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Rapport définitif - Rapport No. 138, 1973

Cas no 728 (Jamaïque) - Date de la plainte: 24-OCT. -72 - Clos

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  1. 36. Le Conseil consultatif des syndicats indépendants (Jamaïque) (ITAC) a présenté sa plainte dans une communication en date du 24 octobre 1972 adressée au BIT. Dans une communication ultérieure, en date du 15 novembre 1972, l'ITAC a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. Par une communication en date du 21 novembre 1972, la Confédération mondiale du travail a déposé une plainte sur les questions évoquées dans l'affaire.
  2. 37. Les plaintes susmentionnées et les informations complémentaires ont été communiquées au gouvernement de la Jamaïque, qui a transmis ses observations au sujet des questions qui y sont traitées, dans une communication en date du 24 janvier 1973.
  3. 38. La Jamaïque a ratifié à la fois la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 39. Dans sa communication en date du 24 octobre 1972, l'ITAC déclare que sa plainte a trait aux pratiques déloyales dont le gouvernement et les employeurs se sont rendus coupables à l'encontre de ses membres, le Congrès du travail de la Jamaïque (Jamaica Congress of Labour, JCL) et le syndicat des travailleurs de l'électricité et du bâtiment (Electrical and Construction Workers' Union, ECWU). A cet égard, l'ITAC déclare que, le 19 octobre 1972, il avait adressé au Premier ministre une lettre dans laquelle il sollicitait une audience afin d'exposer les pratiques déloyales en matière de travail dont, affirmait-il, les syndicats qui lui étaient affiliés étaient victimes depuis des mois. Dans un appendice à ladite communication, l'organisation plaignante donnait, dans l'ordre chronologique, la liste des faits qui, selon elle, avaient affecté ses affiliés. En outre, elle appelait l'attention du Premier ministre sur une grève de douze semaines qui était en cours au Consortium Kelly, au sujet de laquelle, disait-elle, l'intervention du Premier ministre avait été sollicitée; elle signalait qu'elle n'avait jusqu'alors vu aucun signe de règlement du différend. Dans la lettre susmentionnée, l'organisation plaignante demandait, de plus, au Premier ministre de modifier les "Directives du ministre du Travail concernant l'élection de représentants des travailleurs" qui, estimait-elle, pouvaient être utilisées par les politiciens et les fonctionnaires pour démanteler n'importe quel syndicat. Le texte de l'appendice à la lettre envoyée par les plaignants au Premier ministre est reproduit ci-après:
  2. 40. "SERIE DE FAITS ATTESTANT LE REFUS DES EMPLOYEURS DE RECONNAITRE LES DROITS DES TRAVAILLEURS EN MATIERE DE REPRESENTATION OU D'HOMOLOGUER LES ASSOCIATIONS PROFESSIONNELLES CHOISIES PAR LES TRAVAILLEURS
    • Entreprise "Conditioned Air and Associate Contractors".
  3. "1. Le 12 avril 1972, l'ITAC a adressé, au nom d'un syndicat affilié, l'ECWU, une plainte à la direction de l'entreprise Conditioned Air and Associate Contractors au sujet des droits de représentation.
  4. "2. Le 18 avril 1972, il a été demandé au Secrétaire permanent du ministère du Travail et de l'Emploi qu'une réunion soit organisée entre les représentants de l'ECWU et ceux de l'employeur.
  5. "3. Le 21 avril 1972, une liste certifiée des travailleurs membres de l'ECWU a été soumise au ministère du Travail auquel il était demandé, au nom des travailleurs, de jouer le rôle de conciliateur pour résoudre le problème des droits de représentation.
  6. "4. Le 21 juin 1972, le ministère du Travail a répondu en indiquant que la société avait été invitée à fournir une liste des membres de son personnel représentés par un syndicat.
  7. "5. Le 11 juillet, l'ITAC a adressé au ministère du Travail un télégramme de rappel qui fut suivi, le 13 juillet 1972, d'une lettre demandant qu'une réunion soit organisée entre les deux parties en vue de consulter le personnel de la société au sujet des droits de représentation. Le ministère répondit le 21 juillet 1972 en indiquant que la direction da l'entreprise avait été invitée à fournir une liste du personnel.
  8. "6. Le 28 juin 1972, quarante-cinq (45) travailleurs employés par cette entreprise ont été licenciés. Ce même jour, l'ITAC a signalé ces licenciements injustifiés au ministère du Travail et lui a demandé son aide pour l'organisation d'une réunion entre le syndicat et la direction, cependant qu'une grève de tout le personnel était déclenchée.
  9. "7. Le 11 juillet 1972, l'employeur et les représentants de l'ECWU s'entendirent sur une formule de reprise du travail, prévue pour le 12 juillet 1972, aux conditions suivantes:
    • a) tous les travailleurs licenciés devaient être réintégrés;
    • b) la direction s'engageait à n'exercer des représailles d'aucune sorte contre les travailleurs ayant participé à la grève;
    • c) dès la reprise du travail, les travailleurs devaient être consultés, sous le contrôle du ministère du Travail, afin de constituer une représentation syndicale définitive.
  10. "8. Le 12 juillet 1972, le chef du personnel de la société a fourni au ministère du Travail une liste du personnel.
  11. "9. La liste adressée au ministère du Travail a été "perdue" et, à chaque nouvelle demande adressée par l'ITAC, le ministère a toujours répondu que la direction de l'entreprise n'avait pas communiqué la liste en question. Ces allégations sont en contradiction avec la déclaration du chef du personnel de la société, qui a indiqué, le 13 octobre 1972, à Chris. Lawrence, Secrétaire général de l'ITAC, en présence de M. J. Sinclair, fonctionnaire du ministère du Travail, qu'il avait fourni cette liste au ministère le 12 juillet 1972. Ce problème n'a toujours pas été résolu et le ministère du Travail n'a rien fait pour hâter sa solution.
    • Jamaica Industrial Development Corporation (JIDC)
  12. "10. Le 12 avril 1972, le Congrès du travail de la Jamaïque (JCL) a adressé au Secrétaire de la JIDC une lettre l'informant que les chantiers de Paradise, Savanna-La-Mar, employaient des membres du JCL, et demandant que des droits de négociation et de représentation soient accordés au syndicat au nom de ces travailleurs.
  13. "11. Le 17 avril 1972, le Secrétaire de la JIDC accusa réception de cette demande et déclara: "Nous avons pour politique de traiter avec tout syndicat choisi par la majorité des travailleurs pour les représenter. Nous vous suggérons donc de faire en sorte que soit organisée une consultation du personnel, conformément à la réglementation établie par le ministère du Travail et de l'Emploi. S'il ressort de cette consultation que vous avez été choisi pour représenter les travailleurs, nous serons heureux d'examiner plus avant cette question avec vous."
  14. "12. Le 24 avril 1972, une liste certifiée des adhérents a été présentée au ministère du Travail auquel il était demandé d'organiser au plus tôt une réunion pour examiner la question d'une consultation du personnel.
  15. "13. Le ministère n'ayant pas organisé de réunion des parties en cause, les travailleurs présents sur les chantiers se sont abstenus de travailler le 4 juillet pour protester contre le refus de la direction d'entamer des négociations avec le syndicat. Le 6 juillet, le différend fut signalé au ministère du Travail auquel il fut demandé qu'une réunion soit organisée pour élaborer une formule de reprise du travail.
  16. "14. Le 10 juillet, le ministère accusa réception de la lettre du 6 juillet 1972 signalant l'arrêt du travail. Aux paragraphes 2 et 3 de ladite lettre, le ministère annonçait qu'il convoquait une réunion avec les représentants des employeurs pour le jeudi 13 juillet 1972 à 14 heures.
  17. "15. Le 13 juillet, la réunion eut effectivement lieu sous la présidence de M. N. Nugent, fonctionnaire du ministère. M. Chinloy, représentant de la JIDC, a déclaré que la société était disposée à permettre l'organisation d'un scrutin pour déterminer les droits de représentation et que les arrangements relatifs à cette consultation devaient être discutés au cours de la réunion. Le président exprima alors l'opinion qu'il importait de discuter de la reprise du travail avant d'examiner l'organisation du scrutin. M. Chinloy a déclaré alors qu'il était mandaté pour discuter de l'organisation du scrutin et qu'il ne pouvait s'écarter de ses instructions. Toutefois, les deux parties se sont entendues pour se réunir à nouveau le samedi 15 juillet 1972, afin d'examiner la question du scrutin. Le vendredi 14 juillet, M. Nugent, fonctionnaire du ministère„ informa par téléphone le syndicat que la réunion prévue était annulée, car il venait d'apprendre par M. Chinloy que la JIDC refusait de reconnaître le syndicat (JCL) et n'entendait pas poursuivre les discussions avec lui.
  18. "16. Le 14 juillet 1972, le syndicat s'est adressé au ministre du Travail pour protester contre les pratiques déloyales dirigées contre le JCL et lui a demandé d'intervenir.
  19. "17. Le 11 août 1972, le syndicat s'est adressé à M. R.A. Carey, Secrétaire de la JIDC, pour protester contre son attitude antisyndicale visant à réprimer le droit des travailleurs d'adhérer au syndicat de leur choix.
  20. "18. Le 11 juillet, son Excellence P.J. Patterson, ministre du Commerce et du Tourisme, a été informé de l'attitude de la société et invité à enquêter sur cette affaire.
  21. "19. A la suite des pressions exercées sur la société par la compagnie canadienne Carib Safety Ltd., au sujet de la livraison de l'usine, la société, après avoir essayé de diverses manières de recruter des briseurs de grève, fut contrainte de demander au ministère du Travail d'inviter le syndicat à discuter du différend. Le ministère convoqua alors les deux parties à une réunion qui s'est tenue le 1er septembre 1972 et à la suite de laquelle des droits de négociation et de représentation furent reconnus au JCL; une formule de reprise du travail fut immédiatement signée par les deux parties; le différend ayant ainsi été réglé, le travail a repris le 11 septembre 1972.
    • Consortium Kelly
  22. "20. Le 12 juin 1972, le JCL a présenté une demande à M. Joe Kelly, directeur exécutif du Consortium Kelly (Jamaica Office Equipments Ltd., Gas Cylinder Metal Products Ltd. et Kelly's Enterprise Ltd.), afin que lui soit reconnu un droit de représentation et de négociation au nom de tous les travailleurs employés par ces entreprises.
  23. "21. Le 14 juin 1972, le JCL a adressé au ministère du Travail une liste certifiée d'adhérents à l'appui de sa demande et a invité le ministère à convoquer une réunion en vue d'étudier l'organisation d'un scrutin sur le droit de représentation syndicale parmi le personnel de ces entreprises.
  24. "22. Le 15 juin 1972, le ministère a accusé réception de cette lettre et a informé en outre le syndicat que la question avait été soumise aux directions des sociétés en question; le ministère devait reprendre contact avec le syndicat dès que les réponses des sociétés lui seraient parvenues.
  25. "23. Le 27 juin, le syndicat reçut une autre lettre du ministère dans laquelle il était indiqué: "Les directions des entreprises sont invitées à assister à une réunion prévue pour le 10 juillet; une confirmation vous sera adressée."
  26. "24. Le 10 juillet 1972, le syndicat reçut un double d'une lettre signée Kelly, adressée au ministère et indiquant que des représentants des trois sociétés assisteraient à la réunion; cette lettre soulevait en outre de manière déplaisante quatre points relatifs aux représentants des travailleurs à la réunion et désignait ceux d'entre eux que Kelly n'acceptait pas de rencontrer. Cette attitude fut traitée avec le dédain le plus complet par le syndicat.
  27. "25. Lors d'une réunion tenue le 10 juillet, les travailleurs, ayant entendu la lecture de la lettre de Kelly, commencèrent à s'agiter et votèrent à l'unanimité une décision d'arrêt du travail pour le 11 juillet, afin de protester contre le refus de Kelly de coopérer et de reconnaître le syndicat.
  28. "26. Le 11 juillet 1972, les travailleurs firent grève et le JCL informa le ministère du Travail qu'un différend s'était élevé entre les travailleurs et la direction du Consortium Kelly; le syndicat demandait en conséquence qu'une réunion soit organisée entre les deux parties pour assurer le retour à une situation normale.
  29. "27. Toujours le 11 juillet, le ministère invita le syndicat et les représentants des compagnies en question à assister à une réunion prévue pour le jeudi 13 juillet à 14 heures 30, afin de discuter du différend et de trouver une formule de reprise du travail. A la suite de cette réunion, une formule fut élaborée et signée par les représentants du syndicat et des sociétés; il fut également décidé qu'une autre réunion se tiendrait le 18 juillet pour discuter et signer un accord sur la consultation du personnel.
  30. "28. A la réunion du 18 juillet, la direction des entreprises fut assistée par son conseiller juridique M. Peter Mais, qui, se fondant sur des subtilités juridiques concernant la représentation de l'une des entreprises du consortium, provoqua l'ajournement de la discussion au 24 juillet.
  31. "29. Le 24 juillet, seuls les représentants du syndicat étaient présents à la réunion prévue au ministère. Vers 15 heures 15, le président de la réunion reçut une lettre du cabinet juridique Livingston Alexander and Levy, signée de M. Peter Mais, informant le ministère que son client lui avait signalé trois incidents survenus dans les établissements, provoquant agitation et tension; tant que la situation ne serait pas redevenue normale, son client refusait toutes nouvelles négociations avec le Congrès du travail de la Jamaïque (JCL) et n'assisterait donc pas à la réunion.
  32. "30. Le 24 juillet au soir, les travailleurs se réunirent et il leur fut donné lecture de la lettre exposant la position de la direction. Les travailleurs décidèrent alors à l'unanimité qu'il ne leur restait qu'une solution et décidèrent un arrêt du travail pour le lendemain, 25 juillet 1972.
  33. "31. Le 25 juillet 1972, le ministère du Travail fut informé qu'un différend s'était élevé au consortium Kelly, 14 South Camp Road; le ministère était invité à organiser une entrevue de conciliation afin de résoudre le différend. Le même jour, le ministère accusa réception de la lettre.
  34. "32. Le 31 juillet 1972, le Président du JCL s'adressa au Premier ministre pour lui décrire les obstacles opposés par les divers employeurs. On double de cette lettre fut envoyé au ministre du Travail. Le 11 août, le syndicat reçut une note du Premier ministre en date du 3 août 1972, accusant réception de sa lettre et l'informant qu'il allait demander au ministre du Travail de procéder à une enquête et de formuler des observations sur le contenu de cette lettre.
  35. "33. Le 16 août, à la suite de provocations de la police et des employeurs, et du harcèlement des piquets de grève, un télégramme fut envoyé au Premier ministre pour protester contre la conduite de la police et pour lui demander à nouveau d'enquêter sur cette affaire. Dans une réponse au télégramme, datée du 30 août, le Premier ministre nous informa qu'il enquêtait sur l'affaire du Consortium Kelly.
  36. "34. Dans l'intervalle, une audience avait été demandée au ministre du Travail et de l'Emploi, M. Earnest Peart. Cette audience fut accordée le 19 août 1972: y participaient MM. Chris. Lawrence, Président du JCL, Roderick Francis, Président de l'ITAC, et Stanley Miller, membre du JCL, ainsi qu'un membre du personnel du groupe Kelly. Le ministre fut mis au fait des obstacles opposés au JCL par les divers employeurs au sujet de la question de la reconnaissance. Le ministre promit son aide et s'engagea à intervenir, tout en soulignant qu'il n'avait aucun moyen légal de contraindre les employeurs à reconnaître les syndicats et à négocier avec eux. Le combat du syndicat se poursuit et l'on attend une déclaration publique du ministre, en l'absence de tout moyen de pression légal ou moral.
    • Entreprises "Jamaica Laminates, Steelcrete and Precast Jamaica Ltd."
  37. "35. Les sociétés susmentionnées appartiennent à Maurice Facey et Compagnie, et elles sont situées au 167 Bay Para Road, Kingston II. Le 26 juin 1972, le JCL a soumis à la direction de ces sociétés une demande de reconnaissance des droits de négociation et de représentation au nom du personnel. On double de cette demande a été envoyé à la même date au ministère du Travail, pour information.
  38. "36. Le 6 juillet 1972, la société Steelcrete Structures Ltd. a répondu en ces termes à notre lettre du 26 juin 1972: "La direction est disposée à rencontrer le syndicat à un moment convenable pour discuter de votre demande. "Le signataire de la lettre, M. R.A. O'Brien, suggérait le mercredi 26 juillet comme date pour la réunion. Cette lettre, envoyée par la poste, ne parvint au syndicat que le 19 juillet. Toutefois, une autre lettre remise directement proposait de tenir une réunion au bureau du JCL le samedi 15 juillet à 13 heures. La réunion eut effectivement lieu, mais elle se tint dans les bureaux de la société, au 167 Bay Farm Road, et les discussions se sont déroulées et terminées dans une atmosphère de grande cordialité.
  39. "37. Le 6 juillet, le syndicat communiqua au ministère du Travail une liste certifiée de ses adhérents employés par les compagnies en question. Le ministère en accusa réception par lettre en date du 11 juillet 1972.
  40. "38. Par une communication téléphonique de M. Pat Martin, fonctionnaire conciliateur du ministère du Travail, nous fûmes invités à assister à une réunion avec les représentants des sociétés, prévue pour le 4 août 1972.
  41. "39. Le 25 août 1972, nous reçûmes une copie d'une lettre adressée au ministère par M. O'Brien, exprimant ses regrets de ne pouvoir assister à la réunion: ses mandants s'étaient en effet aperçu, après avoir confirmé la date de la réunion, que le JCL n'était pas membre du JIC - Conseil paritaire de l'industrie du bâtiment et de la construction; les sociétés en question ne pouvaient traiter avec un syndicat n'appartenant pas à cet organisme.
  42. "40. Le 4 août 1972, les représentants de la compagnie ne se présentèrent pas à la réunion qui avait été organisée par le ministère du Travail et dont les travailleurs attendaient d'importants résultats.
  43. "41. Le 1er août 1972, nous avons répondu à M. O'Brien en protestant contre ses actes antisyndicaux et nous avons réclamé que les droits de négociation et de représentation soient reconnus au syndicat le 8 août au plus tard. Les travailleurs se sont aperçu que la direction des entreprises employait des tactiques visant à briser la grève et, à la suite d'un vote, ils ont décidé de faire immédiatement grève pour protester contre les agissements de la direction. Aussi une grève fut-elle prévue pour le 4 août, au lieu du 8, en vue de faire échec aux plans de la direction. Le ministère a été immédiatement informé qu'un différend s'était élevé dans les établissements situés au 167 Bay Farm Road, et son intervention a été demandée. A cette date, le ministère n'a pas encore été en mesure de régler ce différend.
  44. "42. Le 8 septembre 1972, une formule provisoire pour la reprise du travail fut élaborée conjointement par les travailleurs et la direction en consultation avec le syndicat; le syndicat n'est toujours pas reconnu officiellement par la direction, bien que les travailleurs lui soient toujours très fidèlement attachés.
    • Garage Sinclair
  45. "43. Le JCL craint qu'une épreuve de force ne se produise au garage Sinclair, 11 Lower Elleston Road, Kingston, au sujet de la question de la reconnaissance du syndicat. Une lettre a été adressée à cet employeur le 17 août 1972 pour l'informer que le syndicat représente la majorité du personnel; par conséquent, le syndicat demandait que le droit de représenter les travailleurs de cette entreprise lui soit reconnu à la suite d'une consultation du personnel. Tous les renseignements pertinents ont été fournis au ministère du Travail le 21 août 1972. La direction n'a accusé réception de la lettre du syndicat que le 23 septembre. A ce jour, aucune réunion n'a encore été prévue pour discuter la question du vote, mais M. Sinclair, directeur de l'entreprise, a laissé entendre que les travailleurs pouvaient adhérer à tout autre syndicat déjà existant; toutefois, il se refusait à reconnaître le JCL auquel adhèrent maintenant les travailleurs.
    • "N.B. Une réunion était prévue le 24 juillet entre les entreprises Kelly et le JCL, mais les représentants de l'employeur ne se sont pas présentés. Tandis qu'ils attendaient, les délégués du JCL ont reçu du président de la réunion un document inique dont nous citons le titre et le premier paragraphe:
    • "Directives du ministre du Travail sur l'organisation de scrutins lors de différends sur les droits de représentation syndicale.
  46. 1. Il y a lieu de réaffirmer le principe général selon lequel les travailleurs doivent être autorisés à négocier par l'intermédiaire du syndicat de leur choix.
    • Toutefois, conformément aux instructions du gouvernement, le conseiller aux questions professionnelles ne doit avoir aucun rapport avec un syndicat d'obédience communiste ou se trouvant sous l'influence communiste." "
  47. 41. Dans une autre communication en date du 15 novembre 1972, l'ITAC déclare que le ministère du Travail continuait de manifester de la réticence à organiser un scrutin sur les droits de représentation intéressant le garage Sinclair et les travailleurs qu'il employait et qui étaient membres du Congrès du travail de la Jamaïque. L'ITAC présente des copies d'une autre demande adressée au ministère en date du 21 août 1972 concernant l'organisation de scrutins de ce genre, ainsi que le texte de l'appel qu'il a adressé à des ministres, à des députés et à des organismes internationaux pour solliciter leur appui.
  48. 42. La Confédération mondiale du travail, dans sa communication en date du 21 novembre 1972, déclare que des pratiques déloyales en matière de travail ont été exercées à l'encontre de syndicats.
  49. 43. Le gouvernement, dans sa communication en date du 24 janvier 1973, réfute les allégations de l'ITAC qui, dit-il, semblent être influencées par des motivations politiques. Le gouvernement fait observer non seulement qu'il soutient les principes de la liberté d'association et le droit des travailleurs de négocier collectivement, mais encore qu'il encourage l'autonomie volontaire dans l'industrie et qu'à cette fin le ministère du Travail et de l'Emploi fournit les moyens de déterminer les questions relatives à la représentation qui se posent à la suite des réclamations formulées par les syndicats.
  50. 44. Le gouvernement explique que ces mécanismes prévoient que, par accord des parties, le ministère peut procéder à un vote secret en vue de déterminer les voeux des travailleurs concernés. Lorsque, poursuit le gouvernement, un scrutin de ce genre est mené sur la base d'un accord entre les parties, cet accord prévoit habituellement que la situation des parties en matière de négociation sera déterminée en fonction des résultats du scrutin. Le ministère peut toutefois procéder à un scrutin d'enquête pour déterminer le nombre des adhérents au syndicat dans un établissement déterminé. Mais, ajoute le gouvernement, en tout état de cause, aucun scrutin d'aucune sorte ne peut être organisé par le ministère sans la collaboration de l'employeur qui doit fournir une liste des noms des travailleurs concernés et autoriser ledit ministère à organiser un tel scrutin dans ses locaux pendant les heures de travail. Le gouvernement joint à sa communication une copie des "Directives du ministère du Travail sur l'organisation de scrutins lors de différends sur les droits de représentation syndicale". Le gouvernement déclare que le principe selon lequel les travailleurs doivent être autorisés à négocier par l'intermédiaire du syndicat de leur choix est clairement exprimé. La Constitution nationale garantit aussi, ajoute le gouvernement, de façon expresse le droit des travailleurs d'être affiliés au syndicat de leur choix.
  51. 45. En outre, le gouvernement fournit des renseignements de caractère général relatifs aux cinq cas cités par l'ITAC. Il convient de constater, déclare le gouvernement, que, dans chacun des cinq cas, le ministère du Travail et de l'Emploi a pris les mesures nécessaires, conformément à la pratique reconnue et acceptée, en vue de déterminer et de régler les revendications, mais qu'en dépit des efforts du ministère, les sociétés ont refusé de collaborer.
  52. 46. Le gouvernement explique que, lorsque les différends sur les droits de représentation syndicale n'ont pas été réglés à la satisfaction de l'une ou de l'autre partie, il est d'usage que la partie lésée prenne les mesures qu'elle désire, dans le respect des lois, afin d'obliger l'autre à la reconnaître. Bien que dans la majorité des cas les syndicats plaignants se soient mis en grève, toutes les sociétés, exception faite de la Jamaica Industrial Development Corporation, ont carrément refusé de reconnaître les syndicats ou de participer à l'organisation d'un scrutin. Le gouvernement ajoute que, bien qu'il appuie fermement le principe de la reconnaissance des syndicats, dans une société de libre entreprise, comme c'est le cas de la Jamaïque, il lui est impossible d'obliger les employeurs à reconnaître un syndicat particulier. Le gouvernement fait observer qu'il convient de noter que la Jamaica Industrial Development Corporation, qui a reconnu le syndicat en question, est un organisme public créé par le gouvernement.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 47. Le comité note que les plaintes se rapportent à des tentatives menées par le Congrès du travail de la Jamaïque (Jamaica Congress of Labour) et, dans un cas, par le Syndicat des travail leurs de l'électricité et du bâtiment (Electrical and Construction Workers' Union) (tous deux affiliés au Conseil consultatif des syndicats indépendants) pour être reconnus par les compagnies mentionnées dans la plainte comme bénéficiant d'un droit exclusif de négociation, en invoquant à l'appui de cette revendication qu'ils représentent la majorité du personnel des entreprises en question.
  2. 48. Le comité note qu'il existe, en Jamaïque, une procédure prévoyant le déroulement d'un scrutin en cas de différend sur la représentativité d'un syndicat. Cette procédure est fixée dans les "Directives du ministère du Travail", dont le gouvernement a fourni le texte. Selon ces directives, le conseiller aux questions professionnelles peut organiser un scrutin lorsqu'il s'est assuré qu'une importante proportion des travailleurs intéressés souhaitent qu'il y en ait un sous réserve toutefois des conditions suivantes; a) s'il y a accord entre toutes les parties en présence; b) si l'employeur et l'un ou plusieurs des syndicats intéressés acceptent qu'un scrutin soit organisé; c) lorsque deux syndicats ou plus acceptent qu'un scrutin soit organisé. L'article 4 de ces directives prévoit que, lorsque le consentement prévu sous a), b) ou c) ci-dessus ne peut être obtenu, le conseiller aux questions professionnelles peut, si les prétentions du syndicat lui paraissent fondées, organiser un scrutin sous réserve que le syndicat en question effectue un dépôt,
  3. 49. Le comité rappelle qu'il a, précédemment, examiné des cas concernant la Jamaïque et portant sur des plaintes relatives à la non-reconnaissance de syndicats aux fins de la représentation des travailleurs. Il semble ressortir des informations dont dispose le comité que, lorsqu'un vote est organisé sur la base d'un accord entre les parties, cet accord prévoit habituellement que la situation des parties en matière de négociation sera déterminée en fonction des résultats du vote; en revanche, lorsqu'il n'est pas fondé sur un accord, un vote d'investigation a simplement pour objet de déterminer les désirs des travailleurs à l'égard du syndicat requérante. Mais, comme l'explique le gouvernement, en tout état de cause, aucun scrutin d'aucune sorte ne peut être organisé par le ministère sans la collaboration de l'employeur qui doit fournir une liste des noms des travailleurs concernés et autoriser le ministère à organiser un tel scrutin dans ses locaux pendant les heures de travail.
  4. 50. Pour ce qui est de la Jamaica Industrial Development Corporation (JIDC), le comité note qu'à la suite de la demande présentée par le Congrès du travail de la Jamaïque (JCL) pour obtenir la reconnaissance et de réunions entre les parties en cause, des droits de négociation exclusifs ont été concédés au syndicat (JCL). Pour ce qui est des quatre autres entreprises, le comité note que, bien que des demandes de reconnaissance, appuyées par des listes certifiées d'adhérents, aient été soumises au ministère du Travail et de l'Emploi par les syndicats intéressés, aucun scrutin sur les droits de représentation n'a été organisé à ce jour. Dans deux au moins de ces cas (savoir, le Consortium Kelly et Jamaica Laminates... Ltd. (à présent dénommée Building components Ltd.)), le Comité note que, selon les informations fournies par le gouvernement, les prétentions du syndicat intéressé (il s'agit, dans l'un comme dans l'autre cas, du Jamaica Congress of Labour) paraissaient suffisamment fondées pour justifier l'organisation d'un scrutin concernant le droit de représentation. Il semblerait, d'après les informations dont dispose le comité, que les directions des diverses entreprises en cause ont refusé de collaborer à un scrutin de ce genre, soit en omettant de communiquer les informations nécessaires au ministère, soit en tardant à le faire, soit encore en ne se présentant pas aux réunions convoquées par le ministère pour discuter de la question de la reconnaissance.
  5. 51. Bien qu'un défaut de coopération, quel qu'il soit, de la part des employeurs dans une procédure établie tendant à déterminer le syndicat le plus représentatif soit regrettable, le comité ne peut qu'observer, comme il l'a déjà fait dans des cas antérieurs, que rien, dans l'article 4 de la convention no 98, ne fait obligation au gouvernement d'imposer des négociations collectives avec une organisation déterminée et que le refus opposé par un employeur à la négociation avec un syndicat donné ne peut être considéré comme une violation de la liberté syndicale.
  6. 52. Néanmoins, dans des cas antérieurs où la reconnaissance d'un syndicat aux fins de négociation collective était mise en cause, le comité a souligné l'importance qu'il attache au principe selon lequel les employeurs, y compris les autorités gouvernementales agissant en qualité d'employeur, devraient reconnaître les organisations représentatives des travailleurs qu'ils occupent, aux fins de la négociation collectives. Le comité avait également estimé que, s'il y a un changement dans la force relative des syndicats postulant un droit préférentiel ou la faculté de représenter de façon exclusive les travailleurs aux fins des négociations collectives, il est souhaitable qu'il existe une possibilité de révision des éléments de fait sur lesquels ce droit ou cette faculté est accordé. En l'absence d'une telle possibilité, une majorité des travailleurs intéressés pourraient appartenir à un syndicat qui, pendant un laps de temps indûment prolongé, serait empêché, en fait ou en droit, d'organiser son administration et ses activités dans le but de promouvoir pleinement les intérêts de ses membres et de les défendrez.
  7. 53. Eu égard aux principes exprimés au paragraphe précédent, le comité estime que les autorités compétentes devraient, dans tous les cas, être habilitées à procéder à une vérification objective de toute demande émanant d'un syndicat revendiquant qu'il représente la majorité des travailleurs d'une entreprise, pour autant qu'une telle demande semble plausible. Si le syndicat intéressé se révèle grouper la majorité des travailleurs, les autorités devraient prendre des mesures de conciliation appropriées en vue d'obtenir la reconnaissance, par l'employeur, de ce syndicat aux fins de négociation collective.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 54. Dans ces circonstances, et pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur les principes exposés ci-dessus et, en particulier, sur les considérations figurant au paragraphe 53 et de prier le gouvernement d'indiquer, dans les six mois à venir, si des mesures ont été prises ou sont envisagées pour instaurer une procédure du genre de celle qui est mentionnée au paragraphe 53 ci-dessus et, dans l'affirmative, de préciser lesquelles.
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