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Rapport définitif - Rapport No. 67, 1963

Cas no 241 (France) - Date de la plainte: 13-OCT. -60 - Clos

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  1. 20. La plainte originale de la Confédération générale des syndicats indépendants (Paris) est contenue dans deux communications des 13 octobre et 22 novembre 1960. Le texte de ces dernières ayant été transmis au gouvernement, celui-ci a fait parvenir ses observations à leur sujet par deux lettres en date des 27 décembre 1960 et 6 janvier 1961, respectivement. Par ailleurs, l'Union confédérale C.G.S.I.-C.F.T a présenté, dans une communication du 4 janvier 1961, certaines observations au sujet des questions soulevées dans la plainte de la Confédération générale des syndicats indépendants; cette dernière communication a été transmise au gouvernement le 17 janvier 1961. Enfin, la Confédération générale des syndicats indépendants a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte par une communication du 15 novembre 1961, laquelle a été transmise au gouvernement le 27 novembre 1961; le gouvernement a répondu par une lettre en date du 21 février 1962.
  2. 21. Le Comité a été saisi pour la première fois de ce cas à sa session du mois de février 1961. A l'occasion de l'examen auquel il avait alors procédé, le Comité a constaté que les allégations formulées - qui seront analysées ci-dessous plus en détail - avaient trait essentiellement au refus d'accorder des sièges à l'organisation plaignante au sein d'organismes aux travaux desquels cette dernière estimait avoir un droit strict de participer, puisqu'il lui avait été accordé par voie de décret. Le Comité a constaté, en outre, que ce droit avait été contesté par une autre organisation syndicale, laquelle avait formé un recours devant le Conseil d'Etat visant à obtenir l'annulation pour excès de pouvoir du décret attribuant un siège à l'organisation plaignante au sein de l'un des organismes auxquels il a été fait allusion plus haut.
  3. 22. Fidèle en cela à sa pratique constante, le Comité, estimant que la décision à intervenir était susceptible de lui fournir d'utiles éléments d'information pour son appréciation des allégations formulées, a décidé de solliciter du gouvernement l'envoi du texte de l'arrêt du Conseil d'Etat lorsque celui-ci aurait été rendu, et d'ajourner en attendant l'examen du cas dans son ensemble.
  4. 23. En l'absence des informations complémentaires attendues du gouvernement, le Comité a ainsi ajourné l'examen de l'affaire lorsqu'il a été saisi du cas à ses sessions de mai 1961, novembre 1961, février 1962 et mai 1962.
  5. 24. Le Conseil d'Etat a rendu son arrêt le 11 avril 1962 et le gouvernement en a communiqué la teneur au Bureau par une lettre en date du 22 juin 1962. Le Comité se trouve donc maintenant en mesure de poursuivre l'examen du cas.
  6. 25. La France a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 26. Les plaignants allèguent que le gouvernement français aurait délibérément porté atteinte à la libre détermination des organismes de direction et des assemblées de la Confédération générale des syndicats indépendants. Ces atteintes, qui auraient été destinées à étouffer la C.G.S.I, seraient constituées par un ensemble de mesures dont l'organisation plaignante expose le déroulement de manière très détaillée. Les faits, tels qu'ils sont décrits par les plaignants, sont résumés dans les paragraphes qui suivent, lesquels contiennent également une analyse des observations présentées par le gouvernement et font état, enfin, des commentaires présentés par l'Union confédérale C.G.S.I.-C.F.T.
  2. 27. La plainte comporte trois séries principales d'allégations: allégations relatives à la non-représentation de l'organisation plaignante au sein de la Commission supérieure des conventions collectives, allégations relatives à sa non-représentation au sein du Comité national consultatif et allégations relatives à sa non-représentation au sein du Conseil économique et social. Ces allégations sont étroitement liées entre elles et ne constituent en somme - on le verra en analysant les observations du gouvernement - que trois aspects différents d'un même problème. Pour la commodité de l'exposé, elles seront analysées ci-dessous séparément; toutefois, elles ne feront pas l'objet de conclusions distinctes; les conclusions du Comité couvriront l'ensemble de la situation dont il aura eu à connaître.
    • Allégations relatives à la non-représentation de l'organisation plaignante au sein de là Commission supérieure des conventions collectives
  3. 28. Par un décret no 59-164, en date du 7 janvier 1959, la C.G. S.I. obtenait la reconnaissance de sa qualité d'organisation représentative nationale par l'octroi d'un siège à la Commission supérieure des conventions collectives. Donnant suite à une demande du ministre du Travail, la C.G.S.I a communiqué au ministre les noms de MM. Leys et Rouet, élus par la commission administrative confédérale de l'organisation plaignante pour occuper les sièges de représentant titulaire et de représentant suppléant au sein de la Commission supérieure des conventions collectives. La C.G.S.I n'ayant pas reçu de réponse à sa communication et s'étant enquise des suites que l'on entendait lui donner, il lui aurait été « officieusement déclaré qu'un membre du cabinet de la Présidence de la République, M. Guichard, avait fait connaître au ministère du Travail que lesdits sièges devaient être attribués à deux autres personnes, dont il donna les noms, MM. Jacquet et Fiorentino ». Il s'agissait, allèguent les plaignants, de deux hommes mis en avant conjointement par la direction de la firme automobile SIMCA et par l'U.N.R. (parti gouvernemental). Depuis, déclarent les plaignants, le décret du 7 janvier 1959 est resté lettre morte; en d'autres termes, la C.G.S.I continue à ne pas être représentée à la Commission supérieure des conventions collectives.
  4. 29. Dans ses observations, le gouvernement reconnaît que la C.G. S.I. ne s'est pas encore vu attribuer un siège à la Commission supérieure des conventions collectives. Il déclare cependant que, depuis la signature du décret dont il est question, une scission - résultat de sérieuses dissensions intestines - est survenue au sein de la C.G.S.I et que cette scission a remis en question le caractère représentatif de l'organisation plaignante, caractère qui conditionne l'octroi d'un siège à la Commission supérieure des conventions collectives.
  5. 30. Il ressort effectivement des longs mémoires que la confédération plaignante a adressés au B.I.T qu'il y a eu des dissensions au sein de cette organisation. Tout au long de ces mémoires, en effet, il est fait état de luttes acharnées entre personnes s'affirmant respectivement être les seules habilitées à porter le titre de secrétaire général, de procès que ces personnes ont intentés les unes contre les autres, de querelles sur le point de savoir qui représentait vraiment l'organisation ou qui avait droit au local, de manoeuvres exercées afin de faire prévaloir tel point de vue sur tel autre, d'élections qui auraient été truquées ou incorrectes, d'exclusion de militants, d'éclatement du syndicat et de tentatives avortées de fusion entre groupes dissidents. Quant à la scission dont parle le gouvernement - et dont les plaignants eux-mêmes font état -, la communication envoyée au B.I.T par l'Union confédérale C.G.S.I.-C.F.T. (fraction dissidente) suffirait à prouver qu'elle existe réellement.
  6. 31. Lorsqu'il a été saisi du cas à sa session de février 1961, le Comité a estimé qu'il lui serait difficile, au vu des éléments dont il disposait et étant donné une situation qui paraissait encore loin d'être stabilisée, de déterminer le degré de représentativité de l'organisation plaignante par rapport à celui des autres organisations en présence et, par conséquent, d'apprécier s'il y a effectivement eu atteinte au libre exercice des droits syndicaux. D'ailleurs, relevait le Comité, c'est la raison qu'invoquait le gouvernement pour n'avoir pas encore donné effet au décret no 59-164, du 7 janvier 1959, puisqu'il déclarait lui-même, dans l'état où se trouvaient les choses, n'être pas en mesure d'y voir clair.
  7. 32. Dans ses observations, on l'a vu (cf. paragr. 21 ci-dessus), le gouvernement déclarait en outre - fait confirmé par les plaignants dans leur communication du 15 novembre 1961 - que la Confédération française des travailleurs chrétiens avait formé, le 24 janvier 1959, un recours devant le Conseil d'Etat contre le décret du 7 janvier 1959 attribuant un siège à l'organisation plaignante au sein de la Commission supérieure des conventions collectives; le gouvernement indiquait à l'époque que le Conseil d'Etat n'avait pas encore rendu son arrêt.
  8. 33. Ainsi qu'on l'a dit plus haut (cf. paragr. 22 ci-dessus), le Comité, à sa session de février 1961, ayant constaté que toutes les garanties d'une procédure régulière paraissaient en l'occurrence garanties, a demandé au gouvernement de bien vouloir lui communiquer le texte de l'arrêt du Conseil d'Etat lorsque celui-ci aurait été rendu ainsi que celui de ses attendus.
    • Allégations relatives à la non-représentation de l'organisation plaignante au sein du Comité national consultatif
  9. 34. Les plaignants déclarent que le décret no 59-540, du 17 avril 1959, fixant la composition du Comité national consultatif prévu par une ordonnance antérieure, tendant à favoriser l'association ou l'intéressement des travailleurs à l'entreprise, disposait en son article premier qu'« entraient dans sa composition deux membres pour chacune des organisations de travailleurs représentatives sur le plan national ». Or, allèguent les plaignants, « la C.G.S.I, seule centrale ouvrière française dont le programme fondamental et l'action tendent à la suppression du salariat-contrat de louage pour lui substituer l'association des producteurs, n'a pas été admise à ce Comité national consultatif ».
  10. 35. Les plaignants laissent entendre que la raison pour laquelle le gouvernement a jusqu'ici différé sa décision concernant la participation de la C.G.S.I au Comité national consultatif réside dans le fait que cette dernière organisation aurait refusé de se laisser imposer des « créatures » poussées tant par certains milieux employeurs que par certains cercles politiques.
  11. 36. Sur cette question, le gouvernement fait valoir que le décret no 59-540, du 17 avril 1959, qui fixe la composition du Comité national consultatif institué auprès du ministre du Travail par l'ordonnance no 59-126, du 7 janvier 1959, dispose expressément que ce comité est composé notamment « des représentants en nombre égal des organisations d'employeurs et de travailleurs les plus représentatives sur le plan national, nommés par le ministre du Travail sur proposition desdites organisations, à raison de deux membres pour chacune des organisations de travailleurs précitées». Le gouvernement indiquait dans ses observations que, n'étant plus à même de déterminer quels étaient les hommes ayant qualité de représentants légaux de la C.G.S.I ni quelle était, des diverses organisations en présence, celle pouvant être considérée comme la plus représentative, il n'avait pas pu pourvoir les sièges prévus au Comité national consultatif.
  12. 37. Pour cette allégation comme pour l'allégation précédente, le Comité a estimé, lors de son examen du cas à sa session de février 1961, que l'arrêt du Conseil d'Etat mentionné plus haut était susceptible de lui fournir, sur la question, de précieux éclaircissements sans lesquels il ne saurait se prononcer en connaissance de cause.
    • Allégations relatives à la non-représentation de l'organisation plaignante au sein du Conseil économique et social
  13. 38. Les plaignants allèguent que, lorsque s'est posée la question du renouvellement de l'assemblée du Conseil économique et social - où la C.G.S.I occupait un siège depuis 1951 -, on leur aurait fait connaître qu'en vertu de la reconnaissance de leur qualité représentative nationale, le gouvernement était décidé à leur accorder quatre sièges. A cela, toutefois, on aurait posé la condition que trois de ces sièges soient attribués à des personnes désignées se trouvant n'avoir pas l'agrément de la C.G.S.I, laquelle aurait refusé d'accepter de telles conditions. Depuis, allèguent les plaignants, cette organisation n'est pas représentée au Conseil économique et social.
  14. 39. Dans ses observations, le gouvernement rappelle que la C.G.S.I a fait l'objet d'un éclatement et déclare que les remarques qu'il a présentées au sujet de la non-représentation de la C.G.S.I au Comité national consultatif (caractère représentatif douteux) peuvent également être invoquées en ce qui concerne l'absence de représentation de cette organisation au Conseil économique et social.
  15. 40. Ici encore, toutes les allégations du cas étant liées, le Comité a décidé, à sa session de février 1961, d'attendre d'être en possession des informations précisées au paragraphe 33 ci-dessus avant de formuler ses recommandations définitives au Conseil d'administration.
  16. 41. Le gouvernement a fait parvenir les renseignements sollicités par une communication en date du 22 juin 1962. Dans cette réponse, le gouvernement indique qu'à la suite d'un recours pour excès de pouvoir, formé par la Confédération française des travailleurs chrétiens, le Conseil d'Etat a rendu, le 11 avril 1962, un arrêt annulant le décret no 59-164, du 7 janvier 1959, relatif à la composition de la Commission supérieure des conventions collectives en tant que ce décret attribue à la C.G.S.I le siège supplémentaire ajouté par le décret no 59-162, du 7 janvier 1959, à la représentation des travailleurs au sein de ladite commission.
  17. 42. Pour aboutir à sa décision, le Conseil d'Etat s'est notamment fondé sur le fait que - pour reprendre les termes de l'arrêt - « d'après l'article 31, w), du livre premier du Code du travail modifié par le décret no 59-162 susvisé, du 7 janvier 1959, la Commission supérieure des conventions collectives comprend notamment « seize représentants des travailleurs répartis obligatoirement par un décret entre toutes les organisations syndicales nationales les plus représentatives » » et qu'« il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par le ministre du Travail, que la Confédération générale des syndicats indépendants ne groupe qu'une proportion des travailleurs syndiqués d'importance faible, aussi bien en elle-même que par comparaison avec les autres organisations syndicales nationales les plus représentatives, et que les adhérents des syndicats qu'elle groupe sont trop peu nombreux pour qu'elle puisse valablement concourir à représenter les salariés au sein de la Commission supérieure des conventions collectives; qu'ainsi, elle ne saurait être regardée comme ayant les effectifs suffisants pour se voir reconnaître le caractère d'une des organisations les plus représentatives ». Et l'arrêt concluait que « la Confédération française des travailleurs chrétiens est fondée à soutenir que le décret attaqué a fait une inexacte application des dispositions précitées en attribuant à la Confédération générale des syndicats indépendants le seizième siège des travailleurs à la Commission supérieure des conventions collectives ».
  18. 43. Il ressort de cet arrêt que la raison pour laquelle l'organisation plaignante a cessé d'être habilitée à siéger au sein de la Commission supérieure des conventions collectives réside dans le fait qu'aux yeux du Conseil d'Etat, elle ne répond pas aux conditions de représentativité exigées pour la participation de plein droit aux travaux de cet organisme. Il paraît découler des déclarations du gouvernement que les mêmes critères sont appliqués en ce qui concerne la participation aux autres organismes dont l'organisation plaignante se plaint d'être exclue, à savoir, le Comité national consultatif et le Conseil économique et social, et il est permis de conclure qu'en raison de son caractère non représentatif, l'organisation plaignante se voit donc écartée des organismes en question.
  19. 44. A l'occasion d'un cas antérieur, le Comité avait estimé qu'il n'était pas appelé à exprimer une opinion quant au droit d'une organisation donnée d'être invitée à participer à des organes consultatifs, à moins que le fait de son exclusion ne constitue un cas flagrant de discrimination affectant les principes de la liberté syndicale, et que c'était là une question qu'il appartenait au Comité de trancher, compte tenu des circonstances de chaque cas.
  20. 45. Dans le cas d'espèce, le Comité estime que les critères qui président à la détermination du caractère représentatif d'une organisation ne sont pas de nature à comporter une atteinte aux principes de la liberté syndicale; tels qu'ils sont fixés par l'article 31, f), du livre premier du Code du travail, en effet, ces critères sont « les effectifs, l'indépendance, les cotisations, l'expérience et l'ancienneté du syndicat, l'attitude patriotique pendant l'occupation ». Par ailleurs, le Comité ne saurait mettre en doute la compétence et l'indépendance de l'instance qui a, en l'occurrence, interprété ces critères, à savoir, le Conseil d'Etat.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 46. Dans ces conditions, le Comité considère qu'il y a lieu, pour lui, de recommander au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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