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- 1401. La plainte figure dans une communication de la Fédération des médecins du Venezuela (FMV) datée du 31 mai 2005.
- 1402. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication datée du 25 octobre 2005.
- 1403. La République bolivarienne du Venezuela a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant- 1404. Dans sa communication datée du 31 mai 2005, la Fédération des médecins du Venezuela (FMV) a fait savoir que, conformément à la législation, elle est une association professionnelle de caractère public composée par les ordres des médecins de la République; c’est une association de nature professionnelle, scientifique, corporative, éthique et de revendication, dotée d’une personnalité juridique, d’un patrimoine, et sans but lucratif; son siège se trouve dans la capitale de la République bolivarienne du Venezuela. La FMV ajoute que, conformément aux articles 70, section 13, et 72 de la loi sur l’exercice de la médecine, elle est dotée de la représentation légitime de tous les médecins exerçant sur le territoire national, et sa représentativité est stricte et exclusive. Par ailleurs, elle est autorisée à conclure des contrats collectifs avec des entités publiques ou privées au nom des médecins qui, au niveau national, exercent leur profession, conformément à l’article 72 déjà cité de la loi sur l’exercice de la médecine, et dans le cadre des attributions que lui confère l’article 405 du Code du travail, qui prévoit que les fédérations et confédérations professionnelles, légalement établies, jouissent du même droit que les organisations syndicales de travailleurs en représentation de leurs membres. Conformément à la section 13 de l’article 70 déjà cité de la loi sur l’exercice de la médecine, la Fédération des médecins du Venezuela a le droit, entre autres, d’exercer la représentation de la corporation des médecins auprès des organismes publics nationaux s’agissant de traiter de thèmes qui touchent aux professionnels de la médecine ou à leurs institutions représentatives.
- 1405. De même, conformément à l’article 72 de la loi déjà cité, la Fédération des médecins du Venezuela est autorisée à conclure des contrats collectifs avec les entités publiques ou privées au nom des médecins qui y exercent. Si la nature du contrat est locale, ce contrat sera signé par les ordres des médecins respectifs, avec l’approbation préalable de la fédération.
- 1406. La FMV souligne que les articles 70 et 72 déjà cités autorisent uniquement et exclusivement la Fédération des médecins du Venezuela à exercer la représentation des médecins et à conclure des contrats collectifs avec les entités publiques et privées au nom des médecins qui exercent au sein de ces entités, et que, depuis sa création, la Fédération des médecins du Venezuela a exercé ce droit.
- 1407. Fondée sur les dispositions constitutionnelles et juridiques susmentionnées, la Fédération des médecins du Venezuela a conclu un accord collectif avec le ministère de la Santé et du Développement social (MSDS), organisme de l’administration centrale, avec l’Institut de sécurité sociale du Venezuela (IVSS) (institut autonome dépendant du ministère du Travail) et avec l’Institut de prévoyance et d’assistance pour le personnel du ministère de l’Education (IPASME), depuis de nombreuses années, en représentation de tous les médecins qui exercent dans les organismes cités ci-dessus dans tout le pays.
- 1408. La dernière convention collective de travail a été conclue avec le ministère de la Santé et du Développement social le 26 octobre 2000, avec l’Institut de sécurité sociale du Venezuela le 3 novembre 2000, et avec l’Institut de prévoyance et d’assistance pour le personnel du ministère de l’Education le 19 février 2002. Les conventions collectives de travail précitées prévoient une durée d’application de deux ans à partir de leur dépôt légal et, dans ces conventions, les parties s’engagent à entamer les négociations en vue de la conclusion d’une nouvelle convention dans les six mois qui précèdent son arrivée à échéance.
- 1409. La FMV allègue que le 24 mai 2003, alors que les conventions collectives de travail citées ci-dessus étaient arrivées à échéance, elle a convoqué la CXXXVIIe Assemblée extraordinaire de la Fédération des médecins du Venezuela, qui a discuté et approuvé l’introduction de projets de conventions collectives devant être conclues avec le ministère de la Santé et du Développement social et l’Institut de sécurité sociale du Venezuela, et que, lors de la CXLIIe Assemblée extraordinaire du 26 mai 2004, l’introduction du projet de convention collective concernant les conditions de travail devant être conclue avec l’Institut de prévoyance et d’assistance pour le personnel du ministère de l’Education (IPASME) a été discutée et approuvée.
- 1410. Les 23 juin et 8 octobre 2003, et le 24 mai 2004, respectivement, conformément au mandat des assemblées citées ci-dessus, la Fédération des médecins du Venezuela a saisi l’Inspection nationale et autres affaires collectives du travail du secteur public (qui dépend du ministère du Travail) des projets de conventions collectives qui doivent être conclues avec le ministère de la Santé et du Développement social (MSDS), l’Institut de sécurité sociale du Venezuela (IVSS) et avec l’Institut de prévoyance sociale pour le personnel du ministère de l’Education (IPASME). Ces projets ont été dûment enregistrés par l’Inspection nationale et autres affaires collectives du travail du secteur public, compte tenu du fait que les observations formulées en vertu de l’ordonnance administrative no 0804, promulguée par l’inspection du travail le 9 décembre 2003, avaient été corrigées.
- 1411. Par ailleurs, chacune des phases de la procédure établie sur les plans juridique et réglementaire pour entamer les discussions des projets de conventions collectives citées ci-dessus a été respectée, notamment: la remise, par l’inspection du travail, des projets de conventions collectives de travail aux entités employeuses, leur demandant des études économiques comparatives; la remise, à l’inspection du travail, des études économiques en milieu magnétique et physique par les employeurs; la remise, par l’inspection du travail, au ministère de la Planification et du Développement, de ces études économiques et des projets de conventions collectives, et la remise, à l’inspection du travail, du résultat de l’étude économique des projets de conventions par le ministère de la Planification et du Développement.
- 1412. Au moyen de diverses lettres adressées à l’Inspection nationale du travail et de diverses demandes et pétitions présentées aux employeurs et à diverses instances, la Fédération des médecins du Venezuela a demandé avec insistance le lancement des discussions sur les projets de conventions collectives, priant l’inspection du travail de convoquer les entités employeuses à cette fin, mais elle n’a reçu aucune réponse à cette date.
- 1413. Le 7 mars 2005, étant donné que les délais légaux et réglementaires prévus pour l’ouverture des discussions étaient dépassés, la Fédération des médecins du Venezuela a porté plainte auprès du Médiateur de la République, entité de nature constitutionnelle chargée de la défense des droits fondamentaux, et lui a demandé d’intervenir, sans délai et sans manœuvre dilatoire, puisqu’il s’agissait de violations de droits fondamentaux de nature constitutionnelle, et de demander au ministère de la Santé et du Développement social, à l’Institut de sécurité sociale du Venezuela, à l’Institut de prévoyance sociale et d’assistance pour le personnel du ministère de l’Education et à l’Inspection nationale du travail et affaires collectives du secteur public de respecter les dispositions constitutionnelles et légales qui avaient été violées, et d’entamer les discussions relatives aux conventions collectives de travail devant être conclues.
- 1414. Le 1er mars 2005, le comité exécutif de la Fédération des médecins du Venezuela, au cours de sa 147e session, a qualifié d’urgente, à la majorité des deux tiers de ses membres, la situation relative aux conventions collectives, et il a approuvé la convocation d’une session extraordinaire de l’assemblée de la fédération devant avoir lieu le 8 mars 2005, afin d’envisager la présentation d’un pli de revendications contre le ministère de la Santé et du Développement social (MSDS), l’Institut de sécurité sociale du Venezuela (IVSS) et l’Institut de prévoyance et d’assistance pour le personnel du ministère de l’Education (IPASME); à cet égard, l’assemblée a agi conformément à ce qui est prévu par le Code du travail et son règlement, afin d’ouvrir la discussion sur les projets de conventions collectives devant être conclues avec les organismes susmentionnés.
- 1415. Le 8 mars 2005, la CXLVIe session extraordinaire de l’assemblée de la Fédération des médecins du Venezuela s’est ouverte, conformément à la convocation envoyée en vertu de l’article 19 des statuts de la Fédération des médecins du Venezuela et publiée dans le journal El Nacional le 5 mars 2005; cette session a approuvé à l’unanimité la présentation à l’Inspection nationale du travail d’un pli de revendications de nature conciliatoire contre le ministère de la Santé et du Développement social (MSDS), l’Institut de sécurité sociale du Venezuela (IVSS) et l’Institut de prévoyance et d’assistance pour le personnel du ministère de l’Education (IPASME), conformément aux dispositions du Code du travail et de son règlement, afin d’exiger de l’Inspection nationale et des affaires collectives du travail du secteur public le lancement des discussions relatives au projet de convention collective du travail devant être conclue avec les entités employeuses susmentionnées.
- 1416. Le 12 mai 2005, la Fédération des médecins du Venezuela a saisi la direction de l’Inspection nationale et des affaires collectives du travail du secteur public des plis de revendications de nature conciliatoire contre les entités employeuses susmentionnées.
- 1417. Le 13 mai 2005, par les décisions nos 2005-0131, 0130 et 0129, l’Inspection nationale et les affaires collectives du travail du secteur public ont formulé des observations concernant les plis de revendications, observations qui ont été corrigées par la FMV par des écrits du 16 mai 2005, conformément aux dispositions de l’article 200 du règlement du Code du travail.
- 1418. Le 17 mai 2005 à midi, la Fédération des médecins du Venezuela a fait savoir par écrit que l’inspection du travail ne s’était pas manifestée, de sorte que l’on pouvait en déduire que les observations étaient corrigées et, par conséquent, que les plis de revendications présentés le 12 mai 2005 avaient été acceptés, conformément à l’article 200 du règlement du Code du travail, déjà cité.
- 1419. Ce même jour, 17 mai 2005, la direction de l’Inspection nationale et des affaires collectives du travail du secteur public a déclaré, au moyen d’ordonnances administratives nos 2005-008, 007 et 009, émises à 16 h 32, que les procédures entamées le 12 mai 2005 par la Fédération des médecins du Venezuela, concernant les divers plis de revendications présentés, étaient achevées, et que les effets qui auraient pu découler de ces mêmes plis étaient désormais nuls et non avenus.
- 1420. Le 30 mai 2005, la Fédération des médecins du Venezuela, agissant dans les délais stipulés dans les ordonnances administratives déjà mentionnées, a interjeté un recours hiérarchique auprès de la ministre du Travail, contre les ordonnances administratives nos 2005-008, 007 et 009 datées du 17 mai 2005; la décision de la ministre devait être prononcée dans un délai de dix jours suivis, en vertu de l’article 200 du règlement du Code du travail.
- 1421. A ce jour, en dépit des recours interjetés auprès du Médiateur de la République et du fait que l’on a procédé à la présentation à l’inspection du travail de plis de revendications, alternative prévue par le Code du travail et son règlement en vue de la solution pacifique des conflits collectifs, il a été impossible d’entamer les discussions relatives aux conventions collectives.
- 1422. C’est ainsi que deux ans et sept mois se sont écoulés depuis la présentation des projets de conventions collectives de travail susmentionnées, ce qui a résulté en des préjudices graves de toute nature, mais surtout de nature économique, qui ont frappé les médecins exerçant au ministère de la Santé et du Développement social, dans l’Institut de sécurité sociale du Venezuela (IVSS) et dans l’Institut de prévoyance et d’assistance pour le personnel du ministère de l’Education (IPASME); en effet, ces médecins continuent de toucher des salaires qui ne correspondent pas à l’augmentation actuelle du coût de la vie, puisqu’ils sont gelés depuis l’échéance desdites conventions.
- 1423. L’organisation plaignante demande le rétablissement des droits constitutionnels de ses affiliés de conclure des contrats collectifs avec les entités employeuses mentionnées ci-dessus.
- B. Réponse du gouvernement
- 1424. Dans sa communication du 25 octobre 2005, le gouvernement déclare que la communication envoyée par l’organisation plaignante, qui prétend défendre ses droits et ceux de ses affiliés, met en évidence que la loi sur l’exercice de la médecine du 23 août 1982 et publiée au Journal officiel no 3002 constitue une violation grave des conventions nos 87 et 98, notamment dans celles de ses dispositions qui font référence aux fonctions et pouvoirs attribués à la Fédération des médecins du Venezuela. Ce qui est le plus choquant, c’est que c’est précisément sur cette loi que se fonde l’organisation plaignante pour étayer ses arguments et ses allégations, et pour démontrer le non-respect par le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela de l’obligation prévue par l’article 4 de la convention no 98.
- 1425. Le gouvernement fait savoir que, conformément aux articles 68 et suivants de la loi sur l’exercice de la médecine, la Fédération des médecins du Venezuela est composée de tous les ordres des médecins constitués sur le territoire national. Comme l’organisation plaignante l’a dit elle-même, il s’agit d’une entité de nature publique, autorisée à exercer des pouvoirs semblables à ceux des pouvoirs publics; ces pouvoirs ont été délégués par voie législative à cette corporation professionnelle d’une manière monopolistique ou exclusive. De même, les ordres des médecins, réglementés par les articles 54 et suivants de cette même loi, ont la même nature et des fonctions semblables. Ils constituent des organisations dont l’affiliation est contraignante, en vertu de l’article 4 de la loi sur l’exercice de la médecine qui prévoit que:
- Article 4. Pour exercer la profession de médecin sur le territoire de la République, il faut:
- 1) Posséder le diplôme de docteur en médecine ou en chirurgie délivré par une université vénézuélienne, conformément aux lois particulières en la matière.
- 2) Enregistrer ou inscrire ce diplôme dans les bureaux publics désignés par la législation.
- 3) Etre inscrit dans l’ordre des médecins dans la juridiction duquel la profession est habituellement exercée.
- 4) Etre inscrit à l’Institut de prévoyance sociale des médecins.
- 5) Remplir les autres dispositions contenues à cet effet dans la présente loi.
- 1426. Le gouvernement informe que, comme cela est clairement établi par la loi, toutes les personnes qui prétendent exercer la profession de médecin sont tenues juridiquement de s’inscrire à l’ordre des médecins correspondant et, par là même, à la Fédération des médecins du Venezuela. En effet, ceux qui n’effectuent pas cette inscription obligatoire ne pourront exercer légalement la profession et seront donc passibles de sanctions disciplinaires, administratives et pénales en vertu des dispositions des articles 115 et suivants de la loi déjà citée. Cependant, le fait de reconnaître des droits inhérents à la liberté syndicale et notamment à la négociation collective, d’une manière «stricte et exclusive», comme l’affirme littéralement la Fédération des médecins du Venezuela dans son écrit, à une entité de caractère public à laquelle tous les médecins exerçant sur le territoire national doivent obligatoirement s’affilier sous peine de sanctions pénales, constitue une grave violation des articles 2, 5, 6 et 11 de la convention no 87, ainsi que des articles 2 et 4 de la convention no 98.
- 1427. Le gouvernement souligne que cela constitue une violation sans équivoque du droit des travailleurs et des travailleuses de constituer librement les organisations de leur choix et de s’y affilier, comme stipulé dans l’article 2 de la convention no 87, étant donné que:
- a) la loi impose à tous les travailleurs et travailleuses de la médecine de s’affilier à l’ordre des médecins et à la Fédération des médecins du Venezuela, sous peine de sanctions disciplinaires, administratives et pénales;
- b) est ainsi créé, par voie législative, un système de syndicat unique, d’affiliation contraignante, de manière exclusive, qui concentre et monopolise en une entité de caractère public l’exercice des activités syndicales en représentation de tous les travailleurs et travailleuses de la médecine;
- c) les ordres des médecins et la Fédération des médecins du Venezuela affilient de la même façon travailleurs et travailleuses et employeurs et employeuses, violant ainsi le principe de pureté, et établissant par statut législatif un syndicat unique, mixte ou qui n’est pas indépendant;
- d) une réglementation législative qui date de l’année 1982 empêche d’autres organisations syndicales distinctes des ordres des médecins et de la Fédération des médecins du Venezuela de représenter les travailleurs et travailleuses en défense de leurs droits et intérêts;
- e) depuis 1982, il est absolument interdit à d’autres organisations syndicales distinctes des ordres des médecins et de la Fédération des médecins du Venezuela de négocier collectivement des conventions collectives.
- Pour appuyer ses déclarations, le gouvernement fait référence aux principes et dispositions du Comité la liberté syndicale sur ces questions.
- 1428. Le gouvernement ajoute que les opinions du Comité de la liberté syndicale et de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations ne laissent pas de place au doute et que, d’une manière générale et pacifique, elles établissent des critères de protection du droit d’association et de la liberté syndicale pour éviter l’apparition de monopoles et de favoritisme syndicaux, tout comme ceux qui ont été consacrés sur le plan juridique avant l’entrée en vigueur de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela en 1999. Par conséquent, connaissant déjà les opinions et les conclusions qu’a émises le Comité la liberté syndicale, dans des cas similaires, le gouvernement lui demande officiellement de se prononcer expressément sur la conformité ou la non-conformité à la convention no 87:
- a) du système de syndicat unique réglementé par la loi sur l’exercice de la médecine, datée du 23 août 1982, qui impose à tous les travailleurs et travailleuses de la médecine l’obligation de s’affilier à l’ordre des médecins et à la Fédération des médecins du Venezuela sous peine de sanctions disciplinaires, administratives et pénales, et qui octroie à ces entités de caractère public le monopole de l’exercice des activités syndicales en représentation de tous les travailleurs et travailleuses de la médecine;
- b) des réglementations de la loi sur l’exercice de la médecine qui octroient aux ordres des médecins et à la Fédération des médecins du Venezuela la représentation «stricte et exclusive» de tous les travailleurs et travailleuses de ce secteur pour la défense de leurs droits et intérêts, empêchant toute autre organisation syndicale de les représenter;
- c) des réglementations de la loi sur l’exercice de la médecine qui octroient aux ordres des médecins et à la Fédération des médecins du Venezuela la représentation «stricte et exclusive» dans la négociation collective des conventions collectives, excluant toute autre organisation syndicale de l’exercice de ce droit;
- d) des réglementations de la loi sur l’exercice de la médecine qui ordonnent l’affiliation obligatoire à une organisation assurant la représentation syndicale de toutes les personnes qui souhaitent exercer la médecine, sous peine de privation de liberté, et de sanctions civiles et disciplinaires;
- e) de l’article 68 qui, conformément aux articles 54 et suivants de la loi sur l’exercice de la médecine datée du 23 août 1982, impose à tous les ordres des médecins du territoire national l’obligation de s’affilier à la Fédération des médecins du Venezuela, ce qui revient à imposer un système de fédération unique et un monopole syndical de deuxième niveau;
- f) de l’article 72 de la loi sur l’exercice de la médecine qui prévoit que toutes les conventions collectives négociées et conclues par les ordres des médecins au niveau local doivent être au préalable approuvées par la Fédération des médecins du Venezuela, ce qui constitue une réglementation supplémentaire contraignant les ordres des médecins à s’affilier à la Fédération des médecins du Venezuela, imposant ainsi un système d’affiliation obligatoire.
- S’agissant de ces dernières dispositions, le gouvernement déclare qu’elles constituent une violation flagrante du droit des travailleurs et des travailleuses de constituer librement les fédérations et les confédérations de leur choix et de s’y affilier, tel qu’il est défini dans les articles 5 et 6 de la convention no 87.
- 1429. Par ailleurs, le gouvernement signale que le fait que la loi sur l’exercice de la médecine datée du 23 août 1982 impose à toutes les personnes qui exercent la médecine de s’affilier obligatoirement aux ordres des médecins et à la Fédération des médecins du Venezuela, sous peine de sanctions disciplinaires, administratives et pénales, constitue une violation flagrante du droit des travailleurs et des travailleuses de constituer librement les fédérations et les confédérations de leur choix et de s’y affilier, tel qu’il est défini dans l’article 2 de la convention no 98. Il en résulte immanquablement que ces entités de caractère public regroupent sans distinction:
- a) des travailleurs et des travailleuses qui exercent leur profession dans le cadre d’une relation de dépendance, tant du secteur public que du secteur privé de la santé;
- b) les employeurs et les employeuses, propriétaires d’établissements de santé où exercent d’autres professionnels de la médecine;
- c) des personnes exerçant une profession libérale et accomplissant leurs activités de manière autonome.
- 1430. Il est évident qu’une loi qui impose la création d’une entité de caractère public, intégrée par les personnes citées précédemment, entité à laquelle est octroyé d’une manière «stricte et exclusive» le droit d’exercer des activités syndicales en représentation des travailleurs et travailleuses, et notamment la négociation collective, constitue une violation flagrante au principe de pureté des organisations syndicales. En effet, elle permet d’établir par la voie législative un syndicat unique, mixte ou non indépendant, composé pêle-mêle d’employeurs et d’employeuses, de travailleurs et de travailleuses, tous assujettis à l’obligation de s’affilier, qui touche toutes les personnes souhaitant exercer la médecine, sous peine de privation de liberté, de sanctions civiles et disciplinaires. Cette situation entraîne fatalement, par la voie législative, la validation et la promotion d’actes d’ingérence antisyndicale, en violation flagrante de l’article 2 de la convention no 98.
- 1431. Il va de soi que les organes directeurs des ordres des médecins et de la Fédération des médecins du Venezuela, comme cela est naturel dans une organisation professionnelle, comptent en principe parmi leurs membres des employeurs et des employeuses qui sont propriétaires d’établissements de santé. Il est évident que ces organes directeurs peuvent difficilement représenter avec quelque légitimité les intérêts des travailleurs et des travailleuses qui exercent la médecine, lorsqu’il s’agit de négocier collectivement devant les employeurs et les employeuses, notamment lorsque l’un de leurs membres est propriétaire et employeur dans le cadre du processus de négociation. Il y aura forcément conflit d’intérêts, en violation de la liberté syndicale. C’est peut-être pour cette raison qu’en République bolivarienne du Venezuela les conventions collectives des professionnels de la médecine dans le secteur privé sont pratiquement inexistantes.
- 1432. Le gouvernement fait référence aux principes, décisions et conclusions du Comité de la liberté syndicale sur cette question.
- 1433. De toute évidence, la loi sur l’exercice de la médecine, loin d’interdire, de sanctionner et d’éradiquer les actes d’ingérence antisyndicale, en assure la validation et la promotion en créant un syndicat unique, mixte ou non indépendant, qui viole le principe de pureté des organisations syndicales; comme il l’a dit antérieurement, le gouvernement demande au Comité de la liberté syndicale de se prononcer expressément sur la conformité ou la non-conformité des réglementations législatives indiquées dans les paragraphes précédents à l’article 2 de la convention no 98.
- 1434. Le gouvernement souligne également que le fait que la loi sur l’exercice de la médecine octroie aux ordres des médecins et à la Fédération des médecins du Venezuela la représentation «stricte et exclusive» dans la négociation collective de conventions collectives, à l’exclusion de toute autre organisation syndicale, constitue une violation flagrante de l’obligation d’encourager les négociations volontaires de conventions collectives mentionnée dans l’article 4 de la convention no 98. C’est ainsi qu’au travers d’une loi s’est créé un système de monopole syndical dans les négociations collectives qui, loin de les promouvoir, restreint et viole le droit de toute autre organisation syndicale de négocier collectivement. En outre, l’article 72 de la loi en question établit une limitation inacceptable du niveau de négociation collective, en prévoyant que la Fédération des médecins du Venezuela a le pouvoir d’approuver au préalable toutes les conventions collectives conclues au niveau local par les ordres des médecins. La loi prévoit que: «... Si la convention est de nature locale, elle sera conclue par les ordres des médecins respectifs, avec l’approbation préalable de la fédération.»
- 1435. Le gouvernement conclut en estimant que la plainte doit être rejetée et qu’il conviendrait plutôt de recommander la promotion d’un processus de réforme législative pour mettre la législation mentionnée en conformité avec les conventions internationales; il demande que le cas soit déclaré clos compte tenu du fait que l’incompatibilité des normes et des conventions citées a été suffisamment démontrée dans la présente communication.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1436. Le comité observe que, dans la présente plainte, la Fédération des médecins du Venezuela (FMV) allègue des retards et des obstacles dans le processus de négociation collective depuis que, à l’échéance des conventions collectives conclues en 2000 et 2002, des projets de conventions collectives de travail ont été présentés, concernant le ministère de la Santé et du Développement social, l’Institut de sécurité sociale du Venezuela et l’Institut de prévoyance et d’assistance pour le personnel du ministère de l’Education, le 28 juin et le 8 octobre 2003, et le 24 mai 2004, respectivement. La FMV allègue également que la direction de l’Inspection nationale et des affaires collectives du travail du secteur public a déclaré, au moyen des ordonnances administratives nos 2005-008, 007 et 009, avoir mené à terme les procédures de résolution pacifique de conflit entamées par la Fédération des médecins du Venezuela concernant les divers plis de revendications présentés, sans que l’inspection du travail ait convoqué les parties employeuses ni que l’on ait pu entamer les discussions relatives aux conventions collectives. La Fédération des médecins du Venezuela souligne la gravité de la situation car les médecins salariés continuent de toucher des salaires qui ne correspondent plus à l’augmentation du coût de la vie puisque ces salaires sont gelés, du fait de l’expiration des conventions collectives qui avaient été conclues.
- 1437. Le comité note que le gouvernement déclare que: 1) l’organisation plaignante fonde sa plainte et ses arguments sur une loi (la loi sur l’exercice de la médecine du 23 août 1982) qui constitue une grave violation des conventions nos 87 et 98, car elle impose l’affiliation obligatoire des médecins aux ordres des médecins, et l’affiliation de ces derniers à la Fédération des médecins du Venezuela; elle octroie la représentation exclusive dans la négociation collective à la Fédération des médecins du Venezuela et, sous réserve de l’approbation de cette dernière, elle l’octroie aussi au niveau local, aux ordres des médecins, à l’exclusion de toute autre organisation syndicale; 2) cette législation établit donc un syndicat unique, mixte ou non indépendant, composé pêle-mêle de travailleurs et d’employeurs (les ordres des médecins et la Fédération des médecins du Venezuela regroupant des travailleurs du secteur public et du secteur privé dans le cadre d’une relation de dépendance, des employeurs et des propriétaires d’établissements de santé et des personnes exerçant des professions libérales autonomes), en violation de l’article 2 de la convention no 98; cette loi pose également le problème de la légitimité de la représentation dans le processus de négociation collective, sans parler de celui d’un évident conflit d’intérêts.
- 1438. Le comité partage le point de vue du gouvernement selon lequel la loi sur l’exercice de la médecine du 23 août 1982 contient des dispositions incompatibles avec celles des conventions nos 87 et 98, et qu’elle doit être modifiée car, d’une part, elle établit une obligation d’affiliation pour les médecins, sous peine de sanctions, ainsi qu’une fédération unique des professionnels de la médecine qui regroupe tous les ordres des médecins, les travailleurs et les employeurs et/ou propriétaires d’établissements médicaux; d’autre part, elle dote cette fédération et les ordres des médecins d’un droit de représentation exclusive en ce qui concerne la négociation collective, qu’il y ait ou non d’autres organisations syndicales, et elle soumet à l’approbation de la Fédération des médecins les conventions collectives conclues au niveau local par les ordres des médecins (les dispositions correspondantes ont été reproduites dans les allégations et/ou dans la réponse du gouvernement).
- 1439. Le comité rappelle cependant que la responsabilité de mettre la législation en conformité avec les conventions ratifiées incombe au gouvernement. Le comité observe que la Fédération des médecins du Venezuela est un regroupement d’ordres des médecins qui sont contraints de s’y affilier et que ces ordres en tant qu’associations professionnelles échapperaient sous certains aspects à l’application des conventions nos 87 et 98, mais pas sous certains autres puisque la législation leur octroie les droits propres aux organisations syndicales, y compris celui de négociation collective. Dans ces conditions, le comité souligne qu’en 2000 et 2002 la Fédération des médecins du Venezuela avait conclu des conventions collectives, et que le gouvernement n’a pas nié l’absence de convocation des parties patronales de la part de l’inspection du travail, non plus que le fait que les discussions relatives aux futures conventions collectives n’ont jamais été entamées. Le comité constate que, dans les conditions décrites antérieurement (anormales et contraires aux conventions nos 87 et 98), la Fédération des médecins du Venezuela a représenté et représente l’ensemble des médecins du pays. Le comité regrette que le gouvernement ait simplement opté pour changer sa pratique antérieure concernant la négociation collective avec la Fédération des médecins du Venezuela, apparemment sans notifier cette fédération de sa nouvelle approche et sans avoir pris des mesures pour corriger les dispositions relatives à la législation afin de garantir pleinement l’exercice de la liberté syndicale au secteur médical, tout en promouvant un mécanisme efficace de négociation collective. De ce fait, il semble que le secteur médical ait été obligé, faute d’action du gouvernement, de rester plusieurs années sans convention collective qui réglemente ses conditions d’emploi.
- 1440. La commission demande au gouvernement de prendre immédiatement des mesures après des consultations libres, franches et approfondies avec les partenaires sociaux, pour modifier la loi sur l’exercice de la médecine et supprimer ses divergences avec les conventions nos 87 et 98, lesquelles ont été reconnues par le gouvernement, ainsi que pour éviter l’interruption des relations professionnelles, et il rappelle au gouvernement que l’assistance technique de l’OIT est à sa disposition. En attendant que la loi sur l’exercice de la médecine soit modifiée, le comité demande au gouvernement de promouvoir la négociation collective entre la Fédération des médecins du Venezuela et les ordres des médecins, et les entités employeuses du secteur médical, y compris le ministère de la Santé et du Développement social, l’Institut de la sécurité sociale du Venezuela et l’Institut de prévoyance et d’assistance pour le personnel du ministère de l’Education. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1441. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre immédiatement des mesures, après des consultations libres, franches et approfondies avec les partenaires sociaux, pour modifier la loi sur l’exercice de la médecine et supprimer ses divergences avec les conventions nos 87 et 98, divergences reconnues par le gouvernement, ainsi que pour éviter l’interruption des relations professionnelles, et il rappelle au gouvernement que l’assistance technique de l’OIT est à sa disposition.
- b) Le comité demande au gouvernement, en attendant que soit modifiée la loi sur l’exercice de la médecine, de promouvoir la négociation collective entre la Fédération des médecins du Venezuela et les ordres des médecins, et les entités employeuses du secteur médical, y compris le ministère de la Santé et du Développement social, l’Institut de sécurité sociale du Venezuela et l’Institut de prévoyance et d’assistance pour le personnel du ministère de l’Education.
- c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.