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Rapport intérimaire - Rapport No. 15, 1955

Cas no 110 (Pakistan) - Date de la plainte: 12-AOÛT -54 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 231. Le Congrès des syndicats birmans a présenté sa plainte en communiquant à l'O.I.T, le 12 août 1954, la copie d'une communication qu'il avait adressée au Premier ministre du Pakistan le 4 août 1954, ainsi que le texte d'une résolution de protestation jointe à cette communication et adoptée le 1er août 1954 par une conférence groupant les représentants syndicaux des districts de Rangoon-Insein. Le plaignant formulait les allégations suivantes:
    • a) Les travailleurs des filatures de jute de Narayanganj auraient déclenché une grève pour protester contre le refus de leurs employeurs d'accepter les revendications de salaires présentées par eux au mois de mai dernier ; néanmoins, bien que les travailleurs eussent le droit de se mettre en grève, les autorités pakistanaises, après avoir suscité des troubles parmi les travailleurs, donnèrent l'ordre à la police et à l'armée d'ouvrir le feu sur les ouvriers, dont six cents trouvèrent la mort.
    • b) Peu après la conclusion du traité de défense mutuelle entre les Etats-Unis et le Pakistan; les autorités pakistanaises supprimèrent les droits syndicaux et les libertés démocratiques élémentaires ; des syndicats furent dissous, des centaines de dirigeants syndicalistes et de démocrates furent injustement et arbitrairement jetés en prison.
  2. 232. Par un télégramme en date du 10 septembre 1954 adressé à l'O.I.T, l'Union internationale des syndicats des travailleurs du textile et de l'habillement (Varsovie) protesta contre l'arrestation de Mirza Mohamed Ibrahim, Mohamed Afzal [Afghal], Mohamed Ghayoor et autres dirigeants syndicalistes ; elle protesta également contre le massacre et l'emprisonnement de travailleurs ainsi que contre la suppression des droits syndicaux et des libertés démocratiques au Pakistan ; elle demanda enfin à l'O.I.T d'intervenir afin que les travailleurs et les dirigeants syndicalistes emprisonnés soient relâchés, que les responsables de la tuerie de Narayanganj soient punis et que soient rétablis au Pakistan les droits syndicaux. Dans une communication ultérieure, en date du 12 novembre 1954, le plaignant fournissait les informations supplémentaires suivantes:
    • a) La dissolution des syndicats pakistanais par le gouvernement du Pakistan oriental, en juin 1954, coïncida avec la proclamation de la loi martiale. La répression exercée contre le mouvement ouvrier fut particulièrement sanglante dans la ville de Narayanganj, où les troupes ouvrirent le feu sur les travailleurs des filatures de jute, tuant des centaines de ceux-ci.
    • b) Mohamed Ghayoor, qui fut arrêté le 7 juillet 1954, est le secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile de Karachi ; Mirza Mohamed Ibrahim et Mohamed Afzal, qui furent arrêtés le 24 juillet 1954, sont respectivement président et secrétaire général de la Fédération des syndicats du Pakistan. Un certain nombre de travailleurs et de dirigeants syndicalistes furent également arrêtés pendant cette période ; des organisations syndicales actives furent mises hors la loi.
      • ANALYSE DE LA REPONSE
    • 233. Par une communication en date du 6 novembre 1954, le gouvernement a fait parvenir ses observations sur la plainte du Congrès des syndicats birmans ainsi que sur le télégramme du 10 septembre 1954 émanant de l'Union internationale des syndicats des travailleurs du textile et de l'habillement. Dans sa réponse, le gouvernement présente les commentaires suivants:
    • a) L'allégation selon laquelle les autorités pakistanaises, après avoir suscité des troubles parmi les travailleurs, auraient donné l'ordre à l'armée et à la police de tirer sur les ouvriers des filatures de jute de Narayanganj est fausse et se fonde sur des informations erronées. Les troubles qui eurent lieu dans les filatures de jute furent en réalité une bataille entre deux groupes d'ouvriers et à aucun moment le gouvernement ne fit ouvrir le feu. Avant que la situation pût être reprise en main, les travailleurs s'étaient déjà infligé mutuellement de lourdes pertes. Le gouvernement ne put se rendre maître de la situation avant les effusions de sang parce que:
  3. 1) l'émeute se déclencha subitement et ne put être étouffée dans l'oeuf;
  4. 2) l'émeute se déroula en des lieux dispersés ;
  5. 3) le gouvernement se heurta à des difficultés de transport dues à la topographie du pays.
    • b) Mirza Mohamed Ibrahim, Mohamed Afzal et Mohamed Ghayoor ont été arrêtés en raison des activités subversives auxquelles ils s'adonnaient et non pas en raison d'activités syndicales légitimes. Les activités syndicales légitimes ne sont pas réprimées au Pakistan et l'allégation selon laquelle le gouvernement aurait pris des mesures répressives à l'endroit d'organisations syndicales légitimes est fausse. Le gouvernement est désireux de favoriser de saines activités syndicales afin que les problèmes de travail soient résolus avec l'aide des travailleurs ; toutefois, lorsque des agitateurs, obéissant à des mots d'ordre venus de l'étranger, utilisent les différends du travail pour saper la paix et le progrès du pays, il convient de sévir contre eux.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 234. Le Comité a remarqué que ce cas comprend deux allégations principales; la première est relative aux troubles et aux fusillades des filatures de jute de Narayanganj ; la seconde, à la dissolution de syndicats et à l'arrestation de travailleurs et de dirigeants syndicalistes.
    • Allégation relative aux troubles et aux fusillades des filatures de jute de Narayanganj
  2. 235. Selon cette allégation, les autorités du Pakistan, après avoir suscité des troubles parmi les travailleurs des filatures de jute de Narayanganj qui s'étaient mis en grève, donnèrent l'ordre à l'armée et à la police d'ouvrir le feu sur les travailleurs. Le gouvernement déclare que cette allégation se fonde sur des informations erronées, la vérité étant que les troubles consistèrent en réalité en une bataille entre deux factions de travailleurs, que celles-ci s'infligèrent respectivement de lourdes pertes avant que la situation ait pu être reprise en main et qu'il ne fut pas fait usage d'armes à feu durant toute l'émeute. Le gouvernement explique son incapacité de ressaisir le contrôle de la situation avant qu'on eût à déplorer de nombreuses victimes par le fait que l'émeute se déclencha tout d'un coup en des lieux dispersés et qu'il éprouva des difficultés de transport dues à la topographie du Bengale oriental.
  3. 236. Etant donné le caractère imprécis des informations fournies tant dans la plainte que dans la réponse du gouvernement et la divergence des points de vue exprimés quant à l'origine des troubles, le Comité, tout en reconnaissant qu'il lui est impossible, sur la base des informations dont il dispose, de déterminer de façon certaine si l'exercice des droits syndicaux a été réellement violé, estime toutefois devoir, comme il l'a fait en divers cas antérieurs, souligner que l'institution, par les soins du gouvernement intéressé, d'une enquête indépendante est une méthode particulièrement appropriée pour éclaircir les faits et déterminer les responsabilités lorsque se sont déroulés des troubles de cette importance ayant entraîné des pertes de vies humaines.
    • Allégation relative à la dissolution de syndicats et à l'arrestation de travailleurs et de dirigeants syndicalistes
  4. 237. Selon cette allégation, peu après la conclusion du traité de défense mutuelle entre les Etats-Unis et le Pakistan, le gouvernement pakistanais aurait entrepris de supprimer les droits syndicaux et les libertés démocratiques, notamment en dissolvant les syndicats et en arrêtant des travailleurs et des chefs syndicalistes comme Mirza Mohamed Ibrahim, Mohamed Afzal et Mohamed Ghayoor. Le gouvernement nie que les activités syndicales légitimes soient supprimées au Pakistan, et rejette l'allégation selon laquelle les organisations syndicales légitimes seraient l'objet de mesures répressives. Le gouvernement admet que Mirza Mohamed Ibrahim, Mohamed Afzal et Mohamed Ghayoor aient été arrêtés ; il prétend toutefois que ce serait en raison d'activités subversives menées par ces personnes et non à la suite d'activités syndicales.
  5. 238. Le Comité estime que la partie de cette allégation qui laisse entendre qu'il existerait un lien de cause à effet entre les événements relatés dans la plainte et la conclusion du pacte de défense mutuelle entre les Etats-Unis et le Pakistan est de caractère si purement politique qu'elle ne saurait être examinée par le Comité. En ce qui concerne la partie de l'allégation relative à l'arrestation de travailleurs et de dirigeants syndicalistes (sur lesquels aucune information n'est fournie) et à la dissolution de syndicats (sans qu'aucune preuve ait été donnée ou aucun exemple spécifique fourni), le Comité, en rappelant l'attitude qu'il a adoptée lors de l'examen d'autres cas où les allégations formulées ne s'appuyaient pas sur des preuves, conclut que cette partie de l'allégation ne mérite pas un examen plus approfondi.
  6. 239. La dernière partie de cette allégation a trait à l'arrestation de Mirza Mohamed Ibrahim, de Mohamed Afzal et de Mohamed Ghayoor, arrestation que mentionne également le télégramme du 10 septembre 1954 de l'Union internationale des syndicats des travailleurs du textile et de l'habillement. Ce dernier plaignant a donné des informations complémentaires relatives à la date des arrestations et aux fonctions syndicales des intéressés dans sa lettre du 12 novembre 1954, laquelle a été transmise au gouvernement par une communication en date du 3 décembre 1954, communication qui, à ce jour, n'a pas encore reçu de réponse.
  7. 240. Le Comité a noté que, se fondant sur le télégramme susmentionné, le gouvernement a présenté certaines observations concernant l'arrestation de ces dirigeants syndicalistes. Il s'est cependant borné à déclarer que les intéressés avaient été arrêtés en raison des activités subversives qu'ils avaient déployées et non pas en raison de leurs activités syndicales.
  8. 241. Dans un certain nombre de cas antérieurs où les plaignants alléguaient que des travailleurs ou des dirigeants syndicalistes avaient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales et où les réponses des gouvernements se bornaient à réfuter semblables allégations ou à indiquer que les arrestations avaient été opérées en raison d'activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le Comité s'était fait une règle de demander aux gouvernements en question des informations aussi précises que possible sur les arrestations incriminées, en particulier en ce qui concerne les actions judiciaires entreprises et le résultat de ces actions, pour lui permettre de procéder en connaissance de cause à l'examen des allégations. Dans ces conditions, le Comité estime qu'il y a lieu de demander au gouvernement de fournir des informations analogues quant à l'arrestation des dirigeants syndicalistes nommés plus haut.
  9. 242. En conséquence, le Comité a ajourné l'examen de cette partie de la plainte en attendant d'être en possession des informations complémentaires du gouvernement.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 243. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
  2. 1) d'attirer l'attention du gouvernement sur les observations formulées au paragraphe 236 relativement aux incidents des filatures de jute de Narayanganj;
  3. 2) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne l'allégation relative à la dissolution de syndicats et à l'arrestation de Mirza Mohamed Ibrahim, Mohamed Afzal et Mohamed Ghayoor, étant entendu que le Comité fera rapport sur la question lorsqu'il aura reçu du gouvernement des informations plus détaillées.
    • Genève, le 25 février 1955. (Signé) Roberto AGO, Président.
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