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Rapport définitif - Rapport No. 15, 1955

Cas no 102 (Afrique du Sud) - Date de la plainte: 20-MARS -54 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Plainte présentée par la Fédération syndicale mondiale
    1. 75 La plainte présentée par la Fédération syndicale mondiale figure dans une communication adressée le 20 mars 1954 au Secrétaire général des Nations Unies et transmise par ce dernier au Directeur général du B.I.T. ; la plainte originelle a ultérieurement été complétée par la F.S.M dans une communication que cette organisation a adressée au Directeur général le 24 juillet 1954. Le plaignant présente les allégations suivantes.
  • Allégations relatives à la loi de 1950 sur la suppression du communisme, modifiée en 1951
    1. 76 Le plaignant déclare que cinquante-trois dirigeants syndicalistes ont dû se démettre de leurs fonctions sur l'ordre des autorités administratives et que trente-neuf d'entre eux se sont vu interdire d'assister à des réunions publiques ou d'avoir une responsabilité quelconque dans une organisation syndicale. Le plaignant signale en particulier que sept dirigeants syndicalistes - MM. I. Wolfsen, R. Fleet, J. D. du Plessis, J. J. Marks, M. T. Gwala, I. E. Bhoola et M. A. Muller - ont été l'objet de mesures analogues à celles qui avaient été prises à l'encontre de M. E. S. Sachs, secrétaire général de la Fédération des travailleurs de l'habillement, et contre lesquelles il avait déjà été donné à la F.S.M de protester ; ces personnes furent contraintes de démissionner de leur syndicat dans les trente jours, se virent interdire de participer à aucune réunion publique autre que celles ayant un caractère religieux, mondain ou récréatif, il leur fut interdit de voyager librement et on les obligea à démissionner des autres organisations auxquelles elles appartenaient. Le plaignant communique également les noms de seize autres dirigeants syndicalistes qui auraient été contraints d'abandonner leurs fonctions syndicales et se seraient vu interdire de participer à toute réunion pendant une période de deux ans. Le Conseil des syndicats d'Afrique du Sud aurait eu particulièrement à souffrir de ces mesures.
  • Allégations relatives à la situation des syndicats indigènes et aux droits des travailleurs indigènes tels qu'ils sont prévus par la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends)
    1. 77 La loi de 1953 prive les travailleurs africains, sous peine de sanctions sévères, du droit de grève et du droit de participer à des grèves de soutien. Le mécanisme de règlement des conflits mis sur pied par la loi rend inapplicables aux syndicats africains constitués aux termes de la loi les procédures de règlement ; les conflits s'en trouvent aggravés, ainsi que la situation des travailleurs africains. Dans la pratique, cette exclusion se traduit par la non-reconnaissance du statut légal des syndicats africains et constitue une suppression délibérée du droit d'association ; cette intention aurait été confirmée par le ministre du Travail dans un discours où il aurait dit « ... accorder aux syndicats indigènes une reconnaissance directe et officielle reviendrait à encourager puissamment... ». De plus, les travailleurs africains ne peuvent pas négocier collectivement. Ils étaient déjà exclus des délibérations tenues aux termes de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie et, d'après la loi de 1953, l'Office central du travail indigène a le pouvoir de recommander la révocation des accords et de fixer des taux de salaire inférieurs à ceux fixés entre employeurs et travailleurs. Ce sont les conseils d'industrie qui convoquent les offices du travail indigène et par suite interviennent dans les négociations dont les travailleurs africains sont exclus.
  • Allégations relatives à la violation des droits des travailleurs autres que les travailleurs africains par la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends)
    1. 78 Aux termes de cette loi, le ministre est habilité à appliquer les ordonnances prises en vertu de cette loi à des travailleurs autres que les travailleurs africains. En conséquence, la loi non seulement refuse aux travailleurs africains le droit de s'organiser, mais consacre légalement la violation des droits syndicaux d'autres travailleurs qui jouissent de certaines libertés aux termes de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie.
  • Allégations relatives aux projets d'amendement de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie
    1. 79 Un projet de loi modifiant la loi de 1937 légalisera la ségrégation au sein du mouvement syndical et donnera au ministre du Travail pleins pouvoirs pour décider quels emplois peuvent être occupés par les diverses races qui peuplent l'Union sud-africaine. La F.S.M déclare que le chapitre 77 du projet dispose que:
  • Lorsque le ministre estime la chose utile pour sauvegarder la situation économique des salariés de l'une des races, il pourra, par la voie d'une publication au journal officiel (Government Gazette), déterminer qu'à partir d'une date donnée et dans une région indiquée par lui, dans une entreprise, une industrie, profession ou occupation donnée, seront seuls autorisés à travailler les salariés de la race qu'il spécifiera. Dans la définition de la nature du travail à effectuer par les salariés d'une certaine race, le ministre peut recourir à toute méthode de différenciation ou de discrimination qui lui semblera désirable.
  • Cette disposition s'ajoutant à celles de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) en ce qui concerne l'application des ordonnances prises en vertu de cette loi permettrait au ministre du Travail de dicter les salaires et les conditions d'emploi de tous les travailleurs.
  • Allégations relatives à l'Administration des chemins de fer d'Afrique du Sud
    1. 80 Il est allégué que l'Administration des chemins de fer d'Afrique du Sud aurait créé un syndicat de son obédience, retiendrait obligatoirement sur les salaires des cheminots des cotisations pour le compte de ce syndicat, punirait les travailleurs qui protestent contre cette pratique et refuserait systématiquement de négocier avec le Syndicat, de fondation plus ancienne, des travailleurs (non européens) des chemins de fer et des ports d'Afrique du Sud. Il est en outre allégué que plusieurs membres et dirigeants de ce syndicat - dont le président, le vice-président et plusieurs membres de son comité directeur - auraient été sommairement licenciés au cours de 1953 bien que certains d'entre eux aient accompli de nombreuses années de service dans les chemins de fer. Tous ces licenciements sont intervenus sur décision de l'administration centrale des chemins de fer à Johannesburg et non pas sur recommandation ou à la suite d'une plainte des chefs hiérarchiques des intéressés. Le plaignant se déclare convaincu qu'il s'agit de mesures de discrimination syndicale, destinées à handicaper le fonctionnement de l'organisation syndicale.
  • Allégations relatives à la fabrique de conserves de fruits Wolseley
    1. 81 Au dire du plaignant, les employeurs auraient, depuis 1951, licencié les travailleurs qui tentaient de créer un syndicat. Toutefois, en août 1953, un syndicat fut mis sur pied qui s'efforça de veiller à ce que la convention collective adoptée pour l'industrie dans son ensemble soit appliquée à l'entreprise. Le 22 décembre 1953, les employeurs procédèrent à un lock-out et renvoyèrent trois ouvrières Margreta Bastiaan, Rachel Williams et Anne McKenzie -, toutes trois syndicalistes actives. En janvier 1954, pour protester contre ces mesures, plus de trois cents travailleurs se mirent en grève. Trois cent quatre-vingts personnes, comprenant des femmes et des enfants de moins de seize ans, furent arrêtées par la police ; deux cent quatre-vingt-quatre d'entre elles auraient encore été détenues au moment où la plainte fut présentée. Le plaignant allègue qu'au moyen de la répression policière, le gouvernement aurait aidé les employeurs à étouffer toute tentative de création d'un syndicat dans l'entreprise.
  • Allégations relatives aux Filatures du Natal (Natal Spinners (Pty) Ltd.)
    1. 82 Des chiffres précis sont donnés en ce qui concerne les salaires des travailleurs employés dans les Filatures du Natal (Natal Spinners (Pty) Ltd.), chiffres qui montrent, d'après le plaignant, que le ministre a déjà fait usage des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de 1953 en diminuant les salaires des travailleurs africains et en faisant emprisonner ceux qui se sont mis en grève pour protester. Il est en outre allégué que certains travailleurs auraient été déportés de Ladysmith, où se trouvaient leurs familles, et envoyés en un lieu plus proche de l'usine.
  • Plainte présentée par la Confédération internationale des syndicats libres
    1. 83 La plainte présentée par la Confédération internationale des syndicats libres est contenue dans une communication adressée au Directeur général le 1er juin 1954. Le plaignant formule les allégations suivantes.
  • Allégations concernant la loi de 1950 sur la suppression du communisme, modifiée en 1951
    1. 84 En application de cette loi, plus de cinquante dirigeants et fonctionnaires syndicaux se seraient vu interdire toute activité syndicale parce qu'ils auraient été, à un certain moment, membres d'une «organisation communiste » ou parce qu'ils auraient préconisé, recommandé, défendu ou encouragé la réalisation de l'un des objectifs du communisme ou entrepris tout acte ou omission tendant à contribuer à la réalisation d'un tel objectif. Le ministre de la Justice serait seul compétent pour déterminer si une personne est communiste ou ne l'est pas. Aucune procédure judiciaire régulière ne serait prévue. En admettant que la loi constitue une mesure d'ordre politique, il n'en reste pas moins, dans l'esprit du plaignant, qu'elle permet l'intrusion directe du gouvernement dans l'activité des organisations syndicales, mettant en danger l'existence de celles-ci. Les dispositions de la loi qui autorisent le gouvernement à déclarer illicites des organisations syndicales et à priver des personnes de leur droit d'affiliation à un syndicat sont contraires à la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, notamment aux articles 2, 3 et 4 de celle-ci. Le fait que ces décisions sont prises en vertu d'un acte d'autorité arbitraire et sans procédure judiciaire régulière constitue en outre une circonstance aggravante. Le plaignant demande au Conseil d'administration de recommander au gouvernement de modifier la loi sur la suppression du communisme conformément à la convention no 87 de telle manière que le gouvernement ne puisse en particulier déclarer illicites des organisations syndicales et ordonner à un dirigeant syndical de se démettre de ses fonctions syndicales.
  • Allégations relatives à la situation des syndicats indigènes et aux droits des travailleurs indigènes tels qu'ils sont prévus par la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends)
    1. 85 Les travailleurs africains sont exclus du champ d'application de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie, ce qui signifie qu'ils ne peuvent constituer des syndicats légalement reconnus pour les négociations collectives ni faire partie de syndicats légalement reconnus par cette loi. Les relations professionnelles des travailleurs africains sont réglementées par la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends). La procédure instituée par cette loi pour le règlement des conflits ignore les droits syndicaux des travailleurs africains. Le fait que la loi de 1937 ne s'applique pas aux travailleurs africains constitue une atteinte à la Constitution de l'O.I.T et à la Déclaration de Philadelphie. Toutes les dispositions de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) sont contraires à la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et en particulier à ses articles 2, 3 et 4, ainsi qu'à la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et en particulier à son article 4. Le plaignant demande au Conseil d'administration de demander l'agrément du gouvernement pour que cette plainte soit soumise à la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale et, subsidiairement, de recommander au gouvernement de modifier la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie de manière que son champ d'application soit étendu aux travailleurs africains et d'abroger purement et simplement la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends).
  • Allégations relatives à la violation des droits des travailleurs autres que les travailleurs africains par la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends)
    1. 86 Les ordonnances promulguées aux termes de cette loi et réglementant les conditions de travail des travailleurs africains peuvent être étendues à d'autres travailleurs qui relèvent de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie ; ces nouvelles conditions annulent et remplacent les conditions que les travailleurs en question auraient pu antérieurement obtenir par voie de négociations collectives; il s'agit là, aux dires du plaignant, d'une violation flagrante du droit de ces travailleurs aux négociations collectives.
  • ANALYSE DE LA REPONSE
    1. 87 Dans sa réponse, datée du 17 décembre 1954, le gouvernement de l'Union sud-africaine présente les observations suivantes.
  • Question préjudicielle relative à la compétence
    1. 88 Le gouvernement se réfère à ses déclarations antérieures affirmant qu'en mettant sur pied la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale, en vue d'examiner des plaintes alléguant des atteintes à l'exercice des droits syndicaux, le Conseil d'administration et la Conférence internationale du Travail ont outrepassé leurs pouvoirs. Le gouvernement soutient que l'O.I.T a établi une procédure destinée à veiller au respect d'obligations qui n'existent pas juridiquement. De telles organisations ne sauraient naître que d'une convention internationale et, même dans ce cas, elles seraient limitées à ceux des Etats qui auraient ratifié semblable convention. Si l'on considère qu'un mécanisme supplémentaire pour veiller à la protection des droits syndicaux est essentiel, ce mécanisme devrait être établi par un amendement à la Constitution de l'O.I.T adopté selon les formes prévues par cette Constitution même. Le gouvernement rappelle ensuite l'appui donné à sa thèse par la Cour permanente de Justice internationale et le groupe de travail de la Commission chargée de la mise en oeuvre du Pacte des droits de l'homme.
    2. 89 Le gouvernement déclare que, du point de vue constitutionnel, un élément nouveau est apparu du fait que la Confédération internationale des syndicats libres allègue que toutes les dispositions de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) sont en contradiction avec les principes énoncés dans la convention (ne) 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 (en particulier avec les articles 2, 3 et 4), et dans la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 (en particulier avec l'article 4). Aux termes de la Constitution de l'O.I.T, déclare le gouvernement, les Etats sont entièrement libres de ratifier les conventions ou de ne pas les ratifier. Si un Etat Membre ratifie une convention et s'abstient par la suite de respecter les obligations qu'il a contractées du fait de sa ratification, la situation ainsi créée relève des articles 23 à 34 de la Constitution ; si, par contre, un Etat Membre n'a pas ratifié une convention donnée, c'est à lui qu'il appartient, et à lui seul, de décider s'il serait dans l'intérêt de son peuple de mettre sa législation en harmonie avec les dispositions de cette convention. Etant donné que l'Union sud-africaine n'a pas ratifié les conventions no 87 et no 98, le gouvernement considère que les allégations qui se fondent sur les dispositions de ces conventions n'ont pas à être prises en considération.
    3. 90 Bien qu'il ne se considère en rien comme tenu par la procédure d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale, le gouvernement, sans se départir de la ligne qu'il a adoptée, souhaite, dans un souci de clarté, qu'il soit pris note de certaines observations concernant les allégations dont il a fait l'objet.
  • Allégations relatives à la loi de 1950 sur la suppression du communisme, modifiée en 1951
    1. 91 Le gouvernement déclare avoir déjà fourni des commentaires sur la portée et le fonctionnement de cette loi à l'occasion de l'examen d'un autre cas ; il ajoute qu'étant donné que la question a déjà été traitée par le Comité de la liberté syndicale dans son douzième rapport, il n'y a pas lieu pour lui de présenter à ce propos d'autres observations.
  • Situation des syndicats indigènes
    1. 92 En Union sud-africaine, la législation n'interdit pas aux travailleurs indigènes de constituer des syndicats ; de même, cette législation n'empêche pas les travailleurs indigènes de négocier des accords privés avec leurs employeurs. L'expérience a montré cependant que les syndicats indigènes ne fonctionnaient pas de façon satisfaisante. Il a donc fallu trouver d'autres moyens pour assurer aux travailleurs indigènes des salaires et des conditions d'emploi équitables ; c'est ainsi que fut votée la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends).
  • Loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends)
    1. 93 La loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie prévoyait la création de conseils industriels chargés de négocier des accords au sein d'une entreprise, d'une industrie, d'une profession ou d'une catégorie d'occupation donnée. Un employeur, un groupe d'employeurs, une organisation enregistrée d'employeurs, un groupe d'un ou plusieurs employeurs et d'une ou plusieurs organisations enregistrées d'employeurs pouvaient, aux termes de la loi, constituer un conseil industriel avec un quelconque syndicat enregistré ou avec un groupe de syndicats enregistrés.
    2. 94 L'objet des dispositions précitées de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie était de permettre l'extension d'une convention à tous les travailleurs d'une industrie, même si certains d'entre eux n'étaient pas représentés directement au sein du conseil industriel intéressé. Dans la pratique, les travailleurs syndiqués ont donc négocié (dans les conseils, par l'intermédiaire de leurs syndicats) des conditions d'emploi applicables également à d'autres travailleurs (y compris des travailleurs indigènes) n'appartenant pas à des syndicats.
    3. 95 Afin d'assurer que les intérêts de ces travailleurs «non représentés » ne soient pas négligés, l'article 27 9) de la loi prévoyait qu'un inspecteur (fonctionnaire du gouvernement) pourrait assister aux réunions des conseils industriels et prendre part aux débats si la discussion touchait les intérêts de travailleurs non directement représentés.
    4. 96 On considéra que le système décrit plus haut ne donnait pas entière satisfaction. L'inspecteur, par exemple, pouvait n'être considéré que comme un simple porte-parole du gouvernement. De plus, sauf par l'expression de son point de vue, il n'était pas en mesure d'influencer la décision finalement adoptée. Si, de l'avis des autorités, l'accord négocié n'offrait pas de garanties adéquates aux travailleurs non représentés, la seule ressource était de s'abstenir de donner force de loi à l'accord.
    5. 97 D'après ce qui précède, on voit que les syndicats qui négociaient un accord le négociaient en premier lieu au nom de leurs propres membres (Européens, Asiens, de couleur), et ils incluaient dans leurs accords des conditions concernant les travailleurs non représentés, si ce n'est par le truchement d'un inspecteur du gouvernement.
    6. 98 C'est pour améliorer la situation des travailleurs non représentés que fut adoptée la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends).
    7. 99 Le vote de cette loi n'altéra pas la fonction essentielle des syndicats, à savoir la négociation, au nom de leurs membres, de conventions collectives. Elle changea cependant la situation en ce qui concerne les négociations effectuées au nom des travailleurs non représentés, c'est-à-dire des travailleurs indigènes.
    8. 100 L'article 7 de la loi fait une obligation à l'employeur d'avertir le fonctionnaire du travail - un fonctionnaire du gouvernement - du désir éventuel de ses travailleurs indigènes de constituer un comité d'entreprise. Le fonctionnaire du travail prête alors son assistance aux travailleurs indigènes pour l'organisation et la tenue d'une réunion destinée à élire un comité d'entreprise dont les membres sont choisis parmi les travailleurs indigènes eux-mêmes. Le comité d'entreprise, par l'intermédiaire des membres de son bureau, qui sont tous indigènes, est responsable de la conduite de ses affaires et devient le porte-parole des travailleurs. C'est par l'intermédiaire de ce comité que les autres organes prévus par la loi - organes qui sont décrits plus bas - connaissent les voeux des travailleurs indigènes.
    9. 101 La loi prévoit en outre la constitution de comités régionaux, consistant chacun en un président européen et au moins trois indigènes désignés par le ministre du Travail pour représenter les intérêts des travailleurs indigènes.
    10. 102 La loi prévoit également la création d'un Office central du travail indigène dont le président est désigné par le ministre. Les autres membres sont nommés par le ministre après consultation des comités régionaux. Ces personnes doivent être jugées compétentes par le ministre pour représenter les intérêts des salariés.
    11. 103 Les comités régionaux sont destinés à favoriser le règlement des conflits. Il leur appartient de consulter les comités d'entreprise impliqués dans un conflit. Si le comité régional ne réussit pas à régler le différend, l'affaire est portée devant l'Office central du travail indigène.
    12. 104 Si, à son tour, l'Office central du travail indigène ne parvient pas à trouver une solution, le conflit pourra être porté devant le Conseil des salaires, organisme permanent ne représentant ni les employeurs ni les salariés. Aux termes de la loi, le ministre doit prendre une décision dans le sens des recommandations du Conseil des salaires.
    13. 105 La loi sur le travail indigène (règlement des différends) ne limite pas le droit qu'ont les conseils industriels de négocier des accords couvrant tous les travailleurs d'une industrie donnée. Mais elle améliore la situation des travailleurs indigènes non représentés.
    14. 106 Avec le système actuel, l'Office central du travail indigène (qui reste en contact avec les comités régionaux intéressés) a le droit d'assister aux réunions des conseils industriels et de prendre part aux débats dans la mesure où ceux-ci intéressent les travailleurs indigènes. Si, de l'avis de l'Office central, un accord négocié pour l'ensemble d'une industrie garantit des conditions d'emploi satisfaisantes aux travailleurs non représentés, l'accord est publié et a force de loi à partir de la date de sa publication. Si, au contraire, l'Office central n'est pas satisfait des conditions qui sont faites aux travailleurs non représentés, l'accord pourra tout de même être publié, mais les conditions d'emploi des travailleurs non représentés seront soumises au Conseil des salaires, qui recommandera au ministre de faire adopter des conditions équitables et raisonnables pour les travailleurs en question. Toutefois, le Conseil des salaires n'est pas habilité à modifier les conditions négociées par le conseil industriel au nom des membres des syndicats. Ainsi - il convient d'y insister -, la loi de 1953 sur le travail indigène n'affecte en rien le droit des syndicats de négocier au nom de leurs membres ; elle se borne à introduire une garantie en ce qui concerne les conditions d'emploi que les conseils industriels peuvent négocier lorsque ces conditions sont applicables à des travailleurs non syndiqués.
    15. 107 Grâce au nouveau mécanisme ainsi mis sur pied par la loi, il est devenu possible de connaître avec plus de précision les desiderata des travailleurs indigènes.
    16. 108 On vient de décrire, dans les paragraphes qui précèdent, la portée et le fonctionnement de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends). Il semble cependant que la F.S.M ait fondé certaines de ses allégations sur les termes d'un projet de loi, termes qui sont différents à certains égards de ceux de la loi finalement adoptée.
    17. 109 Du point de vue du caractère général de la loi, la F.S.M allègue que celle-ci introduit un régime discriminatoire à l'encontre des travailleurs indigènes en ce qui concerne l'exercice du droit de grève. Il convient de souligner à cet égard que, depuis de nombreuses années, les grèves sont interdites dans certains services essentiels et que cette interdiction s'applique à tous les employés, qu'ils soient Européens ou non-Européens. L'absence du droit de grève est compensée pour ces travailleurs par un mécanisme d'arbitrage obligatoire. Etant donné que les travailleurs indigènes, particulièrement ceux qui occupent les emplois les moins payés, pourraient être aisément remplacés en puisant dans les immenses réserves de main-d'oeuvre indigène existantes, il est fort douteux que ces travailleurs puissent retirer du droit de grève un avantage appréciable.
    18. 110 Il a été dit officiellement que la loi de 1953 sur le travail indigène avait un caractère expérimental. L'expérience révélera peut-être qu'elle nécessite une révision. Il y a peu de temps qu'elle est appliquée et l'Office central du travail indigène a eu à s'occuper du premier conflit où un grand nombre de travailleurs indigènes étaient impliqués. Son intervention a abouti à un accord entre ces travailleurs et leurs employeurs, accord dont les travailleurs ont retiré des avantages.
    19. 111 Il est fort possible que des agitateurs sans scrupule s'efforcent de jeter le discrédit sur la nouvelle législation, mais on est en droit d'espérer que les personnes de bonne foi l'envisageront objectivement et en reconnaîtront les mérites.
  • Allégations relatives aux projets d'amendements de la loi sur la conciliation dans l'industrie
    1. 112 Les projets d'amendements à la loi sur la conciliation dans l'industrie se trouvent encore à l'examen et, tant qu'ils ne sont pas devenus loi, soit dans leur forme actuelle, soit dans une forme revissée, aucun commentaire ne saurait, de l'avis du gouvernement, être présenté à leur sujet.
  • Allégations concernant l'Administration des chemins de fer d'Afrique du Sud
    1. 113 Avant 1944, il existait un certain nombre d'organismes qui prétendaient représenter les mêmes groupes d'employés non européens de l'Administration des chemins de fer. Cela entraînait toutes sortes de doubles emplois et avait en outre pour résultat que l'Administration des chemins de fer se trouvait souvent placée devant des demandes divergentes provenant de syndicats distincts. Afin de réformer cette situation, qui laissait à désirer, on désigna un enquêteur chargé de faire rapport sur ce qu'il jugerait être la meilleure formule de représentation pour les employés non européens de l'Administration des chemins de fer. Après examen du rapport de l'enquêteur, on organisa des réunions entre le ministre des Transports et les représentants des cheminots non européens dans l'ensemble du pays. A la suite de ces réunions, les organisations existantes se groupèrent en associations qui furent reconnues et décrétées seuls organismes habilités à négocier avec l'Administration des chemins de fer au nom des groupes respectifs qu'ils représentaient. Il existe aujourd'hui dix associations du personnel représentant respectivement les neuf réseaux ferroviaires du pays et le service de l'approvisionnement. Ces associations peuvent librement faire des réclamations ou présenter des revendications au nom du personnel.
    2. 114 Chaque association a établi elle-même ses statuts, lesquels ont été ensuite acceptés par l'Administration des chemins de fer.
    3. 115 Les statuts de chaque association prévoient la création de comités locaux dans les centres où l'on compte plus de vingt-cinq membres d'une association. Chaque comité élit un président, un vice-président, un secrétaire honoraire et six membres. Chaque association a un congrès composé de délégués désignés par les comités locaux. Le congrès est l'autorité suprême de l'association et décide des moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les buts et objectifs énoncés dans les statuts de l'association. Lorsque le congrès n'est pas en session, un comité exécutif élu par le congrès siège en son nom. Le comité exécutif désigne un secrétaire général permanent, qui est directement responsable devant le comité de son activité.
    4. 116 Les activités des différentes associations sont coordonnées par un comité mixte au sein duquel chaque association est représentée par deux délégués et son secrétaire général. Ce comité mixte se réunit une fois par an pour discuter des questions d'intérêt commun.
    5. 117 Afin d'aider les associations de personnel à recueillir les cotisations mensuelles, on autorise les retenues volontaires sur le salaire. Aucune retenue ne peut être effectuée sans l'autorisation de l'intéressé, qui indique, par une déclaration écrite, qu'il désire devenir membre d'une association et voir sa cotisation retenue sur son salaire. Il appartient au secrétaire général d'enrôler les nouveaux membres ; les déclarations de retenues automatiques sur le salaire doivent être contresignées par deux témoins. Rien n'incite l'Administration des chemins de fer à penser que son personnel n'est pas satisfait de cette méthode de recouvrement des cotisations mensuelles.
    6. 118 Les associations de personnel étant les seuls organismes reconnus comme habilités à négocier au nom des employés, l'Administration des chemins de fer ne saurait prendre en considération les revendications provenant d'autres organisations. C'est au nom de ce principe que l'Administration des chemins de fer se refuse à traiter avec le Syndicat des travailleurs (non européens) des chemins de fer et des ports d'Afrique du Sud.
    7. 119 En ce qui concerne les plaintes relatives au renvoi de certains chefs et membres du Syndicat des travailleurs (non européens) des chemins de fer et des ports d'Afrique du Sud, il a été établi que les non-Européens en question avaient activement participé à des activités indésirables. L'Administration des chemins de fer, en tant qu'employeur, n'était pas disposée à supporter de leur part ces activités et ils furent en conséquence renvoyés après avoir reçu le préavis légal.
  • Allégations relatives à la fabrique de conserves de fruits Wolseley
    1. 120 D'après le gouvernement, les faits se rapportant à ce cas sont en désaccord complet avec ce que voudrait faire croire la Fédération syndicale mondiale.
    2. 121 D'après la loi sur la conciliation dans l'industrie, toute grève est interdite tant que n'ont pas été épuisées les possibilités offertes par le mécanisme de conciliation prévu par la loi en vue d'une tentative de règlement des différends susceptibles de surgir entre patrons et salariés. Les travailleurs de l'usine en question connaissaient fort bien cette disposition. Le syndicat qui les représentait était depuis quelque temps déjà en négociation avec leur employeur, et ces négociations ayant abouti à une impasse, le syndicat s'était adressé au ministre du Travail afin que soit désignée une commission de conciliation chargée de régler si possible la question litigieuse. C'est là la procédure normale pour la négociation d'une « convention collective » destinée 'à être publiée et rendue obligatoire par le département du Travail; cette méthode avait d'ailleurs été suivie avec succès dans le passé par ce même syndicat.
    3. 122 Le 16 octobre 1953, le ministre approuvait la constitution d'une commission de conciliation. Les négociations menées par la commission aboutirent, le 19 février 1954, à la conclusion d'un accord entre le syndicat et l'employeur. Le 14 décembre 1953, alors que la commission se trouvait en session et que les négociations étaient en cours, environ quatre cent quarante-deux des huit cent soixante employés de l'usine déclenchèrent une grève. Certains fonctionnaires de leur syndicats se rendirent néanmoins à l'usine et les persuadèrent de reprendre le travail. Le syndicat prétendit vaguement qu'il s'agissait d'un lock-out, mais ne fit rien pour étayer cette allégation. Rien d'anormal ne s'étant produit à l'usine le 22 décembre 1953, il faut supposer que les allégations de la F.S.M quant à un lock-out se rapportent en réalité aux incidents du 14 décembre.
    4. 123 L'industrie de la conserve est une industrie saisonnière ; c'est ainsi que la mise en conserve des abricots se termina peu de temps après les événements rapportés au paragraphe précédent. A ce moment, il fallut se dispenser des services d'un nombre important de travailleurs. En même temps que beaucoup d'autres ouvriers, Margreta Bastiaan fut remerciée le 27 décembre 1953 et Rachel Williams le 5 janvier 1954. Le 8 janvier 1954, Anne McKenzie fut renvoyée avec une semaine de préavis, ses services ayant été jugés insatisfaisants.
    5. 124 Au début de la saison de la mise en conserve des pêches, l'employeur refusa de rengager les deux premières ouvrières. C'est ce refus, ainsi que le renvoi d'Anne McKenzie, qui fut apparemment à l'origine de la grève du 19 janvier 1954. Deux cent soixante-cinq employés se mirent en grève alors que trois cent quatre-vingt-six autres ouvriers continuaient le travail. Bien que les grévistes aient été informés que leur action était illégale, ils persistèrent dans leur refus de reprendre le travail et, le 20 janvier 1954, l'employeur, exerçant le droit que lui confère la loi, a licencié tous les grévistes. Le 21 janvier, en dépit des avertissements qui leur furent donnés, les grévistes, accompagnés d'autres personnes, retournèrent à l'usine, refusèrent d'évacuer les lieux lorsqu'ils y furent invités et, à la suite de ce refus, furent arrêtés et accusés d'avoir violé la propriété d'autrui. Comme l'indique la plainte de la F.S.M, trois cent quatre-vingts personnes furent arrêtées; on ne sait pas cependant combien, parmi les deux cent soixante-cinq grévistes, doivent être inclus dans ce nombre de trois cent quatre-vingts. On sait toutefois que parmi les trois cent quatre-vingts personnes arrêtées et accusées de viol de propriété, il se trouvait de nombreux sympathisants qui n'étaient pas employés de l'usine. Aucun enfant âgé de moins de seize ans n'a été arrêté et à 16 h. 30 du jour même des événements, quatre-vingt-seize femmes, la plupart âgées de moins de dix-neuf ans, avaient été relâchées sous caution. Les deux cent quatre-vingt-quatre personnes restantes furent internées à Kluitjeskraal ; cependant, à 19 heures le lendemain, c'est-à-dire le 22 janvier 1954, elles étaient toutes relâchées. Toute action intentée par la suite contre ces personnes pour délit de violation de la propriété d'autrui l'a été dans les formes légales normales.
  • Allégations relatives aux Filatures du Natal (Natal Spinners (Pty) Ltd.)
    1. 125 Le propriétaire actuel de cette entreprise n'en est devenu propriétaire que le 1er février 1954 et comme il a été impossible de savoir où se trouvait l'ancien propriétaire, les conditions d'emploi qui régnaient dans l'entreprise avant cette date n'ont pu être établies. Il a été démontré cependant que les allégations selon lesquelles des travailleurs auraient été déportés de Ladysmith pour être envoyés à l'usine de Pinetown sont totalement dénuées de fondement.
    2. 126 L'employeur actuel s'est rendu compte qu'il lui était économiquement impossible de payer les mêmes salaires que son prédécesseur et il a dû renvoyer tous les employés du service de filature. Les employés licenciés se virent offrir de nouveaux contrats qui furent acceptés par la majorité d'entre eux. Ces employés rengagés demandèrent cependant bientôt des augmentations de salaire. Certaines de ces demandes furent satisfaites, ce qui entraîna pour l'employeur un accroissement de ses frais généraux. L'entreprise étant de nouveau en train de péricliter, l'employeur informa ses employés qu'il serait dans l'impossibilité d'accorder de nouvelles augmentations de salaire si, de son côté, la production n'augmentait pas. Sur ce, les employés se mirent en grève, contrevenant ainsi à la loi. Une action judiciaire a donc été intentée contre eux. Au jour prévu pour le procès, l'avocat de la défense ne parut pas et les accusés durent déposer une caution. Ceux qui ne purent le faire durent être internés. Six accusés furent détenus pendant un jour, dix pendant deux jours et vingt-deux pendant trois jours. Il convient d'insister sur le fait que le préjudice subi par les accusés fut la conséquence directe de l'absence au jour prescrit de l'avocat de la défense.
    3. 127 On constatera que le conflit intéressait uniquement l'employeur et ses salariés. Ceux-ci se sont mis dans leur tort en n'utilisant pas le mécanisme de règlement des différends prévu par la loi de 1953 sur le travail indigène. En utilisant ce mécanisme, ils auraient eu toutes chances d'obtenir des conditions d'emploi justes et équitables pour tous.

Question préjudicielle relative à la compétence

Question préjudicielle relative à la compétence
  1. 128. En ce qui concerne la contestation de la compétence de l'O.I.T d'établir la procédure d'investigation et d'enquête, le Comité confirme le point de vue qu'il a adopté dans un cas antérieur concernant la République argentine (cas no 12) et qu'il a réexprimé dans le premier cas concernant l'Union sud-africaine (cas no 63), selon lequel il estime qu'étant donné la décision prise en la matière par la Conférence internationale du Travail à sa 33ème session en 1950, il ne lui appartient pas de réexaminer la question de la compétence de l'O.I.T d'établir cette procédure.
  2. 129. Le gouvernement prétend qu'un nouveau problème constitutionnel se pose du fait que la Confédération internationale des syndicats libres fonde certaines de ses allégations sur un certain nombre des dispositions des conventions no 87 et no 98, conventions qui n'ont pas été ratifiées par le gouvernement et qui ne peuvent donc pas le lier juridiquement. Le gouvernement estime en conséquence que ces allégations n'ont pas à être prises en considération.
  3. 130. Le Comité estime approprié de souligner que la Déclaration de Philadelphie, qui fait maintenant partie intégrante de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail et dont les buts et objectifs figurent au nombre de ceux pour la réalisation desquels l'Organisation existe en vertu de l'article premier de la Constitution telle qu'elle a été modifiée en 1946, reconnaît «l'obligation solennelle pour l'Organisation internationale du Travail de seconder la mise en oeuvre, parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à réaliser... la reconnaissance effective du droit de négociation collective et la coopération des employeurs et de la main-d'oeuvre pour l'amélioration continue de la production ainsi que la collaboration des travailleurs et des employeurs à l'élaboration et à l'application de la politique sociale et économique ». La Déclaration affirme que les principes qu'elle énonce « sont pleinement applicables à tous les peuples du monde et que, si, dans les modalités de leur application, il doit être dûment tenu compte du degré de développement social et économique de chaque peuple, leur application progressive aux peuples qui sont encore dépendants, aussi bien qu'à ceux qui ont atteint le stade où ils se gouvernent eux-mêmes, intéresse l'ensemble du monde civilisé ».
  4. 131. Dans ces conditions, le Comité estime qu'en s'acquittant de la responsabilité qui lui a été confiée de favoriser l'application de ces principes, il devrait, entre autres choses, se laisser guider dans sa tâche par les dispositions approuvées en la matière par la Conférence et contenues dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et dans la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui constituent des éléments d'appréciation lors de l'examen d'allégations déterminées, d'autant plus que les membres de l'Organisation ont, en vertu de l'article 19, 5,) e) de la Constitution, l'obligation de faire rapport au Directeur général du Bureau international du Travail, à des périodes appropriées, selon ce que décidera le Conseil d'administration, sur l'état de leur législation et sur leur pratique concernant les questions faisant l'objet de conventions non ratifiées, en précisant dans quelle mesure on a donné suite ou l'on se propose de donner suite à toute disposition de la convention par voie législative, par voie administrative, par voie de contrats collectifs ou par toute autre voie et en exposant quelles difficultés empêchent ou retardent la ratification de la convention. Le gouvernement de l'Union sud-africaine est l'un des gouvernements qui ont satisfait à cette obligation, à la demande du Conseil d'administration, en ce qui concerne la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Le Comité estime que, tout en reconnaissant que les dispositions des conventions ne lient pas l'Union sud-africaine, il doit examiner les allégations relatives à ces conventions formulées dans le cas présent, en vue de dégager les faits et de faire rapport à leur sujet au Conseil d'administration.
  5. 132. Le Comité note avec satisfaction que le gouvernement, tout en maintenant ses réserves expresses en ce qui concerne la compétence du Comité, a néanmoins accepté de fournir des observations sur le fond des plaintes.
  6. Allégations relatives à la loi de 1950 sur la suppression du communisme, modifiée en 1951
  7. 133. Les deux plaignants déclarent que plus de cinquante dirigeants syndicalistes se sont vu interdire toute activité syndicale. La Confédération internationale des syndicats libres souligne que les décisions d'interdiction sont prises par voie administrative, sans procédure judiciaire régulière, et déclare que même si la loi peut être considérée comme constituant une mesure d'ordre politique, elle n'en permet pas moins l'intrusion directe du gouvernement dans l'activité des syndicats. La C.I.S.L critique en particulier les dispositions permettant au gouvernement de déclarer illicites des organisations syndicales et de priver des personnes de leur droit d'affiliation à un syndicat, dispositions qu'elle estime contraires particulièrement aux articles 2, 3 et 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et elle demande au Conseil d'administration de recommander au gouvernement d'abroger ces dispositions. La Fédération syndicale mondiale cite, dans sa plainte, les noms de diverses personnes figurant au nombre de celles qui auraient été invitées à démissionner de leurs fonctions syndicales. Parmi ces noms se trouvent ceux de MM. J. J. Marks, I. Wolfsen, R. Fleet et J. D. du Plessis, dont les cas avaient déjà été soulevés dans le premier cas (cas no 63) présenté par la F.S.M contre le gouvernement de l'Union sud-africaine.
  8. 134. Le gouvernement déclare qu'il n'a rien à ajouter aux observations qu'il a présentées lorsque la question du fonctionnement de la loi sur la suppression du communisme a été antérieurement examinée par le Comité.
  9. 135. Le Comité a remarqué que, si la plainte de la F.S.M, notamment, donnait les noms d'autres personnes ayant été touchées par des mesures gouvernementales prises en vertu de la loi sur la suppression du communisme, les allégations dont il était saisi étaient en substance analogues à celles qui étaient examinées dans le cas no 63.
  10. 136. Dans ce cas, après avoir rappelé que les principes qu'il avait exprimés dans deux cas précédents relativement à l'application de mesures qui, bien qu'étant de nature politique et n'ayant pas pour but de restreindre les droits syndicaux comme tels, pouvaient néanmoins affecter l'exercice de ces droits, le Comité avait conclu comme suit:
  11. Dans la mesure où la loi sud-africaine de 1950 a été promulguée, comme l'affirme le gouvernement, uniquement pour une raison politique, à savoir celle d'interdire d'une manière générale aux communistes en tant que citoyens toute activité publique, le Comité estime qu'une question de politique nationale interne se pose, qui est hors de sa compétence et à l'égard de laquelle il doit donc s'abstenir d'exprimer une opinion quelconque. Mais, étant donné que des mesures d'une nature politique peuvent avoir des répercussions indirectes sur l'exercice des droits syndicaux, le Comité désire attirer l'attention du gouvernement de l'Union sud-africaine sur les vues qu'il a exprimées dans les cas précités relativement, d'une part, au principe de la liberté pour les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, de s'affilier au syndicat de leur choix, et, d'autre part, à l'importance d'une procédure judiciaire régulière lorsque des mesures d'une nature politique peuvent avoir des répercussions indirectes sur l'exercice des droits syndicaux. En conséquence, il recommande au Conseil d'administration de communiquer les conclusions ci-dessus au gouvernement de l'Union sud-africaine.
  12. 137. Dans ces conditions, le Comité confirme dans le cas présent les conclusions auxquelles il avait abouti à la suite de l'examen d'allégations similaires dans le cas no 63 et recommande au Conseil d'administration d'attirer à nouveau l'attention du gouvernement de l'Union sud-africaine sur ces conclusions.
  13. Allégations relatives à la situation des syndicats indigènes et aux droits des travailleurs indigènes, tels qu'ils sont prévus par la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends)
  14. 138. Les plaignants prétendent, en premier lieu, que les travailleurs africains sont privés du droit de constituer et de faire enregistrer des syndicats, conformément à la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie, de manière à pouvoir être légale ment reconnus comme agents de négociation collective et qu'ils ne peuvent pas s'affilier à des syndicats enregistrés conformément à cette loi. De l'avis de la C.I.S.L, il devrait être porté remède à cette situation en modifiant la loi de 1937 de manière à étendre son champ d'application aux travailleurs africains.
  15. 139. Le gouvernement déclare que la législation n'interdit pas aux Africains de constituer des syndicats ou de négocier des accords privés avec les employeurs, mais que l'expérience a révélé que de tels syndicats ne fonctionnaient pas de façon satisfaisante. La situation qui résulte de la loi de 1937 est, d'après le gouvernement, que des organisations enregistrées d'employeurs et de salariés peuvent constituer des conseils industriels en vue de négocier des accords susceptibles de couvrir l'ensemble d'une industrie, profession, catégorie d'occupation ou entreprise et de s'appliquer ainsi non seulement à leurs propres membres, mais aux travailleurs non représentés, y compris les Africains. Le gouvernement estime que la disposition figurant dans la loi, qui permet à l'inspecteur gouvernemental d'assister aux réunions d'un conseil industriel lorsque sont discutés les intérêts des travailleurs non représentés, ne garantissait pas, en pratique, une protection suffisante des intéressés; aussi cette disposition fut-elle abrogée après l'adoption de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends), qui mit en vigueur un certain nombre de nouvelles dispositions (voir ci-dessous).
  16. 140. La définition du terme «salarié » contenue dans l'article 1 de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie, modifié par l'article 36 de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends), est la suivante:
  17. «Salarié » désigne toute personne occupée par un employeur ou travaillant pour un employeur et recevant ou ayant droit à recevoir une rémunération, et toute autre personne qui prête son assistance, à un titre quelconque, dans l'exploitation ou à la direction de l'entreprise de l'employeur, mais ne comprend pas les personnes qui sont, en fait, ou sont généralement considérées comme étant membres d'une race ou d'une tribu aborigène d'Afrique ; les termes « employé », comme participe passé, et « emploi» ont la signification correspondante.
  18. La définition du terme «syndicat professionnel » qui figure dans l'article 1 de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie est la suivante:
  19. « Syndicat professionnel » désigne un certain nombre de salariés appartenant à une entreprise, à une industrie, à une profession ou à une catégorie d'occupation qui se sont associés principalement en vue de:
  20. a) régler les relations entre eux ou certains d'entre eux et leurs employeurs respectifs, ou
  21. b) défendre ou servir les intérêts des salariés ou de certains salariés dans cette entreprise, industrie, profession ou catégorie d'occupation.
  22. L'article 4 1) de la loi ci-dessus prévoit:
  23. Tous les syndicats professionnels et organisations patronales fondés avant l'entrée en vigueur de la présente loi, mais qui, à cette date, n'ont pas été enregistrés en application de la loi de 1924 sur la conciliation dans l'industrie (loi no 11 de 1924), dans sa teneur modifiée, et que le greffier n'a pas refusé d'enregistrer en application de ladite loi, devront, dans les trois mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, et tous les syndicats professionnels et associations patronales fondés après l'entrée en vigueur de la présente loi devront, dans les trois mois suivant la date de leur fondation, solliciter du greffier, dans la forme prescrite par la réglementation, leur enregistrement et lui transmettre trois copies de leurs statuts, dûment certifiées conformes par la signature du président et du secrétaire, et lui fournir également toutes autres informations complémentaires qu'il pourra demander.
  24. L'article 8 1) prévoit:
  25. Les syndicats professionnels et les organisations patronales ne pourront être enregistrés qu'en application de la présente loi.
  26. L'article 18 1) prévoit que:
  27. a) tout employeur (si le ministre l'autorise);
  28. b) tout groupe d'employeurs (si le ministre l'autorise);
  29. c) toute organisation patronale enregistrée;
  30. d) tout groupe d'organisations patronales enregistrées;
  31. e) tout groupe formé par un employeur et une ou plusieurs organisations patronales enregistrées (si le ministre l'autorise);
  32. f) tout groupe formé par des employeurs et une ou plusieurs organisations patronales enregistrées (si le ministre l'autorise), et:
  33. i) un syndicat professionnel enregistré, ou
  34. ii) un groupe de syndicats professionnels enregistrés, peuvent former un conseil industriel en signant les statuts dont ils sont convenus pour la direction du conseil, ou en les faisant signer en leur nom, et en obtenant l'enregistrement du conseil en application de la présente loi ; toutefois, le ministre n'accordera pas l'autorisation prévue aux alinéas a), b), e) et Í) si l'employeur ou les employeurs individuels composant le groupe des employeurs intéressés peuvent être membres d'une organisation patronale qui est partie au conseil.
  35. L'article 23 prévoit:
  36. Le conseil industriel s'efforcera, dans l'entreprise, industrie, profession ou catégorie d'occupation et à l'intérieur de la zone à l'égard de laquelle il a été enregistré, en s'entremettant pour la conclusion de conventions ou de toute autre manière, de prévenir les différends et de régler les différends qui se sont produits ou peuvent se produire, soit entre employeurs ou organisations patronales, d'une part, et salariés ou syndicats professionnels, d'autre part, soit entre employeurs ou organisations patronales, d'une part, et personnes auxquelles tout ou partie des dispositions d'une convention ou d'une sentence ont été rendues applicables avec force obligatoire par application du paragraphe 4) de l'article 43 ou par application dudit paragraphe en combinaison avec le paragraphe 3) de l'article 49, d'autre part, et prendra toutes mesures qu'il jugera propres à assurer la réglementation ou le règlement de questions présentant un intérêt commun pour les employeurs ou organisations patronales et pour les salariés ou syndicats professionnels.
  37. 141. Il semble donc que les Africains sont exclus du champ d'application de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie en raison de la définition du terme «salarié » contenue dans l'article 1 de cette loi et qu'en conséquence, bien que le gouvernement déclare qu'il ne leur est pas interdit de constituer des syndicats ou de négocier des accords privés, ils ne peuvent pas constituer des syndicats susceptibles d'être enregistrés en application de l'article 4, ni participer aux conseils industriels qui peuvent être établis en vertu de l'article 18 1) aux fins de négociations collectives et de règlement des différends, ainsi qu'il est prévu à l'article 23. Sur ces points, il semble qu'il existe, en ce qui concerne les droits des travailleurs africains, une discrimination qui est en contradiction avec le principe accepté dans la majorité des pays et formulé dans la convention adoptée par la Conférence de l'O.I.T suivant lequel les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, devraient avoir le droit sans autorisation préalable de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières, et avec le principe suivant lequel toutes les organisations de travailleurs devraient avoir le droit de négociation collective.
  38. 142. La C.I.S.L déclare, d'autre part, que la procédure pour le règlement des différends prévue dans la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) méconnaît les droits syndicaux des travailleurs africains, et demande au Conseil d'administration de recommander au gouvernement l'abrogation pure et simple de cette loi, étant donné que toutes ses dispositions sont contraires à la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 (particulièrement à ses articles 2, 3 et 4), ainsi qu'à la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 (particulièrement à son article 4). La F.S.M déclare que les syndicats africains sont exclus de toutes les instances s'occupant des différends en application de cette loi - cette non-reconnaissance du statut légal de ces syndicats constituant une abrogation de leur droit d'association -, que leur droit de négociation est également méconnu, l'Office central du travail indigène établi en vertu de cette loi ayant le droit de recommander la révocation des accords professionnels et de fixer des taux de salaire inférieurs à ceux convenus entre employeurs et travailleurs, et les offices du travail indigène ayant le droit de participer aux délibérations des conseils industriels (constitués en vertu de la loi de 1937) lorsque sont traitées des questions concernant les travailleurs indigènes, bien que ces travailleurs soient exclus de ces délibérations, et enfin que les travailleurs africains sont privés du droit de grève.
  39. 143. Comme il a déjà été mentionné, le gouvernement répond que les principales considérations qui ont conduit à l'adoption de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) sont que les syndicats indigènes n'avaient pas fonctionné de manière satisfaisante et que les intérêts des travailleurs indigènes n'étaient pas sauvegardés d'une manière adéquate par la disposition (maintenant annulée) permettant aux inspecteurs gouvernementaux d'assister aux réunions des conseils industriels lorsque des questions concernant les travailleurs indigènes étaient en discussion.
  40. 144. Le principal objectif et effet de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) était donc, déclare le gouvernement, d'améliorer la situation en ce qui concerne la négociation au nom des travailleurs non représentés, y compris les Africains. Les travailleurs indigènes ont le droit, en vertu de cette loi, de constituer des comités d'entreprise auxquels il appartient de faire connaître les désirs des travailleurs aux comités régionaux institués en vertu de cette loi en vue de régler les différends. Les différends qui ne sont pas réglés par le comité régional intéressé sont renvoyés à l'Office central du travail indigène (dont les membres représentant les salariés sont désignés après consultation des comités régionaux) et ensuite, si nécessaire, à un conseil des salaires neutre sur la recommandation duquel le ministre doit prendre une décision.
  41. 145. Pour autant qu'il s'agit de négociations concernant des travailleurs non représentés en vertu de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie, le gouvernement déclare que leurs intérêts sont représentés aux réunions du conseil industriel par l'Office central du travail indigène. Un accord négocié au sein d'un conseil industriel peut ensuite être rendu applicable aux travailleurs indigènes de l'industrie intéressée ou au contraire ceux-ci peuvent être exclus de son champ d'application lorsque cet office renvoie la question au Conseil des salaires et que ce dernier formule des recommandations tendant à l'application de conditions séparées aux travailleurs indigènes.
  42. 146. De l'avis du gouvernement, une telle procédure permet de tenir plus exactement compte des désirs des travailleurs indigènes.
  43. 147. L'article 1 de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) contient les définitions suivantes aux fins de cette loi:
  44. « Salarié» désigne un salarié qui est un indigène.
  45. « Indigène » désigne une personne qui est réellement ou qui est généralement considérée comme étant membre d'une race ou d'une tribu aborigène d'Afrique.
  46. L'article 3 de la loi traite de l'établissement d'un Office central du travail indigène. Les paragraphes 1) et 2) de l'article 3 ont la teneur suivante:
  47. 3. 1) A compter de la date qui sera fixée par le gouverneur général par voie de notification dans le journal officiel (Gazette), il sera institué un Office central du travail indigène chargé d'exercer les attributions et les fonctions dont il est investi en vertu de la présente loi et de donner son avis au ministre sur toute question dont le ministre l'aura saisi, ou sur laquelle l'Office aura estimé devoir présenter son avis au ministre dans l'intérêt des travailleurs indigènes occupés dans une profession quelconque.
  48. 2) Il appartiendra au ministre de fixer, en temps voulu, le nombre des membres de l'Office, dont:
  49. a) le président, d'origine européenne, qui sera nommé par le ministre;
  50. b) les autres membres de l'Office, qui seront nommés par le ministre, après consultation des comités régionaux, parmi des personnes d'origine européenne qui, de l'avis du ministre, possèdent les capacités requises pour représenter les intérêts des salariés.
  51. L'article 4 de la loi, qui traite de l'établissement des comités régionaux du travail indigène, a la teneur suivante:
  52. 4. 1) Par voie de notification dans le journal officiel (Gazette), le ministre pourra instituer pour chaque région un comité régional du travail indigène et, dans les mêmes conditions, il pourra annuler ou modifier ladite notification.
  53. 2) Il appartiendra au ministre de déterminer en temps utile le nombre des membres du comité régional, qui ne sera pas inférieur à quatre et dont:
  54. a) le président sera un fonctionnaire chargé des questions de main-d'oeuvre indigène désigné à cet effet par le ministre ;
  55. b) les autres membres seront désignés par le ministre parmi les indigènes, de manière à représenter les intérêts des travailleurs de la région correspondant au champ d'activité territorial dudit comité.
  56. ......................................................................................................................................................
  57. 4) Lorsqu'il aura à examiner des questions intéressant les travailleurs d'une profession déterminée, le comité régional pourra coopter comme membres du comité un ou plusieurs indigènes chargés de représenter les intérêts des travailleurs de ladite profession lors des réunions du comité auxquelles les questions y relatives seront examinées; les personnes ainsi cooptées seront considérées, lors de ces réunions, comme étant membres du comité.
  58. L'article 6 de la loi définit comme suit le mandat et les attributions des comités régionaux:
  59. 6. 1) Le comité régional devra s'efforcer, dans la région pour laquelle il aura été institué, de servir les intérêts des indigènes en matière d'emploi, et à cette fin il devra:
  60. a) établir des contacts avec les travailleurs en vue de se tenir informé des conditions de travail qui prévalent dans la région en général et dans les différentes professions ;
  61. b) présenter périodiquement des rapports à l'inspecteur désigné par le règlement d'application, concernant tout différend du travail qui aurait pu se produire ou, de l'avis du comité, serait susceptible de se produire;
  62. c) conformément aux dispositions de l'article 10, paragraphe 2), contribuer au règlement des différends du travail, et
  63. d) présenter périodiquement des rapports à l'Office sur toute question qui aurait pu lui être renvoyée par ledit Office.
  64. 2) Tout comité régional pourra, dans l'exercice de ses fonctions, recevoir des réclamations des employeurs et des travailleurs et entreprendre toute enquête qu'il jugerait utile sur des questions relevant de sa compétence.
  65. 3) Lorsque, dans une région, il n'existe pas de comité régional ou lorsque, pour une raison quelconque, le comité régional n'est pas à même d'exercer ses fonctions, il appartiendra à l'inspecteur désigné par le règlement d'application d'exercer les fonctions du comité régional dans la région dont il s'agit.
  66. L'article 7 de la loi traite de l'élection et des attributions des comités d'entreprise et a la teneur suivante:
  67. 7. 1) Lorsque les travailleurs d'un établissement qui occupe au moins vingt travailleurs auront fait connaître à l'employeur qu'ils désirent élire un comité d'entreprise, l'employeur devra immédiatement en informer l'inspecteur désigné par le règlement d'application et celui-ci chargera alors le fonctionnaire compétent pour les questions de la main -d'oeuvre indigène dans la région où se trouve le siège de l'établissement de convoquer aussitôt que possible une réunion des travailleurs intéressés, qui devra se tenir sous la présidence dudit fonctionnaire.
  68. 2) Lors d'une réunion convoquée conformément aux dispositions du paragraphe 1) ci-dessus, les travailleurs intéressés peuvent élire en leur sein un comité d'entreprise, composé de trois membres au moins et de cinq membres au maximum.
  69. 3) Le comité d'entreprise qui sera ainsi élu peut désigner, en présence du fonctionnaire compétent chargé des questions de main-d'oeuvre indigène, un de ses membres (désigné ci-après comme « chargé de liaison ») qui sera chargé de se tenir en contact avec le comité régional institué dans la région dont il s'agit, ou lorsqu'il n'existe pas de comité régional dans ladite région, avec l'inspecteur désigné par le règlement d'application.
  70. 4) Lorsqu'un siège devient vacant au sein du comité d'entreprise, ou lorsque le membre chargé de liaison cesse d'exercer ses fonctions, le poste vacant sera repourvu conformément aux dispositions du paragraphe 2) ou, selon le cas, du paragraphe 3) ci-dessus.
  71. 5) Le fonctionnaire chargé des questions de main-d'oeuvre indigène devra informer le comité régional compétent de l'élection de tout comité d'entreprise et de tout membre chargé de liaison, ainsi que de tout changement intervenu dans la composition dudit conseil, ou de toute désignation d'un nouveau membre chargé de liaison.
  72. 6) Chaque fois qu'un différend du travail se sera produit dans un établissement où un comité d'entreprise a été élu, le comité régional ou, selon le cas, l'inspecteur désigné par le règlement d'application devra consulter ledit comité d'entreprise pour ce qui touche au différend dont il s'agit.
  73. 7) Tout employeur qui ne se sera pas conformé aux dispositions du paragraphe 1) ci-dessus se rendra coupable d'une infraction.
  74. L'article 8 de la loi traite de la nomination et des attributions des fonctionnaires chargés des questions de main-d'oeuvre indigène et a la teneur suivante:
  75. 8. 1) Le ministre pourra désigner tout fonctionnaire d'origine européenne en qualité de fonctionnaire chargé des questions de main-d'oeuvre indigène dans une région déterminée.
  76. 2) Ledit fonctionnaire devra:
  77. a) se tenir au courant des besoins, des désirs et des aspirations des travailleurs de la région qui relèvent de sa compétence;
  78. b) se tenir en contact avec les commissaires pour les indigènes et l'inspecteur désigné par le règlement d'application et les tenir informés de tout développement dans la région intéressant la main-d'oeuvre indigène ;
  79. c) en collaboration avec les commissaires pour les indigènes, agir en tant qu'intermédiaire entre les travailleurs de la région et leurs employeurs ;
  80. d) informer l'inspecteur désigné par le règlement d'application et le comité régional intéressé de tout différend du travail qui se serait produit ou serait susceptible de se produire dans la région et, en collaboration avec ledit inspecteur, s'efforcer de régler ce différend ;
  81. e) présider le comité régional au cas où il serait désigné à cet effet conformément aux dispositions de la présente loi, et
  82. f) accomplir toutes autres fonctions qui pourraient, le cas échéant, lui être confiées par le ministre.
  83. L'article 9 de la loi traite de la question de la participation d'un représentant de l'Office central du travail indigène aux réunions des conseils industriels lorsque les intérêts des travailleurs indigènes sont en cause et a la teneur suivante:
  84. 9. 1) Lorsqu'un conseil industriel se propose de fixer les conditions d'emploi devant être incorporées dans un accord, en vertu de la loi sur la conciliation dans l'industrie, en ce qui concerne une entreprise, industrie, profession ou catégorie d'occupation employant des indigènes dans la région dans laquelle doit être appliqué un tel accord, le secrétaire de ce conseil devra envoyer à l'Office et au comité régional établi pour la région ou pour une partie de la région dans laquelle ledit accord doit être appliqué un avis dans les formes prescrites l'informant de chaque réunion du conseil industriel devant examiner la question.
  85. 2) L'Office peut désigner un ou plusieurs de ses membres et le secrétaire au Travail peut, à la demande de l'Office, désigner un fonctionnaire en vue d'assister aux réunions d'un conseil industriel pour lesquelles il doit être donné notification en application du paragraphe 1), et le président d'un comité régional établi pour la région ou pour une partie de la région dans laquelle ledit accord doit être appliqué ou, s'il existe plusieurs comités régionaux, les présidents de ceux de ces comités qui peuvent être désignés par l'Office peuvent également assister à de telles réunions.
  86. 3) Toute personne qui assiste à une réunion conformément aux dispositions du paragraphe 2) ci-dessus peut participer aux délibérations de cette réunion dans la mesure où ces délibérations affectent les intérêts des salariés auxquels s'appliquent les dispositions de cette loi, mais elle n'y jouira pas du droit de vote.
  87. 4) Dès que le conseil industriel est parvenu à une décision sur les conditions d'emploi telles que visées au paragraphe 1) qui doivent être appliquées aux personnes occupées dans des professions dans lesquelles des indigènes sont employés, le président de l'Office soumettra au ministre un rapport indiquant si l'Office approuve la décision du conseil industriel ou si, à son avis, une recommandation devrait être sollicitée du Conseil des salaires au sujet d'une ou plusieurs des questions ayant constitué l'objet de la décision du conseil industriel.
  88. ......................................................................................................................................................
  89. L'article 10 de cette loi traite de la question du règlement des différends et a la teneur suivante:
  90. 10. 1) Lorsqu'un fonctionnaire chargé des questions de main-d'oeuvre indigène a des raisons de croire que dans la région pour laquelle il a été désigné ou dans une portion de cette région un différend du travail s'est produit ou est susceptible de se produire dans une profession, il doit immédiatement faire rapport à ce sujet au comité régional intéressé, à l'inspecteur visé par la réglementation et, lorsqu'un conseil industriel a été enregistré conformément à la loi sur la conciliation dans l'industrie en ce qui concerne cette industrie et cette région ou cette portion de région, également à ce conseil industriel.
  91. 2) Le fonctionnaire chargé des questions de main-d'oeuvre indigène devra, avec l'aide du comité régional et en collaboration avec l'inspecteur visé au paragraphe 1) ci-dessus, s'efforcer de régler les questions qui constituent ou pourraient constituer le sujet d'un tel différend du travail et, à défaut d'un tel règlement, renvoyer la question à l'Office, qui s'efforcera, en collaboration avec ce fonctionnaire et cet inspecteur, d'aboutir à un règlement de la question.
  92. 3) Quand un règlement ne peut pas intervenir conformément au paragraphe 2), l'Office devra faire rapport au ministre et indiquer si, à son avis, la question devrait être renvoyée au Conseil des salaires pour une recommandation sur les conditions à prendre pour base d'un tel règlement.
  93. L'article 11 de la loi traite des renvois au Conseil des salaires et de l'élaboration des décisions ministérielles et a la teneur suivante:
  94. 11. 1) A la réception d'un rapport de l'Office, en application du paragraphe 4) de l'article 9 ou du paragraphe 3) de l'article 10, le ministre devra, si l'Office le recommande ainsi, demander au Conseil des salaires de lui soumettre une recommandation, dans le cas d'un rapport présenté, en vertu du paragraphe 4) de l'article 9, sur les questions qui, de l'avis de l'Office, devraient être réglées et, dans le cas d'un rapport présenté en vertu du paragraphe 3) de l'article 10, sur toutes les questions qui constituent ou pourraient constituer l'objet d'un différend du travail visé dans ce rapport, étant entendu que toute demande adressée au Conseil des salaires conformément à un rapport présenté en vertu du paragraphe 4) de l'article 9 peut être retirée par le ministre si, avant que le Conseil des salaires ne lui ait présenté une recommandation sur l'une des questions faisant l'objet de cette demande, il est informé par écrit par le président de l'Office que celui-ci est d'accord avec une décision révisée à laquelle est parvenu sur cette question le conseil industriel intéressé après la date de la décision ayant donné lieu au rapport.
  95. 2) Toute demande adressée au Conseil des salaires en vue d'une recommandation en vertu de cet article et tout retrait d'une telle demande, soit partiel, soit total, devront être publiés dans le journal officiel (Gazette) par le secrétaire au Travail.
  96. 3) Le Conseil des salaires devra soumettre au ministre une recommandation aussitôt que possible après la réception d'une requête présentée en vertu du paragraphe 1) et après consultation des personnes ou organismes, y compris des employeurs ou des salariés ou des représentants d'un comité régional ou de l'Office qui, à son avis, devraient être consultés et, lorsqu'un conseil industriel a été enregistré en vertu de la loi sur la conciliation dans l'industrie, pour l'industrie ou pour la région ou pour une partie de l'industrie ou de la région à laquelle se réfère cette demande, après consultation également de ce conseil industriel.
  97. 4) Après avoir examiné une telle recommandation, le ministre peut prendre une décision l'entérinant ou au contraire la renvoyer au Conseil des salaires pour réexamen sur tels points qu'il indiquera.
  98. 5) Le Conseil des salaires devra, après réexamen d'une recommandation qui lui a été renvoyée en vertu du paragraphe 4), confirmer et soumettre à nouveau cette recommandation au ministre ou la modifier sur les points qui lui paraîtront souhaitables et la sou mettre au ministre telle qu'elle a été modifiée, et le ministre devra prendre une décision conforme à la recommandation confirmée ou modifiée.
  99. 6) Après avoir pris une décision en vertu des paragraphes 4) ou 5), le ministre veillera à ce que soit publié dans le journal officiel (Gazette) un avis indiquant le contenu de cette décision et spécifiant son champ d'application territorial tel que déterminé par le ministre et la période, fixée par lui, mais ne devant pas dépasser trois ans, pendant laquelle cette décision liera les personnes visées par elle et ladite décision aura force exécutoire pour ces personnes dans cette région et pour la période ainsi déterminée.
  100. 148. Il semble ressortir de ces dispositions qu'en vertu de l'article 1 de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends), la loi s'applique exclusivement aux travailleurs africains ; que, si l'article 7 prévoit la constitution de comités d'entreprise, il ne stipule pas la reconnaissance de syndicats africains ; que, si l'article 4 de la loi prévoit l'établissement de comités régionaux dont la fonction est de servir les intérêts des Africains en ce qui concerne leur emploi et, également, en vertu de l'article 10, d'aider à la conciliation des différends, les membres africains de tels comités sont désignés par le ministre compétent et aucune disposition ne prévoit la consultation à l'occasion de telles nominations soit des comités d'entreprise, soit des syndicats africains qui peuvent exister ; que, en ce qui concerne la conciliation des différends, aucune organisation africaine ne participe à la procédure décrite dans l'article 10 pour la conciliation des différends si ce n'est de la manière qui peut découler de la disposition figurant au paragraphe 2) de l'article 6 en vertu de laquelle les comités régionaux peuvent, aux fins d'accomplissement de leurs fonctions, recevoir d'employeurs et de salariés telles représentations qui peuvent sembler nécessaires et de la disposition qui figure à l'alinéa a) du paragraphe 1) de l'article 6 en vertu de laquelle les comités doivent garder le contact avec les salariés en vue de les tenir au courant des conditions d'emploi dans leur région; que, en ce qui concerne le stade ultérieur de la conciliation des différends par l'Office central du travail indigène conformément au paragraphe 2) de l'article 10 et le règlement final des différends non résolus par voie de recommandations du Conseil des salaires et par décision ministérielle prise en vertu du paragraphe 3) de l'article 10 et de l'article 11, aucune disposition ne prévoit la participation ou la consultation des comités d'entreprise ou des syndicats africains qui peuvent exister ; que l'article 9 de la loi prévoit la représentation des intérêts africains par un représentant de l'Office central du travail indigène qui peut être accompagné par un représentant, mais non pas un représentant africain, d'un comité régional lorsqu'un conseil industriel négocie un accord ayant trait aux intérêts africains, mais qu'aucune disposition ne prévoit la représentation des intérêts africains devant les conseils industriels soit par des Africains, soit par des syndicats africains, soit par des comités d'entreprise, soit par voie de consultation des Africains lors de la négociation des accords si ce n'est de la manière qui peut résulter du contact déjà mentionné entre les comités régionaux et les comités d'entreprise ; et que, si une disposition prévoit la fixation des conditions d'emploi soit par des accords de conciliation conclus au sein des comités régionaux ou de l'Office central du travail indigène, soit par voie de décisions ministérielles, prises sur les recommandations du Conseil des salaires, soit encore par l'intermédiaire d'un accord d'un conseil industriel rendu applicable aux Africains, aucune disposition ne prévoit la négociation des salaires et des conditions d'emploi par des comités d'entreprise ou par tels syndicats africains pouvant exister.
  101. 149. Le plaignant allègue enfin que les travailleurs africains seraient privés du droit de grève. Le gouvernement déclare qu'étant donné l'immense réserve de main-d'oeuvre indigène, il est fort douteux que le droit de grève puisse représenter un avantage pour les travailleurs africains et, en réponse à l'allégation suivant laquelle il ferait preuve à cet égard de discrimination, il souligne que les travailleurs de toutes races se sont déjà vu interdire le droit de grève dans les services essentiels, leurs conflits devant être réglés par une procédure d'arbitrage obligatoire.
  102. 150. En ce qui concerne la question du droit de grève des travailleurs indigènes, l'article 18 1) de la loi sur le travail indigène (règlement des différends) prévoit que:
  103. 18. 1) Nul salarié ou autre personne ne provoquera ou ne prendra part à une grève ou à la continuation d'une grève et nul employeur ou autre personne ne provoquera et ne prendra part à un lock-out de salariés ou à la continuation d'un tel lock-out.
  104. 151. En ce qui concerne la question du droit de grève des salariés couverts par la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie, l'article 65 de cette loi prévoit ce qui suit:
  105. 65. 1) Nul salarié ou autre personne ne pourra prendre part à une grève ou à la continuation d'une grève et nul employeur ou autre personne ne pourra prendre part à un lock-out ou à la continuation d'un lock-out:
  106. a) durant la validité d'une convention ou sentence qui, aux termes de l'article 48 ou 49, lie le salarié, l'employeur ou l'autre personne et dont une clause concerne la question qui a donné naissance à la grève ou au lock-out, ou
  107. b) si les salariés intéressés travaillent dans un des services visés à l'article 46 ou s'il s'agit de salariés à l'égard desquels le ministre a, aux termes du paragraphe 10) dudit article, déclaré applicables les dispositions des paragraphes 1) à 6) dudit article, ou
  108. c) dans le cas où ni l'alinéa a) ni l'alinéa b) ne sont applicables:
  109. i) s'il existe un conseil industriel compétent, à moins que la question qui a donné naissance à la grève ou au lock-out n'ait été examinée par ce conseil et que:
  110. aa) le conseil n'ait présenté au ministre par écrit son rapport à ce sujet, ou que
  111. bb) un délai de trente jours à partir de la date à laquelle l'affaire a été soumise au conseil, ou tel délai plus long que le conseil pourrait fixer, ne soit expiré,
  112. selon que l'une ou l'autre de ces éventualités se produit la première, ou
  113. ii) à défaut d'un tel conseil, à moins qu'il n'ait été présenté une demande de constitution d'un comité de conciliation pour l'examen de l'affaire, conformément à l'article 35 ou à l'article 64, et que:
  114. aa) le comité constitué n'ait présenté au ministre, par écrit, son rapport à ce sujet, ou que
  115. bb) un délai de trente jours, à partir de la date à laquelle le ministre a autorisé la constitution d'un comité ou tel délai plus long que le comité pourra fixer, ou que
  116. cc) le ministre n'ait refusé d'autoriser la constitution d'un comité, ou que
  117. dd) un délai de vingt et un jours à partir de la date à laquelle la demande a été présentée ne soit expiré sans que le ministre ait autorisé ou refusé d'autoriser la constitution d'un comité,
  118. selon que l'une ou l'autre de ces éventualités se produit la première, ou
  119. iii) à moins qu'une sentence n'ait été rendue, s'il a été décidé, conformément à l'article 45, de soumettre l'affaire à l'arbitrage.
  120. 2) Quiconque contreviendra aux dispositions du paragraphe 1) se rendra coupable d'une infraction.
  121. 152. Les services mentionnés à l'article 65 1) b) ci-dessus sont ceux qui sont mentionnés à l'article 46 1) de la loi, c'est-à-dire qu'ils concernent les salariés des autorités locales occupés à l'exécution de travaux « ayant trait à la distribution d'éclairage, d'énergie ou d'eau ou à des travaux de salubrité, au transport de voitures ou à l'extinction des incendies ». La référence qui est faite dans l'article 65 1) b), au paragraphe 10) de l'article 46 concerne la disposition de ce même article 46 10) qui prévoit que le ministre peut placer d'autres catégories de salariés des autorités locales sur le même pied que ceux mentionnés à l'article 46 1) « lorsqu'un syndicat professionnel enregistré, où l'affiliation est limitée par ses statuts aux salariés d'une autorité locale ou d'autorités locales », requiert le ministre d'agir en ce sens.
  122. 153. Il semble que, si des restrictions temporaires ont été apportées au droit de grève des salariés couverts par la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie, à savoir pendant la validité d'un accord ou d'une sentence les liant ou lors du recours aux procédures de règlement prévues à l'article 65 c) de la loi, et si la grève est totalement interdite par cette loi aux salariés d'autorités publiques locales qui sont occupés dans certains services essentiels ou qui demandent à être traités de cette manière, l'article 18 1) de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) interdit totalement les grèves ou les lock-outs de travailleurs africains quelle que soit la nature de leur occupation.
  123. 154. Tout en estimant qu'il n'est pas appelé à examiner dans quelle mesure le droit de grève en général - droit qui n'est pas spécialement visé par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni par la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - doit être considéré comme un droit syndical, le Comité a constaté que le droit de grève était généralement accordé aux travailleurs et à leurs organisations comme faisant partie de leurs droits de défense des intérêts communs. Le Comité estime également que lorsque le droit de grève est ainsi reconnu aux travailleurs et à leurs organisations, il ne devrait exister aucune discrimination raciale quant aux bénéficiaires de ce droit.
  124. 155. Dans ces conditions, bien que le gouvernement affirme que la réserve de main-d'oeuvre est telle qu'aucun avantage ne serait accordé aux travailleurs africains du fait de la reconnaissance du droit de grève et bien que la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) contienne des procédures prévoyant le règlement par voie de conciliation ou, en dernier ressort, par voie de décision ayant force exécutoire, de tous les différends concernant des Africains, le Comité estime qu'il est de son devoir d'attirer l'attention sur l'existence d'une discrimination entre les travailleurs africains et les autres travailleurs en ce qui concerne les restrictions apportées au droit de grève.
  125. Allégations relatives aux atteintes portées aux droits des travailleurs autres que les travailleurs africains par la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends)
  126. 156. Les plaignants prétendent que cette loi permet au ministre de porter atteinte aux droits syndicaux d'autres travailleurs (en plus des travailleurs africains) actuellement couverts par la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie en lui octroyant le droit d'appliquer également à de tels autres travailleurs les décisions prises en vertu de la loi de 1953. Le gouvernement n'a pas présenté d'observations sur ce point.
  127. 157. L'article 11 de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) traite des décisions ministérielles fixant les conditions d'emploi des travailleurs africains (voir paragraphe 147 ci-dessus).
  128. 158. La question de l'extension de l'application des décisions est traitée dans l'article 14 de cette loi, qui a la teneur suivante:
  129. 1) Si, de l'avis du ministre, il est à craindre qu'une décision puisse être rendue inopérante du fait que des personnes qui ne sont pas couvertes par le terme "salarié " tel que défini à l'article 1 sont occupées à des travaux auxquels les indigènes se trouvent employés dans une entreprise, dans une industrie, dans une profession ou dans une catégorie d'occupation visée par ladite décision, le ministre pourra, par voie de notification, conformément à l'article 11, alinéa 6), ou par une notification subséquente publiée dans le journal officiel (Gazette), décréter qu'à partir de la date et pour la période fixée par la notification toutes les dispositions de la décision ou certaines d'entre elles qu'il aura spécifiées s'appliqueront également mutatis mutandis aux personnes couvertes par le terme " salarié " tel que défini par la loi sur la conciliation dans l'industrie, et tout employeur de ces personnes sera alors lié à l'égard desdites personnes par les dispositions de la décision dont il s'agit.
  130. 2) Toutes les fois que les dispositions d'une mesure de détermination des salaires sont en contradiction avec une disposition d'une décision, ou avec une disposition de celle-ci qui aurait été déclarée applicable, par voie de notification conformément à l'alinéa 1), à des personnes couvertes par le terme "salarié " tel que défini par la loi sur la conciliation dans l'industrie, ladite mesure devra, pour autant qu'elle s'applique dans la région, ou dans la partie de la région où ladite décision est en vigueur, et aussi longtemps que la décision, ou, selon le cas, la notification sera en vigueur, être appliquée comme si ladite disposition de la décision avait été insérée dans la mesure de détermination des salaires en question à la place de telle disposition incompatible avec celle-ci.
  131. 3) Par voie de notification dans le journal officiel (Gazette), le ministre pourra, lorsqu'il l'estimera utile, déclarer une décision ou certaines dispositions de celle-ci inapplicables aux personnes couvertes par une mesure de détermination des salaires dont les dispositions ne sont pas, de l'avis du ministre, moins favorables pour les travailleurs intéressés que ladite décision ou, selon le cas, les dispositions dont il s'agit.
  132. 159. Le Comité estime donc qu'eu égard au fait qu'en vertu de l'article 14, des décisions prises en application de l'article 11 en ce qui concerne les travailleurs africains peuvent, dans certains cas, être étendues de manière à s'appliquer à des salariés tels que définis par la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie, c'est-à-dire à des salariés qui ne sont pas Africains (voir paragraphe 140 ci-dessus), si de telles décisions étaient rendues applicables à des travailleurs qui ne sont pas Africains de manière à remplacer les conditions qui ont été prévues dans les conventions collectives ou à les empêcher de négocier à l'avenir telles conditions qui leur paraîtraient souhaitables dans des conventions collectives, ceci porterait atteinte au droit qu'ont les personnes intéressées de négocier collectivement pair l'intermédiaire de leurs syndicats.
  133. Allégations concernant des projets d'amendement de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie
  134. 160. La Fédération syndicale mondiale prétend qu'en vertu de l'article 77 d'un projet d'amendement à la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie, le ministre du Travail aura le pouvoir de déterminer la nature des travaux à effectuer par les différentes races habitant l'Union sud-africaine et que ce pouvoir, joint au pouvoir qui lui est reconnu par l'article 14 de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) (voir paragraphe 158 ci-dessus), lui permettra, de fixer le salaire et les conditions d'emploi de tous les travailleurs. Le gouvernement s'abstient de fournir des observations sur ce projet de loi étant donné qu'il est en cours d'examen et ne désire pas en présenter jusqu'à ce qu'il soit adopté, soit dans sa forme actuelle, soit dans une forme révisée.
  135. 161. L'article 77 du projet de loi modifiant la loi de 1937 est cité par le plaignant comme ayant la teneur suivante:
  136. Lorsque le ministre estime la chose utile pour sauvegarder la situation économique des salariés de l'une des races, il pourra, par la voie d'une publication au journal officiel (Government Gazette) déterminer qu'à partir d'une date donnée et dans une région indiquée par lui, dans une entreprise, industrie, profession ou occupation donnée, seront seuls autorisés à travailler les salariés de la race qu'il spécifiera. Dans la définition de la nature du travail à effectuer par les salariés d'une certaine race, le ministre peut recourir à toutes méthodes de différenciation ou de discrimination qui lui sembleront désirables.
  137. 162. Dans le cas no 105, relatif à la Grèce, le Comité a estimé que, lorsqu'il est saisi d'allégations précises et détaillées concernant un projet de Ici, le fait que ces allégations se rapportent à un texte n'ayant pas force de loi ne devrait pas à lui seul l'empêcher de se prononcer sur le fond des allégations présentées. Le Comité a exprimé ensuite l'avis qu'il y avait en effet intérêt à ce qu'en de tels cas, le gouvernement et le plaignant aient connaissance du point de vue du Comité à l'égard d'un projet de loi avant l'adoption de celui-ci, étant donné que le gouvernement à qui revient l'initiative en la matière a la faculté de lui apporter d'éventuelles modifications. Dans le cas présent, bien que le gouvernement s'abstienne de fournir des commentaires à ce stade, le plaignant cite le texte de l'article 77 du projet de loi en question, qui aurait été soumis au Parlement. Dans ces conditions, le Comité estime qu'il est souhaitable qu'il fasse connaître son point de vue avant que ce projet de loi soit adopté.
  138. 163. Le texte cité permettrait au ministre de décider que l'emploi dans une entreprise, une industrie, une profession ou une catégorie d'occupation donnée et dans une région déterminée devrait être réservé à des personnes d'une race déterminée.
  139. 164. Tout en reconnaissant qu'il n'est pas appelé à examiner la question de l'accès à des emplois déterminés, sauf dans la mesure où la réglementation de cette question pourrait affecter l'exercice des droits syndicaux, le Comité estime que, suivant un principe généralement accepté dans la majorité des pays, les syndicats devraient avoir le droit, par voie de négociations collectives ou par d'autres moyens licites, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
  140. 165. Bien qu'il n'y ait aucune certitude quant à l'adoption éventuelle de ce projet de loi, soit dans sa forme actuelle, soit dans une forme révisée, le Comité estime que, si l'article 77 devait être adopté dans les termes indiqués par le plaignant et appliqué de manière à empêcher la négociation par voie de conventions collectives do meilleures conditions d'emploi, y compris les conditions déterminant l'accès à des emplois déterminés, il tendrait, dans le cas des syndicats de travailleurs intéressés, à porter atteinte au droit de négociation collective, d'amélioration des conditions de vie et de travail et de défense des intérêts sociaux de leurs membres.
  141. Allégations concernant l'Administration des chemins de fer d'Afrique du Sud
  142. 166. La F.S.M prétend qu'un système de retenue obligatoire des cotisations syndicales contraire au désir des travailleurs a été institué en faveur d'un syndicat de travailleurs des chemins de fer établi par l'Administration des chemins de fer et se trouvant sous la coupe de celle-ci, que les travailleurs qui se sont opposés à ce système ont été l'objet de sanctions, que l'administration refuse de reconnaître le Syndicat, de fondation plus ancienne, des travailleurs (non européens) des chemins de fer et des ports d'Afrique du Sud et de négocier avec lui et que divers dirigeants et membres de cette organisation ont été renvoyés en raison de leurs activités syndicales et en vue d'entraver le fonctionnement de leur organisation syndicale.
  143. 167. Le gouvernement déclare qu'avant 1944, il existait non pas une mais plusieurs organisations représentant les travailleurs des chemins de fer et qu'il s'ensuivait une confusion quant aux groupes de personnes représentées. Il semble ressortir des renseignements donnés que le gouvernement est intervenu pour enquêter sur cette situation et pour organiser des réunions entre le ministre des Transports et les représentants des cheminots non européens et qu'à la suite de cela, les organisations existantes se sont groupées en un certain nombre d'associations, chacune d'elles étant exclusivement compétente pour présenter des demandes au nom d'une section de l'industrie. Le gouvernement donne un aperçu des dispositions des statuts de ces associations, qui, déclare-t-il, ont été rédigés librement par celles-ci et acceptés par l'Administration des chemins de fer. Le gouvernement déclare que les cotisations syndicales ne sont déduites des salaires que lorsque le travailleur a volontairement signé une déclaration indiquant qu'il a sollicité de devenir membre d'une des nouvelles associations. L'Administration ne reconnaît que ces associations et refuse, par conséquent, de négocier avec le Syndicat des travailleurs (non européens) des chemins de fer et des ports d'Afrique du Sud. Le gouvernement ajoute que certaines personnes appartenant à ce syndicat ont été licenciées parce qu'elles avaient " activement participé à des activités indésirables ".
  144. 168. Il semble ressortir de la réponse du gouvernement qu'il existe maintenant des associations représentatives du personnel dans chaque section des chemins de fer auxquelles les salariés peuvent appartenir et que c'est à la suite d'une initiative prise par le gouvernement que des réunions ont été organisées entre le ministre des Transports et les représentants des cheminots non européens, à l'issue desquelles " les organisations existantes " se sont groupées en associations dont elles ont rédigé les statuts, qui ont été " acceptés " par l'Administration des chemins de fer. Le plaignant allègue que ces associations ont été instituées par l'Administration des chemins de fer et sont sous la coupe de celle-ci.
  145. 169. Le Comité estime que, suivant un principe accepté dans la majorité des pays, les organisations de travailleurs et d'employés devraient avoir le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leur programme d'action et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, et que les mesures prises par les autorités dans ce cas particulier devraient être examinées à la lumière de ce principe reconnu. Dans un cas antérieur où était alléguée une intervention du gouvernement en ce qui concerne notamment l'exercice du droit d'élire des représentants, le Comité a estimé que le fond du problème paraissait être de savoir si l'intervention avait ou pouvait avoir été considérée par les travailleurs intéressés comme une menace pour la complète liberté des salariés d'exercer leurs droits et que ceci semblait dépendre des conditions prévalant dans les pays intéressés, des traditions qui y règnent ainsi que de la manière dont y sont protégés les droits civiques et la liberté politique. Dans le cas présent, il est apparu au Comité, eu égard à l'absence d'une nette délimitation des sphères de représentation des syndicats qui existaient précédemment, qu'aucune preuve suffisante n'a été donnée établissant que l'initiative prise par le gouvernement d'organiser des réunions ait abouti à ce que les organisations intéressées aient été contraintes de se grouper en associations, que leur liberté de rédiger leurs statuts ait été restreinte ou qu'elles fonctionnent sous le contrôle de l'Administration des chemins de fer.
  146. 170. La situation présente est que l'Administration des chemins de fer ne reconnaît que les nouvelles associations de personnel et refuse de négocier ou de traiter avec le Syndicat des travailleurs (non européens) des chemins de fer et des ports d'Afrique du Sud. Il semblerait, en fait, qu'un système de sécurité syndicale ait été institué en faveur des nouvelles associations. Dans le cadre de ce système, une retenue des cotisations a été établie, retenue qui, d'après le gouvernement, n'est opérée que lorsqu'un travailleur a volontairement signé une déclaration indiquant qu'il a sollicité de faire partie de l'une des associations.
  147. 171. Le Comité a considéré dans un cas antérieur qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur les questions que soulèvent des clauses de sécurité syndicale. En formulant cette conclusion, le Comité a été guidé par le fait que la Commission des relations professionnelles de la Conférence internationale du Travail a, dans son rapport à la 32ème session de la Conférence, exprimé l'avis - accepté par la Conférence internationale du Travail lorsqu'elle a adopté ce rapport - que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, " ne devrait d'aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale et que de telles questions relèvent de la réglementation et de la pratique nationales ".
  148. 172. Le Comité estime que le système incriminé rentre dans la catégorie des " clauses de sécurité syndicale " et, pour les raisons indiquées dans le paragraphe précédent, il n'a pas jugé approprié d'examiner cette question dans le cas présent.
  149. 173. Le plaignant allègue aussi qu'un certain nombre de dirigeants et de membres du syndicat et de ses sections ont été licenciés en raison de leur activité syndicale et en vue d'entraver le fonctionnement de leur organisation syndicale. Le gouvernement se borne à déclarer que certaines personnes appartenant à ce syndicat ont été licenciées parce qu'elles avaient " participé activement à des activités indésirables ".
  150. 174. Le Comité estime qu'il pourrait y avoir une atteinte à la liberté syndicale si les personnes en question avaient fait réellement l'objet d'une mesure de discrimination antisyndicale en matière d'emploi, en ayant été licenciées en raison de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales, mais que, sur la base des pièces dont il dispose, il n'est pas en mesure de déterminer si les personnes visées par le plaignant ont été ou non licenciées pour ces motifs.
  151. Allégations concernant la fabrique de conserve de fruits Wolseley
  152. 175. La Fédération syndicale mondiale déclare qu'un syndicat ayant été constitué dans cette entreprise et s'étant efforcé d'y faire appliquer une convention collective adoptée pour l'ensemble de l'industrie, l'employeur aurait lockouté le personnel et licencié trois militants syndicalistes et qu'ultérieurement, à la suite d'un arrêt du travail, un nombre important de travailleurs auraient été arrêtés en janvier 1954, deux cent quatre-vingt-quatre d'entre eux se trouvant encore en prison à l'époque de la présentation de la plainte (20 mars 1954).
  153. 176. Des renseignements donnés par le gouvernement, il semble ressortir que les événements qualifiés de lock-out par la F.S.M et de grève par le gouvernement se sont déroulés le 14 décembre 1953 pendant que se négociait une convention s'appliquant à l'entreprise. En tout état de cause, l'incident paraît avoir duré moins d'une journée. Il y a accord sur le fait qu'une grève eut lieu en janvier 1954 alors que des négociations étaient toujours en cours qui aboutirent à la signature d'une convention le 19 février 1954, et qu'un nombre important de personnes ont été arrêtées. Alors que le plaignant déclare que la police a prêté son aide aux employeurs pour détruire le syndicat, le gouvernement affirme que si la grève elle-même était illégale, étant donné que la conciliation prévue par la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie était en cours, les arrestations ont été en réalité opérées pour un délit de droit commun lorsque les travailleurs ont refusé de quitter les locaux de l'entreprise.
  154. 177. Les articles 35 et suivants de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie prévoient que lorsqu'il n'existe pas de conseil industriel enregistré par rapport à une entreprise dans laquelle se produit un différend, une requête peut être adressée en vue de l'institution d'un comité de conciliation qui doit s'efforcer de régler le différend. Dans certains cas, le comité peut soumettre à l'arbitrage un différend qu'il n'arrive pas à résoudre. En vertu de l'article 65, les grèves sont illégales si elles sont déclarées sans qu'on ait présenté une demande en vue de l'institution d'un comité de conciliation ou pendant les trente jours suivant la présentation de cette demande ou pendant tel délai plus long que le comité aura pu fixer (voir paragraphe 151 ci-dessus).
  155. 178. Dans le cas présent, un lock-out, d'après les plaignants, ou une grève, d'après le gouvernement, a eu lieu le 14 décembre 1953 pendant qu'un comité de conciliation était en séance. Cet incident paraît s'être terminé le même jour. Un incident plus sérieux se produisit le 19 janvier 1954. Un nombre important de travailleurs incluant deux militantes syndicalistes avaient été licenciés à la fin de la saison de mise en conserve des abricots peu après l'incident du 14 décembre et le refus de l'employeur de rengager ces deux personnes, joint au licenciement d'un troisième syndicaliste, provoqua une grève le 19 janvier 1954. Comme le comité de conciliation était toujours saisi de l'affaire (il fit aboutir à un accord le 19 février 1954), cette grève paraît avoir eu un caractère illégal en vertu de la loi sur la conciliation dans l'industrie. Cependant, d'après le gouvernement, les arrestations effectuées le 21 janvier 1954 n'ont pas été motivées par la participation à une grève illégale, mais par un délit de droit commun commis au cours de cette grève.
  156. 179. Les deux accusations formulées par le plaignant sont donc que des personnes auraient été arrêtées pour faits de grève et que trois personnes auraient été l'objet de mesures de discrimination antisyndicale en matière d'emploi.
  157. 180. Le Comité a examiné la question des grèves dans un certain nombre de cas antérieurs. Dans le cas no 5, concernant l'Inde, le Comité a estimé opportun de souligner que, clans la plupart des pays, "les grèves sont reconnues comme une arme légitime à laquelle les syndicats peuvent recourir pour défendre les intérêts de leurs membres tant qu'ils l'exercent d'une manière pacifique et en tenant dûment compte des restrictions imposées à titre temporaire (telles que la cessation des grèves pendant les procédures de conciliation et d'arbitrage, le devoir de s'abstenir de grèves contraires aux dispositions des conventions collectives). Dans le cas no 50, concernant la Turquie, le Comité a exprimé de semblables réserves en reconnaissant que des restrictions partielles et temporaires sont fréquemment apportées à l'exercice du droit de grève "pour permettre le recours à des procédures de conciliation et d'arbitrage ". Dans le cas présent, il semble que la grève était illégale, étant donné qu'elle contrevenait aux dispositions de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie, qui a apporté des restrictions temporaires aux grèves pendant l'utilisation de la procédure de conciliation, bien qu'en fait les arrestations semblent avoir été motivées par un délit de droit commun pendant la grève plutôt que par le fait même de la grève. Dans ces conditions, le Comité estime que le plaignant n'a pas apporté de preuves établissant de manière suffisante que les incidents qui se sont déroulés à l'occasion de la grève ont dans ce cas constitué une atteinte aux droits syndicaux et il recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
  158. 181. Alors que le plaignant soutient que trois syndicalistes ont perdu leur emploi en raison de leurs activités syndicales, le gouvernement affirme que l'une a été renvoyée parce que ses services avaient été jugés insatisfaisants et que l'employeur a refusé d'engager les deux autres pour la nouvelle saison de mise en conserve des abricots. Le Comité estime qu'en l'absence d'autres renseignements, le plaignant n'a pas présenté de preuves établissant de manière suffisante que le renvoi ou le non-rengagement ont été réellement occasionnés par les activités syndicales des trois personnes intéressées et, tout en soulignant l'importance qu'il attache au principe selon lequel les travailleurs devraient bénéficier d'une protection adéquate contre des actes ayant pour but de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice par tous autres moyens en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales, il recommande donc au Conseil d'administration de décider que cette allégation n'appelle pas un examen plus approfondi.
  159. Allégations concernant les Filatures du Natal (Natal Spinners (Pty) Ltd.)
  160. 182. Le plaignant donne des chiffres détaillés sur les salaires s'appliquant aux travailleurs employés par cette entreprise, établissant, d'après lui, que le ministre a déjà utilisé les pouvoirs qu'il détient en vertu de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) pour diminuer les salaires des travailleurs africains et pour emprisonner ceux qui participent à des grèves de protestation. Il allègue que des travailleurs ont été déportés de Ladysmith, où résident leurs familles, en un endroit proche de l'usine.
  161. 183. Le gouvernement déclare que l'entreprise en question a changé de propriétaire le 1er février 1954. Le nouvel employeur, ne pouvant pas payer les salaires existants, a renvoyé tous les employés du service de filature et leur a ensuite offert de nouveaux contrats acceptés par la majorité d'entre eux. Des demandes d'augmentation furent présentées, dont certaines furent satisfaites. L'entreprise étant ensuite de nouveau en train de péricliter, l'employeur fit savoir que toute nouvelle augmentation de salaires dépendrait d'une augmentation de la production. Les employés déclenchèrent une grève illégale et une action judiciaire fut intentée contre eux. L'avocat de la défense fit défaut devant le tribunal et ceux qui ne purent déposer une caution furent internés - six pendant une journée, dix pendant deux jours et vingt-deux pendant trois jours. Les travailleurs se sont mis dans leur tort en n'utilisant pas le mécanisme de règlement des différends prévu par la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends), alors que, sils l'avaient utilisé, ils auraient eu toutes chances d'obtenir des conditions d'emploi justes et équitables. Le gouvernement déclare qu'aucune personne n'a été déportée de Ladysmith.
  162. 184. Ces allégations se réfèrent à l'application dans un cas particulier de deux dispositions légales que le Comité a examinées ci-dessus - la réglementation des conditions d'emploi des travailleurs africains par voie de décision ministérielle (voir paragraphe 147) et l'interdiction des grèves de travailleurs africains (voir paragraphes 149-154). Sur la base des conclusions auxquelles il a déjà abouti sur ces questions, le Comité estime qu'il n'est pas appelé à réexaminer l'application des dispositions juridiques en question en ce qui concerne un aspect particulier du cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 185. Dans ces conditions, tout en reconnaissant que le gouvernement de l'Union sud-africaine a à faire face à une situation présentant des difficultés particulières, notamment en raison des stades différents de développement économique et social auxquels sont parvenues les diverses populations habitant sur son territoire, le Comité estime, après avoir tenu pleinement compte de ces difficultés et après avoir pris en considération la situation existant dans d'autres territoires soumis à des conditions analogues que le Comité a déjà eu l'occasion d'examiner dans divers cas, qu'un certain nombre de principes fondamentaux sont soulevés par ce cas et il recommande en conséquence au Conseil d'administration:
  2. 1) de confirmer les conclusions relatives à la loi de 1950 sur la suppression du communisme, modifiée en 1951, qui figurent dans les paragraphes 268 à 276 de son douzième rapport ;
  3. 2) de noter que les dispositions de la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie impliquent une discrimination à l'encontre des travailleurs africains qui est en contradiction avec les principes prévoyant que les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, devraient avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix ainsi que celui de s'affilier à ces organisations à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières et que toutes les organisations de travailleurs devraient bénéficier du droit de négociation collective ;
  4. 3) de noter que si, dans l'esprit du gouvernement, la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) devait assurer des salaires et des conditions d'emploi équitables, cette loi ne contient pas de disposition prévoyant la reconnaissance de syndicats africains, mais prévoit un système basé sur un office central du travail indigène et sur des comités régionaux, tous organismes dont les membres sont désignés par le ministre ; que si ces organismes peuvent recevoir des réclamations de comités d'entreprise élus et ont l'obligation dans certains cas de consulter de tels comités à propos des différends du travail, aucune autre disposition ne semble prévoir la négociation des salaires et des conditions d'emploi par les comités d'entreprise ou par les syndicats africains qui peuvent exister;
  5. 4) de noter que l'existence d'une telle discrimination raciale en matière de droits syndicaux trouve une confirmation supplémentaire dans le fait que la nature et l'étendue des restrictions apportées au droit de grève présentent des différences importantes suivant qu'il s'agit d'employés couverts par la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie ou de travailleurs africains ;
  6. 5) de noter que l'article 14 de la loi de 1953 sur les travailleurs indigènes (règlement des différends) pourrait être appliqué à des travailleurs autres que des travailleurs africains, de manière à remplacer les conditions prévues dans les conventions collectives ou à empêcher à l'avenir ces travailleurs de négocier telles conditions qui leur apparaîtraient souhaitables et que, s'il était ainsi appliqué, il porterait atteinte au droit des personnes intéressées de négocier collectivement par l'intermédiaire de leurs syndicats ;
  7. 6) de noter que l'adoption, dans les termes cités par le plaignant, de l'article 77 du projet de loi modifiant la loi de 1937 sur la conciliation dans l'industrie tendrait à empêcher la négociation par voie de conventions collectives de meilleures conditions d'emploi, y compris des conditions concernant l'accès à des emplois déterminés et, de ce fait, à porter atteinte aux droits des travailleurs intéressés de négocier collectivement et d'améliorer leurs conditions de vie et de travail, qui sont généralement regardées comme des éléments essentiels de la liberté syndicale;
  8. 7) de communiquer ces conclusions au gouvernement de l'Union sud-africaine et, prenant en considération l'expérience d'autres pays et territoires ayant des problèmes analogues, d'exprimer l'espoir que ce gouvernement voudra bien examiner à nouveau sa politique sur ces points en vue de faire bénéficier aussitôt que possible les travailleurs africains de l'exercice, en toute liberté, du droit d'organisation et, partant, de négociation collective ;
  9. 8) de décider que, sous réserve des observations contenues dans les paragraphes 174 et 181 ci-dessus, les allégations relatives à l'Administration des chemins de fer d'Afrique du Sud, à la fabrique de conserves de fruits Wolseley et aux Filatures du Natal n'appellent pas un examen plus approfondi.
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