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Rapport définitif - Rapport No. 6, 1953

Cas no 22 (Philippines) - Date de la plainte: 01-AOÛT -51 - Clos

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A. Analyse de la plainte

A. Analyse de la plainte
  1. 353. Le plaignant allègue, sur la base d'informations publiées dans deux journaux de Manille, d'après lesquelles un certain nombre de syndicalistes et de dirigeants de syndicats ont été arrêtés le 26 janvier 1951 par des officiers du Service militaire d'information et de la police de Manille, que ces dirigeants syndicaux ont été en réalité arrêtés en raison de leurs activités syndicales, mais sous la prétexte qu'ils auraient combattu pour la libération du peuple des Philippines. Parmi les personnes arrêtées se trouvaient Amado V. Hernández, président du Congrès des organisations du travail (C.L.O), J. J. Cruz, secrétaire, Jacobo Espinos, Antonio Mendoza et Amadeo P. Racanday, membres de cette organisation, ainsi qu'Adriano Samson, Graciano Plegaria et Teofilo Agravante, membres du Syndicat des imprimeurs. Ces personnes ont été internées dans le camp Murphy, ont été maltraitées et mises au secret, sans qu'aucune accusation ait été officiellement formulée contre elles. Les autorités militaires ont fait subir à Amado Hernández un long interrogatoire sur ses activités syndicales. Plusieurs de ces personnes ont été relâchées par la suite, mais Amado Hernández est toujours détenu sans avoir été traduit en justice.

B. Analyse des réponses

B. Analyse des réponses
  • Analyse de la première réponse (5 décembre 1951)
    1. 354 Dans sa première réponse, en date du 5 décembre 1951, le gouvernement des Philippines à fait les observations suivantes.
    2. 355 L'allégation d'après laquelle un grand nombre de syndicalistes, ainsi que leurs dirigeants, auraient été arrêtés en janvier 1951, en raison de leurs activités syndicales, n'est pas fondée. Toutefois, il à été constaté que certaines personnes, parmi lesquelles se trouvaient Amado Hernández, J. J. Cruz, Adriano Samson, Jacobo Espinos et Amadeo Racanday, se livraient à des activités subversives. Ils ont été arrêtés, une enquête objective et impartiale à été effectuée, mais ils n'ont été ni maltraités ni mis au secret, et ils ont été traduits en justice pour le crime de rébellion auquel s'ajoutent de nombreuses charges de meurtres, incendies et vols.
    3. 356 Les allégations contenues dans la plainte ne méritent pas d'être renvoyées à la Commission d'investigation et de conciliation, étant donné que, si certaines des personnes arrêtées pour activités subversives se trouvaient être associées au fonctionnement de syndicats, ce fait est sans rapport avec leur arrestation.
  • Première demande d'informations complémentaires
    1. 357 A sa réunion de janvier 1952, le Comité de la liberté syndicale, qui avait noté qu'une action judiciaire avait été intentée contre les dirigeants syndicaux en question, à décidé de remettre l'examen de ce cas puisque la question était pendante devant les tribunaux des Philippines ; le Comité a décidé de demander au gouvernement de fournir des informations sur le résultat de ce procès.
  • Analyse de la seconde réponse (8 février 1952)
    1. 358 Dans sa seconde réponse, datée du 8 février 1952, le gouvernement à indiqué qu'un jugement n'était pas encore intervenu dans le procès criminel en question et qu'il serait difficile de dire à quel moment ce procès prendrait vraisemblablement fin. Le gouvernement à, de plus, indiqué que, dans le cas où ils seraient condamnés, les accusés auraient le droit de se pourvoir en appel devant la Cour suprême.
    2. 359 Il a été en outre indiqué par le gouvernement que les circonstances dans lesquelles les personnes accusées dans ce procès ont été arrêtées et poursuivies avaient un caractère si nettement politique qu'il ne serait pas opportun de donner suite à cette question du point de vue de l'exercice des droits syndicaux aux Philippines. D'autres personnes, qui ne sont pas membres de syndicats, ont été auparavant accusées des mêmes activités subversives et ont été reconnues coupables par les tribunaux.
  • Deuxième demande d'informations complémentaires
    1. 360 A sa réunion de mars 1952, le Comité de la liberté syndicale, prenant note de la déclaration du gouvernement d'après laquelle le procès criminel était encore en cours, a décidé à nouveau de remettre l'examen de ce cas et de demander au gouvernement de communiquer le résultat du procès dès que les débats auront pris fin.
  • Analyse de la troisième réponse (13 mai 1952)
    1. 361 Dans sa troisième réponse, datée du 13 mai 1952, le gouvernement a communiqué une copie de la décision du tribunal de première instance de Manille dans les affaires criminelles en question, ainsi qu'une copie de la lettre du 15 novembre 1951 adressée par le secrétaire de la Défense nationale des Philippines au secrétaire du Travail des Philippines. Le gouvernement a indiqué qu'à l'exception d'un seul, tous les accusés déclarés coupables ont manifesté leur intention d'interjeter appel de cette décision auprès de la Cour suprême.
    2. 362 Dans la lettre du 13 mai 1952, le gouvernement faisait les observations suivantes.
    3. 363 Il est indiqué dans la décision du tribunal que, parmi les accusés reconnus coupables d'infractions criminelles telles que la rébellion, de multiples meurtres, incendies et vols, se trouvaient des personnes qui n'avaient aucun rapport avec le mouvement syndical aux Philippines. La décision vient à l'appui de la déclaration faite précédemment par le gouvernement dans sa lettre du 8 février 1952 au sujet du caractère politique des circonstances dans lesquelles les personnes en question ont été arrêtées et poursuivies.
    4. 364 Il est souligné qu'il existe actuellement aux Philippines une dissidence armée qui constitue une menace à la sécurité intérieure de la nation. Ce fait ressort suffisamment de la décision du tribunal et de la lettre du 15 novembre 1951 du secrétaire de la Défense nationale des Philippines, qui a été mentionnée ci-dessus.
    5. 365 La politique du gouvernement a toujours été d'encourager le développement d'un syndicalisme libre aux Philippines. En application de la loi du Commonwealth no 213, le nombre des organisations légales de travailleurs volontairement enregistrées en vertu de cette loi s'est élevé de 16 en 1937 à 743 au 31 décembre 1951 : ces organisations comprenaient 200.000 travailleurs de l'industrie et du commerce environ et plus d'un million d'agriculteurs.
    6. 366 Dans la lettre du 15 novembre 1951 qu'il a adressée au secrétaire du Travail des Philippines, le secrétaire de la Défense nationale des Philippines a donné plus de détails sur les circonstances dans lesquelles les dirigeants syndicaux ont été arrêtés et ont fait l'objet d'une instruction
    7. 367 Il a été prouvé qu'Amado Hernandez et les autres membres du Congrès des organisations du travail étaient liés avec le parti communiste des Philippines et le Hukbong Magpapalaya Sa Bayan (H.M.B) (Armée de libération du peuple), qui participent à un soulèvement visant à renverser immédiatement le gouvernement par la force. En raison de ce fait, ces personnes ont été arrêtées par les autorités militaires aux fins d'enquête.
    8. 368 L'instruction s'est effectuée de manière objective et impartiale et les personnes en question ont bénéficié de tous les droits et immunités qu'accorde la Constitution des Philippines. Les personnes contre lesquelles aucune preuve n'a été relevée ont été immédiatement relâchées : parmi celles-ci se trouvaient Teofilo Agravante, Graciano Plegaria et Antonio Mendoza. Les personnes contre lesquelles il existait de fortes preuves de culpabilité, et notamment Amado Hernandez, Jacobo Espinos, Juan J. Cruz et Adriano Samson, ont été traduites devant les tribunaux.
  • Analyse de la décision du tribunal
    1. 369 La décision, rendue le 31 mars 1952, compte 120 pages. Elle concerne les affaires criminelles nos 15841, 15479 et 14111 du tribunal de première instance de Manille, qui ont été jugées en même temps. Dans l'affaire criminelle no 15841, les accusés étaient, entre autres, Amado Hernandez, Adriano Samson, Juan J. Cruz, Amado Racanday et Jacobo Espinos, les chefs d'accusation portant sur le crime de rébellion et sur de nombreux meurtres, incendies et vols. Dans les affaires criminelles nos 15479 et 14111, les accusés n'étaient pas affiliés à des syndicats ; dans la première affaire, les défendeurs ont été accusés des mêmes infractions que dans l'affaire criminelle no 15841 ; dans l'affaire criminelle no 14111, le chef d'accusation était que les accusés faisaient partie d'une association illégale, c'est-à-dire étaient membres du parti communiste des Philippines.
    2. 370 Les faits relevés dans la décision du tribunal et ayant trait à cette question peuvent être brièvement résumés comme suit.
    3. 371 Le parti communiste des Philippines dirige, entretient et aide le H.M.B dans la rébellion armée visant à renverser immédiatement le gouvernement. Des membres du bureau politique du parti ont été auparavant jugés et reconnus coupables du crime de rébellion et de nombreux meurtres, incendies et vols dans les affaires criminelles nos 14071, 14082, 14315 et 14344 jugées par le tribunal de première instance de Manille.
    4. 372 Les personnes accusées dans l'affaire criminelle no 15841 (Amado Hernandez et consorts) ont conspiré et collaboré avec le parti communiste des Philippines en organisant le Congrès des organisations du travail de manière à synchroniser les activités de cette organisation avec celles du H.M.B et d'autres organes du parti communiste, afin d'assurer le succès du soulèvement armé contre le gouvernement. Pour atteindre cet objectif, le Congrès des organisations du travail s'est livré à la propagande, a fourni une aide en nature et en espèces au H.M.B, a recruté dans les classes populaires des villes des membres des forces armées du H.M.B et a organisé des grèves visant à créer ce qu'on appelle une crise révolutionnaire, qui donnerait au H.M.B l'occasion d'envahir les villes.
    5. 373 Amado Hernandez a été président du Congrès des organisations du travail d'août 1947 à janvier 1951 et a été un membre actif du parti communiste sous les noms présumés de « Victor» et « Soliman ». En cette qualité, il a préparé pour le bureau politique du parti communiste des documents sur le rôle des organisations de travailleurs dans la réalisation des desseins du parti et a assuré la liaison avec un courrier du parti communiste qui a été reconnu coupable dans les procès intentés au bureau politique ; il a également servi d'agent au parti communiste et au H.M.B pour l'envoi de fournitures et l'acheminement du courrier.
    6. 374 Adriano Samson, Juan J. Cruz et Amado Racanday ont été membres du parti communiste et du Congrès des organisations du travail. Samson était un courrier et un organisateur de ces deux organisations ; Cruz était également un organisateur aussi bien qu'un agent de distribution de pièces subversives pour les deux organisations; Racanday sollicitait des contributions en espèces et en nature pour le H.M.B et servait d'agent au parti communiste pour l'acheminement du courrier.
    7. 375 Le tribunal a reconnu coupables Amado Hernandez à titre principal, ainsi qu'Adriano Samson, Jean J. Cruz et Amado Racanday à titre de complices, mais ne s'est pas prononcé et a rejeté l'action publique en ce qui concerne Jacobo Espinos, qui n'avait pas été arrêté jusqu'à la fin du procès. Les personnes accusées dans les affaires criminelles nos 15479 et 14111 ont également été reconnues coupables.
    8. 376 Dans sa décision, le tribunal a notamment déclaré:
  • Naturellement, il serait absurde de penser à punir les accusés uniquement en raison de leur idéologie communiste. Le communisme est simplement un concept ou idéologie qui n'est pas punissable par nos lois en tant que tel, mais le fait d'imposer cette idéologie par des moyens qui ne sont pas autorisés par notre législation constitue une infraction non seulement à la Constitution de la République mais aussi à la législation. Les défendeurs, de même que les personnes accusées avec eux dans l'affaire du bureau politique, partagent la responsabilité commune des atrocités qui ont été commises par le H.M.B sous la direction du parti communiste. Ils partagent cette responsabilité comme membres du Congrès des organisations du travail et du parti communiste des Philippines (pp. 113-114 de la décision).

C. C. Conclusions du comité

C. C. Conclusions du comité
  1. 377. Le cas dont il s'agit pose uniquement la question de savoir quelle est la véritable raison de l'arrestation des dirigeants syndicaux nommés dans la plainte. Si l'allégation d'après laquelle ils ont été réellement arrêtés pour des activités syndicales était fondée, il y aurait là une limitation de la liberté syndicale des travailleurs. Le gouvernement soutient, par ailleurs, que ces personnes ont été arrêtées sans qu'il soit tenu compte de leurs activités syndicales mais en raison d'actions subversives qui constituent une infraction de droit commun aux Philippines.
  2. 378. En examinant cette question, le Comité a noté que l'allégation d'après laquelle les dirigeants syndicaux auraient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales semble être basée sur des informations de journaux relatives à ces arrestations. Il semble que le plaignant soit arrivé à une telle conclusion en se fondant principalement sur les allégations d'après lesquelles ces dirigeants syndicaux auraient été détenus sans que des accusations formelles aient été formulées contre eux et auraient été maltraités et placés au secret. En ce qui concerne Amado Hernandez, il est en outre allégué qu'il a été interrogé sur ses activités syndicales, mais une allégation semblable n'a pas été formulée en ce qui concerne l'interrogatoire des autres accusés.
  3. 379. Le gouvernement soutient qu'Amado Hernandez, J. J. Cruz, Jacobo Espinos et Amado Racanday ont été formellement traduits en justice et il conteste qu'ils aient été maltraités ou mis au secret. Le gouvernement n'a pas présenté d'observations en ce qui concerne plus spécialement l'interrogatoire qu'Amado Hernandez aurait subi au sujet de ses activités syndicales.
  4. 380. Il ressort des observations du gouvernement que l'instruction concernant les dirigeants syndicaux arrêtés a été menée compte tenu des droits et immunités accordés par la Constitution des Philippines.
  5. 381. La décision du tribunal par laquelle Amado Hernandez et consorts ont été reconnus coupables du crime dont ils ont été accusés est présentée par le gouvernement comme une preuve:
    • a) du fait que l'action judiciaire intentée contre eux par le gouvernement était réellement motivée par leurs activités subversives, en relation avec le soulèvement armé organisé par le parti communiste des Philippines et le H.M.B en vue de renverser immédiatement le gouvernement par la force, et
    • b) du fait que les dirigeants syndicaux en question ne peuvent pas avoir été poursuivis en raison de leurs activités syndicales, étant donné que d'autres personnes n'ayant aucun rapport avec les syndicats ont été pareillement pour suivies et reconnues coupables, dans le même procès ou dans des procès différents.
  6. 382. Il ressort de la lettre du secrétaire à la Défense nationale mentionnée ci-dessus, que l'arrestation qui a précédé la mise en accusation d'Amado Hernández a eu lieu dans les mêmes conditions que l'arrestation des autres dirigeants syndicalistes qui n'ont pas été traduits en justice. Ils ont été arrêtés, en effet, pour les besoins de l'enquête visant à déterminer s'il existait des preuves de leur complicité à l'action subversive du parti communiste des Philippines et du H.M.B ; à la suite de cette arrestation, Amado Hernández, J. J. Cruz, Adriano Samson, Jacobo Espinos et Amadeo Racanday ont été traduits en justice, alors que Teofilo Agravante, Graciano Plegaria et Antonio Mendoza ont été reconnus innocents et ont été relâchés.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 383. Etant donné la décision du tribunal et les autres circonstances du présent cas, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que les allégations formulées sont de caractère si purement politique qu'il n'est pas opportun de poursuivre l'affaire.
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