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- 118. Après s'être occupé de ce cas à sa réunion de février 1963 , le Comité en a poursuivi l'examen à sa réunion de mai 1963, au cours de laquelle il a soumis au Conseil d'administration le rapport intérimaire contenu aux paragraphes 219 à 279 du soixante-dixième rapport, qui a été approuvé par le Conseil d'administration le 1er juin 1963, lors de sa 155ème session.
- 119. Dans ce rapport, le Comité recommandait au Conseil d'administration de renoncer à examiner certaines allégations concernant les sévices qui auraient été infligés aux syndicalistes emprisonnés et l'appui qu'auraient fourni les autorités à l'établissement d'une organisation syndicale rivale à Aden. En ce qui concerne les autres allégations, dont il est question dans le présent rapport, le Comité a demandé au gouvernement du Royaume-Uni de fournir des informations complémentaires ou, dans certains cas, de formuler ses observations. Depuis lors, ainsi qu'on le verra plus loin, un certain nombre de nouveaux documents ont été reçus de la part des plaignants, et le gouvernement du Royaume-Uni a fourni de nouvelles informations et présenté des observations.
- 120. Le Royaume-Uni a ratifié la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et il a déclaré qu'elles étaient applicables, sans modification, à Aden.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- Allégations relatives à l'ordonnance de 1960 sur les relations professionnelles (conciliation et arbitrage)
- 121 A sa réunion de février 1963, le Comité était saisi d'une communication de la Confédération internationale des syndicats libres, (C.I.S.L), datée du mois d'août 1962, dans laquelle diverses dispositions de l'ordonnance de 1960 sur les relations professionnelles (conciliation et arbitrage) étaient critiquées. La C.I.S.L se plaignait notamment des sanctions prescrites par l'ordonnance en cas de grève ou de violation des sentences ou des procédures des tribunaux du travail. D'une manière plus générale, la plaignante prétendait que ces sanctions pénales, de même que les dispositions rendant l'arbitrage obligatoire et interdisant les grèves, avaient remplacé la négociation collective libre par un système de contrainte. Ces allégations ont été analysées d'une façon plus détaillée aux paragraphes 101 à 103 et 108 à 110 du soixante-huitième rapport du Comité.
- 122 Le Comité était également saisi d'une lettre du gouvernement, en date du 29 octobre 1962, dans laquelle celui-ci, après avoir rappelé ses observations sur l'ordonnance en question, que le Comité avait examinées à propos du cas no 221 relatif à Aden, analysait l'évolution récente constatée à Aden dans le domaine des relations professionnelles, puis fournissait des données statistiques et exposait certains faits concernant les grèves et les conventions collectives conclues; de plus, le gouvernement déclarait que le ministre du Travail d'Aden avait invité les représentants des organisations d'employeurs et de salariés à siéger au sein d'un Conseil professionnel mixte d'Aden, chargé de donner des avis au gouvernement d'Aden sur les problèmes et la législation du travail, ainsi que sur les moyens d'améliorer les relations professionnelles, et dont la première tâche serait de donner au ministre toutes indications utiles pour que le gouvernement d'Aden puisse procéder à une étude de l'ordonnance sur les relations professionnelles. Ces observations du gouvernement ont été analysées en détail aux paragraphes 112 à 114 du soixante-huitième rapport du Comité.
- 123 Aux paragraphes 116 à 118 du soixante-huitième rapport, le Comité a reconsidéré son examen antérieur, fait à propos du cas no 221 relatif à Aden, des dispositions de l'ordonnance en cause, et cela, à la lumière des dispositions de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, déclarée applicable, sans modification, à Aden par le gouvernement du Royaume-Uni; il a alors étudié les témoignages dont il était saisi - tels qu'ils sont exposés dans les deux paragraphes précédents - en ce qui concerne l'application de l'ordonnance au cours des deux années ayant suivi sa promulgation.
- 124 Enfin, au paragraphe 120 de son soixante-huitième rapport, le Comité, après avoir pris note des propositions du gouvernement relatives à un Conseil professionnel mixte d'Aden, demandait au gouvernement de bien vouloir indiquer, si possible, la date à laquelle on prévoyait que cet organisme commencerait à donner au ministre des avis quant à l'examen critique de l'ordonnance sur les relations professionnelles.
- 125 Cette demande d'information a été adressée au gouvernement du Royaume-Uni par une lettre en date du 14 mars 1963.
- 126 A sa réunion de mai 1963, le Comité n'avait pas encore reçu l'information en question, mais il était saisi d'une nouvelle communication du Congrès des syndicats d'Aden, datée du 6 avril 1963, dans laquelle, après avoir critiqué le Tribunal du travail d'Aden parce que, dans deux ou trois cas où ses jugements avaient favorisé des travailleurs, l'instance d'appel les avait annulés et condamné les travailleurs à des dépens de 2.000 livres sterling, cette organisation déclarait qu'elle avait informé le gouvernement britannique qu'elle-même et la Fédération des employeurs d'Aden étaient convenues d'établir un Conseil consultatif mixte sous la présidence du commissaire au travail, et non pas du ministre du Travail, estimant que les questions de travail devaient être tenues à l'écart des politiciens.
- 127 Dans ces conditions, comme on peut le lire au paragraphe 237 du soixante-dixième rapport, le Comité a décidé de prier de nouveau le gouvernement de bien vouloir fournir les informations demandées précédemment et de faire connaître ses observations sur les propositions mentionnées par le Congrès des syndicats d'Aden, dans sa communication du 6 avril 1963.
- 128 Dans une communication en date du 11 novembre 1963, le gouvernement du Royaume-Uni a déclaré qu'à la suite de négociations entamées en juillet 1963 par le gouvernement d'Aden avec les employeurs et les travailleurs, il a été convenu que le Conseil consultatif mixte devrait être constitué sous la présidence du commissaire au travail. Le Conseil a tenu sa séance inaugurale le 17 septembre et sa première séance de travail le 16 octobre. Le Conseil était censé se réunir au moins une fois par mois, mais il n'était pas encore possible de prévoir quelles propositions seraient formulées quant aux amendements susceptibles d'être apportés à l'ordonnance sur les relations professionnelles.
- 129 Aucune autre communication n'a été reçue du gouvernement au sujet du cas no 291. Toutefois, dans le rapport, reçu le 20 novembre 1963, qu'il a fourni pour la période 1961-1963, en vertu de l'article 35 de la Constitution de l'O.I.T, au sujet de l'application à Aden de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, le gouvernement du Royaume-Uni a déclaré que l'on envisagerait d'abroger sans délai l'ordonnance sur les relations professionnelles (conciliation et arbitrage) et de la remplacer par une nouvelle ordonnance sur l'aménagement des relations professionnelles.
- 130 Le Comité prie le gouvernement de bien vouloir lui faire savoir si les discussions au sein du Conseil consultatif mixte à Aden se poursuivent, si le Congrès des syndicats d'Aden y participe et si elles ont fait surgir des propositions quant à une éventuelle modification de l'ordonnance de 1960 sur les relations professionnelles (conciliation et arbitrage), du fait notamment qu'il a déclaré, comme cela a été indiqué dans le paragraphe précédent, que l'on envisageait d'abroger sans délai cette ordonnance.
- Allégations relatives à l'application des dispositions pénales de l'ordonnance de 1960 sur les relations professionnelles (conciliation et arbitrage)
- 131 Plusieurs des plaignants ont invoqué la condamnation de travailleurs à des peines d'emprisonnement en vertu des dispositions de l'ordonnance, ainsi que le renvoi et la déportation de différents grévistes, en 1961 et en 1962. Ces allégations et les observations du gouvernement à ce sujet ont été examinées par le Comité à sa réunion de mai 1963; elles sont analysées aux paragraphes 238 à 256 du soixante-dixième rapport.
- 132 Le premier groupe d'allégations se réfère notamment: aux amendes infligées à des grévistes appartenant au Syndicat des travailleurs des industries diverses et des techniciens, à la suite d'une grève qui a eu lieu en octobre 1961; à la condamnation de M. A. Murshed, secrétaire général de ce syndicat, à vingt-sept mois d'emprisonnement correctionnel pour incitation à la grève et sédition; à la condamnation, en janvier 1962, de M. A. Obeid, président du Syndicat des travailleurs des raffineries, à quatre mois d'emprisonnement, et à celle de dix membres du comité exécutif de ce syndicat, à six semaines, pour avoir tenu une réunion syndicale durant les heures de travail; à la condamnation à un an de prison de cinq membres d'un comité d'urgence, désigné par le Syndicat des travailleurs employés localement pour le compte des forces armées, pour avoir refusé en janvier 1962, avant que le mouvement de grèves envisagé eût commencé, de s'engager à observer l'ordonnance; à la condamnation de M. A. Aswadi, secrétaire général adjoint du Congrès des syndicats d'Aden; à la condamnation de M. A. Latif, président du Syndicat des travailleurs employés localement pour le compte des forces armées, à trois mois de prison, à la suite d'une grève déclenchée le 11 avril 1962, ainsi qu'à l'infliction d'amendes à trente grévistes lors d'une grève déclenchée par le même syndicat les 9 et 10 mai 1962.
- 133 Le Comité était saisi d'une lettre du gouvernement, en date du 29 octobre 1962, précisant que les poursuites pour faits de grève avaient été toutes engagées en vertu de l'article 24 de l'ordonnance qui prescrit des sanctions en cas de participation ou d'incitation à une grève, et que ces sanctions avaient été appliquées avec modération.
- 134 Dans une communication datée du 18 avril 1963, le gouvernement a confirmé la condamnation de MM. Aswadi et Latif, en faisant valoir que la grève du 11 avril 1962 était une grève politique illégale destinée à forcer la main au gouvernement d'Aden alors que des négociations collectives étaient en cours. Sur les trente grévistes accusés après les événements des 9 et 10 mai 1962, vingt-trois seulement furent frappés d'une amende de 50 shillings chacun pour avoir participé à une grève illégale.
- 135 Les allégations du deuxième groupe émanaient de la F.S.M, du Congrès des syndicats d'Aden et de la C.I.S.L.; elles ont trait à des faits ultérieurs.
- 136 La F.S.M a allégué qu'une grève générale, déclarée le 19 novembre 1962, pour soutenir certaines revendications de caractère économique et pour protester contre le projet de former une fédération des Etats de l'Arabie du Sud, a provoqué l'arrestation de plus de cent syndicalistes, dont M. Abdulla Al Asnag, secrétaire général du Congrès des syndicats d'Aden, et de son collègue, M. Idris Hambala, accusé d'avoir fait paraître des publications subversives; elle a déclaré, en outre, qu'une grève, ordonnée le 22 octobre 1962 par le Syndicat des travailleurs employés localement pour le compte des forces armées, afin de protester contre certains licenciements et le refus de donner suite à des revendications formulées depuis deux ans, avait entraîné l'arrestation de cent soixante-cinq grévistes, dont cent deux furent expulsés. De son côté, le Congrès des syndicats d'Aden a signale, en date du 15 décembre 1962, que plus de quatre cents syndicalistes, comprenant des présidents, des secrétaires et des délégués de syndicats, de même que d'autres personnes qui travaillaient à Aden depuis plus de dix ans, ont été enlevés de leurs postes de travail et déportés sans avoir comparu devant un tribunal quelconque et sans avoir été autorisés à revoir leur famille ou à toucher les salaires qui leur étaient dus. Se référant également aux événements qui ont suivi la grève du 19 novembre 1962, la C.I.S.L a indiqué que vingt-trois travailleurs de l'industrie et vingt-quatre employés de banque ont fait l'objet de poursuites, que vingt-trois employés des services aériens ont été frappés d'une amende, que deux dockers ont été expulsés, que douze employés de l'administration du port d'Aden ont été poursuivis et condamnés à une peine de prison ou à une amende, que onze ouvriers employés localement par les forces britanniques ont été condamnés à deux mois d'emprisonnement correctionnel, que quatre-vingt-treize autres ont été frappés d'une amende, que vingt-sept employés du gouvernement ont été poursuivis et que quarante autres ont été congédiés.
- 137 Le gouvernement a fourni des observations sur ce second groupe d'allégations dans une communication en date du 18 avril 1963, où il affirme que la grève du 22 octobre 1962 était illégale et qu'elle avait été déclenchée alors que des négociations étaient en cours. D'après lui, les raisons données par le Syndicat pour justifier cette grève étaient que l'employeur (l'armée britannique) refusait de recourir à l'arbitrage sur deux des six points en litige, et qu'il avait refusé de réintégrer tous les civils licenciés. Le gouvernement a fait valoir que l'armée n'avait pas refusé de recourir à l'arbitrage, mais que le conciliateur avait considéré que celui-ci était prématuré puisque le règlement du conflit était en bonne voie et que, selon une procédure convenue avec le syndicat, 30 pour cent des ouvriers congédiés avaient reçu une offre de rengagement. Quant aux personnes expulsées, quatre-vingt-dix d'entre elles l'avaient été parce qu'elles étaient considérées comme indésirables du fait qu'elles n'avaient pas légalement le droit de résider à Aden.
- 138 Le gouvernement indiquait en outre que la grève générale du 19 novembre 1962 avait été déclenchée pour des motifs politiques et n'était liée à aucun conflit du travail. A l'appui de cette affirmation, il se référait à la protestation élevée par le Congrès des syndicats d'Aden, dans sa communication du 15 décembre 1962, selon laquelle des travailleurs étaient déportés « parce qu'ils ont répondu sans réserve à l'appel lancé par le Congrès des syndicats d'Aden pour que des grèves générales soient déclarées et accompagnées, au besoin, de démonstrations publiques, en signe de protestation contre le nouveau plan britannique relatif à la fusion d'Aden avec des Etats féodaux arriérés... ».
- 139 A sa réunion de mai 1963, le Comité a constaté que le gouvernement avait témoigné à propos de plusieurs cas dans lesquels des grévistes avaient fait l'objet de poursuites, conformément aux allégations des plaignants. Le gouvernement n'a toutefois pas présenté d'observation sur le cas de M. Obeid, président du Syndicat des travailleurs des raffineries, et sur celui des dix membres du Comité syndical qui, d'après la communication de la C.I.S.L du 1er août 1962, auraient été emprisonnés pour avoir tenu une réunion syndicale durant les heures de travail (voir paragr. 132 ci-dessus). Il s'est également abstenu de présenter des observations sur la détention dont auraient été l'objet cinq représentants du Syndicat des travailleurs employés localement pour le compte des forces armées du fait qu'ils auraient refusé de s'engager à observer l'ordonnance de 1960 sur les relations professionnelles (conciliation et arbitrage) (voir paragr. 132). Il ne s'est pas non plus référé à la condamnation à vingt-sept mois d'emprisonnement correctionnel qui aurait été prononcée contre M. Murshed, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des industries diverses et des techniciens (voir paragr. 132). En ce qui concerne les allégations portant sur l'expulsion de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, figurant au paragraphe 136 ci-dessus, le gouvernement s'est borné à déclarer que quatre-vingt-dix personnes qui n'avaient aucun droit de résider à Aden ont été déportées comme indésirables. Enfin, le gouvernement n'a pas encore fait connaître ses observations relatives à la plainte de la C.I.S.L, en date du 26 mars 1963, concernant quelque deux cents poursuites qui auraient été intentées après la grève du 19 novembre 1962 (voir paragr. 136 ci-dessus), se bornant à dire que deux personnes nommées par la F.S.M comme se trouvant parmi celles qui avaient été arrêtées - M. Al Asnag, secrétaire général du Congrès des syndicats d'Aden, et son collègue, M. Idris Hambala - étaient en prison pour avoir publié une brochure séditieuse.
- 140 Dans ces conditions, le Comité, comme cela est indiqué au paragraphe 258 de son soixante-dixième rapport, a décidé de demander au gouvernement de bien vouloir fournir un complément d'information sur les déportations qui ont suivi la grève du 22 octobre 1962, des renseignements sur les cas de MM. Obeid, Murshed, Al Asnag et Hambala et des cinq personnes qui auraient été détenues préventivement pour avoir refusé de s'engager à respecter l'ordonnance - ainsi que des précisions relatives aux raisons sur lesquelles les jugements des tribunaux étaient fondés - et ses observations sur la communication de la C.I.S.L en date du 26 mars 1963.
- 141 Dans une communication datée du 13 juin 1963, le Congrès des syndicats d'Aden déclare que des centaines de personnes ont été emprisonnées, condamnées à une amende ou déportées, en vertu de la disposition de l'article 24 (1) de l'ordonnance de 1960 sur les relations professionnelles (conciliation et arbitrage) qui interdit les grèves, « sous le seul prétexte qu'elles avaient cessé le travail avec toute la population, qu'il s'agisse d'ouvriers, de manoeuvres, de marchands ou d'artisans, sans tenir compte de l'existence ou de l'absence d'un conflit de travail »; il ajoute que « l'ordonnance a, en fait, été utilisée pour mettre un terme à un arrêt général du travail pour protester contre la politique du gouvernement lorsque Aden a adhéré à une Fédération qui était très impopulaire ».
- 142 Le Congrès des syndicats d'Aden affirme également qu'un plus grand nombre de personnes ont été déportées « en raison de leur appartenance au mouvement syndical et de leur participation directe ou indirecte à ses activités et aspirations légitimes ». Il signale que des « milliers de travailleurs ont été ainsi déportés à la suite d'une grève symbolique d'un jour » et ajoute que nul ne peut rien faire contre les « pouvoirs discrétionnaires dont jouit le gouverneur, qui lui permettent de déporter toute personne qui n'est pas un sujet britannique né à Aden ».
- 143 Le plaignant critique ensuite les dispositions de l'ordonnance sur la procédure pénale à Aden qui habilitent les tribunaux à maintenir en prison, au lieu de la mettre en liberté provisoire, toute personne accusée d'un délit déterminé. Il précise que c'est en vertu de ces dispositions que les tribunaux ont refusé de mettre en liberté provisoire MM. Al Asnag et Murshed, dont les cas ont déjà été mentionnés, ainsi qu'une autre personne, M. Abdulla Wahti, dont le nom n'avait pas été indiqué précédemment.
- 144 Le plaignant donne en outre de nouveaux détails sur le cas de M. Al Asnag, secrétaire général du Congrès des syndicats d'Aden, et déclare que les autorités recourent de plus en plus aux poursuites pour sédition afin de pouvoir incarcérer les personnes qui s'opposent à leurs plans. M. Al Asnag serait d'abord demeuré en prison pendant deux mois et demi après que sa demande de mise en liberté provisoire eût été rejetée par la Cour suprême, puis son emprisonnement se serait prolongé durant neuf mois pendant son procès et après sa condamnation, à la suite de quoi le jugement prononcé à son égard aurait été cassé par la Cour d'appel de Nairobi. A ce moment-là, il avait purgé entièrement sa peine, mais les lois en vigueur à Aden ne lui permettaient pas de demander réparation.
- 145 Dans une communication en date du 11 novembre 1963, le gouvernement commence par fournir des précisions au sujet des personnes expulsées à la suite de la grève du 22 octobre 1962. C'est ainsi que, d'après lui, cinquante-quatre personnes ont été déportées au Yémen, vingt-six dans le protectorat d'Aden et dix en Somalie, en vertu de l'article 4 (1) c) de l'ordonnance sur le vagabondage et les personnes indésirables.
- 146 Le gouvernement formule ensuite des observations sur quelques-uns des cas particuliers au sujet desquels le Comité lui avait demandé un complément d'information.
- 147 Le gouvernement déclare ainsi que M. Abdullah Ali Obeid, président du Syndicat des travailleurs de la raffinerie B.P, a été condamné à quatre mois d'emprisonnement pour avoir incité à la grève, en violation de l'article 24 (3) de l'ordonnance sur les relations professionnelles. En outre, il a été inculpé avec dix membres du Comité exécutif, en vertu de l'article 24 (1) de l'ordonnance, pour avoir participé à une grève; chacune de ces personnes a alors été condamnée à six semaines de prison. Le 2 décembre 1961, presque tous les travailleurs ont quitté leur travail, sans autorisation, pour assister à une assemblée générale du Syndicat des travailleurs de la raffinerie B.P. Il en serait résulté une réduction considérable de l'effectif de la centrale électrique et des installations, d'où de graves risques pour la vie humaine et le matériel au moment même où les pompiers avaient, également sans autorisation, quitté leur poste. Cet acte a d'ailleurs été commis en violation de la procédure en vigueur pour le règlement des différends du travail, selon laquelle aucune revendication importante ne peut faire l'objet d'un différend avant d'avoir été examinée lors de la réunion, qui se tient normalement tous les quinze jours, entre les représentants du syndicat. Si aucun accord n'intervient, l'une ou l'autre des parties en cause peut demander la convocation d'une nouvelle réunion, dans un délai de sept jours, pour poursuivre l'examen de la question. Si cette réunion aboutit de nouveau à un échec, la question doit être soumise, sous réserve de l'acceptation des deux parties, à un comité de conciliation ayant un président neutre à sa tête. Aucun mouvement de grève ne doit être ordonné avant que les deux premières réunions paritaires aient eu lieu et que la possibilité d'une conciliation ait été envisagée. C'est dire que toute grève doit être annoncée sept jours d'avance. Après ces incidents, les parties ont conclu, le 20 avril 1962, un accord qui apportait diverses améliorations aux conditions de travail.
- 148 M. Murshed, secrétaire général du Syndicat des techniciens, a été inculpé de sédition au sens de l'article 124 A du Code pénal et de trois délits commis en violation de l'article 24 (3) de l'ordonnance sur les relations professionnelles. Il a été condamné à dix-huit mois d'emprisonnement correctionnel pour le premier chef d'inculpation et à trois mois pour chacun des trois autres chefs. Sa peine totale s'établissait ainsi à vingt-quatre mois d'emprisonnement correctionnel. La Cour d'appel de Nairobi a réduit cette peine à dix-huit mois (dont douze mois pour la peine infligée du chef de sédition). Dans un télégramme daté du 16 octobre 1961, le Syndicat des travailleurs techniciens a menacé de déclencher une grève le 20 octobre. Lors d'une réunion tenue le 17 octobre, il décida de passer à l'action. Une demi-heure avant la fin de cette réunion, l'association des entrepreneurs civils a fait savoir au Syndicat qu'elle était prête à augmenter le nombre des jours fériés, les congés annuels payés et les salaires, ainsi qu'à réduire la durée hebdomadaire du travail. Le 21 octobre, cette offre fut soumise, par écrit, aux représentants du Syndicat; mais ceux-ci négligèrent, à ce que prétend le gouvernement, d'en informer les membres lorsqu'il fut décidé, lors d'une assemblée générale tenue le 22 octobre, de poursuivre la grève pendant quarante-huit heures encore. Le 24 octobre, les employeurs, invoquant l'article 10 de l'ordonnance sur les relations professionnelles, signalèrent l'existence du différend et avertirent en conséquence, le même jour, le secrétaire du Syndicat. Mais le même soir, à en croire le gouvernement, la grève fut de nouveau prolongée pour quarante-huit heures et les représentants du Syndicat refusèrent de participer à toute réunion convoquée en application de l'ordonnance. Le 24 octobre, M. Murshed a prononcé, dans les locaux du Congrès des syndicats d'Aden, un discours qui lui valut d'être accusé d'avoir tenu des propos séditieux et d'être condamné, en vertu de l'article 124 A du Code pénal. Les travailleurs reprirent le travail le 28 octobre 1961 et une convention collective fut conclue en février 1962.
- 149 M. Al Asnag a été arrêté le 8 novembre 1962 et inculpé, aux termes de l'article 124 A du Code pénal, d'incitation à la publication d'une brochure séditieuse intitulée 24th September the Immortal (Sternal) Day. A la mi-décembre, il fut condamné à douze mois d'emprisonnement correctionnel. La Cour d'appel d'Aden ramena sa peine à huit mois. Le 3 juin 1963, le jugement fut annulé par la Cour d'appel de Nairobi. M. Al Asnag avait été libéré le 21 avril 1963 après avoir purgé sa peine, dont une partie avait été remise. Quant à M. Hambala, il avait été condamné, pour le même motif, à une peine de neuf mois d'emprisonnement correctionnel, ramenée à six mois à la suite d'un appel adressé au tribunal local. Le jugement fut également annulé par la Cour d'appel de Nairobi alors qu'il avait déjà purgé sa peine. Il a été libéré le 11 mars 1963.
- 150 Le 28 février 1962, cinq membres du « comité d'urgence » du Syndicat des travailleurs employés localement pour le compte des forces armées avaient été sommés de comparaître devant le magistrat principal pour signer un engagement aux termes duquel ils devaient s'engager par écrit à se bien comporter et à maintenir la paix sociale pendant douze mois. Cette sommation avait eu lieu en vertu de l'article 74 de l'ordonnance sur la procédure pénale, pour incitation à la grève et pour distribution, aux membres du syndicat, de tracts les invitant à déclencher un mouvement de grève, ce qui était contraire aux dispositions de l'ordonnance sur les relations professionnelles. Ayant refusé de signer cet engagement, ils furent emprisonnés en application de l'article 77 de l'ordonnance sur la procédure pénale. Ils interjetèrent appel en avril 1962, mais sans succès. L'un d'entre eux signa alors l'engagement et fut relâché. Les quatre autres firent de nouveau appel, en août 1962, auprès de la Cour suprême, qui réagit favorablement en déclarant que la situation s'était modifiée à Aden et qu'elle ne nécessitait plus la signature de l'engagement en question; ils furent alors relâchés.
- 151 Le troisième groupe d'allégations concernant les mesures prises contre les grèves fait l'objet d'une communication en date du 27 novembre 1963, du Congrès des syndicats d'Aden, où il est dit que, lors d'une grève des employés civils des forces armées, cinquante travailleurs ont été arrêtés; quarante d'entre eux auraient été déportés par la suite.
- 152 Le gouvernement commente ces allégations dans une communication en date du 19 mars 1964. La grève en question a duré du 21 novembre au 5 décembre 1963. Alors que le Syndicat affirme que les autorités militaires avaient échoué dans le règlement de certains différends en suspens depuis longtemps, ces autorités auraient offert, d'après le gouvernement, d'engager des négociations dès que la grève aurait cessé. Le gouvernement ajoute que cette grève, au fur et à mesure qu'elle s'amplifiait, « a cessé d'être une affaire purement professionnelle » et a reçu un large appui politique de la part des adversaires du gouvernement d'Aden. En outre, les grévistes ont recouru à des méthodes d'intimidation, et leurs dirigeants sont allés jusqu'à photographier les travailleurs qui ne participaient pas à la grève. Au cours de cette grève, trente-quatre personnes au service de l'armée ont été déportées en vertu de l'article 4 (1) c) de l'ordonnance sur le vagabondage et les personnes indésirables. En outre, vingt et une personnes, qui n'étaient pas au service des forces armées, ont été déportées également. Les personnes en question n'étaient pas originaires d'Aden et leur expulsion a été considérée comme nécessaire pour des raisons de sécurité du fait de la situation tendue qui régnait à l'époque. A l'heure actuelle, un accord a été réalisé entre les parties sur plusieurs des questions en litige.
- 153 Enfin, la Fédération arabe des travailleurs du pétrole a allégué, dans une communication du 12 décembre 1963, que le gouvernement d'Aden avait arrêté et déporté sans raison valable, les 27 et 30 novembre 1963, respectivement, M. Ali Naser Obahi et M. Mohammed Ahmed Hammadi, dirigeants du Syndicat des travailleurs du pétrole d'Aden.
- 154 Dans une communication datée du 13 mai 1964, le gouvernement déclare que le premier des deux noms indiqués se rapporte sans doute à M. Ali Naser Ubahi Radas déporté au Yemen en vertu de l'ordonnance sur le vagabondage et les personnes indésirables. Quant au cas de M. Hammadi, il fait l'objet d'une enquête. Des renseignements seront fournis à ce sujet.
- 155 Les informations dont dispose maintenant le Comité au sujet des divers cas invoqués par les plaignants sont presque complètes. Ces cas peuvent être répartis en deux groupes. D'un côté, il s'agit de grèves - ou d'instigations à la grève - déclenchées en violation des dispositions de l'ordonnance de 1960 sur les relations professionnelles (conciliation et arbitrage), ce qui a permis aux autorités d'imposer des peines de prison ou d'infliger des amendes, voire, lorsqu'il s'agissait de personnes considérées par le gouvernement comme étrangères ou non autorisées légalement à résider à Aden, de prendre des arrêtés d'expulsion à leur égard. De l'autre, on trouve les condamnations de MM. Al Asnag et Hambala en vertu des lois relatives à la sédition. Le cas de M. Murshed relève de ces deux groupes à la fois.
- 156 En ce qui concerne le premier groupe de cas, le Comité s'est toujours inspiré du principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève étaient de sa compétence dans la mesure - mais seulement dans la mesure - où l'exercice des droits syndicaux était en jeu, et il a recommandé au Conseil d'administration, à de nombreuses occasions , d'affirmer que le droit de grève des travailleurs et des organisations de travailleurs constitue un moyen essentiel de promouvoir et de défendre leurs intérêts professionnels. En revanche, le Comité a rejeté les allégations relatives aux grèves lorsque celles-ci avaient un caractère non professionnel , visaient à faire pression sur un gouvernement au sujet d'une question politique ou étaient dirigées contre la politique gouvernementale, autrement dit, lorsqu'elles n'avaient pas eu « un conflit du travail pour objet » e.
- 157 Si les faits établis semblent montrer clairement, en l'occurrence, que les grèves d'octobre 1961 et de novembre 1962 ont eu, du moins dans une large mesure, un caractère politique, celles du 22 octobre 1962, d'octobre 1963 et de novembre-décembre 1963 avaient apparemment été déclenchées pour appuyer des revendications économiques, bien qu'elles l'eussent été en violation de l'ordonnance sur les relations professionnelles. Quoi qu'il en soit, les poursuites engagées contre les grévistes le furent sur la base des dispositions pénales de l'ordonnance. Etant donné les deux déclarations du gouvernement, faites dans des contextes différents (voir paragr. 122, 128 et 129 ci-dessus), selon lesquelles l'ordonnance pourrait être modifiée ou abrogée, et du fait que le Comité a décidé de demander au gouvernement un complément d'information sur le développement de la situation à cet égard, le Comité considère qu'il devrait attendre les renseignements complémentaires demandés au sujet de l'ordonnance en général avant de soumettre au Conseil d'administration ses recommandations définitives quant à l'application de certaines dispositions de ce texte dans des cas déterminés.
- 158 Toutefois, les cas de poursuites pour sédition n'ont aucun rapport direct avec l'ordonnance en cause.
- 159 Le premier de ces cas concerne M. Murshed, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des industries diverses et des techniciens, qui a été condamné à la fois pour actes de grève et pour sédition, la peine infligée de ce dernier chef étant de dix-huit mois d'emprisonnement (elle a été réduite à douze mois à la suite d'un appel). Le Comité ayant demandé un complément d'information, le gouvernement a fourni des précisions au sujet des actes de grève commis par M. Murshed, mais sans formuler la moindre observation à propos de sa condamnation, déjà connue du Comité, pour sédition, en vertu de l'article 124 A du Code pénal.
- 160 Dans des cas antérieurs, où les gouvernements intéressés avaient répondu, à la suite d'allégations selon lesquelles des dirigeants syndicalistes ou des travailleurs avaient été arrêtés ou emprisonnés en raison d'activités syndicales, que ces mesures avaient été prises du fait d'activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou parce qu'il s'agissait de délits de droit commun, le Comité avait pris pour règle de demander aux gouvernements en question de fournir de nouvelles informations, aussi précises que possible, sur les arrestations ou incarcérations. Si, dans certains cas, le Comité a conclu que les allégations relatives à l'arrestation ou la détention de militants syndicalistes n'appelaient pas un examen plus poussé, il l'a fait après avoir reçu des informations démontrant, d'une manière suffisamment précise et détaillée, que de telles mesures avaient été provoquées non point par des activités syndicales, mais uniquement par des actes n'ayant rien à voir avec le syndicalisme et qui étaient préjudiciables à l'ordre public ou avaient un caractère politique .
- 161 M. Murshed a été condamné pour sédition à la suite d'un discours qu'il aurait prononcé, le 24 octobre 1961, dans les locaux du Congrès des syndicats d'Aden. Le Comité estime que sa tâche serait facilitée, lors de l'examen de cet aspect particulier du cas de M. Murshed, s'il disposait de détails précis sur le contenu du discours en question; c'est pourquoi il prie le gouvernement de bien vouloir lui fournir des précisions à ce sujet.
- 162 Le cas de MM. Al Asnag et Hambala est différent, en ce sens que leur condamnation (pour avoir incité à la distribution de publications séditieuses) a été annulée ultérieurement.
- 163 Dans certains cas a, le Comité a relevé que l'arrestation ou la détention de syndicalistes qui, par la suite, ne peuvent être déclarés coupables d'aucun délit est assimilable à une limitation des droits syndicaux. En l'occurrence, les deux accusés ont été effectivement condamnés, mais le jugement a été cassé par la Cour d'appel de Nairobi; le Comité ignore si cette dernière mesure a été prise en raison du bien-fondé de la cause ou pour des motifs d'ordre technique.
- 164 Dans le passé, en outre, le Comité a adopté la méthode consistant à ne pas examiner les questions faisant l'objet de procédures judiciaires sur le plan national lorsque de telles procédures étaient de nature à révéler des faits susceptibles de l'aider à déterminer si les allégations étaient fondées ou non . Le Comité relève qu'il a souvent prié les gouvernements intéressés de fournir des informations sur des procédures judiciaires et sur leurs résultats.
- 165 Le Comité demande donc au gouvernement de bien vouloir lui fournir une copie du jugement de la Cour d'appel de Nairobi annulant la condamnation et la peine dont MM. Al Asnag et Hambala avaient fait l'objet.
- Allégations relatives au système politique et législatif à Aden
- 166 Dans sa communication en date du 13 juin 1963, le Congrès des syndicats d'Aden critique le fait que le gouverneur d'Aden peut refuser d'approuver les ordonnances adoptées par le Conseil législatif; en outre, il s'en prend aux pouvoirs souverains dont le Royaume Uni jouit à l'égard d'Aden et se plaint de ce que les textes législatifs subsidiaires ne sont pas soumis au Conseil législatif. Après avoir formulé diverses allégations quant au droit de vote du peuple et au fait que les élections au Conseil législatif n'ont pas eu lieu en temps voulu, le Congrès des syndicats d'Aden élève certaines objections au sujet du système appliqué pour la désignation des membres du Conseil général de la Fédération des Etats de l'Arabie du Sud.
- 167 Dans sa communication en date du 16 mars 1964, le gouvernement rejette cette partie de la plainte en déclarant qu'elle n'a aucun rapport avec l'exercice des droits syndicaux.
- 168 Ces allégations, qui concernent uniquement le régime politique et constitutionnel d'Aden, ne sont assorties d'aucune référence à la liberté syndicale ou à l'exercice des droits syndicaux. Le Comité estime donc que cette partie de la plainte a un caractère purement politique, de sorte qu'il n'est pas opportun d'en poursuivre l'examen.
- 169 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que lesdites allégations n'appellent pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à la suppression d'un journal syndical
- 170 Aux paragraphes 270 à 273 de son soixante-dixième rapport, le Comité a examiné les allégations relatives à la suppression, en février 1962, du journal intitulé Al Ommal du Congrès des syndicats d'Aden. De l'avis du gouvernement, cette mesure aurait été prise après la publication, par ce journal, de textes subversifs ou séditieux. Le Congrès des syndicats d'Aden a déclaré, de son côté, que les autorités, alors qu'elles lui reprochaient d'avoir publié des textes séditieux, n'avaient jamais poursuivi les éditeurs pour cette raison. Il signale en outre, dans sa communication du 6 avril 1963, que trois demandes d'autorisation de publier un journal syndical sont toujours en suspens.
- 171 Le Comité a rappelé, à sa réunion de mai 1963, qu'il avait estimé, dans un certain nombre de cas antérieurs , que le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l'un des éléments essentiels du droit syndical. Dans certains cas , lorsque des gouvernements ont répondu, à la suite d'allégations concernant l'interdiction ou la suppression de journaux syndicaux, que la mesure était prise parce que ces journaux avaient publié des articles séditieux ou de caractère politique et antinational, le Comité n'a formulé ses recommandations au Conseil d'administration qu'après avoir vu des extraits des publications en cause, par lesquels les gouvernements justifiaient l'interdiction prononcée, et il a demandé à ces derniers de lui fournir de tels extraits lorsqu'ils ne l'avaient pas fait en présentant leurs observations.
- 172 Le Comité a donc prié le gouvernement de fournir des extraits du journal Al Ommal ayant motivé le retrait de la licence accordée à cet organe par suite de la publication d'articles prétendument subversifs ou séditieux.
- 173 Dans une nouvelle communication en date du 13 juin 1963, le Congrès des syndicats d'Aden s'est plaint du fait que le haut-commissaire (appelé gouverneur auparavant) peut interdire un journal, en tout temps, sans avoir à justifier sa décision, qui ne peut faire l'objet d'aucun recours devant les tribunaux.
- 174 Dans sa communication en date du 11 novembre 1963, le gouvernement déclare que le retrait de la licence accordée au journal en question n'a pas été motivé par le contenu d'un seul article ou d'un seul numéro, mais qu'il a été décidé à la suite de la publication continuelle d'informations inexactes et en raison de l'insécurité qui régnait à l'époque. Le gouvernement ajoute qu'il n'est saisi « pour l'instant » d'aucune demande émanant du Congrès des syndicats d'Aden en vue de faire paraître un journal et qu'aucune demande de ce genre n'a été reçue depuis que le gouvernement national de l'Etat d'Aden a été formé en vertu de la nouvelle Constitution du 18 janvier 1963.
- 175 La dernière réponse du gouvernement n'ajoute rien à sa déclaration générale antérieure, selon laquelle le journal a été supprimé pour avoir publié des textes subversifs ou séditieux qui n'ont apparemment pas entraîné de poursuites contre les éditeurs. De même, elle ne contient aucun commentaire quant à l'allégation suivant laquelle les pouvoirs publics peuvent décider discrétionnairement de retirer la licence accordée à un journal sans que cette décision puisse faire l'objet d'aucun recours devant les tribunaux, alors qu'une telle situation, si elle était vraiment conforme à la réalité, pourrait conduire le Comité à se demander si elle est compatible avec l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - déclarée applicable à Aden sans modification -, article aux termes duquel les organisations de travailleurs ou d'employeurs ont le droit d'organiser leur activité sans que les autorités publiques interviennent.
- 176 Dans ces conditions, le Comité demande au gouvernement de bien vouloir fournir des précisions sur les aspects de la question traités dans le paragraphe précédent.
- Allégations relatives à l'interdiction des réunions publiques, des rassemblements et des démonstrations
- 177 Dans sa communication en date du 13 juin 1963, le Congrès des syndicats d'Aden prétend que toute réunion publique, tout rassemblement et toute démonstration de caractère pacifique sont prohibés, en précisant que l'avis du gouvernement no 21, de 1963, interdit l'apposition sur les bâtiments, publics ou privés, de symboles, placards ou images, et que la police a enlevé des drapeaux, des images et d'autres symboles des bâtiments occupés par les syndicats.
- 178 Dans sa réponse à la plainte du Congrès des syndicats d'Aden, le gouvernement ne mentionne pas cette affaire. Aussi le Comité prie-t-il le gouvernement de bien vouloir lui fournir des informations à ce sujet.
- Allégations relatives à la non-reconnaissance des droits syndicaux dans la Fédération des Etats de l'Arabie du Sud
- 179 Le Congrès des syndicats d'Aden allègue, dans sa communication du 6 avril 1963, que les syndicats sont considérés comme illégaux dans les Etats de la Fédération d'Arabie du Sud autres qu'Aden. Il ajoute que le Syndicat des enseignants d'Aden, qui a été reconnu durant les sept années précédentes, a cessé de l'être par le ministre fédéral de l'Education, sous le prétexte que l'éducation intéresse la Fédération tout entière et non pas seulement l'Etat d'Aden. Depuis la création de cette Fédération, d'autres syndicats qui existaient auparavant et des syndicats en voie de formation ne seraient plus ou pas reconnus. Dans l'Etat d'Abyan, en outre, des salariés qui avaient demandé une révision de leurs salaires auraient été arrêtés.
- 180 Le gouvernement répond, dans sa communication du 11 novembre 1963, que, conformément à la Constitution de la Fédération des Etats de l'Arabie du Sud, les questions de travail sont du ressort des différents Etats. Dans tous ces Etats, sauf celui d'Aden, la population vit uniquement de l'agriculture et aucune demande n'a été présentée en vue de la formation de syndicats. Le gouvernement précise que s'il n'existe en fait aucune organisation syndicale dans ces Etats, « il serait pourtant inexact de prétendre que l'activité syndicale y est illégale ».
- 181 Le Syndicat des enseignants d'Aden est une organisation enregistrée. Toutefois, il n'a jamais demandé à être reconnu comme une organisation avec laquelle le gouvernement, en sa qualité d'employeur, pourrait négocier, bien que ses représentants aient eu, dans le passé, des entretiens officieux avec le ministère de l'Education. Le 6 février 1962, ce syndicat a présenté une demande de reconnaissance officielle, à la suite de quoi il a été requis de fournir des précisions sur ses statuts et sa composition. Le gouvernement indique que cette requête est restée jusqu'ici sans réponse, mais qu'il ne manquera pas, dès que les renseignements demandés lui seront parvenus, d'envisager la possibilité de reconnaître ledit syndicat.
- 182 A l'allégation formelle selon laquelle les syndicats sont illégaux dans les Etats de la Fédération, à l'exception d'Aden, le gouvernement rétorque que s'il n'existe effectivement pas de syndicats dans ces Etats, « il serait pourtant inexact de prétendre que l'activité syndicale y est illégale ». Le Comité demande au gouvernement de préciser si l'on peut déduire de sa déclaration que les travailleurs des Etats en question sont légalement autorisés à former des syndicats, à adhérer à des organisations de ce genre et à s'adonner à des activités syndicales s'ils le désirent. Le Comité prie en outre le gouvernement de bien vouloir se prononcer sur l'allégation selon laquelle des travailleurs de l'Etat d'Abyan ont été arrêtés pour avoir demandé une révision de leurs salaires.
- Allégations relatives au projet d'ordonnance sur l'emploi (enregistrement et contrôle de l'engagement)
- 183 Dans sa communication du 13 juin 1963, le Congrès des syndicats d'Aden allègue que le projet d'ordonnance sur l'emploi (enregistrement et contrôle de l'engagement) viole les droits syndicaux de diverses façons. Il joint le texte de ce projet.
- 184 Le plaignant affirme que, du fait même que le projet prévoit l'enregistrement de tous les travailleurs (sauf les employés du gouvernement et des organismes semi-gouvernementaux), ceux-ci ne pourront obtenir un emploi que s'ils sont enregistrés et recommandés par le service de placement. Il prétend en outre qu'au moment de solliciter son enregistrement, chaque travailleur se verra poser des questions personnelles sur ses convictions politiques et son appartenance à un parti ou à une organisation, au risque d'essuyer un refus et d'être inscrit sur une liste noire si ses réponses ne sont pas jugées satisfaisantes. D'ailleurs, l'employeur ne saurait être tenu d'engager tel ou tel travailleur enregistré et recommandé; au contraire, il pourrait fort bien l'écarter en raison de ses antécédents syndicaux. Ce serait là, d'après le plaignant, la conséquence de l'article 13 (3) du projet, selon lequel un employeur ne peut pas être obligé d'embaucher une personne enregistrée, au cas où il aurait « de bonnes raisons pour refuser d'engager cette personne ». Le plaignant estime au surplus que l'interdiction, prévue à l'article 21 du projet, de conclure un contrat de travail contrairement aux dispositions de l'ordonnance permettrait aux employeurs de passer outre aux conventions collectives auxquelles ils sont partie et, notamment, aux accords interdisant l'emploi de travailleurs non syndiqués, qui consacrent la formule « dernier venu, premier parti », en créant des vacances pour éliminer les syndiqués « fauteurs de troubles ».
- 185 Le plaignant déclare qu'il lui est impossible de s'opposer au projet ou de faire connaître ses vues. Celui-ci sera d'ailleurs adopté automatiquement par le pouvoir législatif sans que le mouvement syndical soit consulté. Et quiconque s'aviserait de prononcer un discours en public contre ledit projet risquerait d'être condamné pour sédition à une peine de trois ans de prison au minimum.
- 186 Dans une communication en date du 16 mars 1964, le gouvernement, sans se prononcer sur les différents points mentionnés par le plaignant, déclare que, grâce au Conseil consultatif mixte (voir plus haut, paragr. 128), « le Congrès des syndicats d'Aden dispose d'un moyen adéquat et efficace d'exprimer ses vues de façon détaillée » sur les projets de textes législatifs « et que le gouvernement d'Aden tiendra dûment compte de celles-ci ».
- 187 Dans certains cas précédents, le Comité s'est demandé jusqu'à quel point il devait prendre position à l'égard de textes législatifs à l'état de projets. Bien qu'il ait parfois écarté les allégations de ce genre , parce qu'elles étaient trop vagues ou parce que les projets invoqués n'étaient pas appuyés par le gouvernement, il a déclaré en revanche, lorsqu'il était en présence d'allégations précises et détaillées quant à un projet soumis au pouvoir législatif par le gouvernement, que le fait que ces allégations se rapportaient à un texte n'ayant pas encore force de loi ne saurait l'empêcher de donner son avis sur leur bien-fondé. Le Comité a en effet estimé qu'il était opportun, dans de telles circonstances, de faire connaître son opinion, au gouvernement et au plaignant, sur le projet de texte législatif avant qu'il soit adopté, puisque le gouvernement pouvait seul prendre l'initiative d'y apporter les modifications jugées souhaitables .
- 188 Dans le cas présent, le plaignant a fourni le texte intégral d'un projet de texte législatif du gouvernement et il prétend que les dispositions relatives à l'enregistrement permettraient aux employeurs non seulement de se livrer à des actes de discrimination antisyndicale, en refusant d'embaucher tel travailleur ou en renvoyant tel autre, mais encore de passer outre aux dispositions de conventions collectives en vigueur. Il semble que ces allégations, si elles étaient fondées, pourraient soulever certaines questions, notamment en ce qui concerne l'application de la convention no 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par le gouvernement du Royaume-Uni et déclarée applicable, sans modification, à Aden.
- 189 Dans sa réponse, le gouvernement n'a pas contesté l'exactitude du texte du projet fourni par le plaignant et qui lui a été transmis avec la plainte.
- 190 Il ressort du texte de ce projet que les travailleurs devraient être inscrits dans des registres différents selon qu'ils seraient nés ou non à Aden. Il est d'usage courant que les pouvoirs publics soumettent l'emploi d'étrangers à certaines formalités, par exemple à l'enregistrement ou à l'obtention d'un permis de travail, voire à ces deux mesures à la fois. Dans ces conditions, le Comité estime qu'il doit limiter ses observations, du moins pour l'instant, au statut, prévu par le projet, des travailleurs d'Aden qui ne sont pas des étrangers.
- 191 En déclarant que la convention no 98 était applicable sans modification à Aden, le gouvernement du Royaume-Uni a assumé l'obligation de veiller à ce que les travailleurs conformément à l'article 1er de cet instrument, jouissent d'une protection suffisante dans leur emploi, contre les actes de discrimination antisyndicale.
- 192 Le gouvernement s'est également engagé à faire en sorte, conformément à l'article 4 de la convention, que des mesures adaptées aux conditions nationales soient prises, au besoin, pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi.
- 193 En outre, l'article 3 de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, qui a été aussi déclarée applicable sans modification à Aden, énonce que toutes mesures pratiques et possibles doivent être prises pour assurer aux organisations syndicales représentant les travailleurs intéressés le droit de conclure des conventions collectives avec des employeurs ou des organisations d'employeurs.
- 194 Il ressort également du texte du projet en cause que, si celui-ci était adopté dans sa forme actuelle, l'accès à l'emploi en général et à certains postes en particulier dépendrait de l'enregistrement du travailleur, et que l'autorité compétente en la matière disposerait d'une grande liberté d'action pour accepter ou refuser les candidats. Dans le passé, le Comité a attiré l'attention, lorsque l'attribution des emplois était soumise à des réserves par la législation, sur le fait que de telles dispositions risquaient d'empêcher la négociation de conventions collectives prévoyant de meilleures conditions, notamment en ce qui concerne l'accès à des postes déterminés, d'où une limitation, pour les travailleurs intéressés, de leur droit de négocier collectivement et d'améliorer leurs conditions de travail, lequel est considéré généralement comme un élément essentiel de la liberté syndicale .
- 195 Tout en prenant note de la déclaration du gouvernement selon laquelle le Congrès des syndicats d'Aden sera à même, grâce au Conseil consultatif mixte, d'exprimer ses vues, dont le gouvernement d'Aden tiendra dûment compte, le Comité attire l'attention du gouvernement du Royaume-Uni sur l'importance qu'il attache à l'observation des garanties et des principes mentionnés aux paragraphes précédents, en formulant l'espoir que tout sera mis en oeuvre pour en assurer l'application lors de l'adoption du projet en question.
- 196 Sous réserve des remarques ci-dessus, le Comité a décidé de ne pas pousser plus loin, pour le moment, l'examen des allégations en cause et de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant des développements de la situation.
- Allégations relatives au projet de texte législatif sur l'enregistrement des sociétés
- 197 Dans sa communication en date du 1er avril 1963, l'Internationale du personnel des postes, télégraphes et téléphones se réfère à une proposition tendant à promulguer, à Aden, un texte législatif selon lequel la décision définitive quant à l'autorisation ou à l'interdiction d'un syndicat serait laissée au greffier (registrar) des syndicats ou, dans certains cas, conjointement au greffier et au gouverneur siégeant en Conseil.
- 198 Dans sa communication du 13 juin 1963, le Congrès des syndicats d'Aden allègue que ce texte obligerait toutes les sociétés à demander l'enregistrement ou l'exemption de cette formalité. Or, la Centrale syndicale d'Aden prétend que le texte en question habiliterait le greffier à lui refuser l'enregistrement du simple fait qu'il aurait la conviction qu'elle est « en relation » avec une organisation ou groupe « de caractère politique » ayant son siège hors de la colonie, ce qui l'obligerait à refuser ledit enregistrement s'il lui paraissait : a) que le Congrès est « susceptible » de viser ou de servir, soit à des fins illicites, soit « à des fins préjudiciables ou contraires à la paix, au bien-être ou au bon ordre dans la colonie », ou encore que son enregistrement risquerait « d'être préjudiciable d'une autre manière à la paix, au bien-être ou au bon ordre de la colonie »; b) que les statuts du Congrès des syndicats d'Aden sont, à un titre quelconque, « contraires » aux dispositions d'une loi en vigueur dans la colonie ou « incompatible avec d'autres circonstances ».
- 199 Il est évident que si un tel texte était adopté et qu'il s'appliquât également aux organisations syndicales, ainsi que le prétend le plaignant, les dispositions susmentionnées devraient être examinées à la lumière de celles de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui a été déclarée applicable sans modification à Aden.
- 200 Toutefois, le gouvernement déclare dans sa communication du 4 septembre 1963, à propos de la plainte de l'Internationale du personnel des P.T.T, que le projet en cause n'a pas encore été soumis au Conseil législatif d'Aden et qu'il ne le sera sans doute pas dans un avenir immédiat.
- 201 En outre, le gouvernement se réfère à la déclaration mentionnée au paragraphe précédent dans sa communication du 16 mars 1964 relative à la plainte du Congrès des syndicats d'Aden en date du 13 juin 1963.
- 202 Dans ces conditions, le Comité, sans vouloir préjuger son attitude future si un texte rédigé dans les termes indiqués était soumis au pouvoir législatif, estime qu'il ne servirait à rien, pour le moment, de poursuivre l'examen de ces aspects de la question. Aussi recommande-t-il au Conseil d'administration, compte tenu de ces réserves, de décider que les allégations en cause n'appellent pas une étude plus poussée.
- Allégations relatives aux mesures prises pendant l'état d'urgence
- 203 Une série de plaintes ont été présentées au B.I.T à la suite de la proclamation, le 10 décembre 1963, de l'état d'urgence.
- 204 Dans une plainte en date du 16 décembre 1963, la C.I.S.L déclare avoir reçu un rapport d'où il ressort que M. Al Asnag, secrétaire général du Congrès des syndicats d'Aden, et la plupart des autres dirigeants syndicaux ont été emprisonnés et ont entrepris une grève de la faim pour avoir été maltraités, que les membres d'une délégation syndicale ont été arrêtés après une entrevue avec le haut-commissaire et que du matériel de bureau appartenant au Congrès des syndicats d'Aden a été confisqué. Dans une communication datée du 17 décembre 1963, la C.I.S.L signale en outre qu'elle a appris que trois dirigeants syndicaux - MM. Al Asnag, Khalifa et Mia - ont été torturés.
- 205 La C.I.S.L fournit de plus amples détails dans une communication du 6 février 1964. Elle affirme que le gouvernement de la Fédération des Etats de l'Arabie du Sud a proclamé l'état d'urgence le 10 décembre 1963, à la suite du lancement d'une grenade contre un groupe d'officiels à l'aéroport d'Aden, et que le Congrès des syndicats d'Aden a écrit le lendemain au haut-commissaire pour condamner cet attentat. De nombreux syndicalistes furent arrêtés, si bien que, quelques semaines après l'événement, une cinquantaine d'entre eux se trouvaient détenus en dehors de l'Etat d'Aden, dont presque tous les membres du comité exécutif du Congrès. Aucun d'eux n'a été inculpé. Quatre syndicalistes qui s'étaient rendus chez le haut-commissaire pour l'entretenir de ces arrestations furent eux-mêmes arrêtés.
- 206 Le 6 février 1964- date de la plainte - quinze syndicalistes étaient toujours détenus dans un camp, à Alittihad, sans qu'ils aient été inculpés. Il s'agissait de MM. Al Asnag, Ali Hussein Qadi, Muhamed A. Dahab, Adbu Khalil, Muhamed Saeed Basharein, Ahmed Haider, Ali Aswadi, Mohamed Shamsheir, Ahmed Abdul Malek, Salahudin A. Rehman, Othman Saif, Ibrahim Zokari, Abdulla Baidhani, Saleh Uriggi et Amin Aswadi. Trois autres syndicalistes étaient emprisonnés à Aden, mais l'un d'eux seulement avait été inculpé, le 22 janvier 1964, à la suite d'un attentat à la grenade. Il a également été rapporté à la C.I.S.L que le seul membre du comité exécutif du Congrès des syndicats d'Aden qui était encore en liberté, M. Khalid Abdo Ali, a été arrêté au début de février.
- 207 La plaignante ajoute que du matériel de bureau appartenant au Congrès et à ses organisations affiliées a été confisqué par la police quelques jours après l'attentat à la grenade et qu'il a été restitué seulement un mois plus tard.
- 208 La C.I.S.L affirme en outre qu'il est interdit depuis le 10 décembre 1963 de tenir, sans une autorisation écrite d'une personne habilitée par le ministre de la Sécurité intérieure, une réunion de cinq personnes ou plus, dans un lieu public ou privé, pour d'autres buts que des buts religieux, sportifs ou récréatifs, ce qui a pour effet de rendre illicite toute réunion, non autorisée au préalable, de dirigeants ou de délégués syndicaux.
- 209 Dans sa communication en date du 24 janvier 1964, la Fédération syndicale mondiale allègue de son côté que, sitôt après l'attentat à la grenade, des milliers de personnes ont été arrêtées et déportées, dont des centaines de syndicalistes, parmi lesquels se trouvaient MM. Al Asnag et Hussein El Kadi, secrétaire et président du Congrès des syndicats d'Aden, ainsi que d'autres membres du Comité exécutif. Elle ajoute que l'attentat à la grenade, avec lequel ces personnes n'avaient rien à voir, a servi de prétexte pour réprimer certains mouvements anticoloniaux. De plus, elle confirme les allégations de la C.I.S.L au sujet de la confiscation de matériel appartenant à des syndicats et des limitations apportées au droit de réunion, tout en précisant que les dirigeants du Congrès se sont vu interdire l'accès aux locaux de l'organisation.
- 210 Enfin, la Fédération arabe des travailleurs du pétrole déclare, dans une communication datée du 12 décembre 1963, que le gouvernement d'Aden a arrêté, le 11 décembre 1963, deux cents travailleurs du pétrole, et tous les membres du Syndicat des travailleurs du pétrole d'Aden. Dans une communication ultérieure, en date du 30 janvier 1964, elle signale que, sur les dix-neuf membres du Comité exécutif du Syndicat des travailleurs du pétrole d'Aden, quinze sont en prison et deux ont été déportés; elle ajoute que les autorités ont confisqué les fonds et le matériel d'imprimerie de cette organisation.
- 211 Dans sa communication datée du 16 mars 1964, le gouvernement déclare que M. Al Asnag et quelques autres dirigeants syndicaux se trouvaient parmi les très nombreuses personnes incarcérées, en décembre 1963, en vertu de l'état d'urgence proclamé à la suite de l'attentat à la grenade, perpétré à Aden le 10 décembre, qui s'est soldé par deux morts et quarante-deux blessés. Les personnes détenues n'étaient pas forcément soupçonnées d'avoir participé directement à cet attentat. Elles ont été arrêtées parce que leur activité représentait, dans les circonstances de l'heure, une menace pour la sécurité publique. Aux dires du gouvernement, ces arrestations n'avaient rien à voir avec l'exercice d'activités syndicales légitimes. Quelques détenus ont été relâchés très vite et la plupart des autres - dont M. Al Asnag, ainsi que d'autres dirigeants syndicalistes, appartenant notamment au Congrès - ont été libérés le 10 février 1964. Une seule personne, n'appartenant pas aux milieux syndicaux, a été maintenue en prison en vertu de l'état d'urgence.
- 212 L'un des dirigeants du Syndicat du personnel des services aériens d'Aden, M. Khalifa, dont le nom est mentionné dans la communication de la C.I.S.L en date du 17 décembre 1963, figurait parmi les personnes détenues; par la suite, toutefois, il a été inculpé de meurtre, étant accusé d'avoir jeté la grenade, et il attend d'être jugé.
- 213 Peu après les arrestations en question, des bruits, selon lesquels certaines personnes auraient été torturées, se répandirent rapidement. Le gouvernement affirme que ces bruits se sont révélés dénués de tout fondement, ainsi que cela a été reconnu par trois membres travaillistes du Parlement qui étaient de passage à Aden et sont allés voir les détenus, pas le médecin sanitaire qui les a examinés, puis dans le rapport de la commission, présidée par le président de la Cour suprême d'Aden, qui a mené une enquête judiciaire à ce sujet.
- 214 Après l'attentat, déclare le gouvernement, des tracts furent distribués qui incitaient à de nouveaux actes de violence et décrivaient l'auteur dudit attentat comme un héros. Au cours de ses investigations, la police saisit, dans les bureaux du Congrès des syndicats, des machines à écrire et des documents qu'elle supposait ne pas être sans rapport avec la diffusion des tracts. Ce matériel a été restitué à son propriétaire. A aucun moment, les locaux du Congrès n'ont été fermés.
- 215 Dans une lettre en date du 7 avril 1964, le gouvernement confirme que, selon le décret proclamant l'état d'urgence, toute réunion de cinq personnes ou plus exige une autorisation préalable. Cela s'applique à toutes les associations et non pas seulement aux syndicats. Une telle autorisation ne saurait être refusée pour une réunion syndicale convoquée à des fins purement professionnelles. Aussi bien une autorisation de ce genre a-t-elle été accordée récemment au Congrès des syndicats d'Aden pour des réunions du Comité exécutif et des représentants des sections, à la condition que seules des questions d'ordre professionnel y soient discutées et que le nombre des participants ne dépasse pas trente personnes.
- 216 Dans sa communication datée du 13 mai 1964, le gouvernement affirme que, contrairement aux allégations faites à ce sujet, aucun travailleur du pétrole ou membre du Syndicat des travailleurs du pétrole d'Aden n'a été arrêté le 11 décembre 1963. A aucun moment, pendant l'état d'urgence, le nombre des détenus originaires de l'Etat d'Aden n'a été supérieur à cinquante-neuf. Au 31 décembre 1962, on avait estimé que le Syndicat des travailleurs du pétrole d'Aden comptait 2.627 membres. Au 31 mars 1964, 2.575 membres avaient accepté par écrit la retenue de leur cotisation à la source. Pendant toute la période en cause, les entreprises pétrolières d'Aden ont fonctionné normalement. Ces faits, ajoute le gouvernement, prouvent la fausseté des allégations. D'après le gouvernement, une seule personne est détenue, dans l'Etat d'Aden, en vertu de la réglementation relative à l'état d'urgence, et il ne s'agit pas d'un membre du Syndicat des travailleurs du pétrole d'Aden. Le gouvernement conteste en outre la confiscation de matériel d'imprimerie ou de fonds appartenant audit syndicat.
- 217 Dans une communication ultérieure datée du 28 mai 1964, le gouvernement déclare que cinq membres du comité exécutif de ce syndicat ont été arrêtés en vertu de la réglementation d'urgence, quatre d'entre eux ayant été relâchés le 10 février 1964 et le cinquième ayant été déporté dans l'Etat de Qaiti, dans le protectorat de l'Arabie du Sud, où il est né.
- 218 Il est de notoriété publique que la situation politique à Aden a été extrêmement tendue pendant une certaine période. De plus, un attentat à la grenade a fait, le 10 décembre 1963, deux morts et quarante-deux blessés. Le gouvernement a immédiatement proclamé l'état d'urgence, arrêté temporairement un grand nombre de personnes, soumis à certaines restrictions les réunions syndicales ou autres, de cinq personnes ou plus, et accordé une autorisation, d'une durée d'un mois, au Congrès des syndicats d'Aden pour des réunions, de caractère vraiment syndical, de trente personnes au maximum; il déclare en outre qu'aucune autorisation ne saurait être refusée pour des réunions syndicales convoquées à des fins purement professionnelles. Il semble enfin que le seul dirigeant syndical encore en prison est la personne, attendant d'être jugée, qui est accusée d'avoir lancé la grenade le 10 décembre 1963.
- 219 Les plaignants n'ont fourni aucune preuve attestant que les arrestations en cause étaient en rapport avec les activités syndicales des intéressés ou que la réglementation relative à l'état d'urgence a été appliquée plus rigoureusement aux syndicats qu'à d'autres organisations et qu'à l'ensemble de la collectivité.
- 220 Dans ces conditions, le Comité estime que les plaignants n'ont pas prouvé que les mesures prises en vertu du décret du 10 décembre 1963 proclamant l'état d'urgence constituaient une violation des droits syndicaux. Aussi recommande-t-il au Conseil d'administration de décider que les allégations en cause n'appellent pas de sa part un examen plus détaillé.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 221. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider que les allégations relatives au système politique et législatif en vigueur à Aden, ainsi qu'aux mesures prises pendant l'état d'urgence, n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
- b) de décider, compte tenu des réserves faites au paragraphe 202, que les allégations relatives au projet de texte législatif sur l'enregistrement des sociétés n'appellent pas de sa part un examen plus détaillé;
- c) de prendre note du présent rapport intérimaire du Comité sur les autres allégations, étant entendu que le Comité lui soumettra un nouveau rapport sur ce point lorsqu'il aura reçu d'autres informations et les observations qu'il a décidé de demander au gouvernement.