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- 381. A sa seizième session (Genève, février 1957), le Comité était saisi d'une série de communications émanant de diverses organisations syndicales et contenant des allégations selon lesquelles il serait porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux à Chypre. Le Comité a formulé ses conclusions sur la majorité des allégations, en y joignant un rapport intérimaire sur certaines d'entre elles, dans son vingt-cinquième rapport, qui a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 134ème session (Genève, mars 1957).
- 382. A sa dix-septième session (Genève, mai 1957), le Comité a repris l'examen des allégations sur lesquelles il avait présenté un rapport intérimaire à sa précédente session et a formulé ses conclusions et recommandations sur ces allégations restées en suspens dans son vingt-sixième rapport, qui a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 135ème session (Genève, mai-juin 1957).
- 383. Plus particulièrement, le Conseil d'administration a approuvé les recommandations suivantes faites par le Comité et contenues au paragraphe 156a) de son vingt-sixième rapport
- 156. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de noter, en ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation et à la détention sans jugement de dirigeants et de militants de syndicats, la déclaration du gouvernement selon laquelle tous les cas de détention font actuellement l'objet d'un nouvel examen, d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'à son avis, la détention prolongée de personnes sans les faire passer en jugement en raison de la difficulté de présenter des moyens de preuve selon la procédure normale constitue une pratique qui implique un danger inhérent d'abus et est pour cette raison critiquable ; d'attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au droit, pour toute personne détenue, de faire l'objet d'un jugement équitable dans les plus brefs délais possible ; et d'exprimer l'espoir que le gouvernement tiendra compte de ce principe et fera connaître au Conseil d'administration, en temps utile, les procédures légales ou judiciaires qui pourront être suivies dans les cas des personnes en question qui pourront être maintenues en prison après l'achèvement de la révision en cours des cas de détention, ainsi que les résultats de telles procédures ;
- 384. Par une lettre en date du 12 juin 1957, le Directeur général a attiré l'attention du gouvernement du Royaume-Uni sur la teneur du paragraphe cité plus haut et lui a demandé de bien vouloir lui fournir, en temps utile, les informations sollicitées par le Conseil d'administration.
- 385. Le 28 juin 1957, une autre plainte relative à la violation des droits syndicaux à Chypre a été adressée à l'O.I.T par la Confédération internationale des syndicats libres. Copie de cette plainte a été communiquée au gouvernement pour observations par une lettre du Directeur général en date du 11 juillet 1957.
- 386. Par une lettre en date du 10 octobre 1957, adressée au Directeur général, le gouvernement du Royaume-Uni a fourni certaines informations conformément à la demande formulée par le Conseil d'administration lorsqu'il a adopté le vingt-sixième rapport du Comité, ainsi que ses observations sur la plainte du 28 juin 1957 émanant de la C.I.S.L.
- 387. Les seuls points encore en suspens étant la suite donnée par le gouvernement aux recommandations du Comité et les questions soulevées dans la nouvelle plainte de la C.I.S.L, l'analyse ci-dessous ne porte que sur ladite plainte et sur la communication du gouvernement en date du 10 octobre 1957.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 388. Dans sa communication en date du 28 juin 1957, la Confédération internationale des syndicats libres rappelle les conclusions et recommandations contenues dans les vingt-cinquième et vingt-sixième rapports du Comité et elle émet l'opinion que la décision du Conseil d'administration d'adopter ces rapports doit être interprétée « non seulement comme un acte d'accusation contre les arrestations arbitraires et la détention sans jugement de syndicalistes cypriotes » mais comme constituant également « des demandes précises adressées au gouvernement du Royaume-Uni afin qu'il mette fin à ces actes arbitraires et qu'il remette en liberté les personnes contre lesquelles aucune action légale ou judiciaire n'a été intentée ».
- 389. La C.I.S.L déclare ensuite que, malgré les recommandations qui lui ont été adressées, le gouvernement a continué à placer en détention un grand nombre de syndicalistes cypriotes sans les faire passer en jugement ; elle ajoute que, d'après les informations reçues d'une de ses organisations affiliées, la Confédération des travailleurs de Chypre (C.T.C.), tandis que plusieurs membres de syndicats sous contrôle communiste ont été relâchés, « aucun de nos (C.T.C.) membres ou fonctionnaires ne l'a été ; au contraire un nombre croissant de nos adhérents sont emprisonnés ». La C.I.S.L allègue que, selon les rapports reçus de la C.T.C, plus de 300 syndicalistes ou membres de bureaux syndicaux seraient détenus dans les camps de Pyla et de Kokkinotrimithia. Le plaignant fournit une liste indiquant le nom et les fonctions syndicales de 93 syndicalistes qui seraient encore en détention.
- 390. Le plaignant allègue en outre que M. Michael Pissas, secrétaire général de la C.T.C, aurait été relâché mais immédiatement exilé, de sorte qu'il serait ainsi dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions syndicales.
- 391. En guise de conclusion, la C.I.S.L demande au Conseil d'administration de déclarer que la politique du gouvernement du Royaume-Uni est contraire aux principes de la liberté syndicale et de prier le gouvernement de libérer les syndicalistes emprisonnés contre qui aucune action légale ou judiciaire n'a été intentée.
- 392. Dans sa réponse en date du 10 octobre 1957, le gouvernement déclare tout d'abord avoir pris bonne note des vues exprimées par le Conseil d'administration en ce qui concerne la détention prolongée de personnes qui ne sont pas passées en jugement ; il signale à nouveau, comme il l'avait déjà fait dans une communication antérieure, que les mesures de détention en question constituent une exception aux règles habituelles suivies en la matière dans les territoires britanniques, mais que cette exception a malheureusement « été rendue nécessaire par les menaces exercées sur la population civile par les terroristes et par le fait que l'identité des témoins ne saurait être révélée sans mettre en danger la vie de ces témoins ». Le gouvernement réitère également la déclaration qu'il avait faite antérieurement selon laquelle la détention des personnes en question est totalement étrangère aux activités ou au statut syndical de ces personnes ; la détention des intéressés résulte de leur participation aux activités des organisations terroristes (E.O.K.A.) ou du fait qu'ils sont présumés s'être faits les complices d'actes de violence allant jusqu'au meurtre ou à la tentative de meurtre. Le gouvernement indique que, pour les raisons données plus haut, les personnes intéressées ne peuvent être traduites en jugement.
- 393. Le gouvernement affirme à nouveau que le cas de toutes les personnes détenues se trouve à l'examen en vue de la libération de toutes celles que le gouverneur estimera pouvoir libérer sans mettre en péril l'ordre public. A cette fin, tous les détenus sont interrogés et, sur chaque cas, le gouverneur reçoit un avis du Comité consultatif qui a été institué au début de la période troublée en application de la loi sur la détention et dont le président est un ancien juge. Le gouvernement déclare qu'entre le mois de juin 1957 et le 28 septembre de la même année, 285 personnes ont été relâchées en application de la procédure de révision, en plus des 203 personnes relâchées précédemment, et que la révision de tous les cas individuels se poursuit.
- 394. Le gouvernement indique en outre que M. Pissas a été libéré à la suite de la demande formulée par la C.I.S.L. ; cette libération a été soumise à la condition que l'intéressé quitte Chypre et en reste éloigné tant que durera la période d'exception ; cette condition a été acceptée par M. Pissas par écrit. Elle lui a été imposée en raison de sa participation à des activités terroristes ainsi que le gouvernement l'avait indiqué dans une communication antérieure, en date du 19 décembre 1956, déjà examinée par le Comité.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 395. Mis à part le fait que le plaignant donne le nom et les fonctions syndicales de 93 personnes sur les 300 qu'il allègue avoir encore été en détention au mois de juin 1957, le seul élément nouveau contenu dans la présente plainte par rapport aux questions examinées antérieurement par le Comité et ayant fait l'objet d'un rapport de sa part, réside dans le fait que M. Pissas, secrétaire général de la Confédération des travailleurs de Chypre, a été relâché mais contraint de rester éloigné du pays pendant la durée de la période d'exception. Lorsqu'il avait examiné le cas antérieurement, le Comité avait tenu compte de l'allégation dont il était saisi, selon laquelle M. Pissas aurait été l'un des syndicalistes maintenus en détention, le gouvernement déclarant qu'il était mêlé à des activités terroristes et que des documents de l'E.O.K.A montraient qu'il avait servi de courrier aux terroristes. Il semblerait qu'à la demande des plaignants, M. Pissas ait été libéré depuis, après s'être engagé à rester hors de Chypre tant que durerait la période d'exception. Le Comité a déjà eu l'occasion d'examiner le cas d'un autre syndicaliste, M. Ziartides, secrétaire général de la Fédération pancypriote du travail, auquel, en application des lois d'exception, il a été imposé de choisir entre l'exil et la détention. Le Comité estime que la dernière plainte présentée par la C.I.S.L ne soulève aucune question de fait qui ne soit pas sensiblement analogue quant à son caractère à celles qu'il a déjà examinées à ses seizième et dix-septième sessions.
- 396. Le plaignant allègue que le gouvernement n'a pas donné suite aux recommandations qui lui avaient été adressées par le Conseil d'administration et que, à une date aussi récente que le mois de juin 1957, quelque 300 dirigeants et militants syndicaux - dont 93 mentionnés nommément - étaient encore détenus sans être passés en jugement, bien que le Conseil d'administration, en adoptant le paragraphe 156 a) du vingt-sixième rapport du Comité, cité au paragraphe 383 ci-dessus, qui reprenait, en les développant sensiblement, les recommandations déjà formulées dans son vingt-cinquième rapport, eût attiré l'attention du gouvernement sur ses vues en ce qui concerne la détention prolongée de personnes sans que celles-ci passent en jugement ainsi que sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au droit, pour toute personne détenue, de faire l'objet d'un jugement équitable dans les plus brefs délais possible.
- 397. Or c'est précisément la période qui s'étend entre le mois de juin et le 28 septembre 1957 qui est couverte par les informations fournies par le gouvernement dans sa dernière communication. Au cours de cette période - c'est-à-dire depuis la date approximative à laquelle la C.I.S.L allègue que 300 syndicalistes auraient encore été détenus - le gouvernement déclare que 285 personnes ont été relâchées en application de la nouvelle procédure et que le cas des personnes restantes est à l'étude. Le gouvernement indique en outre que le comité consultatif qui examine les cas et donne des avis au gouverneur sur ces cas est présidé par un ancien juge.
- 398. Dans ces conditions, le Comité estime devoir recommander au Conseil d'administration de prendre note des faits décrits dans le paragraphe précédent, mais considère qu'aucun nouvel élément de fond n'ayant été apporté par la plainte de la C.I.S.L ou par la réponse du gouvernement, il n'y a pas lieu pour lui d'élaborer ou de modifier les recommandations contenues dans le vingt-sixième rapport.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 399. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration de noter les déclarations du gouvernement selon lesquelles la révision de tous les cas de détention par un Comité consultatif présidé par un ancien juge se poursuit et 285 personnes ont été relâchées en application de la procédure de révision pendant la période allant de juin à septembre 1957 ; d'attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur le fait qu'à son avis, la détention prolongée de personnes sans les faire passer en jugement en raison de la difficulté de présenter des moyens de preuve selon la procédure normale constitue une pratique qui implique un danger inhérent d'abus et qui est pour cette raison critiquable ; d'attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au droit, pour toute personne détenue, de faire l'objet d'un jugement équitable dans les plus brefs délais possibles et d'exprimer l'espoir que le gouvernement tiendra compte de ce principe et fera connaître au Conseil d'administration, aussi rapidement que possible, les procédures légales ou judiciaires qui pourraient être suivies dans le cas des personnes qui seraient maintenues en prison après l'achèvement de la révision en cours des cas de détention, ainsi que les résultats de telles procédures.