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Rapport intérimaire - Rapport No. 119, 1970

Cas no 611 (Costa Rica) - Date de la plainte: 13-OCT. -69 - Clos

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  1. 77. La plainte de la Confédération générale des travailleurs costariciens est contenue dans une communication en date du 13 octobre 1969 adressée directement à l'OIT, complétée par une communication du 29 novembre de la même année. La plainte et les informations complémentaires venues l'appuyer ayant été transmises au gouvernement, celui-ci a fait parvenir ses observations à leur endroit par une communication en date du 21 avril 1970.
  2. 78. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  3. 79. La plainte comporte plusieurs séries d'allégations qui seront traitées ci-dessous séparément.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations générales relative à l'insuffisance des normes nationales en vigueur en matière de liberté syndicale
    1. 80 Les plaignants allèguent qu'en dépit des dispositions constitutionnelles et législatives nationales en la matière il n'existe au Costa Rica aucune garantie effective « du développement du mouvement ouvrier et agricole ».
    2. 81 Dans sa réponse sur cet aspect général de la plainte, le gouvernement commence par citer l'article 60 de la Constitution nationale qui garantit, tant aux employeurs qu'aux travailleurs, la liberté d'association à des fins syndicales. Le gouvernement cite ensuite les articles 70, 262, 271, 273 et 612 du Code du travail. Ainsi, en vertu de l'article 262, « est déclarée d'intérêt public l'institution légale d'organisations sociales, soit syndicales, soit coopératives, comme un des moyens les plus efficaces de contribuer au maintien et au développement de la culture populaire et de la démocratie costaricienne »; en vertu de l'article 271, « nul ne peut être contraint de faire partie ou de ne pas faire partie d'un syndicat »; en vertu de l'article 273, enfin, « les employeurs et les travailleurs ont le droit de former des syndicats sans autorisation préalable ». Quant à l'article 612, il stipule que « toute infraction à une disposition prohibitive du présent code, des règlements pris pour son application ou de la législation du travail ou de prévoyance sociale sera punie d'une amende de 90 à 360 colons, qui sera remplacée par un emprisonnement non convertible en cas de récidive spécifique ».
    3. 82 Le gouvernement mentionne également les articles 47 et 50 de la loi no 1860 de 1955 (amendée par la loi no 3095 de 1963) portant institution du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, articles où il est parlé de la promotion des organisations syndicales et de la collaboration que ce ministère doit entretenir avec elles.
    4. 83 Le gouvernement signale encore que les dispositions des conventions internationales du travail nos 87 et 98 forment, depuis la ratification de ces instruments par le Costa Rica, partie intégrante de la législation nationale.
    5. 84 Le gouvernement déclare enfin qu'il existe au Costa Rica une commission tripartite chargée d'examiner et d'évaluer périodiquement le degré de liberté d'association existant dans le pays et estime que l'organisation plaignante aurait été mieux inspirée de porter ses doléances devant cet organisme plutôt que devant l'OIT.
    6. 85 Au vu des textes mentionnés par le gouvernement, il n'apparaît pas que la législation nationale, si elle reçoit dans la pratique une application effective, puisse être considérée comme étant impropre à assurer de façon adéquate le libre exercice des droits syndicaux.
    7. 86 Les plaignants, cependant, font état de cas précis où les garanties en vigueur auraient à leurs yeux été violées ou tournées. Ce sont ces allégations spécifiques qui seront examinées ci-après.
  • Allégations relatives à l'attaque par les forces gouvernementales de travailleurs syndiqués dans le Valle de la Estrella
    1. 87 Les plaignants allèguent que, surtout dans les régions côtières des plantations de bananiers et dans les campagnes, les autorités gouvernementales entraveraient l'exercice des droits syndicaux des travailleurs agricoles. Plus précisément, les plaignants allèguent qu'en mai 1969 dans le Valle de la Estrella un groupe de travailleurs syndiqués qui se dirigeait vers les bureaux de la direction pour exposer une revendication aurait été attaqué avec des grenades lacrymogènes par des forces gouvernementales.
    2. 88 Dans ses observations, le gouvernement ne nie pas être intervenu dans le conflit de Valle de la Estrella; il déclare toutefois qu'à l'occasion dudit conflit plusieurs travailleurs qui n'entendaient pas participer au mouvement ont été empêchés parles grévistes de se rendre à leur travail; il déclare d'autre part que le mouvement de grève a été déclaré illégal par les autorités judiciaires compétentes en vertu de l'article 61 de la Constitution et des articles 368 et 369 b) du Code du travail. En vertu de l'article 61 de la Constitution, le droit de grève est reconnu, sauf dans les services publics, dans la mesure où la grève ne s'accompagne pas d'actes de coercition ou de violence. De son côté, l'article 368 du Code du travail stipule que la grève n'est pas autorisée dans les services publics et que les différends qui pourraient s'y produire entre employeurs et travailleurs seront soumis obligatoirement à la connaissance et au règlement des tribunaux du travail. Enfin, l'article 369 b) précise qu'il faut entendre par services publics, notamment, ceux qui sont assurés par les travailleurs occupés aux semences, à la culture, au soin ou à, la récolte des produits agricoles et forestiers ou à l'élevage, ainsi qu'à la transformation des produits dans les cas où ils seraient menacés d'altération à défaut d'exécution immédiate des travaux.
    3. 89 Au vu des explications fournies par le gouvernement, il semble qu'un mouvement de grève ait été déclenché dans le Valle de la Estrella et que ce mouvement de grève ait été illégal à deux titres différents: d'une part, en raison d'une contrainte exercée par la force par les grévistes sur les travailleurs désireux de se rendre au travail pour les empêcher de le faire, ce qui, aux yeux du gouvernement, a justifié son intervention; d'autre part, en raison du fait que, les participants au mouvement étant des travailleurs s'occupant de denrées périssables, ils étaient considérés comme assurant un service public et, comme tels, n'étaient pas habilités à recourir à la grève.
    4. 90 Ayant noté qu'en vertu de l'article 368 du Code du travail mentionné au paragraphe 88 ci-dessus les différends susceptibles de survenir entre employeurs et travailleurs dans les services publics doivent obligatoirement être portés pour règlement devant les tribunaux du travail le comité, avant de formuler ses recommandations définitives sur cet aspect du cas, croit devoir recommander au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si les procédures prévues par la loi avaient été suivies avant que ne soit déclenchée la grève et, dans la négative, les raisons pour lesquelles lesdites procédures n'ont pas été mises en oeuvre.
  • Allégations relatives à l'expulsion de dirigeants syndicaux de la zone bananière occupée par l'entreprise Ticaban
    1. 91 Les plaignants allèguent que des dirigeants syndicaux ont été chassés par les forces de police de la zone qu'occupe l'entreprise bananière étrangère Ticaban.
    2. 92 Dans sa réponse, le gouvernement indique que les activités syndicales, à l'instar de toute activité sans rapport avec le travail, ne peuvent être déployées pendant les heures de travail, elles ne peuvent l'être sur les lieux de travail ou dans les propriétés de l'employeur qu'avec le consentement exprès ou tacite de celui-ci; il en résulte qu'à défaut de ce consentement ces activités pourront être considérées comme une violation des interdictions et des obligations prévues pour les travailleurs par les articles 71 et 72 du Code du travail. Par ailleurs, l'exercice d'activités syndicales par des personnes étrangères à l'entreprise dans les propriétés de l'entreprise pourra être considéré comme une violation du principe de l'inaliénabilité de la propriété prévue par l'article 45 de la Constitution. En conséquence, toute personne, qu'elle soit ou non dirigeant syndical, qui pénètre dans les propriétés d'une entreprise pourra en être expulsée par les forces de l'ordre à la demande de l'employeur. C'est ce qui parait s'être produit dans le cas présent.
    3. 93 Le comité a déjà eu l'occasion d'examiner dans le passé la situation particulière des travailleurs des plantations au Costa Rica en ce qui concerne l'exercice de leurs activités syndicales. Il avait, à cet égard, rappelé l'importance qu'il convient d'attacher au principe énoncé par la Commission du travail dans les plantations à sa première session (Bandung, décembre 1950), selon lequel les employeurs des travailleurs des plantations devraient mettre à la disposition des syndicats de ces travailleurs des facilités pour leur permettre d'exercer leurs activités normales, y compris des locaux à usage de bureaux et la liberté d'accès. Il avait également rappelé avoir fait remarquer que, dans un cas antérieur où il avait été appelé à examiner des allégations relatives à l'opposition des employeurs des plantations à l'exercice d'activités syndicales dans les propriétés leur appartenant, il avait estimé, tout en reconnaissant que les plantations constituent une propriété privée, que lorsque les travailleurs vivent dans les plantations où ils travaillent de manière que les représentants syndicaux doivent se rendre dans lesdites plantations pour s'acquitter normalement de leurs fonctions syndicales parmi eux il est particulièrement important que ces représentants puissent accéder librement aux plantations pour y exercer légalement leurs activités syndicales, à condition de ne pas gêner la besogne pendant les heures de travail et à condition que des précautions suffisantes soient prises pour la protection de la propriété. Sur ce point, le comité ne croit pas inutile de signaler l'avis juridique no 1772 du 5 septembre 1967, émanant du ministre du Travail du Costa Rica en fonctions à l'époque, qui avait été transmis à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations et dont le comité a eu connaissance, avis d'où il ressort qu'aux yeux du gouvernement les dirigeants syndicaux, sous réserve qu'ils ne violent pas la loi nationale, auraient le droit d'utiliser les routes publiques traversant les plantations, d'avoir accès aux places publiques, de pénétrer dans les villages et de traiter de toutes questions les intéressant dans le domicile des travailleurs, sous réserve du consentement de ces derniers et à condition de s'en tenir aux normes établies par le législateur.
    4. 94 Telle qu'elle ressort des éléments de la présente affaire, la situation au Costa Rica en ce qui concerne l'exercice des activités syndicales des travailleurs des plantations ne semble pas s'être modifiée par rapport aux derniers examens de cette situation par le comité. C'est pourquoi le comité croit devoir reprendre les conclusions exprimées dans des cas antérieurs en recommandant une fois encore au Conseil d'administration de rappeler au gouvernement l'importance qu'il attache aux possibilités d'accès des représentants syndicaux aux plantations pour l'exercice d'activités syndicales licites et au droit des travailleurs des plantations de tenir sur place des réunions syndicales, d'exprimer la préoccupation que lui cause le fait que les recommandations formulées antérieurement à l'adresse du gouvernement au sujet de divers cas analogues ne semblent pas avoir abouti à l'adoption de mesures concrètes visant à rendre ce droit effectif et de prier le gouvernement de le tenir informé des mesures qu'il aura adoptées ou qu'il envisagera d'adopter à cet effet.
  • Allégations relatives à des bagarres entre service d'ordre et grévistes à Puerto Limón
    1. 95 Les plaignants allèguent qu'au mois de mai 1969 les forces publiques auraient tiré sur les travailleurs des quais de Puerto Limón alors qu'ils se livraient à une grève pacifique pour faire valoir leurs droits à la fois auprès d'une entreprise étrangère - la Northern Railway Company - et d'un organisme de l'Etat; la bagarre se serait soldée par de nombreux blessés dont deux grièvement.
    2. 96 Dans ses observations, le gouvernement donne des événements la version suivante. A la suite du transfert des docks de Puerto Limón par leur concessionnaire, la Northern Railway Company, au Conseil de l'administration portuaire et du développement économique de la côte atlantique, institution étatique décentralisée, les travailleurs, en violation de l'article 37 du Code du travail, ont refusé d'admettre qu'il s'agissait d'une substitution d'employeur en prétendant qu'il s'agissait en fait d'un changement contractuel et ont demandé le paiement de l'indemnité légale. Les autorités auxquelles ces demandes ont été faites ayant refusé de reconnaître le point de vue des demandeurs, ceux-ci, à l'instigation de leur syndicat, ont déclenché une grève, déclarée illégale par les tribunaux du travail en application des articles 368 et 369 du Code du travail, dont il a déjà été question plus haut. En dépit de cette déclaration d'illégalité - poursuit le gouvernement-, les travailleurs ont continué la grève, empêchant par la force ceux des travailleurs qui souhaitaient se rendre à leur travail de le faire et paralysant ainsi tout le trafic d'importation et d'exportation du plus important port du pays. Le gouvernement ajoute que la grève fut loin d'avoir été pacifique et que la police, envoyée sur les lieux pour maintenir l'ordre, a été attaquée par les grévistes à coups de bâtons et de pierres.
    3. 97 Des éléments dont dispose le comité, il semble qu'en raison d'une différence d'interprétation survenue à la suite d'une substitution d'employeur des dockers de Puerto Limón une grève ait été déclenchée, que cette grève ait été déclarée illégale par les autorités judiciaires du travail en application de la loi et qu'elle ait, de surcroît, dégénéré en violences.
    4. 98 Il apparaît au comité que l'origine de l'affaire a été ce qui équivaut à un conflit de droit et il est d'avis que la solution aurait dû relever des tribunaux compétents. Dans ces conditions, le comité n'estime pas qu'il s'agisse en l'occurrence d'une violation de la liberté syndicale et il recommande donc au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  • Allégations relatives au licenciement des travailleurs syndiqués des plantations
    1. 99 Les plaignants allèguent qu'entre autres compagnies la Compagnie bananière du Costa Rica licencierait les travailleurs syndiqués qui refusent de démissionner de leur syndicat; elle renverrait les travailleurs ayant une activité syndicale quelconque, éliminant ainsi toute possibilité de négociation collective. Plus précisément, les plaignants allèguent qu'en juin et juillet 1969 des licenciements massifs auraient eu lieu dans les secteurs de Quepos et de Parrita « pour démembrer un mouvement qui cherchait à obtenir quelques avantages sur la base d'une liste de revendications ».
    2. 100 Les plaignants allèguent encore que les planteurs de bananes de la région atlantique licencieraient eux aussi les meneurs syndicaux et les travailleurs qu'ils soupçonnent d'être affiliés à un syndicat « pour empêcher le mouvement syndical de se développer ». Ainsi, au mois d'octobre 1969, l'entreprise aurait renvoyé quarante travailleurs syndicalistes.
    3. 101 En réponse à ces allégations, le gouvernement cite les dispositions pertinentes du Code du travail. Ainsi, l'article 28 stipule que, «lorsque le contrat est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin sans motif légitime moyennant préavis donné à l'autre partie »; de son côté, l'article 29 prévoit que, « si le contrat de travail à durée indéterminée prend fin par suite de congé injustifié... ou pour une autre raison étrangère à la volonté du travailleur, l'employeur devra verser à celui-ci une indemnité de congédiement »; enfin, en vertu de l'article 85, est un motif de résolution du contrat de travail « la volonté de l'employeur ».
    4. 102 On a vu plus haut (paragr. 81) qu'en vertu de l'article 271 du code nul ne peut être contraint de faire partie ou de ne pas faire partie d'un syndicat; il convient de relever également que l'article 70 du code fait une interdiction absolue à l'employeur « d'obliger les travailleurs, par quelque moyen que ce soit, à se retirer des syndicats ou groupes légalement constitués auxquels ils appartiennent ou d'influencer leurs décisions d'ordre politique ou leurs convictions religieuses ».
    5. 103 Le comité constate que les dispositions qui viennent d'être mentionnées vont dans le sens de l'article 1 de la convention no 98, notamment de son paragraphe 2, alinéa b), qui stipule que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre les actes ayant pour but de congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l'employeur, durant les heures de travail.
    6. 104 Par contre, prises en conjonction, les dispositions mentionnées au paragraphe 101 ci-dessus permettent en pratique que les employeurs, à condition qu'ils paient l'indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, puissent licencier un travailleur, même si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale.
    7. 105 Il apparaît ainsi que, comme l'allèguent les plaignants, dans certains cas, en raison de ces dispositions, la législation nationale ne semble pas accorder une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98, ratifiée par le Costa Rica.
    8. 106 Il est vrai que le gouvernement mentionne dans sa réponse une commission tripartite devant laquelle il estime que l'organisation plaignante aurait dû formuler ses doléances (voir paragr. 84 ci-dessus). Toutefois, au vu du mandat de cette commission, tel qu'il ressort du décret no 5 du 2 mars 1967, il n'apparaît pas au comité que cet organisme soit habilité à faire autre chose que d'examiner et d'évaluer périodiquement le degré de liberté d'association existant dans le pays; en conséquence, il ne semble pas au comité qu'il soit eu mesure de redresser, le cas échéant, les torts subis par les travailleurs, notamment sous forme de licenciement, du fait de leur appartenance ou de leur activité syndicale.
    9. 107 Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration, d'une part, d'inviter le gouvernement à envisager toutes mesures utiles pour accorder une protection adéquate à tous les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale ainsi que le prévoit la convention no 98 ratifiée par le Costa Rica et de le prier de tenir le Conseil d'administration au courant de ce qui aura été fait ou envisagé dans ce sens, d'autre part, d'attirer sur ce qui précède l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
  • Allégations relatives aie licenciement des travailleurs de la fabrique de lingerie Luxform
    1. 108 Les plaignants allèguent qu'à l'instar des planteurs les industriels ont également recours au licenciement pour boycotter le développement syndical. « Tous - déclarent les plaignants - ont en général recours à divers moyens de persuasion pour obtenir des travailleurs qu'ils se retirent du syndicat ou ne s'y affilient pas et, dans le cas le plus récent, qui s'est produit à la fabrique de lingerie Luxform en mars 1969, la direction a préféré renvoyer tous les travailleurs qui s'étaient affiliés au syndicat en leur versant les indemnités prévues plutôt que de tolérer leur organisation, et cela avec l'approbation du ministère du Travail. »
    2. 109 Dans ses observations, le gouvernement affirme que les événements qui se sont déroulés à la fabrique Luxform n'avaient rien à voir avec des mesures antisyndicales. En effet, déclare-t-il, l'employeur s'étant heurté au refus répété de la part d'un groupe de travailleurs de se conformer aux instructions de la direction concernant le travail à effectuer, il en est résulté des frictions entre ce groupe de travailleurs et l'employeur. Sur ces entrefaites, le syndicat auquel appartenaient les travailleurs en question est intervenu. De son côté, le ministère du Travail est intervenu pour tenter de concilier les points de vue en présence. Le gouvernement déclare que ce sont les travailleurs eux-mêmes qui ont décidé de quitter l'entreprise - plusieurs d'entre eux ayant déjà retrouvé du travail ailleurs - avec le consentement de la Confédération générale des travailleurs du Costa Rica, et non pas du ministère, comme l'allèguent les plaignants.
    3. 110 Il semble ressortir des explications fournies par le gouvernement qu'à la suite d'un différend au sein de l'entreprise Luxform un groupe de travailleurs ait décidé de quitter la fabrique; il semble également que cette décision ait été prise par les travailleurs de leur propre volonté et qu'ils n'ont pas quitté leur emploi à la suite d'un licenciement.
    4. 111 Dans ces conditions, estimant que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il y ait eu en l'occurrence atteinte aux droits syndicaux, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
  • Allégations relatives aux menaces de répression qui pèseraient sur le mouvement ouvrier et paysan
    1. 112 Les plaignants allèguent que, devant le mécontentement croissant que suscitent chez les ouvriers et les paysans les mauvaises conditions de vie et de travail, le gouvernement du Costa Rica, au lieu de prendre des mesures concrètes pour assurer des négociations normales entre le patronat et les travailleurs, se préparerait à réprimer le mouvement ouvrier et paysan « avec la plus grande violence ».
    2. 113 Dans ses observations sur cet aspect du cas, le gouvernement se réfère de nouveau aux textes constitutionnels et législatifs dont il est question aux paragraphes 81 et 82 ci-dessus, et au fait que les dispositions des conventions nos 87 et 98 sont incorporées à la loi nationale; il estime que l'ensemble de cet édifice législatif est propre à offrir toutes les garanties nécessaires au mouvement syndical du pays.
    3. 114 Le gouvernement poursuit en déclarant que, loin de réprimer le mouvement ouvrier et paysan, les autorités ont formulé des recommandations et promulgué des lois destinées à promouvoir son développement. Il cite à cet égard la loi no 4179 du 21 août 1968 et la loi no 4351 du 11 juillet 1969 qui ont établi la Banque populaire de développement et visent à promouvoir les associations coopératives. Parmi les buts visés par la première de ces lois, figurent la protection économique et la sauvegarde du bien-être des travailleurs en général ainsi que l'expansion du syndicalisme et du mouvement coopératif.
    4. 115 Ayant noté les observations du gouvernement sur cet aspect de l'affaire, le comité, constatant que les plaignants n'ont pas formulé d'allégations précises mais se sont bornés à exprimer des craintes pour l'avenir, estime qu'il n'y a pas lieu d'en poursuivre l'examen et recommande au Conseil d'administration d'en décider ainsi.
  • Allégations relatives à des mesures prises à l'encontre de M. Juan Rafael Solis Barboza, secrétaire à la presse de l'organisation plaignante, à l'instigation des autorités costariciennes
    1. 116 Il est allégué qu'en juin 1966 M. Juan Rafael Solis Barboza, secrétaire à la presse de l'organisation plaignante (et cosignataire de la présente plainte), devait assister à une réunion syndicale à Santiago-du-Chili; lorsqu'il s'est présenté à l'aéroport d'El Coco - poursuivent les plaignants -, les autorités costariciennes ont informé l'Interpol à Santiago pour qu'on l'interroge à l'arrivée.
    2. 117 Sur cet aspect du cas, le gouvernement explique qu'en ce qui concerne le contrôle exercé par la police sur les militants appartenant aux divers partis politiques extrémistes la convention panaméricaine de La Havane de 1928, ratifiée par le Costa Rica en même temps que par les autres républiques américaines, accorde aux autorités d'immigration de tous les pays signataires de larges pouvoirs quant à l'entrée ou au refus d'entrée des étrangers susceptibles de mettre en danger l'ordre public, pouvoirs qui comprennent la vérification de l'objet des visites faites dans le pays.
    3. 118 Les plaignants n'allèguent pas que M. Solis Barboza aurait été empêché de quitter le territoire du Costa Rica pour assister au Chili à une réunion syndicale, ils allèguent simplement que les autorités costariciennes auraient prévenu les autorités chiliennes de la venue au Chili de l'intéressé.
    4. 119 Il semble que cette démarche des autorités costariciennes se soit inscrite dans le cadre d'accords réciproques découlant de la convention panaméricaine de La Havane, il semble par ailleurs qu'à la suite de cette démarche les autorités chiliennes se soient bornées à procéder à une vérification du but de la visite de M. Solis Barboza; le comité note qu'il n'est du reste pas allégué que la personne en question se serait vue refuser l'entrée au Chili ou la participation à la réunion syndicale prévue.
    5. 120 Dans ces conditions, considérant que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il y ait eu en la circonstance atteinte à l'exercice des droits syndicaux, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect de la plainte n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 121. Pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, pour les raisons indiquées respectivement aux paragraphes 97 et 98, 110 et 111, 115 et 118 à 120 ci-dessus, que les allégations relatives à des bagarres entre service d'ordre et grévistes à Puerto Limon, au licenciement des travailleurs de la fabrique de lingerie de Luxform, aux menaces de répression qui pèseraient sur le mouvement ouvrier et paysan, et à des mesures prises à l'encontre de M. Juan Rafael Solis Barboza, secrétaire à la presse de l'organisation plaignante, à l'instigation des autorités costariciennes, n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives à l'expulsion de dirigeants syndicaux de la zone bananière occupée par l'entreprise Ticaban et pour les raisons indiquées aux paragraphes 93 et 94 ci-dessus:
    • i) de rappeler au gouvernement l'importance qu'il attache aux possibilités d'accès des représentants syndicaux aux plantations pour l'exercice d'activités syndicales et au droit des travailleurs des plantations de tenir sur place des réunions syndicales;
    • ii) d'exprimer la préoccupation que lui cause le fait que les recommandations formulées antérieurement à l'adresse du gouvernement au sujet de ces possibilités d'accès et de réunion ne semblent pas avoir abouti à l'adoption de mesures concrètes visant à rendre ce droit effectif;
    • iii) de prier le gouvernement de le tenir informé des mesures qu'il aura adoptées ou qu'il envisagera d'adopter à cet effet;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives au licenciement des travailleurs syndiqués des plantations et pour les raisons indiquées aux paragraphes 104 à 107 ci-dessus:
    • i) de noter que, dans certains cas, en raison des articles 28, 29 et 85 du Code du travail, la législation nationale ne semble pas assurer une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par l'article 1 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par le Costa Rica;
    • ii) d'inviter le gouvernement à envisager toutes mesures utiles pour accorder une protection adéquate à tous les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale ainsi que le prévoit la convention no 98;
    • iii) de prier le gouvernement de tenir le Conseil d'administration au courant de ce qui aura été fait ou envisagé dans ce sens;
    • iv) d'attirer sur ce qui précède l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations;
    • d) en ce qui concerne les allégations relatives à l'attaque par les forces gouvernementales de travailleurs syndiqués dans le Valle de la Estrella et pour les raisons indiquées aux paragraphes 89 et 90 ci-dessus:
    • i) de noter qu'en vertu de l'article 368 du Code du travail les différends susceptibles de survenir entre employeurs et travailleurs dans les services publics doivent obligatoirement être portés pour règlement devant les tribunaux du travail;
    • ii) de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si les procédures prévues par la loi avaient été suivies avant que ne soit déclenchée la grève dont il est question dans cet aspect de l'affaire, et, dans la négative, les raisons pour lesquelles lesdites procédures n'ont pas été mises en oeuvre;
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement dans le présent paragraphe.
      • Genève, 27 mai 1970. Roberto AGO, président.
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