rixes ou disputes injustifiées avec les camarades de travail.
  176. Article 81. - Si le travailleur est congédié pour une cause qui lui est imputable, il n'aura droit à aucune indemnité.
  177. S'il est congédié pour de justes motifs, mais contre sa volonté, il pourra exiger le salaire correspondant au délai-congé normal établi par la réglementation du travail ou, à défaut d'une telle réglementation, par la coutume.
  178. S'il est congédié pour un juste motif, il pourra opter entre la réadmission à un emploi égal à celui qu'il occupait, moyennant des conditions identiques, et une somme à titre d'indemnité, dont le montant sera fixé librement par le juge du travail, qui doit prendre en considération la faculté ou la difficulté de trouver un autre emploi convenable, les charges familiales, la durée de service accomplie dans l'entreprise et autres éléments, sans que ce montant puisse excéder le traitement ou salaire d'une année. Cette option appartiendra à l'employeur, s'il s'agit d'une entreprise occupant moins de cinquante ouvriers permanents, et au travailleur si l'entreprise emploie un plus grand nombre de travailleurs.
  179. 174. Les principales dispositions du décret du 26 octobre 1956 portant modification de la loi sur le contrat de travail sont les suivantes:
  180. Article premier. - Il pourra être mis fin au contrat de travail par congédiement lorsque le travailleur tombe sous le coup d'un des motifs de congédiement énumérés à l'article 77 du texte révisé de la loi sur le contrat de travail.
  181. Article 2. - Toutes les entreprises sont autorisées à imposer aux travailleurs qu'elles emploient la sanction disciplinaire du licenciement sans qu'elles soient tenues de constituer un dossier ni de présenter une demande à cet égard devant les tribunaux du travail. S'il existe un comité d'entreprise (jurado de empresa), elles sont tenues de l'aviser avant d'exercer le droit qui leur est reconnu au paragraphe précédent.
  182. Article 3. - Pour se prévaloir de la faculté qui leur est reconnue par l'article 1 ci-dessus, les entreprises devront notifier par écrit au travailleur son congédiement en indiquant la date et les raisons de ce dernier.
  183. Article 4. - Lorsqu'il le considère comme irrégulier, le travailleur pourra attaquer le congédiement prononcé par l'entreprise devant la juridiction du travail. Dans ce cas, il devra présenter une demande devant le tribunal du travail compétent dans le délai établi par l'article 82 de la loi sur le contrat de travail.
  184. Article 5. - Le tribunal du travail suivra la procédure ordinaire pour autant qu'elle est compatible avec les règles posées ci-dessous Troisièmement, le magistrat, dans sa sentence, se conformera aux règles suivantes:
  185. ......................................................................................................................................................
  186. a) il qualifiera le congédiement de " régulier " lorsque aura été dûment allégué et prouvé un des motifs auxquels se réfère l'article 1 de ce décret ; il le qualifiera d'" irrégulier " dans tous les autres cas ;
  187. b) s'il qualifie le congédiement de " régulier", il déclarera le contrat de travail rompu sans droit à indemnité pour le travailleur congédié ; dans le cas contraire, il condamnera l'entreprise à la réadmission du travailleur ou au versement d'une indemnité dont le montant sera fixé par le juge, sans qu'il puisse en aucun cas excéder le traitement ou salaire d'une année ; l'option appartiendra à l'employeur s'il s'agit d'une entreprise occupant moins de 50 ouvriers permanents, au travailleur s'il s'agit d'une entreprise occupant un plus grand nombre d'ouvriers;
  188. c) dans tous les cas où le congédiement sera déclaré " irrégulier ", il accordera au travailleur congédié une indemnité supplémentaire équivalant au montant des salaires qu'il aurait dû recevoir pendant la durée du procès.
  189. ......................................................................................................................................................
  190. Article 7. - La comparution ou, suivant le cas, l'écrit où il aurait été opté pour la réintégration seront immédiatement portés à la connaissance de la partie adverse, afin que la relation de travail soit, dans les cinq jours suivants, reprise à des conditions identiques à celles qui la régissaient avant le congédiement. L'entreprise sera tenue de notifier l'exécution de la réadmission au tribunal dans un nouveau délai de cinq jours à partir de la date où elle est devenue effective. Si l'entreprise laisse écouler le délai fixé sans s'acquitter de l'obligation qui lui est faite par le paragraphe précédent, le magistrat soulèvera d'office un incident d'exécution de sentence, qui sera qualifié d'" indemnité de dommages-intérêts pour la non-réadmission ". Le magistrat soulèvera le même incident si le travailleur, dans le délai de 30 jours suivant la date à laquelle il a exercé son droit d'option ou, selon le cas, la date à laquelle l'entreprise lui a notifié avoir fait usage de ce droit, comparaît devant le tribunal en déclarant qu'il n'a pas été réadmis ou que la réadmission a été faite à des conditions qu'il n'accepte pas.
  191. ......................................................................................................................................................
  192. Article 10. - Pour toute la durée de l'incident d'" indemnité de dommages-intérêts pour non-réadmission ", le contrat de travail sera considéré comme résolu et l'ouvrier percevra l'indemnité fixée dans la décision qui a mis fin à la procédure. Lorsque la sentence définitive écarte l'incident, elle statuera sur ce point.
  193. Article 11. - Aux effets de la présente disposition, on entendra par traitement ou salaire la totalité des prestations versées au travailleur pour ses services ou travaux en y comprenant le plus familiar et les sommes qu'il percevrait au titre des assurances sociales.
  194. ......................................................................................................................................................
  195. Article 13. - Les travailleurs pourront recourir devant le tribunal du travail compétent contre les sanctions autres que le congédiement qui leur auraient été infligées par les entreprises pour des fautes graves ou très graves, ceci dans le délai fixé par la loi pour l'exercice de l'action de congédiement ; l'action sera soumise aux règles de procédure ordinaires. Si les sanctions infligées par les entreprises étaient considérées comme excessives, le tribunal, dans sa sentence, imposera celle qu'il considère comme proportionnée à l'importance ou à la gravité de la faute prouvée. Les sentences rendues dans ce cas sont définitives.
  196. Article 14. - Sont abrogées toutes dispositions incompatibles avec les dispositions de ce décret, à l'exception de celles qui sont actuellement en vigueur sur: 2) les travailleurs qui remplissent des charges électives de caractère syndical; 3) les membres de comités d'entreprise (jurados de empresa), et 4) les représentants de la section féminine de la Phalange espagnole traditionaliste et des J.O.N.S. Dans les cas auxquels se réfèrent les alinéas 2), 3) et 4) du présent article, l'exception établie jouera pendant trois ans à dater de la cessation des fonctions.
  197. ......................................................................................................................................................
  198. 175. Dans ces conditions, les allégations examinées et relatives au décret du 26 octobre 1956 portant modification de la loi sur le contrat de travail paraissent échapper à la compétence du Comité ; en effet, elles se réfèrent exclusivement à la question de la rupture du contrat de travail par congédiement, question sur laquelle il ne lui appartient pas de se prononcer, sauf dans les cas où le régime de congédiement implique une discrimination syndicale. Dans le cas d'espèce, le texte législatif objet de la plainte est un décret réglementaire d'application générale pour tous les travailleurs, ceux qui " remplissent des charges électives de caractère syndical " étant précisément exclus de cette application en vertu de l'article 14, alinéa 2, mentionné ci-dessus.
  199. Allégations relatives à l'interdiction des grèves
  200. 176. Dans sa communication du 25 avril 1957, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue que le droit de grève est en Espagne un délit passible de six à douze ans de prison. Sont responsables de la grève non seulement les participants, mais toutes les personnes que leurs antécédents caractérisent comme tels. L'Union générale des travailleurs étaie ses allégations en produisant la copie d'un document émanant de la Société métallurgique Duro-Felguera, qui porte à la connaissance des travailleurs le fait que la grève est un délit pénal passible d'une peine de prison grave et d'une amende et que le Code de procédure criminelle ordonne l'emprisonnement préventif des personnes coupables de ce délit. Selon le même document, la diminution des rendements normaux entraînera l'envoi des travailleurs coupables dans un corps disciplinaire en Afrique et la rescision du contrat de travail. La Confédération internationale des syndicats libres allègue, dans sa communication du 13 août 1956, que le gouvernement ne reconnaît pas le droit de grève et qu'il recourt à des mesures de répression pour briser les mouvements de revendications qui éclatent.
  201. 177. Le gouvernement déclare que l'enquête à laquelle il a procédé n'a pas révélé l'existence des affiches que les plaignants prétendent avoir été affichées dans la compagnie en question ; il dément qu'aucune poursuite ait été engagée contre quiconque ou que quiconque ait été condamné à la suite de la grève qui a eu lieu dans la mine Maria-Luisa. Le gouvernement s'abstient de présenter des observations sur les allégations relatives aux peines encourues, aux termes de la législation pénale, par les personnes participant à des grèves.
  202. 178. Dans ces conditions, le Comité a chargé le Directeur général d'obtenir des informations complémentaires sur cet aspect du cas avant de formuler ses recommandations au Conseil d'administration.
  203. Allégations relatives à la grève d'avril 1956 à Bilbao
  204. 179. La Confédération internationale des syndicats libres allègue, dans sa communication du 4 mai 1956, que le gouvernement espagnol aurait décrété des lock-outs pour mettre fin aux grèves qui ont éclaté, en avril 1956, à Bilbao et dans d'autres villes du nord de l'Espagne. Ce mouvement aurait eu pour origine le refus des ouvriers de continuer à effectuer un nombre considérable d'heures supplémentaires. Bien que quelques employeurs eussent accepté d'augmenter les salaires pour normaliser la production, le gouvernement se serait opposé à cette initiative. Quarante mille travailleurs auraient été touchés par l'ordre de lock-out. Le gouvernement aurait poursuivi de nouveau les travailleurs qui avaient participé à la grève générale de 1951 ; en raison de leur participation à la grève, onze personnes des provinces basques auraient été condamnées à des peines d'emprisonnement de trois à six ans. Libérées par la suite, ces personnes auraient été réincarcérées sans motif. Selon la C.I.S.L, la politique gouvernementale consistant à briser les grèves constitue une violation des droits de l'homme. Dans sa communication du 13 août 1956, la C.I.S.L allègue qu'après la grève mentionnée, des ouvriers des fabriques où ces conflits ont éclaté ont été déportés dans d'autres parties du pays. Les travailleurs mis en liberté provisoire par le juge d'instruction auraient été de nouveau incarcérés.
  205. 180. Dans sa communication du 16 mai 1957, le gouvernement déclare, au sujet de cette allégation, qu'il est normal qu'un conflit du travail analogue à celui qui a éclaté à Bilbao donne lieu à des arrestations. Les onze détentions survenues ont visé à éviter des actes de violence sans rapport direct avec le conflit du travail proprement dit. Des augmentations de salaires ont été accordées en avril 1956. (Dans sa communication du 15 octobre 1957, le gouvernement soutient qu'en dépit de certaines répercussions sur les prix, ces augmentations n'ont pas été frauduleuses ainsi que l'allèguent les plaignants, mais représentaient une amélioration authentique des gains réels des travailleurs.) Malgré le fléchissement de la productivité, les travailleurs ont continué à réclamer de nouvelles augmentations. Les démarches entreprises par l'organisation syndicale et la Délégation du travail pour résoudre ce conflit n'ont abouti à aucun résultat. Pour rétablir la discipline, il a été fait usage, à la fin avril, de la faculté, prévue par la loi sur le contrat de travail, de mettre fin aux contrats en cas de diminution volontaire de la production. Dans diverses entreprises, il a donc été procédé à des congédiements. Des travailleurs, au nombre de 25.000, se sont solidarisés avec les congédiés et ont abandonné le travail. Des frottements se sont produits entre les grévistes et les ouvriers qui désiraient continuer à travailler. Néanmoins, déclare le gouvernement, aucun travailleur n'a été détenu à titre préventif en raison de sa participation à la grève. Lorsque l'ordre a été rétabli, les grévistes ont tous été réadmis au travail sans aucune sanction. Pendant la grève, les familles des détenus ont continué à bénéficier des prestations sociales. Les privations de liberté n'ont jamais dépassé la durée prévue par les lois.
  206. 181. Dans sa communication en date du 15 octobre 1957, le gouvernement, se référant aux grèves d'avril 1956 qui roulaient essentiellement sur la question des heures supplémentaires, déclare que les services publics compétents ont offert leurs bons offices comme médiateurs. Le gouvernement explique que, bien que les travailleurs soient libres d'effectuer des heures supplémentaires ou de n'en pas effectuer - les heures supplémentaires étant payées à un taux plus élevé que les heures normales de travail -, une coutume s'est instituée dans les industries du nord de l'Espagne par laquelle il devint de pratique courante - pratique acceptée par les deux parties - pour les travailleurs d'effectuer normalement une ou deux heures supplémentaires, étant entendu que ces heures seraient payées au taux des heures supplémentaires. Depuis 1950, date à partir de laquelle les travailleurs sont devenus plus prospères, une tendance à abandonner cette pratique s'est fait jour, qui a causé des frictions, lesquelles ont trouvé leur paroxysme dans les grèves en question. Le gouvernement nie avoir ordonné un lock-out ; il déclare toutefois que lorsque les employeurs - à la suite des grèves et des interruptions de la production - ont éprouvé des difficultés à faire fonctionner leurs entreprises de façon continue, ils ont demandé et obtenu l'autorisation de fermer leurs entreprises jusqu'au règlement du conflit. Le gouvernement nie avoir brisé la grève ou ordonné la persécution des grévistes. Selon le gouvernement, la perte des droits découlant de l'ancienneté est la conséquence d'une rupture de contrat de la part des grévistes. Néanmoins, déclare le gouvernement, les grévistes ont été rengagés " normalement et sans incident ", aucune mesure d'exception n'a été prise et le règlement du différend a amené la disparition de la coutume qui voulait qu'une ou deux heures supplémentaires fussent considérées comme normales. Le gouvernement ajoute qu'un certain nombre de grèves ont eu lieu en 1951 mais qu'il n'y a pas eu de grève générale ; il précise que ni à ce moment-là ni depuis, il n'a persécuté les grévistes pour des grèves ayant eu lieu dans le passé.
  207. 182. Dans un nombre important de cas, le Comité a établi que l'on reconnaît généralement aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme un moyen de légitime défense de leurs intérêts professionnels ; lorsque la loi restreint ce droit, le Comité attache de l'importance à l'existence d'une procédure garantissant une solution pacifique de tout conflit et accordant des garanties appropriées aux travailleurs qui ne peuvent recourir à la grève. En l'espèce, sans se prononcer de manière précise sur la légalité générale du droit de grève - question posée dans une allégation examinée ci-dessus (voir paragraphe 176) -, le gouvernement affirme que, bien que tous les contrats de travail des participants à la grève aient été primitivement résiliés, les grévistes ont tous été réadmis au travail lorsque l'ordre a été rétabli et qu'aucun travailleur n'a fait l'objet de sanctions en raison de sa participation à la grève. Il admet cependant que des détentions tendant à empêcher des contraventions ont eu lieu.
  208. 183. Le Comité considère que la détention préventive de syndicalistes, basée sur le fait que des délits peuvent être commis à l'occasion d'une grève, implique un grave danger d'atteinte aux droits syndicaux. Etant donné cependant que le gouvernement a donné des assurances de ce qu'aucun travailleur n'a fait l'objet de sanctions ou subi des préjudices en raison de sa participation aux mouvements de grève qui ont éclaté à Bilbao et dans d'autres villes en avril 1956, le Comité, tout en attirant l'attention du gouvernement espagnol sur le danger rappelé plus haut, considère qu'il est inutile d'examiner plus avant les présentes allégations relatives à l'exercice du droit de grève.
  209. Allégations relatives à la grève d'avril 1956 à Barcelone
  210. 184. L'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue, dans sa communication du 25 juillet 1956, qu'un certain nombre d'ouvriers dont elle indique les noms auraient été détenus au cours des grèves qui ont éclaté à Barcelone en avril 1956. La police aurait mis ces travailleurs à la disposition de l'autorité judiciaire. Le juge aurait ordonné leur inculpation pour association illicite et propagande illégale, en ordonnant toutefois de mettre les détenus en liberté provisoire. Pour faire obstacle à leur libération, le gouverneur civil de Barcelone aurait infligé aux ouvriers des arrêts de trois mois prolongeables.
  211. 185. Dans sa communication en date du 15 octobre 1957, le gouvernement déclare que l'article 18 de la Charte des Espagnols reconnaît la liberté des personnes dans les limites permises en cas d'urgence tel que le prévoit la loi du 28 juillet 1933 sur l'ordre public selon laquelle, pendant les périodes où le gouvernement a exercé son droit légal de proclamer l'état d'urgence, " les autorités civiles peuvent maintenir en détention toute personne si elles jugent que cela est nécessaire au maintien de l'ordre public ". Au moment des grèves en question, l'article 18 mentionné ci-dessus a été suspendu pour une période de trois mois. Ainsi, affirme le gouvernement, le gouverneur civil était fondé à procéder aux arrestations qu'il a ordonnées lorsqu'il jugeait qu'elles étaient nécessaires au maintien de l'ordre ; le magistrat était dans son droit, dans les limites de son autorité provinciale, en ordonnant la mise en liberté sous condition des personnes intéressées ; de son côté, le gouverneur était également dans son droit en ordonnant de nouveau leur détention s'il jugeait cette détention nécessaire au maintien de l'ordre public. Le gouvernement déclare qu'aucune personne du nom de José Castillo ou de Antonio Senserich n'a été mise en détention et que les raisons de la détention des autres personnes mentionnées par les plaignants était non seulement légale mais totalement étrangère aux activités syndicales déployées par les intéressés. Ces personnes, déclare le gouvernement, faisaient partie de cellules communistes dont le seul objectif était de troubler l'ordre public et non pas de trouver une solution à un différend du travail. Le gouvernement indique que parmi les raisons justifiant les craintes du gouverneur figure le fait que l'une des personnes mentionnées - José Teixidor Vila - était entré en Espagne clandestinement en 1944 avec une bande armée, à la suite de quoi il avait été condamné par les tribunaux puis libéré en 1951 après avoir purgé sa peine.
  212. 186. Dans plusieurs cas antérieurs dont le Comité a été saisi et dans lesquels il était allégué que des dirigeants ou des militants syndicaux avaient été placés en détention préventive, le Comité avait exprimé l'avis que de telles mesures de détention préventive impliquent une grave ingérence dans les activités syndicales, qui semblerait devoir être justifiée par l'existence d'une crise sérieuse et qui pourrait donner lieu à des critiques, à moins qu'elle ne soit accompagnée de garanties juridiques appropriées, mises en rouvre dans des délais raisonnables et que la politique de tous les gouvernements devrait veiller à ce que les droits de l'homme soient respectés, en particulier le droit de toute personne détenue de bénéficier d'un jugement équitable dans les plus brefs délais possibles. Bien que le Comité estime qu'il n'est pas en mesure d'apprécier si la proclamation de l'état d'urgence était ou non justifiée, une telle appréciation impliquant la connaissance d'éléments dont le Comité ne dispose pas, il rappelle que dans un certain nombre de cas antérieurs il avait souligné que, dans la plupart des pays, le droit de grève est communément considéré comme un des droits généraux reconnus aux travailleurs pour la défense de leurs intérêts professionnels dans la mesure où il s'exerce pacifiquement et sous réserve des restrictions temporaires qui pourraient lui être apportées et qu'il avait également exprimé l'espoir que les gouvernements, soucieux de voir les rapports de travail se développer dans une atmosphère de confiance mutuelle, auraient recours, pour faire face aux conséquences résultant d'une grève ou d'un lock-out, à des mesures prévues par le droit commun plutôt qu'à des mesures d'exception qui risquent de comporter, de par leur nature même, certaines restrictions à des droits fondamentaux. Le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement espagnol sur l'importance qu'il attache aux principes rappelés plus haut.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 187. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, pour les raisons indiquées au paragraphe 128 ci-dessus, que l'objection formulée par le gouvernement à la compétence du Comité étant donné la nature des allégations présentées par la Confédération internationale des syndicats libres n'est pas fondée;
    • b) d'attirer l'attention du gouvernement espagnol sur la contradiction fondamentale entre la législation en vigueur en Espagne et les principes de la liberté syndicale qui sont consacrés par la Constitution de l'O.I.T dans son préambule, la Déclaration de Philadelphie et les conventions sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 ; de faire un pressant appel auprès du gouvernement pour que celui-ci modifie sa législation afin de la rendre compatible avec ces principes et, en particulier, avec les principes selon lesquels:
    • i) les travailleurs devraient avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations ;
    • ii) ces organisations devraient avoir le droit d'élaborer leurs statuts, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal ;
    • iii) ces organisations ne devraient pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative ;
    • c) d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe énoncé par la Conférence internationale du Travail à sa 35ème session, en 1952, dans sa résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical, aux termes de laquelle les gouvernements « ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs politiques » et « ne devraient pas non plus essayer de s'immiscer dans les fonctions normales d'un syndicat, en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique » ;
    • d) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle un projet de loi sur les conventions collectives se trouve actuellement à l'étude ; d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration attache au principe selon lequel des mesures appropriées aux conditions nationales doivent être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi ; d'exprimer l'espoir que le projet de loi en question tiendra pleinement compte du principe rappelé ci-dessus et sera prochainement adopté, et de bien vouloir tenir le Conseil d'administration informé de toute évolution dans ce sens ;
    • e) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives aux « détenus sociaux », d'attirer l'attention du gouvernement espagnol sur l'importance qu'il a toujours attachée au droit qu'ont les syndicalistes, comme toutes personnes, à bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière ; sous cette réserve, de décider que les plaignants n'ont pas apporté de preuve suffisante tendant à montrer qu'en l'occurrence les personnes intéressées n'ont pas bénéficié de ces garanties ou qu'elles ont été condamnées en raison de leurs activités syndicales ;
    • f) de décider, pour les raisons contenues au paragraphe 175 ci-dessus qu'il est inutile d'examiner plus avant les allégations relatives au décret du 26 octobre 1956 amendant la loi sur les contrats de travail ;
    • g) de décider, en ce qui concerne les grèves qui ont eu lieu à Bilbao et dans d'autres villes en avril 1956, d'attirer l'attention du gouvernement sur son opinion que l'arrestation préventive fondée sur le fait que des délits peuvent être commis à l'occasion d'une grève implique un grave danger d'atteinte aux droits syndicaux ;
    • h) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la grève qui a eu lieu à Barcelone en avril 1956, d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opinion selon laquelle les mesures de détention préventive impliquent une grave ingérence dans les activités syndicales, qui semblerait devoir être justifiée par l'existence d'une crise sérieuse et qui pourrait donner lieu à des critiques, à moins qu'elle ne soit accompagnée de garanties juridiques appropriées, mises en oeuvre dans des délais raisonnables, opinion selon laquelle, d'autre part, la politique de tous les gouvernements devrait veiller à ce que les droits de l'homme soient respectés, en particulier le droit de toute personne détenue de bénéficier d'un jugement équitable dans les plus brefs délais possibles ; d'exprimer à nouveau l'espoir que les gouvernements, soucieux de voir les rapports de travail se développer dans une atmosphère de confiance mutuelle, auront recours, pour faire face aux conséquences résultant d'une grève ou d'un lock-out, à des mesures prévues par le droit commun plutôt qu'à des mesures d'exception qui risquent de comporter, de par leur nature même, certaines restrictions à des droits fondamentaux ;
    • i) de décider qu'il devrait être demandé au gouvernement espagnol d'indiquer si les membres ou les dirigeants de l'Union générale des travailleurs, de la Confédération nationale du travail ou de la Solidarité des travailleurs basques sont toujours détenus et, en attendant de recevoir cette information, de prendre note du présent rapport intérimaire ;
    • j) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives au droit de grève mentionnées au paragraphe 176 ci-dessus, étant entendu qu'il sera de nouveau saisi d'un rapport du Comité lorsque celui-ci sera en possession des informations attendues du gouvernement.
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