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A. Analyse de la plainte
A. Analyse de la plainte
- 704. La plainte contient les allégations suivantes:
- a) Une ordonnance promulguée par le président de l'Union indienne, portant interdiction des grèves dans certains services essentiels, constituerait une mesure injustifiée et arbitraire visant à écraser par la force le mouvement des cheminots en faveur d'une nourriture et de salaires convenables, d'allocations de vie chère, etc., et porterait donc atteinte aux droits démocratiques élémentaires des travailleurs et des employés.
- b) Des centaines d'employés des chemins de fer de l'Inde auraient été soit renvoyés, soit suspendus pour une période indéterminée en application du règlement de service des chemins de fer (défense de la sécurité nationale) de 1949.
- c) Des centaines de syndicalistes seraient détenus sans jugement en application de la loi sur la détention préventive.
- 705. Les plaignants allèguent que le gouvernement de l'Inde aurait ainsi violé les droits de l'homme d'une manière flagrante et persistante, et demandent que les principes relatifs aux droits syndicaux énoncés par les organes des Nations Unies soient effectivement appliqués.
B. Analyse de la réponse du gouvernement
B. Analyse de la réponse du gouvernement
- 706. Dans sa réponse datée du 4 octobre 1952, le gouvernement fait valoir les arguments suivants.
- Ordonnance sur les services essentiels (interdiction de grèves) de 1951
- 707. Le 6 juillet 1951, la Fédération panindienne des cheminots décida de déclencher une grève générale le 27 août 1951, sous le prétexte que le gouvernement n'aurait pas répondu de manière satisfaisante aux réclamations des cheminots et qu'il n'aurait pas consulté les dirigeants de leurs syndicats au sujet de certaines questions intéressant les travailleurs. Ces griefs étaient sans fondement. Le gouvernement avait échangé plusieurs lettres avec la Fédération au sujet des recommandations de la Commission centrale des salaires, la Fédération ayant présenté des réclamations concernant notamment un certain nombre de difficultés provoquées par l'introduction d'échelles uniformes de salaires. Afin de résoudre ces difficultés, le gouvernement a créé, avec le consentement de la Fédération, une commission consultative paritaire qui a siégé près de dix-huit mois, examiné plus de mille questions litigieuses et formulé 591 recommandations, dont 557 ont été acceptées et, pour la plupart, mises en application par le gouvernement. En juillet 1951, certaines autres questions étaient encore à l'étude et ce n'est que sur vingt points d'importance secondaire que le gouvernement a éprouvé certaines difficultés à accepter les recommandations de la Commission. Le gouvernement a également appliqué la décision d'un tribunal industriel au sujet de la durée du travail, des congés, etc. Les négociations se sont poursuivies entre le gouvernement et la Fédération au sujet des questions qui n'avaient pas encore été réglées, mais la Fédération a demandé avec insistance que ces questions soient de nouveau soumises à l'arbitrage. Comme la Commission consulta Cive avait déjà examiné toutes les questions litigieuses, le gouvernement ne pouvait pas accéder à cette demande sauf si la situation venait à changer radicalement ou si les décisions prises sur la base des recommandations de la Commission devenaient manifestement inéquitables. La Fédération ne semblait nullement disposée à poursuivre les négociations. Elle demandait notamment un relèvement de l'allocation de vie chère correspondant à la hausse de l'indice des prix. Le gouvernement avait déjà autorisé deux augmentations de cette allocation, en 1949 et en 1951, et il n'était pas à même d'en accorder d'autres. La situation des cheminots n'était pas inférieure à celle des autres fonctionnaires publics, compte tenu des divers avantages accordés aux cheminots en application des recommandations de la Commission consultative paritaire.
- 708. La Fédération a refusé de poursuivre les négociations. La grève aurait eu de sérieuses conséquences pour la vie et la sécurité du pays, en raison notamment de la grave pénurie de denrées alimentaires et de la nécessité d'assurer la distribution des stocks.
- 709. Une ordonnance a été promulguée le 11 juillet 1951 ; elle conférait au gouvernement le pouvoir de déclarer illégales les grèves dans les chemins de fer et dans certains autres services essentiels. Un projet de loi a été soumis au Parlement le 7 août 1951. La Fédération a alors ajourné l'exécution de sa décision de déclencher la grève et a repris les négociations avec le gouvernement.
- 710. L'ordonnance, ainsi que la loi qui devait la remplacer, étaient des mesures temporaires auxquelles le gouvernement n'a recouru qu'en raison de l'impossibilité où il se trouvait de faire face à une grève des chemins de fer à une époque où la situation générale était particulièrement grave. Dès la reprise des négociations, le gouvernement a abandonné le projet de loi, et l'ordonnance elle-même cessa de porter effet le 17 septembre 1951. A l'heure actuelle, l'allégation relative à cette question est donc sans objet. L'ordonnance n'a jamais eu pour but de restreindre la liberté syndicale et le gouvernement n'a jamais refusé de négocier au sujet de revendications concernant un rajustement des salaires et de l'indemnité de vie chère ; il n'a jamais eu l'intention de porter atteinte aux droits garantis aux travailleurs. Il a été obligé de prendre cette mesure parce que, pendant un certain temps, la Fédération refusait de négocier. Cela ressort du fait que, depuis la reprise des négociations, aucune autre mesure n'a été prise par le gouvernement.
- 711. Se référant tout particulièrement à cette allégation, le gouvernement a joint à sa réponse le texte d'une allocution radiodiffusée, prononcée le 11 juillet 1951 par le ministre des Transports et des Chemins de fer de l'Inde, dans laquelle celui-ci avait exposé dans le détail les arguments mentionnés dans les précédents paragraphes.
- Règlement de service des chemins de fer (défense de la sécurité nationale)
- 712. Quant à l'allégation relative au règlement de service des chemins de fer (défense de la sécurité nationale) de 1949, pris en application du règlement des services civils (défense de la sécurité nationale) de 1949, le gouvernement déclare que ce règlement ne constitue pas une violation des droits de l'homme. Le règlement avait pour but de permettre la mise à la retraite d'office ou le licenciement des employés des chemins de fer qui, de l'avis de l'autorité compétente, avaient pris part ou pouvaient être raisonnablement soupçonnés d'avoir pris part à des activités subversives de manière à mettre en doute la confiance placée en eux, ou au sujet desquels les autorités compétentes avaient acquis la conviction que leur maintien en fonction porterait préjudice à la sécurité nationale. Le règlement n'autorise pas le licenciement d'un travailleur sans qu'il ait eu l'occasion de se disculper ; il peut demander de comparaître en personne. Les accords relatifs aux conditions de service conclus entre les cheminots et les administrations des chemins de fer autorisent le licenciement avec préavis ou après paiement d'une indemnité compensatoire. Des règlements similaires sont également en vigueur au Royaume-Uni.
- 713. Un travailleur ne peut pas être renvoyé purement et simplement en application de ce règlement ; il peut seulement «être relevé de ses fonctions ». Dans ce cas, il a droit à toutes compensations, pensions, gratifications ou prestations de fonds de prévoyance, auxquelles il aurait pu prétendre s'il avait été licencié à la suite de la suppression de son poste. Le renvoi, par exemple pour faute grave, aurait entraîné la perte de ces droits.
- 714. Le règlement n'autorise pas qu'un travailleur soit suspendu de ses fonctions pour une durée indéterminée. L'autorité compétente peut obliger le travailleur intéressé à prendre le congé auquel il a droit, et c'est pendant la durée de son congé que les mesures nécessaires doivent être prises par les autorités.
- 715. L'affirmation relative aux mesures qui auraient été prises contre des centaines d'employés est exagérée. Pendant les années 1949, 1950 et 1951, seuls 172 travailleurs ont été licenciés en application dudit règlement. Chacun d'eux a reçu une communication spécifiant les allégations formulées contre lui et a été invité à y répondre et, s'il le désirait, il a personnellement comparu pour être entendu. Par la suite, chaque cas a été examiné par un Comité consultatif composé de hauts fonctionnaires.
- 716. Ces allégations sont soit sans fondement, soit exagérées. Le règlement a été édicté dans l'intérêt de la sécurité nationale en vue de faire échec au développement des influences subversives.
- Loi sur la détention préventive
- 717. En ce qui concerne l'allégation relative à la loi sur la détention préventive, le gouvernement se réfère aux propositions que le Comité a faites dans son quatrième rapport au Conseil d'administration, paragraphes 40 à 51, rapport dans lequel le Comité a recommandé au Conseil d'administration, sous réserve des observations formulées dans les paragraphes 45 à 51 dudit rapport, de décider que certaines allégations de la Fédération syndicale mondiale concernant, entre autres, l'application de la loi sur la détention préventive, n'appelaient pas un examen plus approfondi par le Conseil d'administration.
- 718. Le gouvernement rappelle tout d'abord l'avis formulé par le Comité dans le paragraphe 45 dudit rapport, aux termes duquel « les mesures de détention préventive peuvent impliquer une grave ingérence dans les activités syndicales, qui semblerait devoir être justifiée par l'existence d'une crise sérieuse et qui pourrait donner lieu à des critiques, à moins qu'elle ne fût accompagnée des garanties juridiques appropriées, mises en oeuvre dans des délais raisonnables ».
- 719. Le gouvernement déclare que la loi de 1950 sur la détention préventive, dont le Comité avait tenu compte dans ses délibérations, a été amendée par une loi de 1951 sur la détention préventive (amendement) qui prévoit qu'à partir du 22 février 1951, tous les cas de détention ordonnée en vertu de l'une des dispositions de cette loi doivent, dans un délai de six semaines, être soumis, pour révision, à un Conseil consultatif, le gouvernement étant tenu de se conformer à l'avis du Conseil en ce qui concerne le mise en liberté d'un détenu. Aux termes d'un nouvel amendement apporté à la loi, le président du Conseil consultatif doit être choisi parmi les juges auprès de tribunaux supérieurs ou parmi les juges en retraite de cette catégorie. Le gouvernement déclare que la loi en question, telle qu'elle a été récemment amendée, contient, en plus de ces garanties contre d'éventuels abus de pouvoir en matière de détention, des dispositions apportant de nouvelles garanties et prévoyant que le gouvernement compétent doit, dans un délai de trente jours à compter de la date de détention fixée par le mandat d'arrêt délivré en application de la loi, indiquer au Conseil consultatif les raisons pour lesquelles le mandat en question a été délivré ainsi que les observations éventuelles de la personne visée par ce mandat. Le Conseil doit transmettre son rapport au gouvernement compétent dans un délai de dix semaines à compter de la date de détention fixée dans le mandat d'arrêt. Lorsqu'un mandat d'arrêt a été confirmé, la période maximum pendant laquelle une personne peut être détenue est de douze mois.
- 720. Le gouvernement rappelle également l'observation émise par le Comité dans le paragraphe 51 de son quatrième rapport, aux termes de laquelle « la politique de tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme et spécialement le droit qu'a toute personne détenue de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible ».
- 721. A ce propos, le gouvernement déclare que la procédure de révision, qui doit être engagée devant les Conseils consultatifs, garantit que nul ne pourra être détenu sans que cette mesure soit pleinement justifiée; toutefois, il fait en outre remarquer, pour le cas où le terme «procédure judiciaire régulière » aurait été considéré comme signifiant un procès devant les tribunaux judiciaires, que « la détention préventive exclut par définition tout procès devant les tribunaux judiciaires et qu'il ne saurait être question de prévoir un tel procès dans une législation réglementant la détention préventive ».
- 722. Quant à la demande formulée par les plaignants et d'après laquelle le gouvernement devrait être invité à appliquer effectivement les principes relatifs aux droits syndicaux énoncés par les organes des Nations Unies, le gouvernement déclare qu'il est pleinement conscient de la nécessité d'assurer le libre exercice des droits syndicaux et que la liberté syndicale, qui est un des droits fondamentaux énoncés par la Constitution de l'Inde, est effectivement garantie à tous et n'est subordonnée qu'à des restrictions raisonnables imposées dans l'intérêt de l'ordre publique.
C. C. Conclusions du comité
C. C. Conclusions du comité
- Allégation concernant l'ordonnance sur les services essentiels (interdiction de grèves) de 1951
- 723 Les plaignants déclarent que cette ordonnance serait une mesure arbitraire visant à écraser par la force l'action menée par les travailleurs en faveur de salaires et d'allocations de vie chère équitables, alors que le gouvernement fait valoir que cette mesure s'imposait du fait que les cheminots ont refusé de poursuivre les négociations et menaçaient de déclencher la grève à une époque de grave pénurie de denrées alimentaires ; il souligne qu'après la reprise des négociations, cette ordonnance est venue à expiration sans être prorogée.
- 724 Le droit de grève est communément considéré comme un des droits généraux reconnus aux travailleurs et à leurs organisations, pour leur permettre de défendre leurs intérêts économiques. Cependant, dans le cas des services essentiels tels que les chemins de fer, un délai de préavis est généralement exigé et le droit de grève peut être restreint à titre temporaire, en attendant qu'aient pris fin les procédures de négociations, de conciliation ou d'arbitrage. En l'espèce, le gouvernement fait valoir, non pas que le préavis de grève n'aurait pas été donné en temps voulu, mais que, les négociations ayant abouti à un accord sur un grand nombre de points, les travailleurs ont rompu les négociations sur certaines questions encore en suspens, bien que le gouvernement soit resté prêt à négocier. C'est en raison de la gravité de la situation en matière de distribution des denrées que le gouvernement a, à titre temporaire, édicté l'ordonnance visée par la plainte.
- 725 Vu les renseignements fournis par le gouvernement sur le déroulement des négociations et étant donné le grand nombre de points sur lesquels un accord a pu être réalisé avant la rupture des négociations, le Comité estime qu'il n'est pas prouvé, eu égard aux graves incidences économiques des principales questions en litige, que le gouvernement aurait inutilement fait traîner en longueur les négociations ; il estime que, dans une période de crise, la promulgation d'une ordonnance tendant à assurer la distribution des denrées alimentaires était une mesure prise en vue de garantir le fonctionnement normal d'un service public dont la défaillance aurait causé de grandes souffrances à la collectivité, et que cette action n'avait pas pour but de porter atteinte à l'exercice des droits syndicaux. L'ordonnance a d'ailleurs cessé de porter effet le 17 septembre 1951, après avoir été en vigueur pendant quelques semaines seulement.
- 726 Dans ces conditions, et compte tenu du fait que, depuis l'expiration de l'ordonnance en question, la situation normale a été rétablie, le Comité estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de la question et recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.
- Allégation concernant le règlement de service des chemins de fer (défense de la sécurité nationale)
- 727 Les plaignants allèguent que des centaines d'employés auraient été renvoyés ou suspendus pour une période indéterminée en application de ce règlement. Le gouvernement fait valoir que ce règlement, qui est analogue au règlement de la fonction publique, prévoit également la mise à la retraite d'office ou le licenciement des employés qui prennent part, ou peuvent être raisonnablement soupçonnés de prendre part, à des activités subversives de manière à mettre en doute la confiance placée en eux, ou au sujet desquels les autorités ont acquis la conviction que leur maintien en fonctions porterait préjudice à la sécurité nationale. Dans de tels cas, la mise à la retraite ou le licenciement, contrairement au renvoi pour faute grave, etc., n'impliquent pas la perte des droits acquis en ce qui concerne les compensations, pensions, gratifications ou prestation des fonds de prévoyance. Le gouvernement déclare, en outre, que la suspension pour une durée indéterminée n'est pas autorisée par ce règlement ; un employé peut être mis en demeure de prendre le congé auquel il a droit, et c'est pendant la durée de son congé que doivent être prises les mesures nécessaires pour qu'il soit mis à la retraite ou licencié. Dans tous les cas, l'intéressé peut demander de comparaître personnellement pour être entendu. Enfin, le gouvernement déclare que, pendant les années 1949, 1950 et 1951, 172 personnes seulement ont été relevées de leurs fonctions en application du règlement, et non pas des « centaines », comme il est indiqué dans la plainte.
- 728 Le principe selon lequel nul ne devrait faire l'objet de discrimination à l'emploi en raison de son activité syndicale semble être généralement reconnu et accepté. Le Comité estime donc que, non seulement le renvoi, mais aussi la mise à la retraite d'office ou le licenciement en application du règlement en question seraient contraires à ce principe dans le cas où les activités en raison desquelles des mesures ont été prises en application dudit règlement contre certains employés seraient réellement des activités syndicales licites. Cependant, alors que le gouvernement déclare que le règlement a eu uniquement pour but de faire échec aux influences subversives dans l'intérêt de la sécurité nationale, les plaignants eux-mêmes n'allèguent pas, ni d'une manière générale, ni au sujet d'un cas concret, que des instances auraient été engagées contre une ou plusieurs personnes en raison de leur activité syndicale.
- 729 Dans ces conditions, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté d'éléments permettant de conclure qu'en ce qui concerne cet aspect de la question, les faits allégués constitueraient, même s'ils étaient prouvés, une atteinte à l'exercice des droits syndicaux, et recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégation concernant la loi sur la détention préventive
- 730 Les plaignants allèguent que des centaines de syndicalistes auraient été détenus sans jugement, en application de la loi sur la détention préventive. Dans sa réponse, le gouvernement déclare en substance que la liberté syndicale est un des droits fondamentaux garantis par la Constitution de l'Inde et subordonné uniquement à des restrictions raisonnables imposées dans l'intérêt de l'ordre public et de la morale, et que des allégations similaires ont été déjà examinées par le Comité dans son quatrième rapport (cas no 5, paragraphes 18 à 51), le Conseil d'administration ayant par la suite approuvé, sous réserve de certaines observations, la recommandation du Comité aux termes de laquelle il ne paraissait pas nécessaire de poursuivre l'examen de cette question.
- 731 A sa réunion de mai 1952, le Comité avait examiné les allégations dont il était alors saisi, compte tenu des dispositions de la loi de 1950 sur la détention préventive, telles qu'elles étaient rédigées à l'origine, avant d'avoir été amendées. La situation se présentait alors comme suit : un cas de détention devait être soumis, dans un délai de six semaines, pour révision, à un Conseil consultatif, lorsque la détention avait été ordonnée afin d'empêcher que le détenu ne porte atteinte « à l'organisation de l'approvisionnement ou au fonctionnement des services essentiels à la collectivité » ; dans le cas où la détention avait pour objet d'empêcher que l'intéressé ne porte atteinte « à la sécurité de l'Etat ou au maintien de l'ordre public», douze mois pouvaient s'écouler avant que le Conseil consultatif fût saisi du cas. Le Comité avait pris note de la déclaration du gouvernement qui précisait qu'« en prenant des décisions en matière de détention préventive les gouvernements de l'Inde «s'inspiraient uniquement des considérations de sécurité publique ». Dans ces conditions, le Comité avait fait observer dans son rapport qu'« à son avis, les mesures de détention préventive peuvent impliquer une grave ingérence dans les activités syndicales, qui semblerait devoir être justifiée par l'existence d'une crise sérieuse et qui pourrait donner lieu à des critiques, à moins qu'elle ne fût accompagnée de garanties juridiques appropriées, mises en oeuvre dans des délais raisonnables » ; le Comité avait également fait observer que « la politique de tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme et spécialement le droit qu'a toute personne détenue de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible ». Etant donné que la loi sur la détention préventive devait cesser de porter effet le 30 septembre 1952, le Comité, «fermement convaincu que le gouvernement de l'Inde tiendra pleinement compte de ces considérations au cas où il envisagerait la promulgation d'une nouvelle législation en la matière », avait recommandé au Conseil d'administration de décider que «pour le moment, il ne paraissait pas nécessaire de poursuivre l'examen de cette question».
- 732 Etant donné que le gouvernement a, depuis lors, communiqué le texte de la loi sur la détention préventive, telle qu'elle a été amendée en 1951 et 1952, il convient d'examiner les modifications qui ont été apportées à la législation réglementant la détention préventive.
- 733 Dans sa teneur actuelle, la loi restera en vigueur jusqu'au 31 décembre 1954 ; la principale modification qui y a été apportée concerne les délais dans lesquels les cas de détention doivent être soumis à un conseil consultatif. Actuellement, pour chaque cas de détention, que celle-ci ait pour objet d'empêcher que l'intéressé ne porte atteinte « à l'organisation de l'approvisionnement et au fonctionnement des services essentiels à la collectivité», ou de l'empêcher de porter atteinte à «la sécurité de l'Etat ou au maintien de l'ordre public», le gouvernement doit, dans un délai de trente jours à compter de la date de détention fixée par le mandat d'arrêt, indiquer à un conseil consultatif les raisons pour lesquelles le mandat d'arrêt a été délivré ainsi que, le cas échéant, les observations de la personne visée par ce mandat, et, dans le cas où le mandat a été pris par un fonctionnaire habilité à cet effet conformément à la loi, y joindre le rapport présenté par ce dernier. Le conseil doit transmettre son rapport au gouvernement compétent dans un délai de six semaines à compter de la date de la détention. Le président du conseil consultatif doit désormais être choisi parmi les juges de tribunaux supérieurs ou parmi les juges retraités de cette catégorie. Lorsque le mandat d'arrêt a été confirmé par le conseil consultatif, la période maximum pendant laquelle une personne peut être détenue est de douze mois à compter de la date fixée à l'origine par le mandat de détention ; toutefois, si des faits nouveaux viennent à être constatés, il peut être délivré un nouveau mandat d'arrêt.
- 734 Le Comité a déjà déclaré qu'il convenait que la procédure de détention fût accompagnée de «garanties juridiques mises en oeuvre dans des délais raisonnables » et que « la politique de tout gouvernement » doit être de veiller à assurer le respect du droit qu'a toute personne détenue « de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière, engagée le plus rapidement possible ». Alors que la disposition prévoyant la révision des cas de détention par un conseil consultatif représente une certaine garantie, les membres du conseil étant des juges qui possèdent les qualifications requises, le gouvernement a tenu à préciser, pour le cas où le terme « procédure judiciaire régulière » aurait été considéré comme signifiant un procès devant un tribunal judiciaire, que «la détention préventive excluait par définition tout procès devant les tribunaux judiciaires et qu'il ne saurait être question de prévoir un tel procès dans une législation réglementant la détention préventive». Cependant, le Comité prend note du fait qu'à la suite de l'adoption d'une nouvelle disposition prévoyant que le président du conseil consultatif doit être un juge auprès d'un tribunal supérieur ou un juge retraité de cette catégorie, la procédure de révision se rapproche plus nettement d'une procédure quasi judiciaire que ce n'était le cas auparavant.
- 735 Le régime établi à l'origine par la loi sur la détention préventive ayant été progressivement atténué par les amendements qui y ont été apportés par la suite, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- i) de noter avec satisfaction que des progrès ont été accomplis du fait de l'extension des garanties accordées aux personnes détenues en application de la loi sur la détention préventive ;
- ii) de suggérer au gouvernement de l'Inde, compte tenu de l'observation que le Comité avait formulée dans son quatrième rapport et aux termes de laquelle les mesures de détention préventive sembleraient devoir être justifiées «par l'existence d'une crise sérieuse », qu'il conviendrait peut-être de revoir l'ensemble de la question de la détention préventive à la lumière des observations contenues dans les paragraphes 45 et 51 du quatrième rapport du Comité ;
- iii) de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 736. En prenant en considération toutes ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration, sous réserve des observations figurant au paragraphe 735, de décider que le cas dans son ensemble n'appelle pas un examen plus approfondi.