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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 388, Mars 2019

Cas no 3278 (Australie) - Date de la plainte: 27-AVR. -17 - En suivi

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que la réforme législative dans le secteur du bâtiment et de la construction promulguée par le gouvernement en 2016 viole les droits en matière de liberté syndicale et de négociation collective des travailleurs et des syndicats dans ce secteur

  1. 109. La plainte figure dans une communication du Conseil australien des syndicats (ACTU) en date du 28 avril 2017. Dans une communication datée du 30 mai 2017, l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) s’est associée à la plainte.
  2. 110. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications en date des 18 mai et 5 octobre 2018, et du 3 février 2019.
  3. 111. L’Australie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 112. Dans sa communication du 28 avril 2017, l’ACTU indique que la plainte concerne des modifications apportées par le gouvernement en 2016 aux lois du travail applicables au secteur australien de la construction. L’organisation plaignante fait référence en particulier à la loi de 2016 sur l’industrie du bâtiment et de la construction (Améliorer la productivité) (ci-après la loi BCIIP), entrée en vigueur le 1er décembre 2016, et au Code 2016 pour l’adjudication et la réalisation des travaux de construction (ci-après le code 2016) que le ministre des Petites entreprises familiales, du Milieu de travail et de la Libéralisation (ci après le ministre) a diffusé immédiatement après l’adoption de la loi BCIIP et qui est entré en vigueur le 2 décembre 2016. L’organisation plaignante allègue que le gouvernement fédéral australien a présenté la loi BCIIP et le code 2016 comme un «paquet» de «réformes» sociales nécessaires pour améliorer la productivité et l’efficacité du secteur australien de la construction, alors qu’il avait été conclu dans un rapport très récent que ce secteur était déjà très productif au regard des normes internationales.
  2. 113. L’organisation plaignante indique que, entre autres choses, la loi BCIIP rétablit le bureau du Commissaire australien pour le secteur du bâtiment et de la construction (ci-après l’ABCC), organisme officiel qui avait été créé du fait de l’adoption de la loi de 2005 sur l’amélioration de l’industrie du bâtiment et de la construction (ci-après la loi BCII). L’organisation plaignante rappelle que la première loi sur l’ABCC a fait l’objet du cas no 2326 du Comité de la liberté syndicale et que, pendant plusieurs années, la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a formulé de nombreuses conclusions défavorables concernant les lois relatives à l’ABCC et a commenté leur non-conformité avec les obligations qui incombent à l’Australie au titre des conventions fondamentales de l’OIT. L’organisation plaignante allègue que, depuis la création du premier ABCC en 2005, cet organe s’est concentré sur les enquêtes et les poursuites contre les syndicats, les cadres syndicaux et les travailleurs à titre individuel pour des violations des lois du travail, et qu’il n’a joué aucun rôle réel dans l’application légale des conditions de travail des travailleurs. L’ACTU rappelle en outre que, à la suite de l’élection d’un nouveau gouvernement en 2007, la loi BCII a finalement été modifiée et rebaptisée loi de 2012 sur le travail équitable (secteur du bâtiment). En vertu de la nouvelle loi, l’ancien ABCC a été rebaptisé Bureau de l’inspection du travail équitable dans le secteur du bâtiment, les restrictions juridiques distinctes et les sanctions plus sévères pour les syndicats et les travailleurs du secteur de la construction ont été supprimées, et diverses garanties légales ont été introduites pour corriger les aspects les plus oppressifs des pouvoirs d’enquête coercitifs détenus par le nouveau bureau. En outre, les règles du gouvernement fédéral en matière de marchés publics ont été codifiées pour la première fois sous la forme d’un acte législatif dans le Code de la construction 2013. L’organisation plaignante allègue toutefois que, depuis la réélection du gouvernement de coalition entre le parti libéral et le parti national en 2013, le gouvernement a mené une vigoureuse campagne en faveur de l’adoption d’une loi similaire à celle de 2005, qui a abouti à l’adoption de la loi BCIIP et du code 2016. Elle ajoute que la loi BCIIP augmente considérablement les sanctions pécuniaires imposées à ceux qui organisent des «actions revendicatives illégales» et y participent et fournit le fondement juridique des règles relatives à l’achat de biens et de services par le gouvernement fédéral dans le secteur de la construction.
  3. 114. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles la loi BCIIP alourdit considérablement les sanctions maximales applicables concernant les actions revendicatives illégales, les pressions et la nouvelle restriction relative aux «piquets de grève illégaux», l’organisation plaignante précise que les sanctions civiles de catégorie A ont été portées à 180 000 dollars australiens pour les syndicats et à 36 000 dollars australiens pour les particuliers, par contravention, alors que les sanctions maximales applicables dans les autres secteurs aux actions revendicatives menées lors de la durée officielle d’une convention collective relevant de la loi de 2009 sur le travail équitable s’élèvent à 10 800 dollars australiens. L’ACTU ajoute que la seule forme d’action revendicative qui n’est pas visée par les sanctions de la loi BCIIP est l’action dite «protégée» menée en vue de la conclusion d’une convention collective. Toutefois, dans le secteur de la construction, cette notion d’«action protégée» est encore restreinte par l’introduction du concept de «personnes protégées» à l’article 8 de la loi BCIIP.
  4. 115. De plus, l’organisation plaignante allègue que la loi BCIIP instaure une interdiction, propre au secteur de la construction, visant les «piquets de grève illégaux». Est considérée comme un piquet de grève illégal toute action revendicative qui restreint directement l’accès à un chantier ou sa sortie, ou qui a cet objectif. En outre, la simple organisation d’une telle action est également considérée comme illégale, même avant que les personnes se rassemblent physiquement. Selon l’organisation plaignante, il découle des dispositions de la loi qu’un piquet de grève peut être considéré comme illégal sans qu’il restreigne ou empêche concrètement l’accès à un chantier de construction ou sa sortie. Des réunions pacifiques et la communication d’informations aux personnes qui entrent sur un chantier ou en sortent sont des comportements qui relèveraient de ces dispositions. Il était même reconnu dans la déclaration de compatibilité avec les droits de l’homme jointe à l’exposé des motifs du projet de loi que le droit à la liberté de réunion pacifique était limité par l’interdiction des piquets de grève illégaux figurant à l’article 47 du projet.
  5. 116. L’organisation plaignante affirme en outre que la section 1 de la partie 2 du chapitre 6 de la loi BCIIP instaure une autre gamme de sanctions civiles qui s’appliquent pour l’essentiel aux pressions exercées sur une partie en vue d’obtenir un certain résultat dans le monde du travail. Elle allègue que les articles en question reprennent ceux de la loi de 2009 sur le travail équitable, qui s’appliquent à tous les secteurs, y compris celui de la construction, et que la reproduction de ces articles dans la loi BCIIP a pour seul effet d’imposer aux parties du secteur de la construction des sanctions plus sévères que celles qui s’appliquent ailleurs pour la même conduite. L’organisation plaignante estime que cette différence dans les sanctions est incompatible avec le principe le plus fondamental d’égalité devant la loi.
  6. 117. Le dernier point soulevé par l’organisation plaignante au sujet de la loi BCIIP concerne les pouvoirs d’enquête coercitifs conférés au nouvel ABCC et énoncés dans la partie 2 du chapitre 7 de cette loi. L’organisation plaignante soutient que ces pouvoirs permettent à l’ABCC d’émettre des avis qui obligent leur destinataire à se présenter et à répondre sous serment à des questions relatives à une enquête et/ou à fournir des renseignements ou des documents. Elle allègue que l’article 102 de la loi BCIIP l’emporte expressément dans ce contexte sur l’immunité de common law disposant que nul n’est tenu de s’incriminer, et que l’article 62 fait du défaut de se conformer aux avis de l’ABCC une infraction pénale passible, pour les particuliers, d’une peine d’emprisonnement maximale de six mois et/ou d’une amende de 5 400 dollars australiens. Enfin, l’article 63 abroge une disposition antérieure qui permettait à la personne qui se présentait de réclamer des frais de représentation juridique pendant un interrogatoire obligatoire.
  7. 118. En ce qui concerne le code 2016, l’organisation plaignante explique que ce code énonce les exigences que doivent respecter les entrepreneurs pour pouvoir soumissionner et se voir attribuer des travaux de construction pour des projets financés par le gouvernement fédéral. L’organisation plaignante soutient que le code 2016 impose des restrictions sur le contenu des conventions collectives, qui s’appliqueraient en plus des limites énoncées dans la loi de 2009 sur le travail équitable et qui entravent gravement la capacité des travailleurs de négocier des conditions qui leur sont favorables dans les conventions collectives des entreprises. L’article 11 du code 2016 énumère une série de clauses qui ne peuvent pas se trouver dans les conventions. L’organisation plaignante affirme que la plus importante de ces restrictions se trouve à l’alinéa (1)(a) de l’article 11, qui interdit dans une convention toute clause qui impose ou vise à imposer des limites au droit d’une entité visée par le code (employeur) «de gérer son activité ou d’améliorer sa productivité». Plus précisément, l’organisation plaignante se réfère aux exemples de clauses interdites donnés dans le document qu’elle a soumis le 19 février 2016 à la Commission de l’éducation et de l’emploi du Sénat, joint à la plainte. Parmi ces exemples figurent les clauses qui exigent que les salariés des entreprises auxquelles des travaux sont confiés en sous-traitance bénéficient au moins des rémunérations et des conditions d’emploi des salariés permanents, les clauses qui limitent le paiement de certains droits par l’inclusion de ceux-ci dans la rémunération «rolled-up pay» et les clauses qui visent à passer outre les interdictions de l’article 11 en rendant nulles les clauses en question.
  8. 119. L’ACTU fait en outre référence à un certain nombre de restrictions imposées par le code 2016 en ce qui concerne le contenu des conventions collectives qui, selon lui, sont incompatibles avec le droit à la liberté syndicale et le droit syndical garantis par la convention no 87. A cet égard, l’organisation plaignante précise que les clauses qui permettent aux représentants syndicaux d’informer les salariés des avantages de l’affiliation syndicale ou de faire la promotion des avantages de cette affiliation sont interdites et considérées comme incompatibles avec le code 2016. De plus, l’alinéa (3)(k) de l’article 11 du code n’autorise pas les clauses qui donnent aux syndicats la capacité de surveiller les conventions collectives, par exemple à des fins de conformité. Enfin, l’alinéa (3)(d) et (e) de l’article 11 du code interdit les clauses qui obligent l’employeur à consulter un représentant syndical au sujet de la source, du nombre ou du type de salariés à embaucher ou de l’engagement de sous-traitants. L’organisation plaignante indique que, selon l’article 22 du code 2016, l’organe qui tranche la question de savoir si les clauses d’une convention sont incompatibles avec la loi est l’ABCC, un organe qui, selon elle, a déjà bien démontré son hostilité à l’égard des intérêts des travailleurs.
  9. 120. L’organisation plaignante soutient en outre que le code 2016 restreint le niveau auquel la négociation collective peut être menée, puisque l’article 10 interdit la négociation, la conclusion ou la mise en œuvre de conventions écrites non enregistrées, portant par exemple sur certains chantiers ou projets, tout en excluant explicitement de cette interdiction les contrats individuels de common law. L’organisation plaignante allègue que, par cette disposition, le code 2016 promeut les contrats individuels mais empêche la négociation collective au niveau déterminé par les parties elles-mêmes, et elle considère que ces mesures sont en contradiction avec l’obligation qui incombe au gouvernement de promouvoir la négociation volontaire, conformément à la convention no 98 de l’OIT.
  10. 121. L’ACTU allègue en outre que le code 2016 comprend des dispositions qui restreignent la liberté syndicale et portent indûment atteinte au droit des syndicats de s’organiser et de représenter efficacement les intérêts professionnels de leurs membres. A cet égard, l’organisation plaignante renvoie à l’alinéa (2)(p) de l’article 13 du code, selon lequel les travailleurs qui sont délégués ou représentants d’un syndicat ne sont pas autorisés à entreprendre ou à administrer la mise au courant à l’entrée en service. Dans le même ordre d’idées, elle renvoie également à l’article 14 du code, qui restreint l’accès des travailleurs à la représentation syndicale dans la mesure où son application entraîne l’incapacité des syndicats d’entrer sur le lieu de travail à l’invitation de l’employeur.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 122. Dans sa communication du 18 mai 2018, le gouvernement répond de façon détaillée aux allégations des organisations plaignantes. Il insiste sur le fait qu’il prend très au sérieux les obligations internationales de l’Australie, et que le droit à la liberté syndicale et la négociation collective ont été pris en compte lors de la rédaction de la loi BCIIP et du code 2016. Il affirme en outre que les conclusions de trois commissions royales et les nombreuses décisions de la juridiction fédérale à l’égard du syndicat du bâtiment et de la construction appuient la nécessité d’une réglementation spécifique pour ce secteur, y compris la nécessité d’imposer des peines plus sévères pour les infractions aux lois sur les relations du travail et de créer un organisme chargé de réguler ces relations dans ce secteur en particulier. Les rapports finals de la Commission royale Cole (2003) et de la Commission royale Heydon (2015), qui ont révélé des comportements criminels et illégaux, y compris des infractions aux lois pertinentes sur les relations du travail et la santé et la sécurité au travail, des paiements frauduleux, des violences physiques et verbales, des menaces, des actes d’intimidation et des abus du droit d’accès, contiennent des éléments probants qui confirment la nécessité d’une réforme. Le gouvernement cite plusieurs affaires concernant le Syndicat de la construction, de la foresterie, des industries extractives et de l’énergie (CFMEU), dans lesquelles les tribunaux ont trouvé des preuves de non-respect de la loi dans le secteur, et il ajoute que les employeurs se sont également comportés illégalement, notamment en contraignant des sous-traitants ou des salariés à s’affilier à un syndicat pour obtenir un emploi. Il indique en outre qu’il existe des ententes entre les grandes entreprises de construction et les syndicats du secteur, qui ont cherché à éliminer les petites entreprises de construction et à les exclure des grands projets, à moins qu’elles ne se soumettent aux exigences du cartel. Le gouvernement estime que, étant donné que ce secteur compte plus de 300 000 petites entreprises, ce comportement est particulièrement préoccupant, et il affirme avoir adopté la loi BCIIP pour lutter contre des comportements illicites persistants.
  2. 123. En ce qui concerne le processus d’adoption des nouveaux textes de loi, le gouvernement indique qu’il a consulté les organisations d’employeurs et de travailleurs du secteur sur les projets, et que ces consultations ont abouti à des modifications du code 2016. Le gouvernement explique que la loi BCIIP vise à fournir un cadre amélioré pour les relations professionnelles pour la construction afin de s’assurer que ces travaux sont exécutés de façon équitable, efficace et productive, sans distinction entre les intérêts des participants du secteur du bâtiment, et dans l’intérêt de l’économie australienne dans son ensemble. Il rappelle que cette industrie est la deuxième en importance en Australie et représente 8,1 pour cent du produit intérieur brut et environ 9 pour cent de l’emploi. En ce qui concerne le code 2016, le gouvernement indique que ce code fixe les normes de conduite attendues de tous les entrepreneurs en construction et participants du secteur qui entreprennent des travaux de construction financés par le Commonwealth. Le code exige que les entrepreneurs se conforment à la loi, y compris les lois sur les relations du travail qui traitent de la rémunération et des droits, de la sécurité des paiements ainsi que de la santé et de la sécurité au travail.
  3. 124. Le gouvernement explique que l’ABCC joue le rôle de régulateur spécialement pour le secteur du bâtiment et de la construction. Il dément l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle l’ABCC se concentre sur les enquêtes et les poursuites contre les syndicats, les cadres syndicaux et les travailleurs. Le gouvernement précise à cet égard que depuis le rétablissement de l’ABCC en décembre 2016 et, jusqu’à fin février 2018, 111 plaintes ont été déposées contre des employeurs, dont 76 ont fait l’objet d’une enquête, et 132 contre des syndicats ou des représentants syndicaux, dont 63 ont fait l’objet d’une enquête. L’ABCC fait partie d’un système d’inspection du travail et est légalement tenu d’exercer ses fonctions sans faire de distinction entre les intérêts des syndicats, des employeurs ou des entrepreneurs. Les demandes initiales des travailleurs de l’industrie du bâtiment et de la construction concernant les salaires et les droits sont traitées par l’ombudsman du travail équitable, principal organisme de réglementation du travail en Australie pour tous les secteurs et toutes les industries, et les questions concernant le secteur du bâtiment et de la construction qui nécessitent une enquête ou d’autres mesures sont soumises à l’ABCC. Le gouvernement renvoie à l’article 16 de la loi BCIIP concernant les fonctions de l’ABCC. Le paragraphe 3 de l’article 16 exige que l’ABCC s’acquitte de ses fonctions eu égard aux dispositions pertinentes de la loi sur le travail équitable, y compris concernant les salaires et les droits, le droit d’accès, l’action revendicative et les dispositions générales de protection. Le gouvernement souligne en outre que la loi BCIIP exige que l’ABCC ne fasse pas de distinction entre les intérêts des participants de l’industrie du bâtiment et veille à ce que les politiques et procédures adoptées et les ressources allouées pour protéger et faire respecter les droits et obligations découlant des lois pertinentes soient appliquées et utilisées d’une manière raisonnable et proportionnée. Le gouvernement indique que l’ABCC doit traiter toutes les demandes de renseignements et plaintes liées aux questions de salaire et de droits, et aussi mener des activités en amont pour s’assurer du respect des règles, par exemple des audits. Tant les plaintes que les audits peuvent donner lieu à des enquêtes. Selon le gouvernement, la baisse du nombre de conflits du travail dans l’industrie du bâtiment et de la construction tout au long de la période d’activité de l’ABCC (de 2005 à 2012 et de 2016 à 2018) est une preuve de l’efficacité de cet organe. A l’inverse, lorsque l’ABCC a été supprimé et remplacé par le Bureau de l’inspection du travail équitable dans le secteur du bâtiment et de la construction – de juin 2012 à décembre 2016 –, les conflits se sont multipliés et sont revenus à cinq fois la moyenne de tous les secteurs.
  4. 125. En ce qui concerne les «pouvoirs d’examen contraignants» de l’ABCC – appelés «pouvoirs d’enquête coercitifs» dans la plainte –, le gouvernement indique que la Commission royale Cole (2003) a recommandé l’octroi de tels pouvoirs au régulateur du secteur, car, sans eux, la culture de l’intimidation, bien connue dans ce secteur, empêcherait le signalement des comportements illicites. Ces pouvoirs sont nécessaires pour assurer le respect des lois australiennes sur les relations du travail et s’appliquent également aux employeurs et aux syndicats. Le gouvernement précise que, dans la pratique, ces pouvoirs sont largement utilisés à l’égard des employeurs, et il appuie cette déclaration en donnant le nombre d’«examens contraignants» menés chaque année entre 2014 et 2017. Il affirme en outre que, conformément au principe énoncé à l’article 8 de la convention no 87, l’ABCC applique la loi BCIIP. Il ajoute qu’à son avis l’obligation de non-ingérence énoncée à l’article 2 de la convention no 98 n’empêche pas les Etats parties de créer des organes d’enquête dotés de pouvoirs coercitifs pour réglementer le comportement de leurs organisations de travailleurs et d’employeurs et enquêter en la matière. Le gouvernement décrit en outre le processus d’émission des avis d’examen. L’ABCC peut s’adresser à un membre président du tribunal administratif d’appel – nommé par le ministre – et demander la délivrance d’un avis d’examen s’il a de bonnes raisons de croire qu’une personne possède des informations ou des documents ou est en mesure de fournir des preuves pertinentes dans le cadre d’une enquête. Une fois l’avis émis, l’ABCC peut le remettre à la personne concernée et lui demander de fournir des renseignements, de produire des documents ou de comparaître devant lui. Le gouvernement confirme que la loi BCIIP exclut la possibilité d’invoquer l’immunité de common law disposant que nul n’est tenu de s’incriminer pour refuser de fournir des renseignements en vertu d’un avis d’examen, mais il déclare que la loi tient compte de la gravité de l’abrogation de cette immunité en prévoyant une autre immunité concernant tant l’utilisation que l’utilisation dérivée des renseignements obtenus dans ces circonstances. Pour cette raison, dans la plupart des procédures pénales ou civiles, les renseignements fournis ne peuvent pas être utilisés contre la personne, et ces pouvoirs sont rarement utilisés pour interroger une personne soupçonnée d’avoir enfreint la loi. Au contraire, ces pouvoirs sont très souvent invoqués à la demande de la victime ou du témoin lui-même, qui veulent éviter d’avoir à subir des représailles pour avoir coopéré avec l’ABCC.
  5. 126. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la loi BCIIP a instauré des sanctions, applicables aux actions revendicatives illégales dans le secteur de la construction, qui sont sensiblement plus lourdes que celles applicables à des actes similaires dans d’autres secteurs, le gouvernement indique que les sanctions applicables à tous les secteurs en vertu de la loi sur le travail équitable étaient insuffisantes pour décourager les comportements illicites dans le secteur du bâtiment et de la construction. Cela ressort des éléments de preuve reçus par la Commission royale Cole (2003), qui montrent que les participants de l’industrie de la construction sont d’avis qu’enfreindre la loi n’a pas réellement de conséquences. Le gouvernement indique donc que la lourdeur des sanctions est une réponse à la significative et persistante situation anarchique dans le secteur, et il cite à cet égard un extrait du rapport final du juge Heydon, commissaire de la Commission royale sur la gouvernance des organisations syndicales et la corruption, qui mentionne dans ledit rapport que «... les sanctions actuelles ne permettent pas de décourager les comportements illicites des syndicats de la construction, et les fonctionnaires de justice ont noté que le CFMEU semblait voir dans les pénalités financières des frais d’exploitation comme les autres. Cela donne à penser que des sanctions maximales plus élevées ne sauraient être considérées comme disproportionnées par rapport au préjudice causé par les actions revendicatives illégales et les pressions, en particulier lorsque le choix des sanctions d’une affaire à l’autre est soumis à la discrétion judiciaire habituelle.» Le gouvernement indique que les niveaux de sanctions prévus par la loi BCIIP s’appliquent de façon égale à tous les participants de l’industrie du bâtiment, y compris les employeurs. Il indique également que depuis la création de l’ABCC, en 2005, des sanctions de plus de 14,4 millions de dollars australiens ont été imposées au CFMEU pour des infractions aux lois sur les relations du travail dans des affaires portées par l’ABCC et ses prédécesseurs. Enfin, le gouvernement cite plusieurs décisions de justice récentes dans lesquelles il est indiqué que les sanctions doivent avoir un effet dissuasif approprié pour lutter contre les comportements illégaux persistants. Plus spécialement, il se réfère à une décision de la Haute Cour d’Australie en date du 14 février 2018, dans laquelle la cour confirme qu’un cadre syndical peut être tenu de payer ses propres amendes, estimant que, «... si une sanction n’entraîne pas une douleur ou un fardeau, elle peut ne pas avoir un fort effet dissuasif, spécifique ou général, si tant est qu’elle en ait un...».
  6. 127. En ce qui concerne l’instauration de l’interdiction des piquets de grève illégaux dans la loi BCIIP, le gouvernement indique que cette interdiction est nécessaire dans l’intérêt de la sécurité publique, de l’ordre public et de la protection des droits et libertés d’autrui. Il souligne que cette interdiction n’a en soi aucune incidence sur le fait de participer à des actions revendicatives protégées ou de mener de telles actions en vertu de la loi sur le travail équitable. Le gouvernement indique que l’article 47 de la loi BCIIP interdit d’organiser une action visant à empêcher ou à restreindre l’accès ou la sortie d’un chantier ou d’un site annexe, ou de prendre part à une telle action. Cette disposition interdit également toute action qui empêche ou restreint directement l’accès ou la sortie du site, ou qui risquerait vraisemblablement d’intimider une personne qui accède au site ou le quitte. Le gouvernement précise en outre que cette interdiction se limite à l’action de piquetage motivée par un but industriel, ou illégale pour autre raison, et elle poursuit l’objectif légitime d’interdire les piquets de grève qui sont conçus pour causer un préjudice économique aux participants de l’industrie du bâtiment. Le gouvernement rappelle que la Commission royale Heydon a constaté que les piquets de grève étaient plus fréquents dans le secteur de la construction que dans les autres secteurs et qu’ils avaient un impact disproportionné sur les travailleurs et leurs employeurs; ils doivent donc être traités différemment dans ce secteur. Selon le gouvernement, l’article 47 de la loi BCIIP vise un comportement particulier, par exemple celui de personnes qui ne sont pas des salariés d’un chantier touché et qui cherchent néanmoins à perturber le travail sur ce site. Pour illustrer ses propos, le gouvernement fait référence au blocage d’un chantier de Melbourne en 2012 par des membres du CFMEU qui a dégénéré en violences et a provoqué de graves perturbations dans la communauté. Le gouvernement indique enfin que l’article 47 de la loi BCIIP donne accès à une voie légale de recours rapide aux personnes touchées et permet à l’ABCC de présenter à un tribunal une requête contre les parties impliquées dans un piquet de grève illégal. Le gouvernement s’attend à ce que cela ait un effet dissuasif et à ce que la culture du secteur change ainsi pour le mieux.
  7. 128. En ce qui concerne les restrictions qui seraient imposées à la négociation collective et au contenu des conventions collectives en vertu du code 2016, le gouvernement affirme que ces restrictions établissent un équilibre entre le droit des salariés de négocier leurs conditions d’emploi et la nécessité de veiller à ce que les employeurs, en particulier les petits sous-traitants, soient en mesure de gérer leurs entreprises efficacement et de manière productive. Le gouvernement indique que le code 2016 interdit les dispositions qui limiteraient la capacité des travailleurs et de leurs employeurs de déterminer leurs conditions de travail quotidiennes. Il s’inquiète du fait que les clauses restrictives des accords d’entreprise, qui sont souvent imposées aux sous-traitants par les entrepreneurs principaux qui ont conclu des accords avec les syndicats, contribuent à engendrer des coûts et des retards dans les projets menés dans le secteur du bâtiment et de la construction. Le gouvernement cite un rapport du Business Council of Australia publié en juin 2012 à l’appui de l’idée selon laquelle l’Australie est un pays où les coûts sont élevés et la productivité faible pour les projets de construction d’infrastructures. Il énumère un certain nombre de clauses restrictives que l’on trouve souvent dans les accords d’entreprise de l’industrie du bâtiment et de la construction, parmi lesquelles des clauses dites «jump up» qui prévoient que les sous-traitants ne peuvent être engagés que s’ils offrent des salaires et des conditions au moins aussi favorables que ceux prévus dans l’accord d’entreprise qui s’applique à l’entrepreneur principal. Le gouvernement indique que cette clause, présente dans 70 pour cent des accords de construction choisis aléatoirement et étudiés par la commission sur la productivité, a comme effet direct l’augmentation du coût salarial et, donc, du coût global du projet. Il ajoute que ces clauses restrictives courantes entravent considérablement le droit des sous-traitants de mener librement une négociation collective, étant donné qu’ils doivent accepter les accords conclus par les entrepreneurs principaux et les syndicats pour pouvoir exécuter des travaux sur certains types de projets de construction. Enfin, le gouvernement indique que la limitation des clauses des conventions collectives imposée par le code 2016 ne s’applique qu’aux constructeurs qui souhaitent entreprendre des travaux de construction financés par le Commonwealth, et il rejette l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle l’ABCC a un parti pris contre les syndicats lorsqu’il détermine si telles ou telles clauses sont admissibles en vertu du code.
  8. 129. S’agissant des limites prétendument imposées par le code 2016 concernant le niveau auquel la négociation collective peut être menée, le gouvernement indique que, en vertu de l’article 59 de la loi BCIIP, les conventions collectives de chantier ne sont pas exécutoires. Le gouvernement explique de nouveau que cette disposition se justifie par le fait que de nombreux sous-traitants du secteur sont forcés d’accepter ces conventions pour pouvoir travailler sur certains types de projets. En ce qui concerne les dispositions pertinentes du code 2016, le gouvernement explique qu’elles n’encouragent pas les contrats individuels. Au contraire, le code interdit les conventions collectives de chantier pour décourager les «accords parallèles», à savoir les accords informels et autres arrangements que peuvent conclure les entrepreneurs en construction et les syndicats qui cherchent à contourner les dispositions du code qui interdisent certaines clauses dans les accords d’entreprise et à obtenir des conditions d’emploi standard pour les groupes de salariés de l’industrie du bâtiment qui ont des accords d’entreprise distincts et variés. Selon le gouvernement, le code 2016 exige que les critères d’attribution et conditions d’emploi susmentionnés soient traités dans des accords d’entreprise (ou des accords de flexibilité individuels) conclus en vertu de la loi sur le travail équitable ou dans des accords de common law entre employeurs et salariés à titre individuel. Le code décourage l’utilisation d’accords sortant de ce cadre afin d’assurer la transparence et la supervision par la Commission du travail équitable, qui est le tribunal national indépendant des relations du travail en Australie. Enfin, le gouvernement souligne que cette interdiction est inspirée par l’intention claire de protéger une négociation collective véritable dans le secteur du bâtiment et de la construction compte tenu du contexte australien.
  9. 130. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle diverses dispositions du code 2016 entravent la liberté syndicale et portent atteinte aux droits des syndicats de s’organiser et de représenter leurs membres, le gouvernement indique que les mesures en question sont raisonnables et nécessaires pour protéger la sécurité et les droits de tous les travailleurs. Elles garantissent également que les processus en vigueur sur les chantiers font l’objet de la surveillance voulue. Le gouvernement indique en outre que, conformément à la conclusion des mécanismes de contrôle de l’OIT selon laquelle il appartient à chaque Etat Membre de décider s’il convient de garantir le droit de ne pas se syndiquer, la partie 3-1 de la loi sur le travail équitable garantit clairement ce droit en Australie. Toutefois, ce droit n’est pas toujours respecté dans le secteur du bâtiment et de la construction où il est avéré que certains chantiers sont considérés comme des «chantiers de syndicat» et où tous les travailleurs sont censés être syndiqués. Au vu de ces éléments, le gouvernement considère qu’il est nécessaire de protéger les droits et libertés de tous les salariés par des dispositions juridiques spécifiques.
  10. 131. En ce qui concerne la restriction alléguée du droit d’accès des représentants syndicaux aux chantiers de construction, le gouvernement indique que le code 2016 exige simplement que ce droit d’accès soit exercé conformément aux dispositions de la loi sur le travail équitable ou d’une loi pertinente sur la santé et la sécurité au travail. Il explique que, dans certaines conditions, on peut exercer le droit d’accès pour enquêter sur des infractions présumées à la loi sur le travail équitable ou à une disposition d’un instrument relatif au travail équitable. Ce droit peut également servir pour discuter avec des salariés, faire exercer un droit d’Etat ou de territoire en matière de santé et de sécurité au travail, enquêter sur une infraction présumée à la loi de 2011 sur la santé et la sécurité au travail, ou consulter les travailleurs ou leur donner des conseils sur des questions de santé et de sécurité au travail. Le gouvernement affirme que le fait de soumettre le droit d’accès à ce cadre juridique est raisonnable, nécessaire et proportionné. Pour appuyer cet argument, il cite des éléments de preuve selon lesquels certains cadres syndicaux abusent des dispositions relatives au droit d’accès en entrant sur un chantier pour perturber le travail et causer des pertes économiques aux entreprises pour des raisons qui ne sont pas liées à des préoccupations légitimes en matière de santé et de sécurité ou de relations du travail.
  11. 132. En ce qui concerne l’interdiction des clauses dans les conventions collectives qui obligent les employeurs à consulter les syndicats au sujet de la source, du nombre ou du type de salariés à embaucher, ou de l’engagement de sous-traitants, le gouvernement indique que, compte tenu des circonstances dans l’industrie du bâtiment et de la construction, cette interdiction est nécessaire pour permettre une gestion efficace et productive des activités. Il indique en outre que de nombreux accords d’entreprise contiennent des clauses qui, d’une certaine manière, restreignent l’engagement de sous-traitants par l’employeur, notamment en exigeant la consultation des syndicats. C’est dans le secteur du bâtiment et de la construction que ces clauses sont les plus répandues. En effet, au 30 septembre 2017, 19,7 pour cent des accords d’entreprise contenaient ce type de clauses; au niveau national, elles sont donc utilisées dans ce secteur dans 62,4 pour cent des cas. Le gouvernement considère que les restrictions énoncées dans ces clauses ont conduit les syndicats à exercer des pressions sur les employeurs pour qu’ils n’engagent pas un sous-traitant si celui-ci n’a pas conclu un accord d’entreprise avec un syndicat. Selon le gouvernement, ces clauses donnent aux syndicats un pouvoir disproportionné sur les chantiers de construction, limitent le droit de l’employeur de gérer et d’améliorer son entreprise et empêchent l’employeur de déterminer avec ses travailleurs comment et par qui le travail est effectué. Dans un arrêt de la Federal Circuit Court, il est établi qu’un cadre du CFMEU a dit aux travailleurs:
    • Ceci est un site de travail syndiqué et tous ceux qui veulent travailler sur le site doivent être syndiqués ... si vous ne voulez pas vous syndiquer ... je vais ... demander que vous soyez remplacés par des travailleurs qui ont plus l’esprit d’équipe ... le CFMEU a obtenu ce travail [au sous-traitant] en mettant leur nom en avant dans une liste de sous-traitants. Maintenant [le sous-traitant] a des travailleurs sur place qui ne sont pas syndiqués et [le sous-traitant] savait que c’était un site du syndicat.
  12. Le gouvernement affirme que, bien que cet arrêt ne fasse pas spécifiquement référence à la clause de consultation dans l’accord d’entreprise, les propos du cadre syndical donnent fortement à penser que le syndicat a profité de cette clause pour donner la préférence aux sous-traitants qui emploient des membres du syndicat. Il souligne en outre que, bien que le code 2016 interdise l’inclusion de clauses exigeant la consultation sur des questions précises, rien n’interdit réellement aux syndicats de participer à des consultations sur la source, le nombre ou le type de salariés à engager ou sur l’engagement de sous-traitants.
  13. 133. En ce qui concerne l’interdiction des clauses des conventions collectives qui donnent aux syndicats la capacité de surveiller le respect de ces conventions, le gouvernement indique que les organes compétents pour surveiller le respect de ces conventions sont l’organisme de régulation des relations du travail (en l’occurrence l’ABCC) et les tribunaux.
  14. 134. En ce qui concerne l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle les dispositions du code 2016 qui excluent les délégués ou représentants syndicaux des processus de mise au courant à l’entrée en service sont incompatibles avec la liberté syndicale et le droit d’organisation, le gouvernement dit respecter le droit des salariés d’adhérer ou non à un syndicat. Selon le gouvernement, ces dispositions ne visent qu’à prévenir les pressions indues visant à inciter les salariés à adhérer à un syndicat au début d’un nouvel emploi ou d’un nouveau projet, lorsqu’ils sont particulièrement vulnérables à de telles pressions. Les syndicats peuvent exercer leur droit d’accès pour promouvoir l’affiliation syndicale à d’autres moments, conformément aux dispositions sur le droit d’accès de la loi sur le travail équitable. Les dispositions du code 2016 visent seulement à éviter que des travailleurs soient exclus d’un chantier parce qu’ils ne sont pas membres d’un syndicat. Le gouvernement soutient que ce n’est pas en forçant les travailleurs à adhérer à un syndicat ou en exerçant des pressions en ce sens que l’on protège la liberté syndicale. Il estime que ces dispositions sont nécessaires, compte tenu de la culture qui prévaut dans ce secteur et qui peut amener les salariés à recevoir des informations trompeuses sur la nécessité d’adhérer à un syndicat pour être autorisés à travailler. Le gouvernement indique que les tribunaux ont été saisis de nombreuses affaires dans lesquelles des cadres syndicaux, lors de la mise au courant à l’entrée en service, ont empêché des travailleurs non syndiqués de travailler sur des chantiers. Il donne deux exemples à cet égard. Le premier concernait un cas dans lequel un cadre syndical, lors de la mise au courant à l’entrée en service sur un chantier de construction, n’autorisait pas les travailleurs à venir sur le chantier tant qu’ils n’avaient pas payé leur cotisation. Le deuxième exemple concernait un cas dans lequel un cadre syndical a dit à deux nouveaux travailleurs qui n’étaient pas syndiqués qu’ils n’étaient pas autorisés à venir sur le chantier. En outre, le gouvernement estime que la mise au courant à l’entrée en service est une tâche qui ne peut être déléguée et dont la responsabilité incombe à la personne qui gère le chantier, par exemple l’entrepreneur principal ou l’employeur.
  15. 135. Dans sa communication du 5 octobre 2018, le gouvernement transmet les observations de la Chambre australienne de commerce et d’industrie (ACCI), à la demande de celle-ci. L’ACCI dit être très présente dans tout le secteur australien du bâtiment et de la construction, et en particulier dans le secteur de la construction sur chantier, directement concerné par les travaux de l’ABCC. Elle expose en détail son point de vue sur les allégations de l’organisation plaignante et fournit aussi ce qu’elle considère comme des informations générales essentielles sur lesquelles s’est fondé le législateur pour légiférer sur l’ABCC en 2016.
  16. 136. L’ACCI soutient que, de manière générale, l’organisation plaignante n’étaye aucunement son allégation selon laquelle la loi BCIIP serait incompatible avec le principe d’égalité devant la loi, mais elle répond tout de même aux allégations plus précises selon lesquelles cette loi imposerait des sanctions plus sévères, donnerait une interprétation étroite de la notion d’action protégée et instaurerait une interdiction générale des piquets de grève illégaux.
  17. 137. En ce qui concerne les sanctions plus sévères, l’ACCI soutient que, compte tenu de la culture de mépris de la loi qui existe dans les syndicats de la construction, mise en évidence au fil des années par plusieurs commissions royales et tribunaux australiens, seules des peines plus lourdes peuvent avoir un réel effet dissuasif. L’ACCI se réfère en particulier à la Commission royale sur la gouvernance et la corruption de 2015, dont le rapport intérimaire indiquait que l’association avec l’un des puissants syndicats du secteur soulevait des questions fondamentales concernant la réglementation du secteur du bâtiment et de la construction et la culture de mépris volontaire de la loi, alors que le rapport final faisait référence à une mauvaise conduite généralisée et profondément ancrée des syndicats et de leurs cadres. L’ACCI cite des décisions prises ultérieurement contre un syndicat du secteur qui, selon elle, sont symptomatiques des pratiques d’atelier fermé qui font que les sous traitants et les petites entreprises sont traités de façon défavorable ou empêchés de travailler sur les chantiers s’ils ne sont pas membres du syndicat ou n’adhérent pas aux arrangements préférentiels du syndicat en question. Elle soutient que la loi sur le travail équitable et les outils à la disposition des tribunaux n’offrent pas des moyens suffisants pour lutter contre cette illégalité et qu’une réponse plus énergique s’impose. L’ACCI rappelle en outre que les peines prévues par la loi sont des peines maximales et que c’est aux tribunaux qu’il revient de déterminer la peine appropriée de façon indépendante, en tenant compte du principe de proportionnalité.
  18. 138. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les actions revendicatives auraient été limitées de façon excessive du fait de l’adoption de la notion de personnes protégées, l’ACCI déclare qu’un droit protégé de mener une action revendicative soumise à des limitations raisonnables existe officiellement depuis l’introduction, en 1993, de la loi portant réforme des relations du travail. L’ACCI se réfère également à l’adoption plus récente de la loi sur le travail équitable et aux conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2698, pour lequel, selon l’ACCI, le comité recommandait la révision de certaines dispositions mais ne concluait pas que la loi était incompatible avec les principes de la liberté syndicale. L’ACCI fait observer que les dispositions de la loi BCIIP diffèrent de celles de la loi sur le travail équitable en ce sens que les actions revendicatives protégées en vertu de cette dernière loi ne seront pas protégées si elles sont menées de concert avec des personnes qui ne sont pas liées à la négociation aux fins de la conclusion d’un accord d’entreprise ou organisées par de telles personnes. L’ACCI est d’avis que les restrictions de l’action revendicative sont raisonnables, nécessaires et proportionnées aux objectifs légitimes énoncés dans l’exposé des motifs de la loi BCIIP et comme il ressort clairement des comportements et de la culture qui prévalent dans le secteur du bâtiment et de la construction, notamment la nécessité de faire reconnaître davantage le droit de tout salarié de pouvoir choisir s’il souhaite adhérer ou non à une association.
  19. 139. En ce qui concerne l’allégation relative à l’interdiction des piquets de grève illégaux, l’ACCI note avec intérêt que l’OIT a déclaré que l’interdiction des piquets de grève ne se justifie que si la grève perd son caractère pacifique. L’ACCI fait observer que le Comité de la liberté syndicale a établi une distinction entre les piquets de grève pacifiques et ceux qui s’accompagnent d’actes de violence ou de coercition à l’endroit des non-grévistes dans le but d’entraver leur liberté de travail. Les dispositions de la loi BCIIP s’inscrivent dans le contexte d’un secteur qui connaît souvent des actions qui ne sont pas pacifiques, où la coercition est présente et où certains tentent de restreindre la liberté d’accès au travail des travailleurs non syndiqués et non grévistes.
  20. 140. En ce qui concerne le niveau auquel la négociation collective peut être menée, l’ACCI affirme que le code 2016 ne modifie pas les exigences imposées à ce sujet par la loi sur le travail équitable ni la définition d’entreprise seule et unique. L’article 10 prévoit simplement que l’on ne peut pas utiliser des accords parallèles pour prévoir des conditions ou des restrictions qui n’ont pas pu être incluses dans un accord d’entreprise. De plus, si l’on examine ce qui se fait en pratique, on peut difficilement dire qu’il n’y a pas de négociation collective volontaire puisque 203 des 680 conventions collectives approuvées au cours du troisième trimestre de 2017 proviennent du secteur du bâtiment et de la construction, et que les 4 200 conventions en vigueur à cette même période représentent 32,5 pour cent de toutes les conventions collectives en vigueur en Australie.
  21. 141. De manière plus générale, l’ACCI estime que le cas antérieur examiné par le Comité de la liberté syndicale dans les années deux mille qui concernait l’ancienne législation relative à l’ABCC et le présent cas se distinguent par plusieurs aspects: 1) en application de la législation de 2016, le commissaire doit maintenant s’adresser au tribunal administratif d’appel pour être en mesure d’exiger la comparution des témoins, obtenir des documents, etc.; 2) le commissaire doit aviser l’ombudsman du Commonwealth de l’émission d’un avis d’examen, ce qui offre un niveau supplémentaire de contrôle et de protection; 3) le commissaire doit s’assurer que les politiques et procédures adoptées et les ressources allouées sont appliquées et utilisées, dans la mesure du possible, d’une manière raisonnable et proportionnée à l’égard de chacune des catégories de participants du secteur du bâtiment.
  22. 142. Selon l’ACCI, d’autres circonstances font que ce cas est différent puisque les partenaires sociaux ont à de nombreuses reprises eu l’occasion de participer utilement à l’établissement de la législation qui a recréé l’ABCC, que ce soit dans le cadre du comité australien de la législation sur les relations professionnelles ou en transmettant leurs observations directement aux législateurs. En outre, les autorités ont apporté depuis la plainte précédente des changements fondamentaux, qui modifient de manière significative la législation et la pratique australiennes en matière de relations du travail. L’ACCI soutient donc que les conclusions tirées pour le cas précédent ne sont pas pertinentes pour l’examen de la loi BCIIP.
  23. 143. L’ACCI souligne que le code 2016 a pour principale fonction d’établir des normes minimales concernant la conduite de l’employeur et les attentes si celui-ci décide de soumissionner pour des travaux publics, mais qu’il ne réglemente en aucune façon ni les salariés ni les syndicats. Le code 2016 vise à promouvoir l’amélioration du cadre des relations du travail et des chantiers de construction qui soient sûrs, sains, équitables, légaux et productifs pour tous les participants du secteur du bâtiment, d’une manière pleinement conforme à la convention (no 94) et à la recommandation (nº 84) sur les clauses de travail (contrats publics), 1949 (non ratifiées par l’Australie), mais qui ne relèvent pas non plus du mandat du Comité de la liberté syndicale. L’ACCI conteste l’allégation selon laquelle le code 2016 restreindrait les droits des parties à la négociation collective, comme le démontrent les statistiques citées ci-dessus. En outre, le Code impose des obligations et des responsabilités aux employeurs et non directement aux travailleurs ou aux syndicats, et la sanction est de nature commerciale plutôt que pénale ou pécuniaire. Enfin, l’ACCI conteste les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles l’ABCC aurait démontré son hostilité à l’égard des intérêts des travailleurs, une allégation que l’ACCI estime totalement infondée, alors qu’il existe de nombreux mécanismes de surveillance qui offrent une protection contre toute partialité dans l’application de la loi. L’ACCI ajoute que l’ABCC a, sur ses six premiers mois de fonctionnement, ouvert 118 enquêtes, dont 50 concernaient le comportement d’employeurs et la protection des intérêts des travailleurs, une tendance qui s’est poursuivie.
  24. 144. En ce qui concerne les allégations spécifiques de restrictions quant aux questions pouvant faire l’objet d’une négociation collective, l’ACCI affirme ce qui suit: 1) la loi sur le travail équitable comprend des dispositions adéquates sur le droit d’accès qui fixent une réglementation légale ne devant pas faire l’objet d’une réglementation parallèle au moyen de conventions collectives; 2) le code 2016 ne limite pas le droit des syndicats de promouvoir l’affiliation, mais interdit d’utiliser des clauses de conventions collectives pour forcer les entreprises à promouvoir activement l’affiliation syndicale, ce qui pourrait induire les employés en erreur sur leurs droits de liberté syndicale; 3) en ce qui concerne la surveillance des conventions collectives, il convient que les syndicats ne soient pas en mesure d’imposer un rôle permanent dans la gestion des organisations ou la surveillance du travail, surtout lorsqu’une fonction d’inspection et d’application bien développée est assurée; 4) les préoccupations relatives au respect des conventions peuvent faire l’objet d’une enquête, et les syndicats peuvent entrer sur les chantiers et demander à examiner les dossiers ou ouvrir le dialogue à la demande d’un membre. En ce qui concerne les clauses prévoyant la consultation sur l’engagement des salariés, l’ACCI soutient que: 1) donner aux syndicats un droit de veto sur les personnes embauchées constituerait un mauvais usage de la négociation collective; 2) l’article 11 n’interdit pas, ne restreint pas ou n’entrave pas le droit d’un employeur ou d’un salarié de consulter un syndicat sur ces questions; il interdit simplement que cette consultation soit imposée.
  25. 145. En ce qui concerne les accords de flexibilité individuels dans le code 2016, l’ACCI précise que ces accords sont une possibilité légale expressément prévue dans la loi sur le travail équitable et qu’ils coexistent en parallèle avec les conventions collectives et ne les remplacent pas. Ces accords sont mal utilisés et les syndicats peuvent réduire ou préciser leur portée par la négociation collective. En ce qui concerne les processus de mise au courant à l’entrée en service, l’ACCI soutient que des réunions obligatoires avec les dirigeants syndicaux sur le chantier créeraient un risque inacceptable de coercition et de fausse représentation du droit des travailleurs de choisir de s’associer ou non avec un syndicat sur place.
  26. 146. L’ACCI précise que les syndicats de la construction jouissent du droit légal d’entrer sur les chantiers et exercent ce droit régulièrement. Ce qui n’est pas autorisé, c’est de prévoir une disposition standard dans une convention collective proposée qui permettrait à une personne à qui un permis d’entrée a été refusé pour des raisons légales de pénétrer sur les lieux. Cela permet de réduire au minimum les perturbations sur les lieux de travail et d’éviter que le droit d’accès des représentants chargés de la sécurité ne soit utilisé à mauvais escient.
  27. 147. L’ACCI affirme pour conclure qu’il n’y a pas assez d’éléments factuels pour démontrer que la législation en question est d’une quelconque façon contraire aux principes de la liberté syndicale et de la reconnaissance effective du droit à la négociation collective, car les allégations de l’organisation plaignante manquent de précision et de substance. Ce secteur fait l’objet d’une réglementation et d’une surveillance spécifiques depuis plus de quinze ans, indépendamment du gouvernement au pouvoir.
  28. 148. Enfin, dans sa communication du 3 février 2019, le gouvernement fournit un résumé des principales conclusions d’une analyse indépendante de la loi BCIIP, demandée par la loi et faisant suite à des consultations avec les partenaires sociaux, qui a été présenté au Parlement le 6 décembre 2018 avec la réponse du gouvernement, et peut être consulté par le public. En ce qui concerne les pouvoirs d’enquête prétendument coercitifs de l’ABCC, les auteurs de cette analyse concluent que les garanties et les mécanismes de responsabilité publique inclus dans les mécanismes de surveillance actuels sont adéquats et appropriés, et ils soulignent en outre que le gouvernement a modifié le projet de loi pour y inclure des garanties supplémentaires après que l’ACTU avait exprimé ses préoccupations lors des premières délibérations. En ce qui concerne le niveau des sanctions, les auteurs de l’analyse concluent qu’il existe peu de données sur leur effet dissuasif à ce jour et qu’aucun changement ne devrait donc être adopté à ce stade.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 149. Le comité note qu’il est allégué dans le présent cas que la loi BCIIP, entrée en vigueur le 1er décembre 2016, et le code 2016 y afférent, publié par le ministre des Petites entreprises familiales, du Milieu de travail et de la Libéralisation, violent les droits de liberté syndicale dans le secteur de la construction. Selon l’organisation plaignante, la loi BCIIP rétablit l’ABCC, un organisme officiel créé du fait de l’adoption de la loi de 2005 sur l’amélioration de l’industrie du bâtiment et de la construction (ci-après loi BCII, qui avait déjà fait l’objet de commentaires par le comité).
  2. 150. Le comité note que le gouvernement indique qu’il prend très au sérieux les obligations internationales de l’Australie, et que le droit à la liberté syndicale et la négociation collective ont été pris en compte lors de la rédaction de la loi BCIIP et du code 2016. Le gouvernement et l’ACCI affirment en outre que les conclusions de trois commissions royales et de nombreuses décisions de la juridiction fédérale à l’égard du syndicat du bâtiment et de la construction appuient la nécessité d’une réglementation spécifique pour ce secteur, y compris la nécessité d’imposer des peines plus sévères pour les infractions aux lois sur les relations du travail et de créer un organisme chargé de réguler ces relations dans ce secteur en particulier. Le gouvernement ajoute qu’il a également été établi que des employeurs s’étaient comportés illégalement, notamment en contraignant des sous-traitants ou des salariés à s’affilier à un syndicat pour obtenir un emploi et en concluant des ententes, un vrai problème dans une industrie qui compte plus de 300 000 petites entreprises.
  3. 151. En ce qui concerne les allégations spécifiques selon lesquelles la loi instaure une interdiction, propre au secteur de la construction, visant les «piquets de grève illégaux», qui incluent toute action revendicative qui restreint directement l’accès à un chantier ou sa sortie, ou qui a cet objectif, y compris le simple fait d’organiser une telle action, avant même que les personnes se rassemblent physiquement, le comité note que le gouvernement a fait savoir que cette interdiction était nécessaire dans l’intérêt de la sécurité publique, de l’ordre public et de la protection des droits et libertés d’autrui, sans que cette interdiction ait en soi la moindre incidence sur le fait de participer à des actions revendicatives protégées ou de mener de telles actions en vertu de la loi sur le travail équitable. Bien que l’organisation plaignante allègue que des réunions pacifiques et la communication d’informations aux personnes entrant dans un chantier ou en sortant relèveraient de ces dispositions, l’ACCI fait observer que les dispositions de la loi BCIIP s’inscrivent dans le contexte d’un secteur qui connaît souvent des actions qui ne sont pas pacifiques, où la coercition est présente et où certains tentent de restreindre la liberté d’accès au travail des travailleurs non syndiqués et non grévistes. Le gouvernement maintient quant à lui que cette interdiction vise les piquets de grève illégaux conçus pour causer un préjudice économique aux participants de l’industrie du bâtiment à des fins revendicatives, mais ne vise pas les mesures qui ont pour objet d’attirer l’attention sur un problème social, environnemental ou local. Il ajoute que cette disposition vise un comportement particulier, par exemple celui de personnes qui ne sont pas des salariés d’un chantier de construction touché et qui cherchent néanmoins à y perturber le travail.
  4. 152. Le comité rappelle qu’il a estimé que l’interdiction des piquets de grève ne se justifierait que si la grève perdait son caractère pacifique. Il a également jugé légitime une disposition légale interdisant aux piquets de grève de troubler l’ordre public et de menacer les travailleurs qui poursuivraient leurs occupations. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 937 et 938.] Le comité note que l’article 47 de la loi BCIIP inclut dans la définition du piquet de grève illégal, entre autres, tout acte qui a pour but d’empêcher ou de restreindre l’accès à un chantier de construction ou sa sortie ou qui est raisonnablement susceptible d’intimider une personne et de la dissuader de le faire. Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que cette interdiction soit appliquée de manière conforme aux principes de la liberté syndicale et de la reconnaissance effective du droit de négociation collective et de fournir des informations détaillées sur l’application dans la pratique de cette disposition au cours des trois années à venir et de fournir une copie de toute décision judiciaire pertinente concernant l’interprétation de cette disposition pendant cette période.
  5. 153. En ce qui concerne l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle l’alourdissement significatif des sanctions maximales applicables concernant les actions revendicatives ou coercitives illégales et la nouvelle restriction relative aux «piquets de grève illégaux» prévue dans la loi BCIIP violent la liberté syndicale dans le secteur de la construction, le comité prend note de l’explication du gouvernement selon laquelle les sanctions prévues par la loi sur le travail équitable pour tous les secteurs étaient insuffisantes pour décourager les comportements illicites dans le secteur du bâtiment et de la construction, comme cela ressort des éléments de preuve reçus par la Commission royale Cole. L’ACCI soutient cette affirmation et souligne que les peines prévues par la loi sont des peines maximales et que c’est aux tribunaux qu’il revient de déterminer la peine appropriée de façon indépendante, en tenant compte du principe de proportionnalité. En l’absence d’exemples concrets d’imposition abusive de ces amendes, le comité ne dispose pas d’informations suffisantes pour conclure que la disparité des amendes infligées pour des actions revendicatives illégales dans le secteur de la construction entraverait l’exercice de la liberté syndicale dans ce secteur, mais il rappelle que de telles amendes ne devraient pas être imposées lorsque la définition du caractère illégal des actions revendicatives n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale.
  6. 154. Enfin, le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles la loi BCIIP donne des pouvoirs d’enquête coercitifs au nouvel ABCC, un organe qui a déjà, selon elle, bien démontré son hostilité à l’égard des intérêts des travailleurs, qui lui permettent d’émettre des avis obligeant leur destinataire à se présenter et à répondre sous serment à des questions relatives à une enquête et/ou à fournir des renseignements ou des documents et qui l’emportent expressément sur l’immunité de common law disposant que nul n’est tenu de s’incriminer. En vertu de l’article 62 de la loi BCIIP, le défaut de se conformer aux avis de l’ABCC est une infraction pénale passible, pour les particuliers, d’une peine d’emprisonnement maximale de six mois et/ou d’une amende de 5 400 dollars australiens. Le gouvernement, pour sa part, indique que: i) l’ABCC fait partie d’un système d’inspection du travail et est légalement tenu d’exercer ses fonctions sans faire de distinction entre les intérêts des syndicats, des employeurs ou des entrepreneurs; ii) ces pouvoirs ont été accordés au régulateur du secteur sur recommandation de la Commission royale Cole qui a estimé que, sans eux, la culture de l’intimidation, bien connue dans ce secteur, empêcherait le signalement des comportements illicites; iii) l’obligation de non-ingérence énoncée à l’article 2 de la convention no 98 n’empêche pas les Etats parties de créer des organes d’enquête dotés de pouvoirs coercitifs pour réglementer le comportement de leurs organisations de travailleurs et d’employeurs et enquêter en la matière; iv) même si la loi BCIIP exclut la possibilité d’invoquer l’immunité de common law disposant que nul n’est tenu de s’incriminer pour refuser de fournir des renseignements en vertu d’un avis d’examen, la loi prévoit l’immunité concernant tant l’utilisation que l’utilisation dérivée des renseignements obtenus dans ces circonstances.
  7. 155. L’ACCI, pour sa part, fait remarquer que, en application de la législation de 2016, le commissaire doit maintenant obtenir l’autorisation du tribunal administratif d’appel pour être en mesure d’exiger la comparution des témoins, obtenir des documents, etc., et doit aviser l’ombudsman du Commonwealth de l’émission d’un avis d’examen, ce qui offre un niveau supplémentaire de contrôle et de protection. L’ACCI ajoute que le commissaire doit s’assurer que les politiques et procédures adoptées et les ressources allouées sont appliquées et utilisées, dans la mesure du possible, d’une manière raisonnable et proportionnée à l’égard de chacune des catégories de participants du secteur du bâtiment.
  8. 156. Le comité rappelle avoir déjà examiné des questions relatives aux pouvoirs excessifs de l’ABCC dans le cadre de la loi de 2005 sur l’amélioration de l’industrie du bâtiment et de la construction, qu’il avait examinée dans son 338e rapport (novembre 2005). A l’époque, le comité avait considéré que les très larges pouvoirs conférés à l’ABCC, sans limites clairement définies et sans contrôle judiciaire, pourraient entraîner une sérieuse ingérence dans les affaires internes des syndicats, et il avait demandé au gouvernement d’introduire des garanties suffisantes afin de s’assurer que les activités de l’ABCC et des inspecteurs ne donnent pas lieu à de telles ingérences. [Voir 338e rapport, paragr. 455.] Tout en prenant note des mesures prises pour mettre en place des garanties procédurales à cet égard et aussi de la conclusion de l’analyse indépendante, après consultations avec les parties prenantes, selon laquelle ces garanties et mécanismes sont adéquats et appropriés, le comité fait observer que les sanctions pénales d’emprisonnement prévues dans la loi BCIIP de 2016 pourraient constituer un obstacle sérieux à l’exercice par les travailleurs de leurs droits syndicaux si les pouvoirs de l’ABCC étaient utilisés d’une manière qui influe directement sur ces droits, et il invite l’organisation plaignante à fournir au gouvernement des informations détaillées sur ces éventuels cas afin que le gouvernement puisse continuer d’examiner efficacement la question et envisager la nécessité de prévoir des garanties supplémentaires. Prenant dûment note de l’indication selon laquelle les sanctions pénales qui peuvent être prononcées en vertu de la loi BCIIP de 2016 prévoient les peines maximales applicables et que le système judiciaire fonctionne de manière indépendante en appliquant les principes de proportionnalité, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’application de telles sanctions pénales à l’encontre de syndicats au cours des trois années à venir.
  9. 157. En ce qui concerne le code 2016, le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles ce code restreint le contenu des conventions collectives et entrave gravement la capacité des travailleurs de négocier des conditions qui leur soient favorables dans les conventions collectives d’entreprise. L’organisation plaignante souligne que l’alinéa (1)(a) de l’article 11 interdit dans une convention toute clause qui impose ou vise à imposer des limites au droit d’une entité visée par le code (employeur) «de gérer son activité ou d’améliorer sa productivité». Le comité prend note des autres allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles d’autres paragraphes interdisent des clauses qui: i) permettraient aux représentants syndicaux d’informer les salariés des avantages de l’affiliation syndicale ou de faire la promotion des avantages de cette affiliation; ii) donneraient aux syndicats la capacité de surveiller les conventions collectives, par exemple à des fins de conformité; ou iii) obligeraient un employeur à consulter un représentant syndical au sujet de la source, du nombre ou du type de salariés à embaucher ou de l’engagement de sous-traitants.
  10. 158. Le gouvernement affirme quant à lui que les restrictions qui sont imposées à la négociation collective et au contenu des conventions collectives en vertu du code 2016 établissent un équilibre entre le droit des salariés de négocier leurs conditions d’emploi et la nécessité de veiller à ce que les employeurs, en particulier les petits sous-traitants, soient en mesure de gérer leurs entreprises efficacement et de manière productive. Le comité note que le gouvernement se réfère à un certain nombre de clauses restrictives que l’on trouve souvent dans les accords d’entreprise de l’industrie du bâtiment et de la construction, parmi lesquelles des clauses dites «jump up» qui prévoient que les sous-traitants ne peuvent être engagés que s’ils offrent des salaires et des conditions au moins aussi favorables que ceux prévus dans l’accord d’entreprise qui s’applique à l’entrepreneur principal. Selon le gouvernement, cette clause, présente dans 70 pour cent des accords de construction choisis aléatoirement et étudiés par la commission sur la productivité, a comme effet direct l’augmentation du coût salarial et, donc, du coût global du projet. Enfin, le gouvernement indique que la limitation des clauses des conventions collectives imposée par le code 2016 ne s’applique qu’aux constructeurs qui souhaitent entreprendre des travaux de construction financés par le Commonwealth.
  11. 159. Le comité prend également note de l’avis de l’ACCI selon lequel le code 2016 a pour principale fonction d’établir des normes minimales concernant la conduite de l’employeur et les attentes si celui-ci décide de soumissionner pour des travaux publics, mais qu’il ne réglemente en aucune façon ni les salariés ni les syndicats. Le code 2016 vise à promouvoir l’amélioration du cadre des relations du travail et des chantiers de construction qui soient sûrs, sains, équitables, légaux et productifs pour tous les participants du secteur du bâtiment, d’une manière pleinement conforme à la convention no 94 et à la recommandation qui l’accompagne et ne relève pas du mandat du Comité de la liberté syndicale. L’ACCI conteste l’allégation selon laquelle le code 2016 restreindrait les droits des parties à la négociation collective, citant des statistiques à l’appui de son point de vue. Enfin, l’ACCI conteste les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles l’ABCC aurait démontré son hostilité à l’égard des intérêts des travailleurs, et souligne qu’il existe de nombreux mécanismes de surveillance qui offrent une protection contre toute partialité dans l’application de la loi. En ce qui concerne les allégations spécifiques de restrictions quant aux questions pouvant faire l’objet d’une négociation collective, l’ACCI affirme ce qui suit: 1) la loi sur le travail équitable comprend des dispositions adéquates sur le droit d’accès qui fixent une réglementation légale devant faire l’objet d’une réglementation parallèle au moyen de conventions collectives; 2) le code 2016 ne limite pas le droit des syndicats de promouvoir l’affiliation, mais interdit d’utiliser des clauses de conventions collectives pour forcer les entreprises à promouvoir activement l’affiliation syndicale, ce qui pourrait induire les employés en erreur sur leurs droits de liberté syndicale; 3) en ce qui concerne la surveillance des conventions collectives, il convient que les syndicats ne soient pas en mesure d’imposer un rôle permanent dans la gestion des organisations ou la surveillance du travail, surtout lorsqu’une fonction d’inspection et d’application bien développée est assurée; 4) les préoccupations relatives au respect des conventions peuvent faire l’objet d’une enquête, et les syndicats peuvent entrer sur les chantiers et demander à examiner les dossiers ou ouvrir le dialogue à la demande d’un membre. En ce qui concerne les clauses prévoyant la consultation sur l’engagement des salariés, l’ACCI soutient que: 1) donner aux syndicats un droit de veto sur les personnes embauchées constituerait un mauvais usage de la négociation collective; 2) l’article 11 n’interdit pas, ne restreint pas ou n’entrave pas le droit de l’employeur ou du salarié de consulter un syndicat sur ces questions; il interdit simplement que cette consultation soit imposée.
  12. 160. Tout en prenant bonne note de l’explication du gouvernement, dont l’ACCI se fait l’écho, quant à la nécessité de limiter la négociation de certains sujets et de la précision selon laquelle cette restriction ne concerne que les constructeurs qui souhaitent entreprendre des travaux de construction financés par le Commonwealth, le comité se doit de rappeler que les mesures prises unilatéralement par les autorités pour restreindre l’étendue des sujets négociables sont souvent incompatibles avec la convention no 98; des discussions tripartites visant à élaborer sur une base volontaire des lignes directrices en matière de négociation collective constituent une méthode particulièrement appropriée pour y remédier. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1290.] Le comité invite le gouvernement à revoir, en consultation avec les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs concernées, l’article 11 du code 2016 afin de répondre à toute préoccupation spécifique au secteur tout en privilégiant la négociation collective libre et volontaire.
  13. 161. En ce qui concerne l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle le code 2016 restreint le niveau auquel la négociation collective peut être menée en interdisant la négociation d’un accord écrit non enregistré, portant par exemple sur certains chantiers ou projets d’accord, le comité prend note de l’indication du gouvernement et du point de vue de l’ACCI selon lesquels l’article 59 de la loi BCIIP prévoit que les conventions collectives de chantier ne sont pas exécutoires de façon à décourager les «accords parallèles», à savoir les accords informels et autres arrangements que peuvent conclure les entrepreneurs en construction et les syndicats qui cherchent à contourner les dispositions du code qui interdisent certaines clauses dans les accords d’entreprise et à obtenir des conditions d’emploi standard. Le gouvernement ajoute que les critères d’attribution et conditions d’emploi doivent être traités dans des accords d’entreprise (ou des accords de flexibilité individuels) conclus en vertu de la loi sur le travail équitable ou dans des accords de common law entre employeurs et salariés à titre individuel afin d’assurer la transparence et de garantir la supervision par la Commission du travail équitable, qui est le tribunal national indépendant des relations du travail en Australie. Enfin, le comité note que le gouvernement explique que cette interdiction est inspirée par l’intention claire de protéger une négociation collective véritable dans le secteur du bâtiment et de la construction compte tenu du contexte national australien. Le comité prend note des points de vue de l’ACCI selon lesquels: 1) les accords de flexibilité individuels dans le code 2016 sont une possibilité légale expressément prévue dans la loi sur le travail équitable et qu’ils existent en parallèle avec les conventions collectives et ne les remplacent pas; 2) ces accords sont mal utilisés; 3) les syndicats peuvent réduire ou préciser leur portée par la négociation collective.
  14. 162. Le comité fait observer que l’interdiction effective des conventions collectives de chantier était une question soulevée par les organisations plaignantes dans le cas précédent qui concernait la loi BCII de 2005, bien que l’ACCI affirme que la loi BCIIP se distingue du précédent texte par de nombreux aspects, y compris du fait de garanties supplémentaires qui ont été mises en place pour son application. Le comité rappelle que, lorsqu’il avait examiné la loi BCII, il avait tenu à rappeler que, en vertu du principe de négociation collective libre et volontaire énoncé à l’article 4 de la convention no 98, la détermination du niveau de négociation collective devrait dépendre essentiellement de la volonté des parties et, par conséquent, ce niveau ne devrait pas être imposé en vertu de la législation, d’une décision de l’autorité administrative ou de la jurisprudence de l’autorité administrative du travail. Le comité avait donc demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir la loi de 2005, de sorte que le choix du niveau de la négociation soit laissé aux parties et non imposé par la loi, par décision administrative, ou par la jurisprudence de l’autorité administrative du travail. [Voir 338e rapport, paragr. 448.] A la lumière des allégations de l’organisation plaignante et de la réponse du gouvernement, le comité invite le gouvernement à revoir le code 2016 et la loi BCIIP, le cas échéant, en consultation avec les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs concernées, afin d’offrir la possibilité de négocier des conventions collectives de projet en respectant pleinement la négociation collective libre et volontaire.
  15. 163. Enfin, le comité prend note de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle l’alinéa (2)(p) de l’article 13 du code 2016 empêche les travailleurs qui sont délégués ou représentants d’un syndicat d’entreprendre ou d’administrer la mise au courant à l’entrée en service, tandis que l’article 14 du code 2016 restreint l’accès des travailleurs à la représentation syndicale dans la mesure où son application entraîne l’incapacité des syndicats d’entrer sur le lieu de travail à l’invitation de l’employeur. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement et l’ACCI selon lesquelles: i) ces dispositions ne visent qu’à prévenir les pressions indues visant à inciter les salariés à adhérer à un syndicat au début d’un nouvel emploi ou d’un nouveau projet, lorsqu’ils sont particulièrement vulnérables à de telles pressions; ii) les syndicats peuvent exercer leur droit d’accès pour promouvoir l’affiliation syndicale à d’autres moments, conformément aux dispositions sur le droit d’accès de la loi sur le travail équitable; iii) ces dispositions sont nécessaires, compte tenu de la culture qui prévaut dans ce secteur et qui peut amener les salariés à recevoir des informations trompeuses sur la nécessité d’adhérer à un syndicat pour être autorisés à travailler, comme le montrent plusieurs affaires judiciaires.
  16. 164. Le comité rappelle que les pouvoirs publics doivent garantir aux représentants syndicaux l’accès aux lieux du travail en respectant pleinement les droits de propriété et les droits de la direction, afin que les syndicats puissent communiquer avec les travailleurs dans le but de les informer des avantages que la syndicalisation peut présenter pour eux. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1590.] Tout en prenant dûment note de la préoccupation du gouvernement quant à la nécessité de prévenir les pressions indues sur les travailleurs et de protéger leurs choix d’organisation, le comité note également qu’il importe de veiller à ce que les travailleurs soient pleinement informés de leurs droits à une représentation collective. Le comité rappelle l’obligation de fournir aux nouveaux employés le document d’information sur le travail équitable, qui informe clairement sur les droits de représentation et d’accès des représentants syndicaux et leur rôle d’intervention auprès des employés et d’examen des violations présumées de la loi sur l’emploi. Le comité demande au gouvernement de consulter les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs sur l’efficacité des mesures assurant que les travailleurs sont pleinement informés de leurs droits de représentation collective et des droits d’accès.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 165. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que l’interdiction des piquets de grève illégaux s’applique de manière conforme aux principes de la liberté syndicale et de la reconnaissance effective du droit de négociation collective rappelés dans les conclusions, de fournir des informations détaillées sur la façon dont l’article 47 de la loi BCIIP est appliqué dans la pratique au cours des trois années à venir et de fournir une copie de toute décision judiciaire pertinente concernant l’interprétation de cet article pendant cette période.
    • b) Constatant que les sanctions pénales d’emprisonnement prévues dans la loi BCIIP de 2016 pourraient constituer un obstacle sérieux à l’exercice par les travailleurs de leurs droits syndicaux, si les pouvoirs de l’ABCC étaient utilisés d’une manière qui influe directement sur ces droits, le comité invite l’organisation plaignante à fournir au gouvernement des informations détaillées sur ces éventuels cas afin que le gouvernement puisse continuer d’examiner efficacement la question et envisager la nécessité de prévoir des garanties supplémentaires. Prenant dûment note de l’indication selon laquelle les sanctions pénales qui peuvent être prononcées en vertu de la loi BCIIP de 2016 prévoient les peines maximales applicables et que le système judiciaire fonctionne de manière indépendante en appliquant les principes de proportionnalité, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’application de telles sanctions pénales à l’encontre de syndicats au cours des trois années à venir.
    • c) Le comité invite le gouvernement à revoir, en consultation avec les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs concernées, l’article 11 du code 2016, afin de répondre à toute préoccupation spécifique au secteur tout en privilégiant la négociation collective libre et volontaire, et de prévoir la possibilité de négocier des accords de projet en respectant pleinement la négociation collective libre et volontaire.
    • d) Prenant dûment note des dispositions relatives à l’accès aux lieux de travail dans la loi sur le travail équitable, le comité demande au gouvernement de consulter les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs concernées sur l’efficacité des mesures assurant que les travailleurs sont pleinement informés de leurs droits de représentation collective et des droits d’accès des syndicats rappelés dans les conclusions.
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