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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 321, Juin 2000

Cas no 2031 (Chine) - Date de la plainte: 04-JUIN -99 - Clos

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  1. 140. Dans une communication du 4 juin 1999, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte pour violations de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Chine.
  2. 141. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 6 mars 2000.
  3. 142. La Chine n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 143. Dans sa plainte du 4 juin 1999, la CISL allègue que les autorités chinoises continuent de réprimer, en droit et en fait, toute tentative faite par les travailleurs de constituer une organisation indépendante des travailleurs de leur choix, ou de s'y affilier, y compris: i) les groupes syndicaux qui tentent de s'organiser en dehors de la Fédération panchinoise des syndicats, qui dépend du gouvernement; ii) les groupes et individus qui s'efforcent de protéger les travailleurs qui ont été licenciés ou de les aider à obtenir le paiement de leurs arriérés de salaire, ou le remboursement des fonds de leur entreprise en cas de détournement de fonds par des membres de la direction; ou iii) en général, tout autre groupe de travailleurs qui s'efforce de défendre, promouvoir et protéger les droits des travailleurs et, en particulier, leur droit de s'organiser librement et indépendamment des pouvoirs publics.
  2. 144. La CISL déclare que les incidents qui sont décrits ci-après montrent que les autorités chinoises ont pris récemment comme cible les individus et groupes de travailleurs qui s'efforcent de protéger et de défendre les droits des travailleurs qui ont fait l'objet d'un licenciement. Selon la CISL, les réformes économiques entreprises par le gouvernement ces dix dernières années ont coûté cher à la classe laborieuse de ce pays en termes d'emploi. Des douzaines de millions de travailleurs ont été licenciés, dont 6 millions pour la seule année 1998, comme le montrent les données officielles. En fait, le taux de chômage réel de la Chine risque, selon de nombreux chercheurs, d'être beaucoup plus élevé si l'on tient compte des dizaines de millions de travailleurs en surnombre des zones rurales et de travailleurs oisifs inscrits comme occupés. De l'aveu même du gouvernement, 7 autres millions de travailleurs devraient perdre leur emploi en 1999. Ceci étant, les autorités ont lancé, et lancent encore régulièrement, des appels en faveur de la stabilité sociale et politique. Le 1er mai 1999, à l'occasion de la Fête du 1er mai, le Vice-président chinois, M. Hu Jintao, a demandé à tous les travailleurs du pays de se sentir personnellement responsables des réformes et de préserver la stabilité sociale et politique. Dans un message aux travailleurs paru en première page dans le numéro du People's Daily du 30 avril 1999, M. Hu, membre du Comité permanent du Politburo du Parti communiste, principal organe décisionnaire du pays, a déclaré que sans stabilité rien ne pouvait être fait et que les succès obtenus seraient perdus, ajoutant que les travailleurs devaient chérir la stabilité politique et l'unité de la nation.
  3. 145. Tout en considérant la stabilité sociale comme un objectif politique tout à fait légitime pour tout gouvernement démocratique, la CISL précise que, malheureusement, dans la situation actuelle de ce pays, cette priorité absolue du gouvernement se traduit notamment par de nombreuses arrestations, de lourdes peines d'emprisonnement et la dispersion de manifestations et protestations tout à fait légitimes des travailleurs, surtout lorsque celles-ci concernent le non-paiement de leurs arriérés de salaire ou le détournement des fonds de l'entreprise, souvent synonyme de faillite et donc de licenciements en masse sans indemnisation.
  4. 146. C'est ainsi que, le 16 janvier 1998, la direction de l'usine no 813 de la Société nucléaire nationale chinoise, située à Hanzhong, dans le nord de la province du Shaanxi, a assigné à résidence Zhao Changqing, un des ouvriers de cette usine, pour l'empêcher de se présenter aux élections pour le poste de député au Congrès du peuple local. Ces congrès sont un élément important de la démocratie locale en Chine. Pendant la campagne électorale, Zhao s'est vu confisquer certains de ses tracts par la direction de l'usine, qui l'a accusé de vouloir défier le Parti communiste. En fait, les collègues de Zhao savaient pertinemment qu'il entendait se servir de la campagne électorale comme plate-forme pour dénoncer publiquement les détournements de fonds de l'entreprise et le non-paiement des arriérés de salaire, deux pratiques très courantes dans la région. Zhao avait été incarcéré pendant six mois à cause du rôle qu'il avait joué dans les manifestations estudiantines de Beijing en faveur de la démocratie, qui ont été écrasées par l'armée en juin 1989 et qui ont fait de nombreux morts.
  5. 147. Par ailleurs, le 16 janvier 1998, un travailleur au chômage qui avait réclamé la constitution de syndicats indépendants a été arrêté dans la province du Shaanxi. Une dizaine de policiers ont arrêté un travailleur au chômage de 41 ans du nom de Li Qingxi qui avait réclamé la création de syndicats libres. La police a également fouillé la maison de Li, saisissant des documents et une cassette vidéo. La CISL déclare qu'elle a tout lieu de penser que ces objets avaient un lien avec les droits des travailleurs et d'autres questions s'y rapportant. Li, qui avait perdu quatre ans auparavant le poste d'agent de santé qu'il occupait dans une clinique dépendant de l'administration des mines houillères de la ville de Datong, avait accusé les syndicats existants d'être à la solde du gouvernement. Il avait collé des tracts qui réclamaient la création de syndicats indépendants afin d'empêcher la corruption et la contradiction sociale. Il a été condamné à une peine d'une année de rééducation par le travail.
  6. 148. Cette semaine-là, un dissident de longue date du nom de Qin Yongmie qui avait lancé un appel national en faveur de la création de syndicats indépendants a rejeté l'offre que lui avaient faite les autorités de quitter le pays cette même semaine, de crainte de ne plus pouvoir retourner au pays. La CISL pense que cette crainte a un lien étroit avec la situation qu'a vécue, il y a quelques années, Han Dong-fang, ce dirigeant et militant syndical de longue date qui vit depuis des années à Hong-kong, les autorités refusant constamment de le laisser retourner en Chine, d'où il a été banni après s'être rendu aux Etats-Unis pour se soigner d'une tuberculose, contractée en prison.
  7. 149. Le 21 juillet 1998, les autorités chinoises ont appréhendé un autre travailleur du nom de Zhang Shanguang, qui avait essayé de créer une organisation syndicale indépendante. Comme beaucoup d'autres initiatives de ce genre, son geste avait notamment pour but de protéger les droits de collègues qui avaient été licenciés. Dans ce cadre, il avait fourni à des journalistes étrangers des informations sur les manifestations qu'avaient organisées des travailleurs licenciés de sa région, et il avait été interviewé à ce sujet. Accusé d'intelligence avec des organisations étrangères, il a été condamné, le 27 décembre 1998, à une peine de prison de dix ans assortie d'une condamnation aux travaux forcés. Selon la CISL, la peine infligée à Zhang serait directement liée à la tentative qu'il avait faite de créer une association portant le nom d'Association pour les droits des travailleurs licenciés du comté de Shupu. La CISL a été choquée d'apprendre que, pendant l'interrogatoire qu'il a subi le 6 août 1998, Zhang a été roué de coups par des membres d'une milice dépendant de la police pour avoir refusé de répondre à leurs questions. Zhang est âgé de 45 ans et il est sérieusement atteint de tuberculose. L'expérience qu'elle a avec les militants syndicaux qui sont détenus en Chine fait dire à la CISL que Zhang risque de rester en prison pendant des années et de voir son état de santé s'aggraver faute de soins jusqu'à sa libération une fois sa peine purgée, s'il survit, sauf libération avant terme pour des raisons de santé et grâce aux pressions politiques et diplomatiques qui auront été exercées sur le plan international.
  8. 150. La CISL ajoute que, quelques jours après l'arrestation de Zhang, les autorités ont ordonné l'arrestation de Jin Jiwu, Li Yingzhi et Song Ge, qui se trouvaient tous au domicile de Jin, à Xiangtan, une ville de la province du Hunan située dans le sud de la Chine. La police aurait également fouillé la maison de Jin et saisi son ordinateur et ses livres, ainsi que ses carnets d'adresses. Ils ont été arrêtés tous les trois alors qu'ils discutaient des actions à entreprendre pour obtenir la relaxe de Zhang Shanguang, qui avait invité Jin à adhérer à son association. Ils s'étaient, en effet, réunis le 11 juillet pour discuter de questions politiques et sociales d'actualité et de la protection des travailleurs licenciés.
  9. 151. La CISL explique qu'il n'est pas surprenant, dans un tel climat de répression, que des travailleurs soient maltraités, battus et, souvent, arrêtés. C'est ainsi que, le 21 octobre 1998, au moins dix travailleurs ont été blessés, dont quatre grièvement, alors qu'ils organisaient une manifestation pacifique le long d'une ligne de chemins de fer de la province du Sichuan pour essayer d'obtenir le paiement des salaires non versés. Ils avaient occupé pacifiquement pendant quatre heures une gare qui se trouvait sur la ligne de chemins de fer de Baocheng, perturbant le passage d'une dizaine de trains au moins. (La ligne de chemins de fer de Baocheng, qui relie la ville de Chengdu, dans la province du Sichuan, à Baoji dans la province du Shaanxi, est, selon la CISL, la principale ligne de chemins de fer de la Chine du Sud-Ouest.) Une échauffourée s'est produite lorsque plus de 100 policiers ont usé de la force pour disperser près de 500 manifestants, des ouvriers de l'aciérie Peijiang, une entreprise étatique située à Jiangyou. Les travailleurs n'avaient pas été payés depuis trois mois. La plupart des manifestants étaient des travailleurs qui avaient été licenciés, et les autres continuaient à travailler pour l'usine, qui avait à ce moment-là déposé son bilan. La police du Sichuan a confirmé que la manifestation avait bien eu lieu, tout en refusant de chiffrer le nombre des personnes qui avaient été blessées lors de l'affrontement.
  10. 152. La CISL fait remarquer qu'en 1999 la répression s'est poursuivie sans relâche et qu'elle a déjà été informée de plusieurs cas de détention de militants syndicalistes et/ou de travailleurs qui défendent les droits des travailleurs et présentent leurs doléances. C'est ainsi que, le 4 janvier 1999, la police a arrêté plus d'une centaine de travailleurs retraités, rouant de coups certains d'entre eux alors qu'ils manifestaient dans la ville industrielle de Wuhan. Les forces de police ont foncé sur ces travailleurs âgés 10 minutes à peine après qu'ils se furent rassemblés pour réclamer le paiement de leur pension (150 yuans par mois, soit 18 dollars) par la fabrique de meubles de Wuhan Qintai. Plus de 200 policiers ont chargé les manifestants pour écraser le mouvement, et chaque manifestant a été emmené par deux policiers antiémeutes. Plus d'une dizaine de travailleurs retraités ont résisté aux forces de police et ont été roués de coups, dont un travailleur de 70 ans qui a été assommé. Les observateurs ont fait remarquer que cet affrontement violent contrastait avec la manière dont d'autres manifestations avaient été traitées, et qui s'étaient terminées de manière pacifique après que des fonctionnaires régionaux eurent promis que les arriérés de salaires et pensions seraient versés. D'après une des sources de la CISL, l'attitude adoptée cette fois-ci par la police de Wuhan s'expliquerait par deux discours très durs prononcés en décembre 1998 par le Président Jiang Zemin, qui avait ordonné d'étouffer dans l'oeuf toute source d'instabilité dans un discours qui avait été largement diffusé aussi bien par la presse chinoise que par la presse internationale.
  11. 153. En outre, le 11 janvier 1999, les autorités avaient fait incarcérer Yue Tianxiang, militant indépendant et défenseur des droits des travailleurs de la ville de Tianshui, dans la province du Gansu, au nord-ouest du pays. Le 4 janvier 1999, Yue Tianxiang s'était opposé à la décision prise par le gouvernement central d'interdire la publication de tout matériel imprimé dit "politiquement" sensible et avait fait paraître une revue qui défendait les droits des travailleurs. Comme toujours en pareils cas, il avait profité de la parution du premier numéro de sa publication, le China Workers' Observer, pour dénoncer la corruption qui régnait dans son entreprise, une société de transports étatique dont le personnel n'avait pas été payé, dans certains cas, depuis trois ans. Avant cela, Yue avait organisé des actions licites pour amener l'entreprise en question, la Société de transports automobiles de Tianshui, à verser aux travailleurs, qu'ils soient licenciés ou non, leurs arriérés de salaire. Selon les médias chinois, Yue aurait été traduit, le 28 mai 1999, devant le Tribunal populaire intermédiaire de Tianshui, en même temps que deux travailleurs qui avaient été arrêtés dans cette affaire: Guo Xinmin, un collègue de Yue, et Wang Fengshan, qui aurait joué le rôle de conseiller auprès des deux autres. S'ils sont reconnus coupables d'avoir mené une action subversive, ils pourraient être condamnés tous les trois à une peine de dix ans de prison au moins. On les accuse, semble-t-il, d'avoir voulu détruire le pouvoir de l'Etat en créant un groupe pour protéger les droits des travailleurs, d'avoir organisé des manifestations avec des travailleurs licenciés et d'avoir accepté 400 dollars des Etats-Unis d'une organisation établie aux Etats-Unis dont le nom n'a pas été révélé. On les accuse également d'avoir eu des contacts avec des organisations "ennemies" établies à Hong-kong et aux Etats-Unis, et la CISL pense, pour la première, au China Labour Bulletin, dont le rédacteur en chef est Han Dong-fang. Selon la CISL, alors que l'entreprise avait enregistré des pertes s'élevant à 6,8 millions de dollars en trois ans, et avait arrêté de verser les indemnités de chômage, certains cadres s'étaient acheté des appartements et avaient dépensé 65 000 dollars en loisirs de toutes sortes, dont un voyage d'agrément à Guangzhou, une ville du sud-est du pays.
  12. 154. La CISL souligne que le procès a eu lieu à un moment où les autorités multipliaient les détentions et renforçaient la surveillance des dissidents pour empêcher la célébration du dixième anniversaire de l'assaut militaire qui avait mis fin au mouvement démocratique de Tian'anmen. Toutefois, indépendamment même de cet anniversaire, la CISL souligne que les chefs d'inculpation retenus contre les trois militants susmentionnés sont parmi les plus sévères jamais retenus contre des dissidents et des militants. La CISL y voit un signe de l'inquiétude qu'éprouvent les autorités devant les manifestations toujours plus importantes des travailleurs contre la corruption, les détournements de fonds, le non-paiement des salaires et les licenciements massifs. Pour la CISL, les incidents décrits ci-dessus reflètent bien le climat général qui règne parmi les communautés de travailleurs un peu partout en Chine. Selon de nombreuses sources, dont plusieurs médias officiels, la plupart des 60 000 manifestations et plus qui ont été organisées par les travailleurs et les agriculteurs l'année dernière avaient un rapport avec la corruption de fonctionnaires et les énormes difficultés qu'ont rencontrées les travailleurs de ce fait.
  13. 155. La CISL précise pour finir que, le 18 mars 1999, la police a blessé dix travailleurs lors d'une échauffourée qui l'a opposée à des manifestants qui réclamaient le paiement des indemnités de chômage. L'incident s'est produit après que 200 mineurs des mines de charbon de Chengdu, une ville du sud-ouest du pays, eurent refusé d'obtempérer à l'ordre donné par la police d'organiser la manifestation dans un autre endroit. Les manifestants faisaient partie des 3 000 travailleurs qui avaient été licenciés cette même année après la fermeture de leur mine de charbon. Bon nombre d'entre eux n'avaient touché aucune indemnité. Selon la CISL, le fonds d'indemnisation accordé par l'Etat aux manifestants aurait été vidé par les fonctionnaires. Près de 200 victimes manifestaient depuis le 15 mars devant les bureaux des services municipaux, et la manifestation s'était poursuivie le 18 mars sous la surveillance des forces de police, qui avaient été renforcées et qui comptaient alors une centaine de policiers.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 156. Dans une communication datée du 6 mars 2000, le gouvernement déclare que la plainte présentée par la CISL selon laquelle le gouvernement chinois aurait violé les principes de la liberté syndicale est totalement injustifiée. Sincèrement désireux de coopérer pleinement avec l'OIT, il aurait cependant ouvert des enquêtes approfondies sur les questions soulevées dans la plainte avec les ministères de la Sécurité publique et de la Justice ainsi qu'avec la Fédération panchinoise des syndicats et les départements concernés des provinces du Shaanxi, du Gansu, du Sichuan et du Hunan. Selon les renseignements donnés par le gouvernement, les allégations de la CISL seraient non fondées et fausseraient la réalité. Le plaignant allègue, par exemple, qu'il arrive souvent aux autorités chinoises de verser en retard les salaires des travailleurs et les pensions des travailleurs retraités, que les travailleurs licenciés ne touchent aucune indemnité et que les travailleurs qui manifestent contre le non-paiement des arriérés de salaire ou de pensions sont souvent maltraités, battus ou arrêtés. Selon le gouvernement, une telle accusation ne correspond pas à la réalité et montre que le plaignant ignore tout des mesures qui sont prises aujourd'hui en Chine pour résoudre ces problèmes.
  2. 157. Le gouvernement précise ensuite que le niveau de vie a énormément augmenté et que les droits fondamentaux des travailleurs et leurs conditions de travail se sont considérablement améliorés ces vingt dernières années en Chine. En outre, il y a eu des progrès considérables dans l'instauration de la démocratie et l'élaboration de la législation en Chine. Dans le même temps, le gouvernement a amélioré par différents régimes le système de sécurité sociale en matière de retraite, de soins médicaux et d'assurance chômage, donnant ainsi aux travailleurs de plus grandes possibilités d'emploi et des sauvegardes sociales fondamentales. Les différentes mesures qui ont été prises ont garanti pleinement les conditions de vie fondamentales des travailleurs licenciés et des personnes au chômage ou retraitées; c'est pourquoi les travailleurs, et plus précisément les travailleurs susmentionnés, comprennent tout à fait le gouvernement et le soutiennent pleinement à cet égard. C'est ainsi que certains des 11 900 000 travailleurs qui ont été licenciés en 1999 ont pu trouver un emploi, de sorte qu'à la fin de 1999 il ne restait plus que 6 500 000 travailleurs sans emploi, et l'Etat subvenait aux besoins quotidiens de 90 pour cent d'entre eux. Par ailleurs, au deuxième trimestre de 1999, les autorités ont augmenté les salaires des personnes à bas revenus. Les 6 500 000 travailleurs licenciés, les 800 000 travailleurs au chômage et les 27 millions de personnes à la retraite ont ainsi vu augmenter leurs revenus. Le gouvernement indique toutefois que, malgré les efforts considérables qu'il a faits, des problèmes inattendus se posent inévitablement du fait que le niveau de développement économique du pays n'est pas élevé et que le système de sécurité sociale est encore en gestation et dans une phase transitoire. Le gouvernement n'en attache pas moins une grande importance à de tels incidents et s'efforce toujours de trouver un moyen de les résoudre convenablement et rapidement. C'est pourquoi il ne peut pas y avoir d'incidents comme les arrestations, les coups et la dispersion forcée des travailleurs qui sont allégués dans la plainte.
  3. 158. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle les autorités chinoises continueraient à réprimer toute tentative faite par les travailleurs de constituer des organisations de travailleurs indépendantes quelles qu'elles soient, ou de s'y affilier, y compris des groupes de travailleurs qui s'efforcent de défendre et de protéger les droits des travailleurs librement et indépendamment des autorités publiques, le gouvernement souligne l'importance qu'il attache à la protection des droits démocratiques de ses citoyens, y compris la liberté syndicale, et réaffirme que les droits civils et politiques du peuple chinois sont effectivement garantis par la loi. Tout d'abord, selon l'article 35 de la Constitution, les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté d'expression, de la liberté de la presse, de la liberté de réunion, d'association, de défilé et de manifestation. En outre, l'article 7 de la loi sur les syndicats stipule que les travailleurs ont le droit, en vertu de la loi, de créer des syndicats et de s'y affilier, et les représentants syndicaux doivent, en vertu de la loi, défendre les droits et les intérêts des travailleurs et mener des activités en toute indépendance. Enfin, l'article 3 de la loi sur les syndicats stipule que toutes les personnes engagées dans un travail manuel ou intellectuel et employées par une entreprise, une institution ou un bureau sur le territoire chinois, et qui sont principalement salariées, ont le droit de créer des syndicats et de s'y affilier, conformément à la loi, quels que soient leur statut ethnique, leur race, leur sexe, leur occupation, leur croyance religieuse ou leur degré d'éducation. Selon le gouvernement, toutes ces dispositions prouvent que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et de s'y affilier est pleinement garanti. A la fin de 1998, il y avait déjà 165 600 organisations sociales en Chine.
  4. 159. Le gouvernement souligne néanmoins que, comme dans d'autres pays, lorsque des citoyens chinois exercent leur droit de liberté syndicale, ils doivent respecter la loi de ce pays. Par ailleurs, l'article 8 de la convention no 87 stipule expressément que, lorsqu'ils exercent les droits prévus dans la convention, les travailleurs et employeurs et leurs organisations respectives, comme d'autres personnes ou collectivités organisées, sont tenus de respecter la loi du pays. Selon le gouvernement, si les activités de certains citoyens, y compris celles des travailleurs et de leurs organisations, sont contraires à la loi de ce pays, elles sont naturellement punies en vertu de la loi. Il est extrêmement dangereux et fallacieux de considérer une infraction à la loi comme une atteinte à la liberté syndicale. Selon l'enquête menée par le gouvernement, les personnes mentionnées dans la plainte ont toutes violé la loi de ce pays. Par conséquent, il ne s'agit pas d'un problème d'atteinte à la liberté syndicale mais d'un problème d'infraction à la loi ordinaire.
  5. 160. Le gouvernement donne ensuite les résultats des enquêtes menées sur les personnes et les événements mentionnés dans la plainte. Zhao Changqing a été condamné en janvier 1998 à trois années de prison pour activités subversives mettant en danger la souveraineté nationale et la sécurité de l'Etat. Li Qingxi a déjà été relâché, sa peine de rééducation par le travail ayant été purgée. Qin Yongmie a été condamné à douze ans de prison pour activités subversives portant atteinte à la souveraineté nationale et à la sécurité de l'Etat; il est actuellement en détention. Zhang Shanguang a été condamné à dix ans de prison pour avoir fourni des informations à des organisations se trouvant hors de Chine; il est actuellement en détention. Jin Jiwu, Li Yingzhi et Song Ge ont tous été relaxés après une période de rééducation et un avertissement. Yue Tianxing, Guo Xinmin et Wang Fengshan ont été condamnés respectivement à dix ans, deux ans et un an de prison pour activités subversives portant atteinte à la souveraineté nationale et à la sécurité de l'Etat.
  6. 161. S'agissant de l'allégation selon laquelle la police aurait usé de la force pour disperser des salariés de l'aciérie Peijang, de Jiangyou, une ville du Sichuan, qui manifestaient pour réclamer le paiement de leurs arriérés de salaire, le gouvernement affirme qu'il s'agit d'un incident imprévu dont l'importance a été quelque peu exagérée dans la plainte et qui est dû à la faillite de l'usine. L'entreprise étant incapable de payer ses dettes depuis un certain nombre d'années, elle avait été mise en faillite par le Tribunal du peuple. Le gouvernement a réussi par la suite à résoudre ce problème conformément à certaines réglementations de l'Etat en apportant un soutien aux chômeurs et en subvenant aux besoins des personnes qui travaillaient encore pour l'usine.
  7. 162. Le gouvernement répond ensuite à l'allégation selon laquelle la police de Wuhan aurait arrêté le 4 janvier 1999 une centaine de retraités de cette usine qui manifestaient contre le non-paiement de leurs pensions, et roué de coups certains d'entre eux. D'après l'enquête menée par le gouvernement, une trentaine de salariés et retraités de l'ancienne fabrique de meubles de Qintai, dans la ville de Wuhan, auraient participé le 5 janvier 1999 à un sit-in dans le boulevard Hanjiang pour protester contre la reprise de leur usine par une société privée. Les forces de sécurité de la ville sont arrivées sur le champ et ont réussi à persuader les manifestants de retourner à l'usine sans avoir à utiliser la force contre eux. Après cet incident, et grâce aux efforts déployés par différents acteurs, les craintes des travailleurs ont pu être dissipées; leur usine a été reprise en juin 1999, et des arrangements convenables ont pu être trouvés pour eux.
  8. 163. Pour finir, le gouvernement répond à l'allégation disant qu'il y aurait eu le 18 mars 1999 de violents affrontements entre la police et des manifestants qui réclamaient des allocations chômage, et que la police aurait blessé dix manifestants. Selon les résultats de l'enquête menée par le gouvernement, la mine Dujiang, de la ville de Chengdu, était une vieille entreprise créée en 1939. Après soixante ans de fonctionnement, elle s'est retrouvée sans ressources. En juillet 1998, elle avait déposé le bilan avec l'agrément du conseil des représentants du personnel. Le 18 mars 1999, une partie du personnel a participé à un sit-in devant les bureaux du gouvernement de Chengdu pour protester contre ce dépôt de bilan et pour obtenir la retraite anticipée, contrairement à la réglementation en vigueur sur ce sujet. Etant donné l'importance qu'elles attachaient à cette affaire, les autorités municipales ont dépêché des agents du ministère du Travail, de l'industrie houillère et d'autres auprès des travailleurs pour essayer de les convaincre. Ces agents ont réussi à ramener les manifestants à l'entreprise en évitant tout incident violent, et personne n'a été blessé. Par la suite, la réglementation régissant la retraite anticipée a été expliquée aux travailleurs, et les problèmes liés au dépôt de bilan qui touchaient les travailleurs ont été résolus. Le 22 septembre 1999, le Tribunal populaire de grande instance de Chengdu a rendu un jugement de faillite à propos de cette mine; des arrangements ont été trouvés pour près de 2 400 travailleurs.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 164. Le comité note que ce cas concerne de sérieuses allégations de violations de la liberté syndicale qui portent sur la détention et l'emprisonnement de militants qui auraient essayé de créer des organisations de travailleurs indépendantes ou de mener des activités licites pour défendre les intérêts professionnels des travailleurs. Les allégations portent également sur l'agression physique de travailleurs et la dispersion forcée de travailleurs qui protestaient contre leurs conditions d'emploi.
  2. 165. S'agissant de l'allégation générale du plaignant selon laquelle les autorités chinoises continueraient à réprimer toute tentative faite par les travailleurs de constituer les organisations de travailleurs indépendantes de leur choix ou de s'y affilier, y compris des groupes de travailleurs qui s'efforcent de défendre et de protéger les droits des travailleurs librement et indépendamment des autorités publiques, le comité note que le gouvernement souligne l'importance qu'il attache à la protection des droits démocratiques de ses citoyens, y compris le droit de liberté syndicale. Le gouvernement cite ensuite certaines dispositions de sa Constitution et de sa Loi sur les syndicats qui, selon lui, garantissent pleinement le droit des travailleurs de créer des organisations de leur choix et de s'y affilier. A cet égard, le comité se doit de rappeler que, lorsqu'il avait examiné deux plaintes précédentes présentées contre le gouvernement de la Chine (voir 286e rapport (cas no 1652) et 310e rapport (cas no 1930)), il avait conclu que les obligations prévues aux articles 5, 8 et 9 de la Loi sur les syndicats empêchaient la création d'organisations syndicales, indépendantes des autorités publiques et du parti au pouvoir, qui auraient pour mission de défendre et de promouvoir les intérêts de leurs mandants et non de renforcer le système politique et économique du pays. Le comité avait ajouté que les articles 4, 11 et 13 résultaient de l'imposition d'un monopole syndical et que l'obligation faite aux organisations de base de rester sous le contrôle d'organisations syndicales faîtières et d'accepter que leurs statuts soient élaborés par le Congrès national des membres syndicaux constituait une entrave importante au droit des syndicats d'élaborer leurs propres statuts, d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes d'action. (Voir 286e rapport, paragr. 713-717.) Par conséquent, le comité avait conclu que de nombreuses dispositions de la Loi sur les syndicats étaient contraires aux principes fondamentaux de la liberté syndicale et avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions en question soient modifiées. (Voir 286e rapport, paragr. 728(a), et 310e rapport, paragr. 367(a).) Notant avec regret que le gouvernement se contente de répéter que la Loi sur les syndicats garantit pleinement le droit des travailleurs de créer des organisations de leur choix et de s'y affilier, le comité demande une fois de plus au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les articles 4, 5, 8, 9, 11 et 13 de la loi soient modifiés conformément aux principes de la liberté syndicale.
  3. 166. Pour ce qui est de la situation des personnes nommément citées par le plaignant et qui auraient été incarcérées pour avoir tenté de créer des organisations de travailleurs indépendantes ou de mener des activités pour défendre les intérêts légitimes des travailleurs, le comité note que le gouvernement rejette l'allégation selon laquelle ces travailleurs auraient été emprisonnés pour avoir mené des activités licites en vue de défendre les intérêts des travailleurs ou pour avoir essayé de créer des organisations de travailleurs indépendantes. D'après le gouvernement, toutes ces personnes auraient violé la législation nationale qui, en vertu de l'article 8 de la convention no 87, doit être respectée par les travailleurs et leurs organisations. Tout en prenant dûment note de la déclaration du gouvernement, le comité tient à rappeler que l'article 8 de cette convention stipule que, dans l'exercice de leur droit à la liberté syndicale, les travailleurs et leurs organisations sont tenus de respecter la législation nationale à condition que cette législation ne porte pas atteinte et ne soit pas appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par cette convention. Avant de passer à l'examen de la situation de chacune des personnes condamnées à une peine de prison, le comité note de manière générale que, selon le gouvernement, toutes les personnes concernées ont été soit reconnues coupables d'avoir mené des activités subversives qui mettent en danger la souveraineté nationale et la sécurité de l'Etat, soit condamnées à une peine de rééducation par le travail. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas fourni de précisions sur les raisons pour lesquelles les activités menées par ces personnes ont été considérées comme "subversives". Etant donné les renseignements précis fournis par l'organisation plaignante au sujet des activités ayant un rapport avec le travail des personnes qui ont été ultérieurement condamnées à une peine de prison, et le gouvernement n'ayant donné aucune explication sur le caractère criminel de ces activités, le comité se doit de conclure d'emblée que c'est pour avoir mené des activités syndicales licites que les individus concernés ont été condamnés. A fortiori, il se doit de conclure que l'application de la législation nationale (probablement la Loi sur la sécurité nationale et la Réglementation sur la rééducation par le travail) à des personnes qui menaient des activités syndicales licites constitue une violation flagrante des principes de la liberté syndicale. Par conséquent, le comité considère comme non fondée l'affirmation du gouvernement selon laquelle les personnes mentionnées dans la plainte ont toutes violé la loi de ce pays et que ce cas n'est pas un problème d'atteinte à la liberté syndicale mais un problème d'infraction à la loi ordinaire. Le comité souligne enfin que les droits syndicaux, tout comme les autres droits de l'homme fondamentaux, doivent être respectés quel que soit le niveau de développement du pays concerné. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 41.)
  4. 167. Pour ce qui est de la situation de Zhao Changqing, le plaignant allègue que c'est pour l'empêcher de se présenter aux élections pour le poste de député au Congrès populaire local que les autorités l'ont assigné à résidence car il comptait se servir de la campagne électorale pour dénoncer publiquement le détournement des fonds de l'entreprise et le non-paiement des arriérés de salaire. A cet égard, le comité tient à rappeler que le fait d'interdire de façon générale les activités politiques exercées par les syndicats et leurs membres pour la promotion de leurs objectifs spécifiques est contraire aux principes de la liberté syndicale. Une organisation syndicale peut vouloir exprimer publiquement son opinion sur la politique économique et sociale du gouvernement. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, op. cit., paragr. 452 et 455.) Le comité note que le gouvernement se contente de dire que c'est pour ses activités subversives qui mettent en danger la souveraineté nationale et la sécurité de l'Etat que Zhao a été condamné en janvier 1998 à une peine de prison de trois ans, et ne donne aucune précision sur la nature de ces activités subversives. Par conséquent, le comité est amené à conclure que c'est pour avoir mené des activités syndicales licites que Zhao a été condamné à une peine de prison; il prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de sa relaxe immédiate et lui demande de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
  5. 168. S'agissant de Li Qingxi, qui aurait accusé les syndicats existants d'être à la solde du gouvernement et aurait réclamé la création de syndicats indépendants, et de Jin Jiwu, Li Yingzhi et Song Ge, qui se seraient réunis pour discuter de problèmes politiques et sociaux d'actualité et de la protection des travailleurs licenciés, ainsi que des actions à entreprendre pour obtenir la relaxe d'un autre militant syndicaliste, le comité prend note de la déclaration du gouvernement, selon lequel toutes ces personnes auraient été relaxées une fois purgée leur peine de rééducation par le travail. Le comité tient à rappeler au gouvernement que ce système de rééducation par le travail constitue une forme de travail forcé et de détention administrative à l'égard de personnes non condamnées par les tribunaux et même, dans certains cas, non susceptibles d'être sanctionnées par les organes judiciaires. Cette forme de détention et de travail forcé constitue sans aucun doute une atteinte aux normes fondamentales de l'OIT qui garantissent le respect des droits de l'homme et, dans le cas où elle s'applique à des personnes s'étant livrées à des activités de nature syndicale, une violation manifeste des principes de la liberté syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 67.) Le comité prie instamment le gouvernement de s'abstenir à l'avenir de recourir à de telles mesures.
  6. 169. S'agissant de la situation de Qin Yongmie, qui aurait lancé un appel national en faveur de la création de syndicats indépendants et qui, craignant de ne plus pouvoir revenir, aurait rejeté l'offre que lui avaient faite les autorités de quitter le pays en janvier 1998, le comité prend note avec préoccupation de la réponse du gouvernement disant que c'est pour subversion contre la souveraineté nationale et la sécurité de l'Etat qu'il a été condamné à une peine de douze ans de prison. A cet égard, le comité tient à rappeler que le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix implique, notamment, la possibilité de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes de celles qui existent déjà et de tout parti politique. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 273.) Notant que le gouvernement ne donne pas de précision sur les raisons pour lesquelles les activités de Qin ont été considérées comme subversives, le comité ne peut que conclure que c'est pour avoir mené des activités syndicales licites que Qin Yongmie a été condamné à une peine de prison. Déplorant la sévérité de la peine qui lui a été infligée, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de sa relaxe immédiate. Il le prie de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
  7. 170. L'organisation plaignante allègue que Zhang Shanguang a essayé lui aussi de créer une organisation syndicale indépendante portant le nom d'Association pour les droits des travailleurs licenciés de Shupu. En outre, il aurait transmis à des journalistes étrangers des informations sur les manifestations des travailleurs licenciés de sa région et aurait été interviewé sur le sujet pour lequel il a été accusé d'avoir fourni des renseignements à des organisations étrangères, et condamné le 27 décembre 1998 à une peine de dix ans de prison assortie d'une période de travaux forcés. Le comité note avec préoccupation la déclaration du gouvernement disant que c'est pour avoir fourni des informations à des organisations établies hors de Chine que Zhang a été condamné à une peine de dix ans de prison. Le comité déplore la sévérité de cette peine et rappelle au gouvernement que la Conférence internationale du Travail a signalé que la liberté d'opinion et d'expression et, en particulier, le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de divulguer les informations et les idées par quelque moyen d'expression que soit constituaient des libertés civiles qui sont essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 39.) Le comité insiste, par conséquent, pour que le gouvernement prenne les mesures nécessaires en vue de la relaxe immédiate de Zhang Shanguang et le prie de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
  8. 171. Le comité prend aussi note avec préoccupation des allégations concernant l'état de santé de Zhang, ainsi que des allégations très sérieuses concernant son passage à tabac par des membres d'une milice dépendant de la police lors de l'interrogatoire qu'il a subi le 6 août 1998. Notant avec regret que le gouvernement ne répond pas à ces allégations, le comité tient à rappeler que, dans les cas allégués de tortures ou de mauvais traitements de prisonniers, les gouvernements devraient enquêter sur les plaintes de cette nature pour que les mesures qui s'imposent, y compris la réparation des préjudices subis, soient prises et que des sanctions soient infligées aux responsables pour veiller à ce qu'aucun détenu ne subisse ce genre de traitement. Le comité a également souligné l'importance qu'il convient d'attribuer au principe consacré par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lequel toute personne privée de liberté doit être traitée avec humanité et dans le respect dû à un être humain. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 57 et 59.) Par conséquent, le comité prie instamment le gouvernement d'ouvrir immédiatement une enquête indépendante sur les sérieuses allégations relatives aux tortures et aux mauvais traitements qui auraient été infligés à Zhang pendant sa détention afin d'établir les responsabilités et de punir les responsables. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de l'enquête.
  9. 172. Pour ce qui est de l'allégation concernant la détention et le jugement, le 28 mai 1999, de Yue Tianxiang, Guo Xinmin et Wang Fengshan, le comité note avec préoccupation la réponse du gouvernement selon lequel ces trois travailleurs auraient été condamnés respectivement à des peines de prison de dix ans, deux ans et un an pour avoir mené des activités subversives portant atteinte à la souveraineté nationale et à la sécurité de l'Etat. Le comité prend note de l'information fournie par le plaignant selon laquelle Yue Tianxiang, un militant indépendant des droits des travailleurs, se serait opposé à la décision prise par le gouvernement d'interdire la publication de tout matériel considéré comme "politiquement" sensible, et aurait lancé une revue qui défend les droits des travailleurs. Il aurait utilisé le premier numéro de sa publication, le China Workers' Observer, pour dénoncer la corruption qui règne dans l'entreprise où il travaille, une société de transport détenue par l'Etat dont les salariés n'ont pas été payés, dans certains cas, depuis trois ans, et défendre d'autres griefs du personnel. A cet égard, le comité rappelle que la publication et la diffusion de nouvelles et d'informations intéressant spécialement les syndicats et leurs membres constituent une activité syndicale licite, et l'application de mesures de contrôle des publications et des moyens d'information peut impliquer une ingérence sérieuse des autorités administratives dans ces activités. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 161.) Le comité prend note également de la précision apportée par le plaignant, à savoir que ces trois travailleurs ont également été accusés d'avoir touché de l'argent d'une organisation étrangère, et tient à rappeler qu'il estime que toutes les organisations nationales de travailleurs et d'employeurs devraient avoir le droit de recevoir une aide financière d'organisations internationales de travailleurs et d'employeurs, respectivement, qu'elles soient ou non affiliées à ces dernières. (Voir 305e rapport, paragr. 380.) Par conséquent, le fait de sanctionner un tel geste comme un délit est considéré comme une violation des principes de la liberté syndicale. Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que Yue Tianxiang, Guo Xinmi et Wang Fengshan, qui ont été condamnés respectivement à dix ans, deux ans et un an de prison, soient relâchés sans délai. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
  10. 173. Pour ce qui est de l'allégation générale du plaignant disant qu'il arrive souvent aux autorités chinoises de payer en retard les salaires des travailleurs et les pensions des travailleurs retraités, que les travailleurs licenciés ne touchent aucune indemnité et que les travailleurs qui manifestent contre le non-paiement des arriérés de salaire ou des pensions sont souvent maltraités, battus ou arrêtés, le comité prend note de la réponse du gouvernement, à savoir qu'une telle accusation est sans fondement et constitue une déformation de la réalité. Par conséquent, le gouvernement ne rejette pas les allégations selon lesquelles des travailleurs de l'aciérie Peijiang à Jiangyou, une ville du Sichuan, auraient manifesté le 21 octobre 1998 pour réclamer le paiement des salaires non versés, ou que les travailleurs de la fabrique de meubles Qintai, de Wuhan, auraient participé à un sit-in le 4 janvier 1999, ou encore que les mineurs des houillères de Dujiang, dans la ville de Chengdu, auraient participé à un sit-in le 18 mars 1999 pour manifester contre le dépôt de bilan de leur entreprise. Toutefois, le gouvernement rejette les allégations disant que la police aurait usé de la force à l'égard de ces manifestants, ou que des affrontements auraient opposé la police aux travailleurs, faisant des blessés parmi ces derniers. Le gouvernement affirme qu'au contraire ces conflits ont tous été résolus de manière pacifique.
  11. 174. Etant donné que le plaignant et le gouvernement donnent une version différente des événements qui se sont produits pendant ces différentes manifestations, le comité tient à rappeler simplement que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels, et que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l'ordre public serait sérieusement menacé. L'intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l'ordre public qu'il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d'éliminer le danger qu'impliquent les excès de violence lorsqu'il s'agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l'ordre public. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 132 et 137.)
  12. 175. Enfin, compte tenu de l'importance des principes en cause, tant en ce qui concerne les allégations de fait que celles de nature législative, le comité demande au gouvernement d'envisager la possibilité d'accueillir une mission de contacts directs dans le pays, afin que celle-ci examine les questions en instance avec toutes les parties concernées. Le comité espère que le gouvernement accueillera favorablement cette suggestion, formulée dans un esprit constructif, dans le but de l'aider à trouver les solutions appropriées aux problèmes existants et à appliquer pleinement les principes de la liberté syndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 176. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Rappelant que, dans l'exercice de leurs droits à la liberté syndicale, les travailleurs et leurs organisations doivent respecter la loi nationale, à condition que celle-ci ne porte pas atteinte ni ne soit appliquée de manière à porter atteinte aux principes de la liberté syndicale, et rappelant en outre que plusieurs dispositions de la loi sur les syndicats sont contraires aux principes fondamentaux relatifs au droit des travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, de constituer les organisations de leur choix et de s'y affilier sans autorisation préalable et au droit des syndicats d'élaborer leurs statuts, d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes d'action, le comité prie une fois de plus le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les articles 4, 5, 8, 9, 11 et 13 de la loi soient modifiés conformément aux principes de la liberté syndicale.
    • b) Rappelant que l'interdiction générale des activités politiques des syndicats et de leurs membres destinées à promouvoir leurs objectifs spécifiques est contraire aux principes de la liberté syndicale, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de la relaxe immédiate de Zhao Changqing, condamné en janvier 1998 à une peine de prison de trois ans. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
    • c) Le comité rappelle au gouvernement que le système de rééducation par le travail constitue une violation des normes fondamentales de l'OIT qui garantissent le respect des droits de l'homme et, dans le cas où il s'applique à des personnes s'étant livrées à des activités syndicales, constitue une violation manifeste des principes de la liberté syndicale; il prie instamment le gouvernement de s'abstenir à l'avenir de recourir à de telles mesures.
    • d) Rappelant que le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix implique, en particulier, la possibilité réelle de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes de celles qui existent déjà et de tout parti politique, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de la relaxe immédiate de Qin Yongmie, qui a été condamné en 1998 à douze ans de prison. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
    • e) Rappelant que la liberté d'opinion et d'expression et, en particulier, le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de divulguer les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit constituent des libertés civiles qui sont essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux, le comité insiste pour que le gouvernement prenne les mesures nécessaires en vue de la relaxe immédiate de Zhang Shanguang, qui a été condamné le 27 décembre 1998 à dix ans de prison; il prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard. Le comité prie aussi instamment le gouvernement d'ouvrir sans délai une enquête indépendante sur les allégations sérieuses relatives aux tortures et mauvais traitements qui auraient été infligés à Zhang alors qu'il était en détention, afin d'établir les responsabilités et de punir les responsables. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de l'enquête.
    • f) Rappelant que la publication et la diffusion de nouvelles et d'informations qui présentent un intérêt général ou particulier pour les syndicats et leurs membres constituent une activité syndicale légitime et que les organisations nationales de travailleurs et d'employeurs devraient avoir le droit de recevoir une aide financière d'organisations internationales de travailleurs et d'employeurs, respectivement, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que Yue Tianxiang, Guo Xinmin et Wang Fengshang, qui ont été condamnés respectivement à dix ans, deux ans et un an de prison le 28 mai 1999, soient relâchés sans délai. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
    • g) Compte tenu des divergences entre les versions du plaignant et du gouvernement quant aux événements qui se sont déroulés durant les diverses manifestations, le comité se borne à rappeler au gouvernement que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels et que les autorités ne devraient avoir recours à la force que dans des situations où l'ordre public serait sérieusement menacé.
    • h) Le comité demande au gouvernement d'envisager la possibilité d'accueillir une mission de contacts directs dans le pays, afin que celle-ci examine les questions en instance avec toutes les parties concernées. Le comité espère que le gouvernement accueillera favorablement cette suggestion, formulée dans un esprit constructif, dans le but de l'aider à trouver les solutions appropriées aux problèmes existants et à appliquer pleinement les principes de la liberté syndicale.
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